Caractérisation des anodes de carbone en phase de cuisson

Caractérisation des anodes de carbone en phase de cuisson

À ce jour, peu de travaux sur l’évolution thermo-chimio-mécanique ont été réalisés sur l’anode de carbone. Il est bien connu qu’il s’agit d’un matériau poreux avec une structure hétérogène à l’échelle macroscopique dont les agrégats sont fixés ensemble par un liant qui est le brai. La présente section décrit quelques travaux sur la caractérisation thermochimique et thermomécanique réalisés sur l’anode ainsi que d’autres matériaux à bas de carbone.

Caractérisation thermochimique

Pendant le processus de cuisson, l’anode subit un changement de porosité et de densité, ainsi qu’un ensemble de phénomènes déformationnels. Le dilatomètre est un dispositif qui permet de mesurer une déformation conséquente d’un ensemble de dilatation et/ou de contraction en fonction de la température. Dans le cas des anodes de carbone, une atmosphère inerte doit être maintenue et ce, afin d’éviter l’oxydation de l’échantillon à tester. Des essais de dilatométrie ont déjà été réalisés par Faaness et al. [33] sur des matériaux à base de carbone, et plus précisément sur des mesures de dilatation/contraction de la pâte monolithique lors de sa cuisson à l’aide du montage montré à la figure 2.2.
Une caractérisation par dilatométrie a été réalisée en 2004 par D’Amours [30] sur des échantillons de pâte monolithique. Ce travail a permis de distinguer les différents mécanismes de déformations, issues de l’ensemble de dilatation et/ou de contraction durant la cuisson. Ces mécanismes se décomposent sous les formes : thermique réversible et chimique irréversible. Plus récemment, des essais de dilatométrie ont été réalisés en 2006 par Chmelar [35] pour caractériser la dilatation thermique des anodes de carbone crues durant la cuisson, suivant différents taux de chauffe (figure 2.3) et ce, pour étudier l’impact du taux de chauffe sur la dilatation thermique des anodes de carbone.
Le coefficient d’expansion thermique est un paramètre qui définit le changement du volume de l’échantillon suite à une variation de la température. Une faible valeur du coefficient d’expansion thermique est souhaitable, ce qui permet de réduire l’impact de la montée en température sur l’intensité des contraintes développées [6]. La qualité, la nature et la granulométrie des matières premières constituant l’anode de carbone ont une grande influence sur le coefficient d’expansion thermique [36].
Pendant son processus de cuisson, il est bien connu que l’anode de carbone perd entre 4.5 et 6% [4] de sa masse. Le dégagement de ces matières peut être caractérisé durant la cuisson à travers des essais de thermogravimétrie (TGA) qui donne directement la perte de masse (la quantité des volatiles dégagés). La figure 2.4 montre certains résultats tirés des travaux de Kocaefe et al. [37] permettant de suivre le dégagement des volatiles durant le processus de cuisson des anodes de carbone par TGA.
Les résultats obtenus montrent clairement que le grand pourcentage de la perte de masse des anodes de carbone, issue du dégagement des matières volatiles, se situe dans des intervalles de température entre 250°C et 800°C environ, avec une légère portion qui persiste jusqu’à la fin de la cuisson.

Caractérisation thermomécanique

Au fil des années, plusieurs travaux ont été réalisés pour caractériser le comportement thermomécanique des matériaux à base de carbone. Cependant, l’évolution de ces propriétés exige encore aujourd’hui une meilleure compréhension des phénomènes en cause. Dans ce qui suit, une revue sur la caractérisation par compression uniaxiale, compression triaxiale ainsi que par fluage/recouvrance est réalisée.

