Caractérisation par analyse métabolomique de biomarqueurs bactériens au sein de biofilms marins

Plus de 70% de la surface de la Terre est recouverte par l’océan mondial (constitué de cinq océans ainsi que de nombreuses mers). Même s’il évoque principalement les loisirs tels que les voyages, la navigation ou encore la pêche, le milieu marin est essentiel au bon fonctionnement de notre planète et il concentre une part majeure des espèces vivantes (Mora et al., 2011; Costello et al., 2013). Une partie de cette bioressource marine permet ainsi de nourrir chaque jour des millions de personnes mais une grande portion reste encore inexplorée et peu comprise.

Au sein de cet immense réservoir de biodiversité, la composante invisible microbienne et son rôle dans les principaux cycles biologiques ne sont réellement étudiés que depuis quelques dizaines d’années. Pourtant, il est estimé qu’un seul millilitre d’eau de mer prélevé dans les cent premiers mètres concentre entre 105 et 106 bactéries. Ces microorganismes sont souvent différents physiologiquement de ceux rencontrés dans des environnements terrestres. Ils ont en effet la particularité d’avoir développé des stratégies d’adaptation, de survie et de défense adaptées aux conditions particulières qui caractérisent le milieu marin (salinité, pH, oxygénation réduite, basses températures, fortes pressions, …) (Colwell and Morita, 1975). Les bactéries marines sont de véritables actrices de l’équilibre biologique de par leur association aux processus de destruction et de recyclage de la matière organique, leur influence dans la production de méthane ou de diméthylsulfoxyde dans l’atmosphère mais également, du fait de leur capacité de chélation des métaux lourds. Depuis quelques années, les bactéries marines focalisent de plus en plus d’attention car si les océans sont aujourd’hui capables de nourrir les hommes, ils seront également capable de les soigner (en lien avec les capacités de défenses particulières des bactéries se trouve potentiellement un large arsenal de molécules bioactives originales) et d’apporter des réponses à des problèmes actuels de société (recyclage de déchets, remédiation de sites pollués, production de matériaux durables et d’énergies renouvelables). Un véritable espoir est ainsi placé dans l’utilisation des microorganismes marins pour le développement des «biotechnologies bleues ». En milieu marin, les bactéries peuvent se développer sous forme libre (état planctonique) en suspension dans l’eau de mer ou adhérer à une surface et vivre en communauté (état sessile ou biofilm). L’organisation en biofilm est considérée comme le mode de vie naturel le plus favorable pour les bactéries (Costerton et al., 1995; Hall-Stoodley et al., 2004; Haras, 2005; Flemming and Wingender, 2010): elle repose sur la présence d’une matrice extracellulaire qui entoure les microorganismes et qui confère une intégrité structurelle et fonctionnelle au biofilm. La formation des biofilms est observée en milieu marin dès lors qu’une surface naturelle ou artificielle est immergée (Rascio, 2000). Cette étape est considérée comme cruciale pour la colonisation ultérieure par un large éventail d’autres organismes marins (Haras, 2005). Ce phénomène naturel de colonisation est appelé biofouling. La présence de salissures marines sur les surfaces immergées engendre de nombreux problèmes économiques (détérioration de matériel, ralentissement des navires, augmentation de la consommation en carburants …) (Rascio, 2000) et écologiques (augmentation des émissions de gaz à effet de serre, dissémination d’espèces invasives…) (Yebra et al., 2004; Piola et al., 2009). Afin de mieux lutter contre ce type de phénomène, la compréhension et donc l’étude de la formation du biofilm et, de façon plus générale, de la colonisation des surfaces par les bactéries marines sont primordiales. Au sein de ces biofilms, la densité de population, l’expression de gènes spécifiques et, plus globalement, de nombreux systèmes de communication intra- ou interspécifiques sont contrôlés par le biais de signaux chimiques qui sont généralement des molécules de faibles masses moléculaires (métabolites) (Decho et al., 2011). Par ailleurs, d’autres signaux chimiques émis par des bactéries fixées sur une surface sont également capables de moduler la colonisation ultérieure par d’autres organismes (bactéries, diatomées, champignons, larves d’invertébrés, spores de macro-algues) (Qian et al., 2007). La production métabolique des biofilms marins représente ainsi un élément-clé pourla compréhension de leur formation, de leur composition en termes de communautés mais aussi de leurs interactions avec les surfaces qu’ils colonisent et les autres organismes colonisateurs.

