Caractérisation du mouillage de surfaces micro/nanostructurées par méthode acoustique haute fréquence

Le dictionnaire définit généralement un fluide de la manière suivante : « se dit d’un corps dont les molécules ont peu d’adhésion et peuvent glisser librement les unes sur les autres (liquides) ou se déplacer indépendamment les unes des autres (gaz), de façon que le corps prenne la forme du vase qui le contient ». Cette définition, bien que facilement vérifiable et compréhensible, ne tient cependant pas compte des échelles caractéristiques de temps et d’espace auxquelles les phénomènes physiques sont observés. Les propriétés rhéologiques d’un fluide peuvent en effet varier selon la durée du temps d’observation. Il suffit de s’intéresser à l’évolution du comportement physique d’un glacier pour s’en rendre compte : une dizaine de minutes d’observation permettra de le classer dans la catégorie des solides mais des dizaines d’années d’observation « transformera » le solide en fluide qui s’écoule. Les dimensions spatiales des systèmes peuvent aussi mettre à mal la définition générale d’un fluide. Le comportement macroscopique d’un fluide sur une surface solide peut également être piloté par des interactions se produisant entre la surface solide et le fluide, intervenant à des échelles micrométriques et nanométriques. A ces échelles, un liquide n’épousera pas nécessairement le contour du contenant. C’est le cas d’une goutte d’eau déposée sur une feuille de Lotus par exemple. Le liquide repose en équilibre sur les aspérités micro/nanométriques de la feuille, tel un fakir sur sa planche, et l’air contenu entre ces aspérités n’est pas chassé (Figure Int.1). Ce phénomène appelé « effet Lotus », étudié en détails à partir des années 1970 grâce au développement de la microscopie électronique, permet à l’eau de glisser sur la feuille qui devient alors « non-mouillante » et lui confère un pouvoir autonettoyant. Ce type de surface est dit superhydrophobe.

Ainsi, à ces échelles micro/nanométriques, le comportement des liquides n’est plus régi par des forces macroscopiques, comme la gravité qui devient négligeable, mais par des interactions physico-chimiques d’origine électrostatique s’exerçant aux interfaces liquides : les forces capillaires. Ces forces permettent d’expliquer beaucoup d’autres phénomènes physiques comme la montée d’un liquide dans un tube de verre, la formation de la rosée sous forme de gouttelettes sur les toiles d’araignée ou encore la formation des bulles de champagne. Dans le cas de la feuille de Lotus, l’intensité des forces capillaire est régie par la nature chimique du revêtement surfacique de la feuille (cire épicuticulaire) qui empêche l’eau de s’étaler sur la surface (surface hydrophobe) et par la texturation physique de la surface qui vient amplifier cet effet, rendant la surface superhydrophobe. Dans la nature, de nombreux autres exemples de surfaces superhydrophobes semblables à celle de la feuille de Lotus existent comme les ailes de certaines espèces de papillons, les écailles de certains poissons ou encore les pattes du gecko [2]. L’homme a alors cherché à recréer ces surfaces en s’inspirant de la nature (domaine du biomimétisme) afin d’en exploiter les propriétés superhydrophobes. Beaucoup d’applications ont commencé à être développées à partir des années 1990 et les surfaces superhydrophobes peuvent être potentiellement utilisées pour l’élaboration de surfaces autonettoyantes, de vêtements imperméables et de revêtement empêchant l’encrassement biologique par exemple [3], [4].

Phénomènes de mouillage

Le cadre de la problématique de STMicroelectronics concerne deux domaines principaux de la physique : la physico-chimie des phénomènes de mouillage et la propagation des ondes acoustiques à travers l’utilisation de la méthode de réflectométrie acoustique haute fréquence. L’objectif de ce premier chapitre est de présenter les notions de base des phénomènes de mouillage afin de contextualiser l’ensemble du projet. Le cœur du travail de thèse étant centré sur l’exploitation de la méthode de caractérisation par réflectométrie et le développement de modèles acoustiques nécessaires à l’interprétation des mesures, il ne s’agit pas dans ce chapitre de réaliser une étude exhaustive des phénomènes de mouillage. Seuls les aspects nécessaires à la compréhension de la problématique de STMicroelectronics et au travail de thèse dans son ensemble seront présentés. On s’intéressera plus particulièrement au contexte théorique avec les présentations des interactions liquide / surface et du comportement d’un liquide sur une surface lisse puis sur une surface micro/nanostructurée. Dans un second temps, les liens entre phénomènes de mouillage et enjeux dans l’industrie de la microélectronique pour les procédés de nettoyage / gravure humide et de séchage seront présentés. Enfin, différentes méthodes de caractérisation du mouillage à différentes échelles (macroscopique et micro/nanoscopique) seront mises en avant afin de pouvoir positionner la méthode de réflectométrie acoustique haute fréquence en termes de performances par rapport aux autres méthodes existantes.

