Caractéristiques des préconceptions et difficultés d’apprentissage

Les préconceptions et l’apprentissage

La majorité des travaux en pédagogie (en particulier dans la mouvance constructiviste ou socio-constructiviste) s’accordent sur le fait que l’apprentissage d’un savoir nouveau demande une transformation profonde des conceptions initiales de l’élève que ne permet pas un simple processus de transmission enseignant-élève (Verhaeghe, 2004). En d’autres termes, les élèves ne sont pas des pages blanches sur lesquelles l’enseignant imprime de nouvelles connaissances. Au contraire, avant de débuter un enseignement et quelle que soit la discipline, les élèves ont déjà des idées, voire des explications très argumentées sur les savoirs enseignés et c’est au travers de celles-ci qu’ils décodent spontanément les informations que leur fournit l’enseignant et essaient de construire les nouvelles connaissances ou démarches de pensée que celui-ci tente de leur inculquer. Ces conceptions initiales, aussi appelées préconceptions dans le jargon pédagogique, diffèrent souvent des concepts scientifiques. En cela, elles constituent un obstacle à l’apprentissage (Bachelard (1938) parle d’« obstacle épistémologique»).

De Vecchi et Giordan (1994) écrivent : « Une conception est l’explication que se fait l’individu du monde qui l’entoure, et ce via des modèles explicatifs dont il dispose. Ceux-ci sont souvent inadaptés et peuvent induire des idées fausses. […] Ainsi, l’élève possède des conceptions qui l’empêchent […] d’intégrer une nouvelle information […] en contradiction avec celles qu’il possède. » Parmi les premiers à avoir identifié l’importance des préconceptions dans l’apprentissage, on peut citer Vygotski (1933) et Bachelard (1938). Le second écrit dès 1938 : « l’adolescent arrive dans la classe de physique avec des connaissances empiriques déjà constituées : il s’agit alors, non pas d’acquérir une culture expérimentale mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne ». La notion de préconception reste encore aujourd’hui un axe central de réflexion dans les sciences de l’éducation et les études portant sur les préconceptions des élèves en situation d’apprentissage se sont multipliées depuis les années 80 : Duit (2009) recense plus de 8000 références traitant de ce sujet.

Caractéristiques des préconceptions et difficultés d’apprentissage

Les préconceptions présentent différentes caractéristiques identifiées par les didacticiens (Duplessis, 2008) qui rendent difficile l’acquisition du savoir scientifique, et son enseignement. De nombreux travaux ont en effet montré que ces préconceptions et les modes de raisonnement qui leur sont associés sont profondément enracinés dans l’esprit des apprenants (Viennot, 1978 ; Johsua et Dupin, 1993 ; Coppens, 2007), et cela chez des populations de culture, de nationalité et de style d’enseignement reçu très variés (Mc Dermott, 1983). Cette persistance des préconceptions s’explique notamment du fait que ces dernières sont généralement « pertinentes dans la vie quotidienne (et encore souvent dans l’enseignement) et donc régulièrement confortées » (Robardet et Guillaud, 1997). En effet, bien que souvent erronées, les préconceptions offrent une grille de lecture structurée capable d’expliquer le monde qui nous entoure de manière cohérente malgré leur désaccord avec les explications scientifiques. Il est donc malaisé de les remettre en cause. Outre cette cohérence avec nos observations, les préconceptions sont également confortées car elles bénéficient du soutien de la majorité et d’une diffusion à grande échelle ce qui tend à dévaloriser la parole isolée de l’enseignant qui peine donc à s’imposer face aux journaux ou autres médias.