Biofilms et communautés microbiennes en environnement marin

Biofouling

Problèmes économiques et écologiques liés au biofouling marin

Le biofouling est un phénomène biologique typiquement marin même s’il est également couramment décrit au niveau de structures « humides » en milieu terrestre ou en eaux douces. En milieu marin, il se définit comme l’accumulation indésirable de microorganismes, de plantes et d’animaux sur des surfaces immergées, artificielles ou non (Rascio, 2000). Du fait de la qualité nutritive véhiculée par l’eau de mer comparée à celle de l’air, les structures et les équipements marins sont plus sujets à ce type de colonisation biologique (Wahl, 1989).

Dans le cadre des activités humaines liées au milieu marin, le biofouling apparaît sur des surfaces très variées parmi lesquelles peuvent être citées les coques de bateaux (Figure 1a), les structures portuaires, les pipelines (Figure 1b), les pylônes (Figure 1c), les structures aquacoles (Figure 1d et 1e), ou les infrastructures pétrolières. Toutes les activités aquatiques sont impactées par ce phénomène qui engendre des problèmes tant économiques qu’écologiques (Evans and Clarkson, 1993).

Les activités maritimes impliquant des navires sont notamment très touchées : la présence de biofouling sur les coques entraîne une augmentation de leur poids, de leur résistance aux frottements de l’eau et par conséquent, une augmentation de leur consommation en carburant (Rascio, 2000). Cette surconsommation peut atteindre 40%, engendrant des frais supplémentaires conséquents (Champ, 2000) ainsi qu’une augmentation des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère (Yebra et al., 2004). Pour réduire la présence des salissures marines sur les coques de navires, les nettoyages doivent être fréquents ; ils induisent ainsi une plus faible rentabilité et une augmentation des coûts de maintenance. De plus, ces opérations de nettoyage produisent des déchets toxiques qu’il faut ensuite traiter (Abbott et al., 2000).

Les différentes structures marines sont affectées par la présence de ces salissures marines non seulement par le fait qu’elles subissent une surcharge pondérale importante (Characklis and Cooksey, 1983) mais également parce que les matériaux utilisés sont plus rapidement altérés par la corrosion. Ce phénomène est notamment induit par la présence de bactéries sulfato-réductrices et méthanogènes (Beech and Sunner, 2004).

Moyens de lutte contre le biofouling

La recherche de solutions pour limiter le biofouling constitue un champ d’investigation abordé par l’homme depuis l’Antiquité mais qui, du fait des nouvelles restrictions règlementaires en termes de toxicité des biocides, est en plein essor depuis la fin du XXème siècle. En effet, la demande est forte pour de nouveaux revêtements antifouling plus performants mais qui se doivent de répondre aux nouvelles réglementations visant à protéger l’environnement marin.

Revêtements antifouling

Historiquement, l’utilisation de revêtements antifouling pour empêcher le développement du biofouling sur une surface immergée est la plus ancienne des techniques (Woods Hole Oceanographic Institution, 1952). Des méthodes alternatives, telles que le nettoyage régulier ou l’utilisation d’appareils à ultrasons existent, mais l’utilisation de revêtements antifouling reste à l’heure actuelle la méthode la plus fréquemment adoptée.

La plupart de ces revêtements sont des peintures contenant des biocides. Un biocide est une substance active capable de détruire, repousser ou bloquer l’adhésion et/ou la croissance des organismes par des actions chimiques ou biologiques (Directive 98/8/CE, 1998). Ces molécules sont certes efficaces contre les espèces-cibles mais elles sont souvent très toxiques pour l’environnement, avec en particulier des effets néfastes vis-à-vis d’espèces non-ciblées. Ainsi au début du XXème siècle, le plomb, le mercure et l’arsenic sont déjà interdits dans certains pays du fait de leur persistance dans l’environnement (Bennett, 1996). A partir des années 1960, les revêtements antifouling commerciaux incorporent des oxydes de cuivre ou des composés organostanniques, tels les oxydes de tributylétain (TBT). Ces derniers sont très efficaces mais ils témoignent d’une forte toxicité et ils ne se dégradent pas. Ils s’accumulent dans les sédiments et engendrent des problèmes sérieux pour une large gamme d’organismes marins (les gastéropodes notamment). Du fait de sa toxicité, le TBT a été interdit en France dès 1982 puis partout dans le monde en 2008 par l’IMO (International Maritime Organization).

