Caractéristiques dynamiques du mouvement de poursuite oculaire

Les caractéristiques générales de la poursuite oculaire 

La poursuite oculaire est utilisée par les humains et les primates non-humains pour suivre un objet en mouvement. Le but de la poursuite oculaire est de stabiliser l’image de cet objet sur la fovéa, afin de favoriser la vision en haute définition de l’objet mobile sélectionné. Le système doit évaluer la vitesse de cet objet puis programmer une commande motrice. L’exécution de cette commande tend à annuler la vitesse rétinienne de l’objet, qui dès lors n’est plus mesurable. Cette séquence met en jeu deux phases distinctes, les questions sont alors de comprendre quels signaux permettent le maintien d’un mouvement de poursuite oculaire et quelles sont les informations utilisées pour commander l’activité musculaire ?

Caractéristiques dynamiques du mouvement de poursuite oculaire

Pour répondre à ces questions, la description de la dynamique du comportement de poursuite se fait grâce à plusieurs mesures, en fonction des méthodologies utilisées et des périodes du mouvement. La mesure principale consiste à calculer la vitesse de l’œil, et à établir un gain de vitesse, qui est égal au ratio de la vitesse oculaire par rapport à celle de la cible. Une calcul du gain proche ou égale à 1 constitue une validation de la poursuite en cours. Les autres mesures s’étendent du calcul de l’erreur de position de l’œil par rapport à la cible, de l’accélération de l’œil, de la durée du mouvement, du nombre de saccades intrusives, et de la latence de la poursuite. Lorsque l’on demande à un sujet de suivre une cible à vitesse constante décrivant un mouvement horizontal de la gauche vers la droite .

On voit sur ce profil que l’œil ne commence pas son mouvement de manière synchrone avec l’objet, mais commence après une période de latence. Cette phase de latence est de l’ordre de 80-120 ms chez l’humain (Carl & Gellman, 1987 ; Krauzlis, 2004). Elle est suivie par une phase durant laquelle l’œil accélère (~100 ms). Selon les protocoles utilisés, cette phase d’accélération est composée d’une saccade de rattrapage, présente ici, ou non (i.e : Rashbass, 1960). Après la phase pré saccadique et la saccade de rattrapage, la vitesse de l’œil se stabilise à la même vitesse que celle de la cible après ~300 ms, et ce jusqu’à la fin du mouvement de la cible. Dans une certaine mesure nous sommes capable de poursuivre des cibles mobiles atteignant une vitesse de 100 °/s (Meyer et al., 1985), dont le mouvement est contaminé par un nombre de saccades croissant, lorsque la vitesse de la cible dépasse 30 °/s. Nous l’évoquerons brièvement mais les réseaux cérébraux impliqués dans la génération de poursuite oculaire et la génération des saccades présentent des similitudes (Krauzlis, 2004, 2005). La poursuite est séparée en deux phases (Tychsen & Lisberger, 1986), la phase d’initiation et la phase de maintenance. Ces deux phases distinctes sont régies par des signaux différents, et peuvent être modulées par de nombreux facteurs.

Un système à deux composantes 

La phase d’initiation
La phase d’initiation est considérée comme une réponse en boucle ouverte (open loop), ce qui signifie que le système ne bénéficie pas d’information rétroactive provenant du mouvement de l’oeil lui-même (Figure 2.2). Durant cette phase, la poursuite est gouvernée seulement par le signal visuel, et les propriétés de l’image rétinienne. Cette phase d’initiation est régie par des signaux différents.

Lisberger & Westbrook (1985) ont démontré la période d’initiation était découpée en plusieurs périodes modulées par des informations différentes. Lors des 20 premières millisecondes de la poursuite ils ont observé que l’accélération de l’œil était dans la même direction que l’objet en mouvement. Après cette période, le mouvement de l’œil devient dépendant d’informations telles que la position initiale de l’objet, la vitesse de l’œil, ou la luminance du fond visuel. Ces résultats suggèrent l’idée que l’initiation est exclusivement contrôlée par le mouvement du stimulus visuel et qu’elle peut être modulée par des propriétés visuelles différentes du stimulus. Ces 2 phases comprennent deux étapes de calculs (Lisberger, 2015) : i. estimer la direction et la vitesse de l’image rétinienne de la cible (Osborne et al, 2005) ; programmer un changement de la vitesse de l’œil et un changement de sa direction afin de supprimer le mouvement de l’image rétinienne de la cible (Lisberger et al, 1981). En plus de l’évaluation de la vitesse rétinienne de l’objet, on sait également que l’accélération de l’image rétinienne (Lisberger et al., 1987) et l’erreur de position de l’image par rapport à la fovéa sont aussi pris en compte (Blohm et al., 2005) au cours de la poursuite oculaire.