Caractérisation par compression uniaxiale

Les travaux les plus souvent rencontrés sur la caractérisation thermomécanique des matériaux thermo-réactifs se basent sur des approches expérimentales impliquant des essais réalisés à TA sur des échantillons préalablement cuits à une température donnée. Andersen et Zhang [38] ont mesuré la résistance ultime à la traction, à la compression et à la flexion et ils ont identifié le module d’Young 𝐸 à TA, ainsi qu’à des températures entre 200°C et 400°C sur des échantillons d’anode totalement cuits de grandes dimensions. La figure 2.5 montre les équipements expérimentaux utilisés pour la réalisation des tests.
Leurs résultats ont montré une grande dépendance de ces propriétés à la température. D’Amours [30] a mesuré le module d’Young 𝐸, le coefficient de Poisson 𝜈 (la déformation a été mesurée à l’aide de deux LVDT) et la résistance ultime à la compression 𝑆𝑢𝑐 de la pâte monolithique et ce, pour des échantillons partiellement cuits allants de l’état cru jusqu’à l’état cuit à environ 1000°C, et qui ont été testés à TA. Le but de ses essais fut d’étudier l’évolution des propriétés mécaniques en fonction du niveau de cuisson. Les résultats obtenus ont montré que le coefficient de Poisson 𝜈 diminue entre 180°C et 1000°C, alors que 𝐸 et 𝑆𝑢𝑐 augmentent rapidement de 250°C jusqu’à 435°C, après quoi ils se stabilisent lentement grâce à la rigidité qui prend place dans l’échantillon lors de sa cuisson. En effet, le module d’Young est initialement très faible et donc la pâte est peu rigide. Par la suite, il commence à augmenter à 250°C environ pour atteindre son maximum autour de 435°C. Enfin, le module recommence à diminuer jusqu’à la fin de la cuisson (figure 2.6). Ceci est possiblement dû à l’endommagement des échantillons créé lors de la cuisson. En ce qui concerne 𝜈 (figure 2.7), les résultats ont montré une valeur élevée au début de la cuisson (matériau incompressible), et commence à diminuer en cours de ce processus jusqu’à la fin en raison du comportement du matériau qui devient compressible, suite au dégagement des volatiles dont le matériau devient poreux [30]. Les mêmes conclusions ont été obtenues récemment par St-Arnaud et al. [39] qui ont mesuré le module d’Young, le coefficient de Poisson ainsi que la résistance ultime à la compression de la pâte monolithique sur des échantillons de grande dimension.
Afin de mieux comprendre l’impact de la température sur le comportement mécanique des matériaux à base de carbone, certains auteurs ont réalisé des essais à haute température. Il faut noter que les essais à haute température ont toujours présenté un problème majeur en termes de techniques de mesure, surtout à des températures critiques pour lesquelles le matériau change de phase et devient mou. D’Amours [30] a mesuré la résistance ultime à la compression de la pâte monolithique pour des échantillons partiellement cuits qui ont été testés à des températures légèrement au-dessous de la température de cuisson (figure 2.6). Les résultats obtenus ont montré une tendance complètement différente de celle obtenue à TA. Pour les essais réalisés sur des échantillons partiellement cuits à 175°C, 250°C et 400°C, les résultats ont montré que le matériau se comporte comme un fluide visqueux incompressible avec de faibles valeurs de 𝐸 et 𝑆𝑢𝑐. À environ 250°C, la pâte monolithique commence à avoir une certaine résistance qui demeure cependant relativement faible comparée à celle obtenue à TA (figure 2.6). Pour les échantillons partiellement cuits à 400°C et plus, les mesures de 𝑆𝑢𝑐 sont similaires à celles obtenues à la TA. D’autres travaux ont été réalisés par Orangi [40] sur la pâte monolithique à l’aide d’un équipement capable d’identifier la résistance ultime (figure 2.9) ainsi que le module d’Young (déformation mesurée à l’aide d’un jauge de déformation) à haute température (figure 2.10). Les essais de compression uniaxiale ont été réalisés à 160°C et 200°C sur des échantillons partiellement cuits à 200°C et 250°C, respectivement. Les températures des essais étaient inférieures à celles des niveaux de cuisson, et ceci afin d’éviter des réactions chimiques supplémentaires au cours des essais. Cependant, les raisons pour lesquelles les températures des essais ont été choisies n’ont pas été expliquées. D’autre part, les résultats d’Orangi [40] ont montré que les mesures de 𝐸 n’ont pas pu être obtenues pour des niveaux de cuisson inférieurs à 200°C et ce, en raison de la texture très molle de la pâte monolithique. De plus, Les résultats ont montré que le module d’Young ainsi que la résistance ultime à chaud de la pâte monolithique augmentent avec l’augmentation de la température de cuisson (figure 2.10).