Suite à cette interdiction, plusieurs alternatives ont été développées. Le cuivre est alors largement utilisé avec des co-biocides tels que l’Irgarol 1051, la pyrithione de zinc ou le Sea Nine 211. Cependant, cette nouvelle génération de biocides antifouling montre aussi des effets négatifs sur l’environnement marin (Thomas and Brooks, 2010). En effet, bien que le cuivre soit nécessaire au développement des organismes vivants, à haute concentration il devient toxique pour beaucoup d’organismes. Son accumulation dans les sédiments des zones côtières (Bao et al., 2010) ou dans certains organismes constitue donc un problème écologique majeur (Omae, 2003).

Suite à plusieurs directives et un décret (directive européenne 199/13 du 11 mars 1999, décret n°2001- 97 du 1er février 2001 et directive 2002/62 du 9 juillet 2002), les revêtements antifouling doivent maintenant répondre à un cahier des charges très contraignant. Ils doivent ainsi être peu coûteux et efficaces tout en contenant un agent actif qui se dégrade rapidement, ne s’accumule pas dans les organismes (absent de la chaîne alimentaire) et soit inactif vis-à-vis d’organismes non-ciblés. Peu de revêtements commerciaux actuels répondent à ces critères inscrits dans la réglementation. Le développement de nouvelles approches antifouling constitue donc une gageure scientifique qui nécessite l’implication et la collaboration de nombreux acteurs académiques et/ou industriels.