La phase de maintenance
Pendant la phase de maintenance, le système de poursuite doit minimiser l’erreur de vitesse, qui correspond à l’écart entre la vitesse de la cible et celle de l’œil, afin de stabiliser l’image de la cible sur la rétine. Cette minimisation n’est possible qu’en comparant le glissement rétinien et la copie d’efférence. Cette comparaison fait que cette phase est définie comme une réponse en boucle fermée (« closed loop »). Le principe de la copie d’efférence (Von Holst & Mittelstaedt, 1950) propose que nos actions motrices ne sont pas uniquement la conséquence d’une perception sensorielle, mais qu’elles mettent en jeu des informations provenant des mouvements eux-mêmes. Dans le cadre de la poursuite, la copie d’efférence correspond à l’envoi d’un signal rétroactif issu de la programmation de la commande motrice sur les parties antérieures du circuit afin d’ajuster le mouvement imminent des yeux en temps réel (Lisberger, 2015). Ce signal a pour rôle de compenser le glissement rétinien induit par les yeux et les mouvements de la tête.

La participation de cette copie d’efférence au système de poursuite, implique que la poursuite n’est pas uniquement modulée par des signaux de natures visuelles. Un nombre important de recherches ont apporté un éclairage sur la nature des signaux extra-rétiniens et rétiniens et de leur influence sur le mouvement de poursuite oculaire.

Une combinaison de signaux

Diversité des influences des signaux visuels et extra-visuels sur la poursuite oculaire

Un mouvement volontaire de poursuite oculaire résulte d’une intégration sensorimotrice réalisée au travers d’un certain nombre d’étapes. Il faut détecter le mouvement d’une cible et focaliser son attention sur cette cible, la ségréger du fond statique sur lequel la cible bouge, évaluer sa direction et sa vitesse afin de programmer une commande motrice. L’ensemble de ces mécanismes résultent d’une contribution dynamique de signaux rétiniens et extra-rétiniens. Selon les propriétés visuelles du stimulus, et des propriétés spatio-temporelles du contexte visuel, le poids de ces informations est variable et influence les différentes étapes conduisant à la génération de poursuite oculaire.

Mécanismes de sélection

Le mécanisme de sélection d’une cible en mouvement, est un élément déterminant du système de poursuite. On sait que l’attention permet de poursuivre perceptivement plusieurs objets en mouvement dont les directions diffèrent, résultant d’une capacité de sélection de plusieurs informations de mouvements en même temps (Cavanagh & Alvarez, 2005). Dans le cas de la poursuite oculaire, un seul signal de mouvement peut être sélectionné, la problématique est de comprendre quels sont les signaux qui vont conduire à la sélection d’un signal de mouvement, plutôt qu’un autre dans ce type de contexte ? Lisberger & Ferrera (1997) ont utilisé un protocole mettant en compétition deux cibles se déplaçant à des vitesses et des directions différentes, sans que le sujet ne bénéficie d’une quelconque information visant à diriger son attention sur l’une des cibles. Ils ont observé que la réponse de poursuite à ces stimuli montrait l’intégration d’un vecteur reflétant la contribution moyenne de ces deux signaux de mouvement. La question de l’intégration spatiale de l’information de mouvement a également été étudiée à l’aide d’un stimulus impliquant plusieurs cibles (« random-dot kinematogram », RDK) dont la taille, la densité et la cohérence du mouvement de ces éléments peuvent être variées. Pour un RDK dont les éléments possèdent le même signal de mouvement, les résultats montrent que plus la surface du RDK est grande, plus la réponse de poursuite, au vecteur moyen des signaux de mouvements est forte (Heinen & Watamaniuk, 1998). En dérivant différent types de RDK, impliquant des variations de vitesses et de directions, Schütz et al., (2010), ont montré que le système  de poursuite était capable de répondre dans toutes les directions de mouvements, mais pas pour certaines vitesses. De plus, des recherches ont démontré que le processus de sélection peut être modulé par des propriétés spécifiques du stimulus comme la couleur et le contraste (Spering et al., 2008) et par des caractéristiques attentionnelles, guidées par l’utilisation d’indices visant à informer la cible à poursuivre en fonction de sa couleur ou de sa trajectoire (Garbutt & Lisberger, 2006).