Caractérisation par compression triaxiale

Puisque l’anode de carbone est un matériau cohésif et poreux, son comportement demeure sensible aux contraintes triaxiales. Dans ce contexte, en plus des essais de compression uniaxiale, il devient nécessaire de faire des essais en milieu confiné (triaxial) afin d’observer l’effet de la pression hydrostatique sur la résistance mécanique, ce qui permettra également de caractériser l’enveloppe de rupture du matériau. L’essai de compression triaxiale, est un essai de compression tridimensionnelle tel que présenté à la figure 2.11.
En 2003, D’Amours [42] a réalisé ce genre d’essai à TA sur des échantillons de pâte monolithique crus, partiellement cuits à différents niveaux de cuisson, ainsi que totalement cuits. Ces essais ont été réalisés en utilisant une cellule de compression triaxiale dont le confinement est réalisé par l’application d’une pression hydrostatique à l’aide d’un fluide. L’échantillon est introduit dans une membrane étanche flexible puis placé dans la cellule [30]. Une fois que la pression de confinement désirée est atteinte, la charge axiale est appliquée progressivement sur l’échantillon à l’aide d’un piston de chargement et ce, jusqu’à la rupture. De cette façon, l’évolution de la résistance ultime à la compression est obtenue pour différents niveaux de confinement. La figure 2.12 montre les résultats obtenus pour les différents essais de compression triaxiale.
Les résultats obtenus montrent que la résistance ultime à la compression augmente avec la pression de confinement ainsi qu’avec le niveau de cuisson. D’autres travaux ont été réalisés sur d’autres matériaux sensibles à la pression de confinement dont le carbone utilisé pour la fabrication des cathodes [42] et le béton (figure 2.13) [43]. Une même tendance a pu être observée pour le béton en compression triaxiale, telle que la résistance ultime à la compression augmente avec l’augmentation du confinement. Tous les essais de compression triaxiale ont été réalisés sur ces genres de matériaux à TA. Cependant, aucune publication n’a pu être trouvée concernant les essais à chaud.

