Caractérisation et réactivité en hydrotraitement des composés hétéroatomiques présents dans les distillats sous vide du pétrole

La croissance de la demande pétrolière mondiale associée à la limitation des ressources disponibles poussent l’industrie pétrolière à développer des procédés de purification et de conversion des coupes lourdes de plus en plus performants. En effet, les réserves disponibles de pétrole ont été estimées à 162 milliards de tonnes en 2008, ce qui représente 40 ans au rythme actuel de consommation [1]. De plus, le pétrole exploité est de plus en plus lourd et de qualité médiocre (Figure 1). L’industrie pétrolière cherche donc à augmenter la part exploitable tout en respectant les contraintes environnementales. La mise en place de procédés de conversion des fractions lourdes en bases carburants valorisables est donc un enjeu majeur.

Pour obtenir des produits adaptés aux besoins actuels, des procédés de conversion spécifiques des produits lourds sont nécessaires. Trois types de procédés permettent la conversion des coupes lourdes du pétrole en bases carburants valorisables :
• thermiques tels que la viscoréduction ou la cokéfaction
• catalytiques sans apport d’hydrogène tels que le Fluid Catalytic Cracking (FCC)
• catalytiques avec apport d’hydrogène tels que l’hydrocraquage (HCK) .

Face à la diésélisation du marché automobile européen, la modernisation des unités d’HCK est un enjeu économique majeur pour les industriels. En effet, l’HCK est un procédé coûteux (en raison de l’investissement initial et de l’utilisation de catalyseurs) qui permet la production de coupes kérosène et gazole de grandes qualités.

Ainsi, le dimensionnement des unités et le design de catalyseurs performants sont essentiels pour maximiser la production de gazole. La compréhension et la modélisation des réactions mises en jeu dans les unités d’HCK constituent un réel enjeu dans le contexte économique actuel.

Les charges introduites dans les unités d’HCK correspondent aux distillats sous vide (DSV), issus de distillation directe (ou straight run) ou de divers procédés de conversion (e.g. viscoréduction, cokéfaction, FCC, désasphaltage, hydroconversion des résidus atmosphériques (RA) ou de résidus sous vide (RSV)). Cette coupe pétrolière est composée d’espèces de haute masse moléculaire et d’une large proportion de composés hétéroatomiques (i.e. composés azotés, soufrés et oxygénés) connus pour être réfractaires voire inhibiteurs des réactions d’HDT. L’amélioration des connaissances sur la réactivité des DSV en HCK passe par une meilleure connaissance analytique des DSV et de leurs effluents d’HCK. Néanmoins, les techniques analytiques actuelles des DSV fournissent principalement des informations globales. L’objectif de la thèse est donc de parvenir à une analyse détaillée des composés soufrés et azotés des DSV afin d’améliorer les connaissances sur la réactivité de ses produits en HDT.

Le recours à des techniques hautement résolutives est nécessaire pour l’obtention de ses données notamment pour l’étude des composés hétéroatomiques. Récemment, l’intérêt des systèmes multidimensionnels pour l’étude de ces coupes pétrolières a été mis en avant. Dans l’optique d’obtenir une caractérisation moléculaire des composés soufrés et azotés et d’étudier leur réactivité en HDT, ce travail de thèse s’est dirigé vers l’utilisation de la chromatographie gazeuse bidimensionnelle haute température (GC×GC-HT) et de la spectrométrie de masse haute résolution à transformée de Fourier (FT-ICR/MS).

Les distillats sous vide 

Du pétrole brut au distillat sous vide 

L’objectif du raffinage est d’obtenir, par distillation et transformation du pétrole brut, des produits valorisables soit sous forme de carburants et combustibles (i.e. gaz, essence, kérosène, gazole, fioul), soit sous forme de produits de spécialité (i.e. huiles, paraffines, etc…). La distillation est le procédé de base pour le raffinage du pétrole brut. Une première étape de distillation à pression atmosphérique fractionne le pétrole brut en plusieurs coupes suivant la température d’ébullition des composés. Un mélange de composés gazeux est alors obtenu en tête de colonne puis les coupes essence, kérosène et gazole sont séparées par ordre de volatilité. Le résidu de la distillation atmosphérique subit une deuxième étape de distillation à pression réduite qui permet l’obtention de distillats sous vide (DSV) et de résidus sous vide (RSV).