Un processus de suppression

Dans le cas où la tête et le regard sont fixes, la perception d’un contexte visuel se déplaçant rapidement dans une direction provoque un réflexe opto-cinétique dans la même direction, qui survient pour compenser le mouvement global de l’image (Cohen et al., 1977). Ce contexte survient également lorsque les yeux poursuivent une cible sur un fond visuel statique texturé. Afin de réaliser une poursuite précise le système doit faire en sorte d’abolir la génération de ce réflexe. Il a été démontré que le mouvement soudain d’un fond texturé dans n’importe quelle autre direction que celle du glissement rétinien de l’image du fond provoquait de large modulation de la vitesse de poursuite oculaire, suggérant une suppression du réflexe spécifique à la direction (Lindner et al., 2001 ; Schwarz & Ilg, 1999). Pour tester l’hypothèse que le seul signal rétinien ne suffisait pas à rendre compte ce mécanisme, Lindner & Ilg (2006) ont étudié l’influence de procédure mettant en jeu des informations extra-rétiniennes dans la suppression du réflexe opto-cinétique. Dans une première expérience, ils ont étudiés l’effet d’un mouvement opposé du fond visuel avant que la cible se mette à bouger et que le mouvement de poursuite oculaire soit initié, résultant d’une absence de mouvement rétinien induit. Dans une autre expérience ils ont étudié l’effet d’un mouvement opposé du contexte texturé simultanément à la disparition brève de la cible, ne créant aucun mouvement relatif entre la cible et le fond visuel. Dans les deux études, ils n’ont observé aucune modulation de vitesse liée à l’apparition d’un réflexe opto-cinétique, suggérant la contribution d’informations extra-rétinienne dans ce mécanisme de suppression.

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Table des matières

CHAPITRE 1 Introduction générale
1.1 L’œil
1.1.1 Organe moteur
1.1.2 Organe sensoriel
1.2 La rétine
1.3 Voies cérébrales responsables du traitement du signal visuel
1.4 Le répertoire oculomoteur
1.5 Problématiques et structure du document
CHAPITRE 2 Les caractéristiques générales de la poursuite oculaire
2.1 Caractéristiques dynamiques du mouvement de poursuite oculaire
2.2 Un système à deux composantes
2.2.1 La phase d’initiation
2.2.2 La phase de maintenance
2.3 Une combinaison de signaux
2.3.1 Diversité des influences des signaux visuels et extra-visuels sur la poursuite oculaire
2.3.2 Influences des signaux extra-rétiniens sur la poursuite oculaire
2.4 Structures cérébrales de la poursuite oculaire
2.4.1 Rôle de l’aire médio-temporale dans la poursuite oculaire
2.4.2 Rôle de l’aire médio-temporale supérieure dans la poursuite oculaire
2.4.3 Rôle du champ oculomoteur frontal
2.4.4 Rôle du cervelet
2.4.5 Substrat cérébral de la copie d’efférence
2.5 Le contrôle volontaire des mouvements de poursuites
2.5.1 Un niveau cognitif ?
2.5.2 Couplage sensorimoteur de la poursuite
2.5.3 Contextes poursuite-dépendants
CHAPITRE 3 Effet d’une illusion de mouvement reverse-phi induite sur la poursuite oculaire
3. Introduction
3.1 Le reverse-phi
Etude 1 : Etude de la maintenance de la poursuite oculaire grâce à l’illusion de mouvement reverse-phi induite
A. Expérience n° 1 : Influence des masques sur la poursuite lisse après la disparition de la cible
A.1. Méthode et stimuli
A.2. Résultats
B. Expérience n°2 : Effet de la fréquence temporelle d’alternance et de la vitesse de la cible sur la maintenance de la poursuite
B.1. Méthode et stimuli
B.2 Résultats
C. Expérience n°3 : Effet de la taille et de la densité des disques
C.1 Méthode et stimuli
C.2 Résultats
D. Expérience n°4 : Effet du contraste de luminance sur la maintenance de la poursuite
D.1 Méthode et Stimuli
D.2 Résultats
E. Discussion
E.1 Liens avec les études précédentes
E.2 Mécanismes neuronaux hypothétiques
E.3 Autres problématiques
Etude 2 : Etude de l’influence de l’apprentissage sur le mouvement de poursuite oculaire
1. Introduction
2. Méthode et stimuli
3. Résultats
4. Discussion
CHAPITRE 4 La sonification de la poursuite oculaire
4. Introduction
Etude 1 : Feedback auditif continu des mouvements oculaires : une étude exploratoire pour l’amélioration du contrôle oculomoteur
1. Introduction
2. Méthode et stimuli
3. Analyse des données
4. Résultats
5. Discussion
Etude 2 : Etude de l’influence de la sonification de la poursuite sur la maintenance de la poursuite oculaire
1. Introduction
2. Méthode et Stimuli
3. Résultats
4. Discussion
CHAPITRE 5 Discussion générale
5.1 Synthèse des résultats
5.2 Observations générales
5.2.1 Propriétés émergentes et différences interindividuelles
5.3 Limites
5.4 Perspectives
ANNEXES

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