Caractérisation par fluage/recouvrance

Le comportement mécanique de l’anode de carbone a longtemps été mal compris vu sa complexité conséquente de la forte variation de ses propriétés en fonction de son niveau de cuisson. Les matériaux à base de carbone utilisés dans l’industrie de l’aluminium sont des matériaux granulaires hétérogènes liés avec le brai qui peuvent adopter un changement considérable de viscosité en fonction de la température [32], ainsi qu’un comportement visco-élasto-plastique avec adoucissement. Ce genre de comportement peut mener à une certaine dégradation mécanique en raison de l’apparition des fissures au-delà d’un certain seuil de sollicitation et ce, sans atteindre nécessairement la rupture [44]. Jusqu’à présent, peu de travaux portant sur le fluage des anodes de carbone ont été observés en laboratoire en phase de cuisson, et surtout à haute température dans les directions axiales et radiales. Le fluage est un mécanisme de déformation visqueuse qui évolue en fonction du temps pour un matériau qui est soumis à une contrainte 𝜎 constante. Les déformations peuvent être réversibles (élastiques, viscoélastiques) et/ou non-réversibles (viscoplastiques). Le phénomène de fluage a été découvert en 1910 par Eugène Freyssinet qui le remarqua pour la première fois sur un pont en béton, en observant une évolution des déplacements de la structure au cours du temps [45]. La déformation en fluage, qui s’accentue généralement avec la température, se décompose en trois phases distinctes : primaire, secondaire et tertiaire (figure 2.14). Ces phases possèdent des caractéristiques différentes en termes de déformation, de vitesse de déformation et d’accélération de déformation.
La phase primaire du phénomène de fluage est caractérisée par une déformation instantanée qui est conséquente de l’intensité de la charge appliquée (élastique ou élastoplastique), suivie d’une déformation viscoélastique 𝜀𝑣𝑒 et/ou viscoplastique 𝜀𝑣𝑝 où la vitesse de déformation commence à diminuer pour atteindre une valeur constante. C’est alors le début de la phase secondaire qui est caractérisée par une déformation viscoplastique 𝜀𝑣𝑝. La phase tertiaire est caractérisée par une augmentation de la vitesse de déformation durant laquelle le matériau se dégrade, suite à des endommagements avec propagation des fissures jusqu’à atteindre la rupture [44].
Dans le cadre de ce projet, seulement les première et deuxième phases de fluage ont été étudiées. En effet, une estimation du niveau de contrainte vu par l’anode de carbone durant sa cuisson a été jugée insuffisante pour déclencher l’apparition de la phase tertiaire. Afin d’identifier les différents phénomènes/mécanismes en présence, il est également pertinent d’étudier la phase de recouvrance, qui est obtenue suite au retrait de la contrainte appliquée après l’observation du fluage secondaire. Au retrait de la charge, la déformation instantanée est totalement récupérée si elle est de nature élastique 𝜀𝑒 (recouvrement élastique instantané), suivie par la déformation viscoélastique 𝜀𝑣𝑒 (recouvrement retardé). La déformation résiduelle est donc de nature viscoplastique 𝜀𝑣𝑝 et/ou élastoplastique (déformation permanente). La figure 2.15 illustre le phénomène de fluage avec ses phases primaire et secondaire, suivie du phénomène de la recouvrance suite au retrait de la contrainte appliquée et ce, en l’absence de déformation élastoplastique.

Montages et méthodes expérimentales

Introduction

Afin de caractériser le comportement thermo-chimio-mécanique de l’anode de carbone, il est pertinent d’avoir des échantillons de grade industriel et ce, dans le but d’obtenir une idée réaliste de ce qui se passe lors de la cuisson. Pour cela, un échantillonnage en usine a été réalisé à partir de la ligne de production avec notre partenaire industriel AAI. Cette étape a été suivie par la préparation des échantillons d’anode dépendamment des dimensions exigées pour les essais réalisés. Par la suite, une procédure de caractérisation de la densité et de la résistivité a été réalisée avant de procéder à des cuissons partielles à différentes températures dans le but de conditionner les dits échantillons aux différents tests à réaliser. Enfin, une caractérisation thermo-chimio-mécanique a été effectuée via des essais sur différents échantillons d’anode de carbone crus, partiellement cuits ainsi que totalement cuits.

Échantillonnage en usine

Afin d’avoir des échantillons d’anode de carbone représentatifs de la réalité industrielle, ces derniers ont été extraits directement à partir des blocs d’anodes de carbone industrielles qui ont été fabriquées dans la chaine de production d’AAI. Les échantillons crus ont été prélevés de huit différentes anodes crues. Ces anodes ont été fabriquées avec des paramètres variables, afin d’obtenir des résultats statistiquement représentatifs de la réalité industrielle. En ce qui concerne les échantillons totalement cuits, ils ont été prélevés d’une même anode industrielle cuite jusqu’à environ 1200°C. De plus, pour une même anode, les échantillons provenaient d’emplacements différents sur ladite anode. La figure 3.1 montre le plan de carottage des échantillons.