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Table des matières

TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS – FIGURES
TABLE DES ILLUSTRATIONS –TABLEAUX
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. BIOFILMS ET COMMUNAUTES MICROBIENNES EN ENVIRONNEMENT MARIN
I.1.1 Biofouling
I.1.1.1. Problèmes économiques et écologiques liés au biofouling marin
I.1.1.2. Moyens de lutte contre le biofouling
I.1.1.2.1. Revêtements antifouling
I.1.1.2.2. Nouvelles alternatives
I.1.1.3. Formation du biofouling
I.1.2. Biofilms bactériens en milieu marin
I.1.2.1. Biofilms marins : Définition
I.1.2.2. Mise en place des biofilms
I.1.2.2.1. Formation du film conditionnant
I.1.2.2.2. Adhésion bactérienne « réversible »
I.1.2.2.3. Adhésion bactérienne « irréversible »
I.1.2.2.4. Maturation
I.1.2.2.5. Détachement
I.1.2.3. Diversité bactérienne dans les biofilms marins
I.1.2.4. Régulation des biofilms et état physiologique des bactéries
I.1.2.4.1. Développement des bactéries en biofilms
I.1.2.4.2. Croissance des bactéries en mode planctonique
I.2. METABOLOMIQUE
I.2.1. Définitions et généralités
I.2.1.1. Définitions
I.2.1.2. Intérêts et défis liés à l’utilisation de la métabolomique
I.2.1.2.1. Intérêts
I.2.1.2.2. Défis
I.2.1.3. Métabolomique et bactéries marines
I.2.2. Métabolomique par Chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS)
I.2.2.1. Techniques analytiques : intérêt et biais de l’utilisation de la LC-MS
I.2.2.2. Conduite d’une étude métabolomique par LC-MS
I.2.2.2.1. Préparation des échantillons
I.2.2.2.2. Analyse par HPLC
I.2.2.2.3. Spectrométrie de masse
I.2.2.2.4. Appareillage utilisé pour des études en métabolomique LC-MS sur des bactéries marines
I.2.2.2.5. Extraction des données et normalisation
I.2.2.2.6. Analyses statistiques multivariées
I.2.2.2.7. Identification de biomarqueurs
I.3. LES BACTERIES MARINES ET LEUR METABOLOME
I.3.1. Différentiation des souches bactériennes marines selon leur métabolome et découverte de nouvelles
I.3.2. Impact de paramètres extérieurs sur le profil métabolique des bactéries marines
I.3.2.1 Effets de la concentration en sels
I.3.2.2. Impact d’autres paramètres
I.3.3. Impact de paramètres physiologiques sur le métabolome bactérien
I.3.3.1. Mode de culture
I.3.3.1.1. Biofilm versus planctonique
I.3.3.1.2. Co-Cultures bactéries-autres organismes
I.3.3.2. Phases de croissance en mode planctonique
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
II.1. ETUDE METABOLOMIQUE
II.1.1 Culture des souches bactériennes marines
II.1.1.1. Souches bactériennes
II.1.1.2. Milieux de culture
II.1.1.2.1. Väätänen Nine Salts Solution (VNSS)
II.1.1.2.2. Marine Broth (MB)
II.1.1.2.3. Artificial Sea Water (ASW)
II.1.1.2.4. Ajout de cuivre dans les cultures
II.1.1.3. Méthodes de culture
II.1.1.3.1. Conservation des souches bactériennes
II.1.1.3.2. Conditions de culture
II.1.1.3.3. Caractéristique de croissance des souches bactériennes
II.1.1.4. Protocoles de cultures pour la mesure de métaux traces
II.1.2. Prélèvement d’échantillons de biofilms formés in situ
II.1.3. Extraction du métabolome bactérien à partir de cultures
II.1.4. Analyse de métabolome bactérien
II.1.4.1. Plateformes analytiques
II.1.4.1.1. HPLC-ESI-IT-MS
II.1.4.1.2. UPLC-ESI-QToF-MS
II.1.4.2. Séquence d’injection
II.1.5. Extraction des données
II.1.6. Pré-traitements et filtrations
II.1.6.1. Filtration en fonction du rapport signal sur bruit
II.1.6.2. Filtration en fonction du coefficient de variation
II.1.6.3. Filtration en fonction du coefficient de corrélation
II.1.7. Analyses statistiques multivariées
II.1.8. Identification des métabolites
II.1.9. Réseaux moléculaires
II.2. EFFETS DU CUIVRE SUR DES BACTERIES MARINES CULTIVEES IN VITRO
I.2.1. Effet du cuivre sur les bactéries cultivées en mode planctonique
II.2.2. Effet du cuivre sur la viabilité cellulaire
II.2.2.1. Test à la résazurine
II.2.2.2. Détermination de la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) et de de la Concentration Minimale Létale ou Bactéricide (CML)
II.2.3. Effet du cuivre sur l’adhésion bactérienne
II.3. ETUDE PROTEOMIQUE
II.3.1. Préparation des échantillons
II.3.1.1. Culture bactérienne
II.3.1.2. Extraction du protéome
II.3.2. Analyse protéomique
CHAPITRE III : UTILISATION DE LA METABOLOMIQUE POUR L’ETUDE DE BIOFILMS MARINS NATURELS
III.1. PREVENT : PROTECTION DU LITTORAL MEDITERRANEEN : EVALUATION, SURVEILLANCE, CONSEQUENCES, IMPACT ECONOMIQUE ET SOCIETAL – APPLICATION A LA RADE DE TOULON
III.1.1. Contexte général
III.1.2. Présentation de l’étude par métabolomique de biofilms complexes formés au niveau de sites présentant des profils de pollution contrastés
III.1.3. Résultats et discussion
III.1.3.1. Evaluation visuelle de la colonisation des plaques immergées
III.1.3.1. Impact du site d’immersion
III.2. DRACONS : DRAG REDUCING ANTIFOULING COATINGS FOR NAVY SHIPS
III.2.1. Contexte général
III.2.2. Présentation de l’étude par métabolomique de biofilms complexes formés in situ sur différents revêtements antifouling dans des conditions hydrodynamiques variées
III.2.3. Résultats et discussion
III.2.3.1. Evaluation visuelle de la colonisation des plaques immergées
III.2.3.2. Effet du revêtement sur la signature chimique des biofilms formés in situ
III.2.3.3. Effet du temps d’immersion sur la signature chimique des biofilms formés in situ
III.2.3.3.1. Surface PVC
III.2.3.3.2. Revêtement SPC
III.2.3.3.3. Revêtements FRC
III.2.3.4. Effet du site d’immersion sur la signature chimique des biofilms formés in situ
III.2.3.5. Biofilms naturels : relations entre structure des communautés microbiennes et signature chimique
CONCLUSION GENERALE

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