Enfin, une difficulté supplémentaire vient du fait qu’une fois acquis, les concepts scientifiques ne se substituent pas à nos préconceptions si profondément ancrées mais, au mieux, les deux modes de pensée coexistent. Il s’agit donc pour l’élève (et il en va de même pour l’expert) d’être capable de mobiliser les concepts scientifiques à bon escient et de faire abstraction des préconceptions qui viennent interférer avec le savoir nouveau. Il est intéressant de noter que des études récentes en neurosciences tendent à confirmer ce phénomène : elles ont pu démontrer, à l’aide de l’imagerie IRM, que la résolution d’exercices (en mécanique et en électricité) suscite des activations prononcées dans les régions cérébrales liées à l’inhibition (Brault Foisy et Masson, 2012). Pour pouvoir corriger les préconceptions des élèves, l’enseignant doit donc non seulement transmettre un savoir mais aussi amener ses élèves à corriger leurs raisonnements spontanés : « au-delà de l’acquisition des notions elles-mêmes, […], c’est dans la transformation de l’attitude des étudiants qu’il faut voir le résultat essentiel » (Viennot, 1976). Pour cela, il faut évidemment commencer par en détecter les manifestations.

Présentation du questionnaire

Afin de mettre en évidence les préconceptions mentionnées à la section 2.1 chez nos élèves, nous avons utilisé une évaluation diagnostique sous la forme d’un questionnaire (sans toutefois négliger les informations que l’on a pu tirer des interactions directes avec nos élèves durant les séquences précédentes). Pour concevoir ce test, nous nous sommes appuyés sur plusieurs études didactiques précédentes, notamment le questionnaire « Force Concept Inventory » développé par Hestenes et al. (1992), des tests mis en place par McCloskey (1983), des études décrites par Viennot (2006), Coppens (2003) et Honorez (2000). Ce questionnaire a des objectifs avant tout d’évaluation mais aussi d’apprentissage. En effet au cours de l’enseignement, des retours aux questions et des mises en relations des problèmes du cours et du questionnaire ont été effectués. Le questionnaire (annexe 6.1) comporte 4 exercices de type QCM dont les items visent les préconceptions décrites précédemment : l’adhérence force – vitesse et/ou la notion d’impétus. Les correspondances entre questions et préconceptions visées sont synthétisées dans le tableau 1. La plupart de ces questions traitent de situations issues de la vie quotidienne (voir Annexe 6.1).

Nous avons en effet essayé de sélectionner des situations sur lesquelles chaque élève peut émettre un avis, une opinion car elles ne lui sont pas inconnues. Concernant le choix du QCM, nous sommes conscients que des questions plus ouvertes, demandant aux élèves de verbaliser et de mettre par écrit leurs raisonnements, auraient permis d’une part une analyse plus précise du mode de pensée des élèves et d’autre part, de faire émerger des préconceptions que nous n’avons pas anticipées. Toutefois, nous avons délibérément voulu restreindre le cadre de cette évaluation aux préconceptions mentionnées dans la section 2.2. En outre, la forme du QCM présente plusieurs avantages pour notre étude. En premier lieu, elle rend l’évaluation plus objective car elle supprime les biais classiques de l’évaluation liés au correcteur (effets de fatigue, de contamination, de stéréotypie, de halo, de contraste, cf. Pasquini, 2015). De plus, le diagnostic est facilité par la possibilité d’établir facilement des statistiques de réussite (voir Figure 1) permettant ainsi de cibler les points nécessitant une remédiation forte. Enfin, le gain de temps au niveau de la correction pour l’enseignant est également un facteur non négligeable. Le questionnaire a été soumis à trois classes de 1MDF (les deux classes concernées par notre étude et une classe supplémentaire, soit un total de 56 élèves), de manière anonyme, pendant une durée d’environ 15-20 minutes.

Résultats

Le pourcentage de réponses correctes sur l’ensemble du questionnaire s’élève à 25 %, les réponses incorrectes représentent 71 % des réponses données alors que seuls 4 % des questions ont été laissées sans réponse. Ces résultats sont dans l’ensemble en accord avec ceux publiés dans la littérature (Viennot, 2006 ; Coppens, 2007), à savoir que les préconceptions de la majorité de nos élèves sont erronées, leurs réponses tenant plus de leur intuition que d’un apprentissage ou d’un savoir scientifique. Les seules questions qui ont été majoritairement bien traitées concernent des situations statiques où le système étudié est au repos (affirmation 3 de l’exercice 1 et cas de la balle de golf immobile dans l’exercice 4, avec respectivement 80% et 43% de bonnes réponses). Plusieurs raisons permettent d’expliquer ce bon résultat : d’une part, c’est une situation particulière que les élèves connaissent bien et comprennent spontanément (leur préconception dans ce cas est en accord avec le concept scientifique !) et d’autre part, c’est aussi un cas qui a déjà été abordé en cours lorsque que la force de soutien a été traitée. Sans rentrer dans le détail de toutes les réponses, l’analyse des réponses nous a permis de mieux cerner les difficultés de nos élèves.