Définition et composition des distillats sous vide 

Le DSV correspond, par définition, à la fraction distillable du résidu atmosphérique (RA), dont l’intervalle de distillation est fixé par les raffineurs. Par extension, on appelle DSV dans la suite du manuscrit n’importe quelle coupe pétrolière, quelle que soit son origine dont l’intervalle de distillation est compris entre 375 et 615°C. Les prochains paragraphes proposent un état de l’art sur la composition des DSV en composés hydrocarbonés et hétéroatomiques.

Composés hydrocarbonés 

Les DSV sont constitués à la fois d’hydrocarbures saturés et insaturés. Contrairement aux fractions légères, les DSV sont principalement constitués de composés naphténiques et aromatiques polycycliques fortement alkylés. Des paraffines normales sont présentes dans ces fractions et les oléfines sont majoritairement trouvées dans les DSV issus de procédés thermiques (i.e. cokéfaction) ou du craquage catalytique en l’absence d’hydrogène (FCC). Par ailleurs, la teneur en hydrocarbures aromatiques ainsi que le nombre de cycles aromatiques par molécule augmentent avec le point d’ébullition. De ce fait, la répartition aromatique des DSV est plutôt centrée sur des structures comprenant de 1 à 3 cycles aromatiques bien que des structures de plus de 3 cycles aromatiques soient également présentes dans cette coupe pétrolière [2].

Composés hétéroatomiques 

Composés soufrés 

Le soufre est l’hétéroélément le plus abondant dans les pétroles bruts (0,04 à 6 % m/m). Les principaux composés soufrés présents se divisent en plusieurs familles chimiques : les thiols (ou mercaptans), les sulfures, les disulfures, les thiophènes, les benzothiophènes et les dibenzothiophènes. Les DSV sont plus riches en soufre que les fractions légères et plus de la moitié du soufre est présent sous forme de dérivés thiophéniques tandis que le reste est présent sous forme thiol, sulfure et dans une moindre mesure sous forme sulfoxyde. La caractérisation et l’élimination de ces composés sont primordiales car ils sont à l’origine de pollutions atmosphériques (SO2 et SO3) et s’avèrent être de véritables poisons pour les catalyseurs utilisés dans certains procédés pétrochimiques [3]. Les normes européennes ont d’ailleurs limité depuis janvier 2009 la teneur en soufre total à 10 ppm m/m dans les essences et les gazoles commerciaux (i.e. spécifications européennes EN228 et EN590).

Composés azotés

Les composés azotés se distinguent suivant leur caractère basique ou neutre. Les composés dits basiques regroupent les dérivés des anilines, pyridines, quinoléines et acridines tandis que les composés neutres regroupent les dérivés des pyrroles, indoles et carbazoles. Cette distinction a toute son importance car les dérivés azotés basiques sont connus pour empoisonner les catalyseurs acides utilisés lors des procédés de craquage catalytique (i.e. HCK). Les dérivés neutres, également poisons pour les catalyseurs acides, présentent quant à eux un caractère réfractaire à l’hydrotraitement et peuvent être à l’origine de la formation de gommes lors des opérations de raffinage [4]. Dans les DSV, les principaux composés azotés possèdent de 2 à 4 cycles aromatiques de différents degrés d’alkylation [5].

Composés oxygénés

Les composés oxygénés sont principalement présents sous forme de composés phénoliques, de groupements carboxyles tels que les acides carboxyliques et les esters et de groupements carbonyles tels que les cétones, amides et sulfoxydes [6, 7]. La composition des DSV est donc très hétérogène et la présence, en forte proportion, de composés hétéroatomiques complique la conversion de ces fractions en produits valorisables par l’industrie. Ainsi, une compréhension détaillée de la composition des DSV est essentielle à l’amélioration des procédés de conversion.