Interaction liquide-surface : statique

Notion de tension superficielle

La cohésion d’un liquide est assurée par un ensemble d’interactions électrostatiques s’exerçant entre les différentes molécules composant ce liquide : liaisons de Van der Waals et liaisons hydrogène. Ces interactions sont de courte portée (ordre de la dimension atomique) et de faible énergie (de l’ordre de 10 kJ/mol pour les interactions de Van der Waals et 40 kJ/mol pour les liaisons hydrogène). Au sein du liquide, toutes ces interactions se compensent entreelles, la somme des forces s’exerçant sur les molécules est nulle. Cependant, au niveau de la surface libre du liquide en contact avec l’air appelée également interface liquide / air, ces interactions ne sont plus compensées (Figure I.1). L’intensité des interactions liquide / air étant plus faibles que les interactions liquide / liquide, la somme des forces s’exerçant sur chaque molécule de liquide de l’interface n’est plus nulle. Ce déséquilibre des forces est associé à un excès d’énergie par unité de surface appelé densité surfacique d’énergie ou énergie de surface et noté S σ [7] s’exprimant en J/m2 . L’énergie de la surface totale A de l’interface vaut alors AS σ .

D’un point de vue mécanique, le système tend alors à minimiser son énergie potentielle par diminution de sa surface de contact liquide / air. Lorsqu’on étire l’interface telle une membrane élastique, l’énergie dépensée pour créer une augmentation de surface dA vaut γdA où γ est appelée tension de surface ou tension superficielle. Elle correspond à l’énergie nécessaire pour augmenter l’aire de l’interface liquide / air d’un mètre carré. Au niveau de la ligne de contact des phases solides, liquide et gaz (ligne triple), γ correspond à la force par unité de longueur exercée sur le solide [7], [8] et s’exprime en N/m. Pour le cas des liquides en contact avec un gaz à l’équilibre, on a S = σγ [9].

Dans la suite, on considère alors :
– La tension superficielle γ pour une interface liquide / gaz
– Les énergies de surface pour des interfaces solide / liquide et solide / gaz notées respectivement SL γ et SG γ .

Hystérésis d’angle de contact

L’angle de contact défini par la relation de Young (Eq I.3) est unique. Cependant, dans la réalité, une surface n’est jamais idéale. L’angle de contact mesuré pourra alors prendre différentes valeurs. Une façon de constater cette non-unicité de l’angle de contact est deconsidérer une goutte de liquide déposée sur une surface lisse et de la gonfler progressivement à l’aide d’un capillaire (Figure I.3.a). L’angle de contact va alors augmenter sans déplacement de la ligne triple jusqu’à atteindre un angle limite pour lequel la ligne triple va bouger et s’éloigner du centre de la goutte. Cet angle est appelé angle d’avancée θ A . Si, au lieu de gonfler la goutte, on réduit son volume en absorbant le liquide progressivement, l’angle de contact va diminuer sans déplacement de la ligne triple puis atteindre une valeur limite pour laquelle la ligne triple va se rapprocher du centre de la goutte. Cet angle est appelé angle de reculée θ R .

Interaction liquide-surface : dynamique

Etats de mouillage

Jusqu’ici, seul le mouillage des surfaces planes a été considéré. Or l’étude générale du travail de thèse est basée sur le mouillage de surfaces micro/nanostructurées. On va s’intéresser maintenant au comportement d’une goutte sur une surface qui présente une structuration, c’est-à-dire une surface physiquement et / ou chimiquement hétérogène. Pour décrire cette texturation, et compte tenu des dimensions micro/nanométriques, on parlera parfois « d’interface » structurée par abus de langage.

La forme de la goutte peut alors ne plus être parfaitement sphérique et la forme de la ligne triple ne sera plus nécessairement un cercle. Selon l’échelle considérée, plusieurs angles de contact peuvent être considérés.

A l’échelle de la goutte, la forme de la calotte est quasi-sphérique comprise entre deux sphères de rayon −δRR gg et + δRR gg avec δ g << RR g dont l’intersection avec la surface solide forme deux cercles de rayon gg −δrr et gg + δrr avec gg δ << rr . La ligne triple est comprise dans l’intervalle [ gg −δrr ; gg + δrr ] et sa longueur est différente du périmètre du cercle de rayon gr . De façon globale, on définit un angle de contact apparent * θ correspondant à l’angle de contact formé par la sphère de rayon Rg avec le plan de la surface solide.

A l’échelle très locale d’une structure de la texturation, l’angle de contact est identique à celui sur une surface lisse et l’équation Eq I.3 sera vérifiée. Il vaudra l’angle de Young, et  selon l’hystérésis de la surface lisse, variera entre θ R et θ A . La ligne triple est la zone de contact entre les trois phases au niveau du bord de la goutte qu’on nommera ligne triple « macroscopique » mais aussi au niveau local de la texturation sous la goutte qu’on appellera ligne triple « locale ». Par la suite, on fera alors la distinction si nécessaire.