Ainsi, les réponses (erronées) à l’exercices 1indiquent clairement que dans l’esprit des élèves, il ne peut y avoir de mouvement sans qu’une force soit appliquée. De plus, l’exercice 2 indique qu’ils considèrent que lorsqu’un objet est en mouvement continu, la force qui agit sur lui est toujours dans le sens du mouvement. En effet, on retrouve de manière récurrente, pour cet exercice à 3 questions, un même groupe de réponses (1.F 2.D 3.B) qui indiquent clairement cette croyance. Enfin, la notion d’impétus ressort constamment de leurs réponses aux différentes questions (voir les correspondances au Tableau 1). Cela est particulièrement évident dans l’exercice 3 (lancer du ballon vers le haut) pour lequel la réponse la plus citée est celle où 2 forces agissent sur le ballon (le poids vers le bas et une force d’impétus vers le haut qui est nécessaire, dans leur esprit, à faire avancer le ballon vers le haut) alors même que ce cas avait déjà été abordé dans l’étude de la chute libre en cinématique (sans toutefois s’attarder sur les forces mises en jeu). On retrouve également clairement cette notion d’impétus dans l’exercice 4 où il leur est demandé de représenter les forces agissant sur une balle de golf en vol : 90 % d’entre eux ont dessiné une force de poussée exercée par le club de golf continuant d’agir sans contact. Outre confirmer les préconceptions attendues chez nos élèves, ce questionnaire nous a également permis d’évaluer l’impact des enseignements dispensées dans les classes inférieures en distinguant les réponses données par les élèves ayant suivi l’option Mathématiques et Physique (OMEP) au collège (environ 23 % des élèves interrogés). Comme on peut le constater sur la Figure 1, on ne note aucune différence majeure entre les deux populations d’élèves ; au contraire, sur certaines questions, les résultats des élèves OMEP sont même moins bons. Cela confirme à l’évidence les observations des différents travaux mentionnés plus haut, à savoir que les préconceptions sont particulièrement résistantes à l’apprentissage et persistent en général malgré celui-ci.

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Table des matières

1.Introduction
2.Éléments théoriques
2.1Les préconceptions et lapprentissage
2.1.1Définition et historique
2.1.2 Doù viennent ces préconceptions ?
2.1.3 Caractéristiques des préconceptions et difficultés dapprentissage
2.1.4Détecter les préconceptions
2.1.5Comment les combattre ?
2.1.5.1Le modèle allostérique
2.1.5.2 La situation-problème
2.1.5.3 La démarche hypothético-déductive
2.2 Les préconceptions en Physique
3.Séquence denseignement : le principe dinertie
3.1Contexte de la séquence
3.2 Questionnaire diagnostique
3.2.1Présentation du questionnaire
3.2.2 Résultats
3.3 Séquence sur le principe dinertie – Activité « curling »
3.3.1Présentation de lactivité et de la démarche pédagogique
3.3.2 Analyse des séquences dispensées
3.3.2.1Première séance denseignement J.D)
3.3.2.2 Deuxième enseignement de la séquence A.A)
3.4Exercices dapplication – Evaluation formative
3.5Evaluation sommative
4.Conclusion
5.Bibliographie
6.Annexes
6.1Questionnaire diagnostique
6.2 Planification de la séquence finale
6.3 Feuille dactivité « curling »
6.4Présentation projetée pendant la séquence curling
6.5Evaluation sommative

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