Procédés de conversion des distillats sous vide 

Craquage catalytique en lit fluidisé (FCC) 

Le FCC a pour but de faire de la conversion par craquage en présence d’un catalyseur et sans apport d’hydrogène. Ce procédé permet la production d’essence et, dans une moindre mesure, de gazole. Diverses charges telles que les DSV issus de distillation directe, de procédés de viscoréduction ou de cokéfaction, mais également les résidus sous vide (RSV) hydrotraités possédant une faible teneur en métaux peuvent être traités via ce procédé. Le craquage catalytique, qui permet de réduire le nombre d’atomes par molécule, se déroule à pression atmosphérique et à des températures comprises entre 500 et 540 °C. Les produits de conversion sont principalement oléfiniques pour les fractions légères et fortement aromatiques pour les fractions lourdes, avec un rendement en gaz important. Une unité d’hydrotraitement peut être utilisée en amont du FCC afin de prétraiter la charge et d’obtenir ainsi une meilleure qualité de produits tout en limitant l’introduction de molécules soufrées et azotées. Le rendement en essence, les qualités produits en sortie du procédé et l’activité catalytique du procédé sont alors favorisés.

Hydrotraitement et Hydrocraquage 

L’hydrocraquage (HCK) est le procédé de référence pour la production de coupes kérosène et gazole. Ce procédé permet la production de divers carburants de qualité tout en limitant la production de gaz. Diverses charges telles que les DSV issus de distillation directe et de procédés divers (i.e. viscoréduction, cokéfaction, FCC, désasphaltage ou hydroconversion de RA et de RSV) peuvent être traitées via ce procédé. Ce procédé se déroule en deux étapes (Figure 2) : l’hydrotraitement (HDT) et l’hydrocraquage (HCK). Section indispensable en amont des étapes d’HCK, l’HDT assure l’hydrogénation des espèces insaturées et/ou l’élimination des composés hétéroatomiques sans modifier de façon significative leur distribution en poids moléculaire à travers plusieurs réactions : l’hydrodésulfuration (HDS), l’hydrodésazotation (HDN) et l’hydrogénation des composés aromatiques (HDA).  L’HDT est généralement assuré par un catalyseur de type métallique, constitué de métaux du groupe VI tels que le Molybdène (Mo) ou le Tungstène (W), associés à un promoteur du groupe VIII comme le Cobalt (Co) ou le Nickel (Ni), supporté par de l’alumine ou de la silice-alumine. Une étape de sulfuration est nécessaire pour atteindre un état actif et stable du catalyseur.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE A : ÉTUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1 LES DISTILLATS SOUS VIDE
1.1 DU PÉTROLE BRUT AU DISTILLAT SOUS VIDE
1.2 DÉFINITION ET COMPOSITION DES DISTILLATS SOUS VIDE
1.2.1 COMPOSES HYDROCARBONES
1.2.2 COMPOSES HETEROATOMIQUES
1.3 PROCÉDÉS DE CONVERSION DES DISTILLATS SOUS VIDE
1.3.1 CRAQUAGE CATALYTIQUE EN LIT FLUIDISE (FCC)
1.3.2 HYDROTRAITEMENT ET HYDROCRAQUAGE
1.4 CONCLUSIONS
2 RÉACTIVITÉ DES DSV EN HYDROTRAITEMENT
2.1 RÉACTIVITÉ DES COMPOSÉS AROMATIQUES EN HDA
2.2 RÉACTIVITÉ DES COMPOSÉS SOUFRÉS EN HDS