On va s’intéresser maintenant aux liens entre angles de contact apparents * θ et l’angle de Young θ Y . Trois états de mouillages particuliers seront d’abord décrits : l’état Wenzel, l’état Cassie-Baxter et l’état hemi-wicking .

Etat Wenzel
Pour une goutte de liquide déposée sur une surface rugueuse, l’état Wenzel est obtenu lorsque le liquide pénètre dans les aspérités de la surface .

On note que dans l’état Wenzel, comme le liquide imprègne la texturation de la surface, la goutte est empalée dans les micro/nanostructures. On dit que l’ancrage de la goutte est important ce qui conduit à une hystérésis de l’angle de contact apparent également importante. On peut également remarquer que l’angle de contact apparent * θW ne dépend que de la rugosité au niveau de la ligne triple. Lors du calcul de dW , seul un déplacement infinitésimal de la ligne triple est pris en compte sans considérer l’état de la surface solide au centre de la goutte. Ainsi, si la rugosité varie fortement entre le bord et le centre de la goutte, l’angle de contact apparent ne devrait pas être modifié selon la formule de Wenzel.

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Table des matières

Introduction générale
I. Phénomènes de mouillage
A. Interaction liquide-surface : statique
1. Notion de tension superficielle
2. Loi de Laplace
3. Angle de contact et mouillage
4. Hystérésis d’angle de contact.
B. Interaction liquide-surface : dynamique
1. Etats de mouillage
2. Transitions d’états de mouillage
C. Problématiques de mouillage dans la microélectronique
1. Problèmes de contamination / nettoyage
2. Dispense de la chimie et problèmes de mouillage
3. Tranchées micro/nanométriques (DTI)
4. Trous micrométriques (TSV) et trous nanométriques (contact CMOS
D. Méthodes de caractérisation du mouillage
1. Méthodes macroscopiques
2. Méthodes micro/nanoscopiques
Conclusion
II. Les ultrasons : notions de base
A. Propagation dans un milieu infini
1. Propagation dans un fluide : modèle unidimensionnel
2. Propagation dans un solide (non piézoélectrique)
3. Propagation dans un solide piézoélectrique
4. Impédance acoustique
B. Propagation dans un milieu limité
1. Polarisation et direction des ondes réfléchies et transmises
2. Amplitudes des ondes réfléchies et transmises
3. Ondes guidées
4. Notion d’impédance ramenée
C. Transducteur piézoélectrique
1. Choix de l’onde acoustique
2. Choix du transducteur piézoélectrique
3. Impédance électrique d’un transducteur piézoélectrique
Conclusion
III. Méthode de réflectométrie acoustique haute fréquence et dispositifs expérimentaux
A. Principe général de la méthode
1. Traitement de signal
2. Interface lisse
3. Interface structurée
4. Banc de mesure
5. Protocole de mesure pour du silicium structuré (mesure temporelle)
6. Protocole de mesure pour la silice structurée (mesure fréquentielle)
B. Dimensionnement et performances des transducteurs
1. Dimensionnement des transducteurs
2. Impact de la diffraction
C. Etapes de fabrication des transducteurs
1. Evaporation sous vide
2. Photolithographie
3. Pulvérisation cathodique
D. Structures étudiées
1. Fabrication des structures
2. Through Silicon Via (TSV)
3. Deep Trench Isolation (DTI) et tranchées parallèles
4. Trous nanométriques
E. Liquides utilisés
F. Traitements de surface
1. Plasma O2
2. Traitement HMDS
3. Traitement PFTS
Conclusion
IV. Modélisation : interaction onde acoustique / surface structurée
A. Etat de l’art : ondes acoustiques et interfaces structurées
1. Longueur d’onde très grande devant les dimensions caractéristiques de la texturation (largeur, épaisseur)
2. Longueur d’onde plus grande ou comparable aux dimensions caractéristiques de la texturation (largeur, épaisseur)
3. Longueur d’onde petite devant l’épaisseur et grande devant les dimensions latérales de la texturation : modèle de Biot
4. Longueur d’onde petite devant l’épaisseur et plus grande ou comparable aux dimensions latérales de la texturation
B. Modèle de réseau de diffraction : formule des milieux effectifs / moyenne ramenée
1. Principe de Huygens-Fresnel
2. Diffraction de Fresnel
3. Diffraction de Fraunhofer
4. Méthode de spectre angulaire
5. Réseau de tranchées 2D
6. Généralisation aux structures 3D apériodiques
7. Validation
C. Modèle par différences finies (modèle FDTD)
1. Intérêt de la méthode
2. Principe de la méthode
3. Définition des structures géométriques étudiées
4. Equations de propagation discrétisées
5. Conditions aux limites
6. Conditions d’excitation
7. Validation du modèle sur surface lisse
8. Résultats généraux du modèle
Conclusion
Conclusion générale

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