2.3 RÉACTIVITÉ DES COMPOSÉS AZOTÉS EN HDN
2.3.1 MOLECULES MODELES
2.3.2 HDN DES MATRICES PETROLIERES
2.4 CONCLUSIONS
3 TECHNIQUES DE CARACTÉRISATION DES DSV
3.1 ANALYSES ÉLÉMENTAIRES
3.1.1 CARBONE ET HYDROGENE
3.1.2 AZOTE ORGANIQUE
3.1.3 AZOTE BASIQUE
3.1.4 SOUFRE
3.1.5 OXYGÈNE
3.2 FRACTIONNEMENT DES DSV
3.2.1 SEPARATION PAR FAMILLE CHIMIQUE
3.2.2 PRE-SEPARATION ENTRE COMPOSES SOUFRES ET MATRICE HYDROCARBONEE
3.2.3 PRE-SEPARATION ENTRE COMPOSES AZOTES BASIQUES ET NEUTRES
3.3 CHROMATOGRAPHIE EN PHASE GAZEUSE BIDIMENSIONNELLE
3.3.1 PRINCIPE
3.3.2 ANALYSE DE PRODUITS PETROLIERS LOURDS PAR GC×GC-HT
3.3.3 SPECIATION DU SOUFRE
3.3.4 SPECIATION DE L’AZOTE
3.4 FT-ICR/MS
3.4.1 PRINCIPE
3.4.2 SPECIATION DU SOUFRE
3.4.3 SPECIATION DE L’AZOTE
3.5 CONCLUSIONS ET DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
PARTIE B : MATERIELS ET METHODES
4 DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX
4.1 SAR PAR CHROMATOGRAPHIE EN PHASE LIQUIDE PRÉPARATIVE
4.2 SPECTROSCOPIE INFRAROUGE PAR RÉFLEXION TOTALE ATTÉNUÉE
4.3 CHIMILUMINESCENCE
4.4 DISTILLATION SIMULÉE PAR CHROMATOGRAPHIE EN PHASE GAZEUSE
4.5 CHROMATOGRAPHIE EN PHASE GAZEUSE BIDIMENSIONNELLE
4.6 CHROMATOGRAPHIE EN PHASE SUPERCRITIQUE
4.7 COUPLAGE MULTIDIMENSIONNEL : SFC-GC×GC-NCD
4.8 FT-ICR/MS
4.8.1 ANALYSE DE COMPOSES SOUFRES
4.8.2 ANALYSE DE COMPOSES AZOTES
5 ÉCHANTILLONS ANALYSÉS
5.1 MÉLANGES TESTS
5.1.1 MÉLANGE TEST 1 (MT 1)
5.1.2 MÉLANGE TEST SOUFRÉ (MT S)
5.1.3 MELANGE TEST AZOTE (MT N)
5.2 ÉCHANTILLONS DE TYPE DSV
5.2.1 CHARGES
5.2.2 EFFLUENTS
PARTIE C : RESULTATS ET DISCUSSION
6 ÉLUTION TOTALE PAR GC×GC-HT
6.1 STABILITÉ DES FRACTIONS RÉSINES DE DSV
6.1.1 CHIMILUMINESCENCE
6.1.2 SPECTROSCOPIE INFRAROUGE PAR REFLEXION TOTALE ATTENUEE
6.1.3 CONCLUSIONS
6.2 DÉVELOPPEMENT DE LA GC×GC-HT
6.2.1 CHOIX DU JEU DE COLONNES
6.2.2 CHOIX DE LA GEOMETRIE DES COLONNES
6.2.3 CHOIX DU TYPE DE MODULATEUR ET DU TYPE D’INJECTEUR
6.3 VALIDATION DE LA MÉTHODE GC×GC-HT DÉVELOPPÉE
6.3.1 ÉLUTION DES COMPOSES LOURDS
6.3.2 FIDELITE
6.3.3 LINEARITE
6.3.4 FACTEURS DE REPONSE
6.4 APPLICATIONS À L’ÉTUDE DES RÉSINES DE DSV
6.5 CONCLUSIONS
7 CARACTÉRISATION DES COMPOSÉS SOUFRÉS
7.1 GC×GC-HT-SCD
7.1.1 DEVELOPPEMENT DE LA METHODE GC×GC-HT-SCD
7.1.2 DEMARCHE METHODOLOGIQUE POUR L’ANALYSE DE COUPLES CHARGE/EFFLUENTS
7.1.3 CARACTERISATION DE DSV ET D’EFFLUENTS D’HDT PAR GC×GC-HT-SCD
7.1.4 LIEN AVEC LA REACTIVITE EN HDT
7.2 FT-ICR/MS
7.2.1 METHODOLOGIE
7.2.2 ANALYSE DE LA CHARGE SR2+HCGO ET DES EFFLUENTS SR2+HCGO-HA ET SR2+HCGO-HB
7.3 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
8 CARACTÉRISATION DES COMPOSÉS AZOTÉS
8.1 SFC-GC×GC-NCD
8.1.1 PRE-SEPARATION PAR SFC : SCREENING DES COLONNES A PARTIR DE COMPOSES MODELES
8.1.2 ANALYSE D’ECHANTILLONS REELS PAR SFC-NCD
8.1.3 ANALYSE SFC-GC×GC-NCD EN LIGNE
8.1.4 ANALYSES DES COUPLES CHARGES/EFFLUENTS
8.2 FT-ICR/MS
8.2.1 METHODOLOGIE
8.2.2 ANALYSE DE COUPLES CHARGE/EFFLUENTS ET LIEN AVEC LES MECANISMES D’HDN
8.3 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
CONCLUSIONS

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