Préparation des échantillons

Carottage et usinage

Après le découpage en longueur des grosses carottes extraites directement à partir des anodes industrielles, une nouvelle procédure de carottage a été réalisée sur les carottes de 75 mm de diamètre à l’aide d’une carotteuse de plus petite taille (figure 3.2) de manière à avoir des échantillons de 50 mm de diamètre et 130 mm de longueur et ce, dans le but d’avoir des dimensions convenables pour nos appareils expérimentales. Après le carottage, les échantillons de carbone cylindriques ont été acheminés pour l’usinage sur un tour afin d’avoir un parallélisme parfait entre les deux bases de l’échantillon, ainsi que des états de surface convenables pour les différents essais à réaliser. À ce stade-ci, et avant la réalisation des essais, la détermination de certaines propriétés physiques telle que la résistivité électrique et la densité apparente, ont été nécessaires pour donner des informations importantes sur la qualité des anodes fabriquées, ainsi que sur les défauts de fabrication qui ont pu être rencontrés comme la fissuration. Les échantillons de mauvaise qualité ont été rejetés.

Mesure de la densité

La densité apparente 𝐷 a été déterminée selon la norme ASTM D5502-00 (2010) [48] via des mesures physiques des échantillons cylindriques d’anodes de carbone utilisées dans l’industrie de l’aluminium. Les mesures de densité ont permis de sélectionner trois sortes d’échantillons : échantillon avec une densité haute, moyenne et faible. Ceci a permis de diversifier l’échantillonnage lors de la réalisation des essais telle que les trois sortes d’échantillons ont été pris pour chaque essai (trois répétitions) et ce, afin d’avoir une moyenne représentative de la réalité industrielle. La procédure se décrit comme suit :
 Peser l’échantillon à l’aide d’une balance avec une précision de 0.01 g.
 Mesurer le diamètre 𝑑 et la longueur 𝑙 de l’échantillon à l’aide d’un micromètre avec une précision de 0.001 cm :
 En faisant deux lignes perpendiculaires (deux diamètres) entre elles et passant par le centre d’une des bases circulaires de l’échantillon cylindrique, on obtient 4 points à l’intersection des lignes avec le cercle. Par la suite, on trace 4 lignes verticales issues de ces 4 points sur la face latérale, tout le long de l’échantillon jusqu’à la deuxième base circulaire (figure 3.3).
 La longueur de l’échantillon a été obtenue comme la valeur moyenne des quatre hauteurs mesurées (figure 3.3).
 Le diamètre de l’échantillon est obtenu en prenant la valeur moyenne des huit diamètres mesurés (figure 3.4).
 La densité apparente a été obtenue par le rapport entre la masse 𝑚 et le volume (équation 3.1) de l’échantillon :

Mesure de la résistivité électrique

La résistivité électrique a été déterminée selon la norme ASTM D6120-97 (2007) [49] sur des échantillons cylindriques des anodes de carbone comme suit :
 L’échantillon cylindrique de longueur 𝑙 de diamètre 𝑑 a été fixé entre deux plaques planes en cuivre (une est fixe et une mobile). Ces deux plaques sont en contact avec les deux bases de l’échantillon, le tout réalisé sur un montage fabriqué à l’UQAC, suivant les exigences de la norme ASTM D6120-97.
 La mesure de la résistivité électrique est basée sur une méthode simple qui consiste à passer un courant électrique à travers la longueur de l’échantillon, et à mesurer la différence de voltage entre deux positions sur l’échantillon dont la distance entre ces deux positions est connue.
La résistivité électrique constitue un bon indicateur du niveau de fissuration de l’anode. Une résistivité électrique élevée indique que l’échantillon contient beaucoup de microfissures, alors qu’une résistivité électrique plus basse indique que l’échantillon est moins fissuré. Les mesures de résistivité ont été réalisées sur l’ensemble des échantillons crus et totalement cuits. Pour les échantillons partiellement cuits à certains niveaux de cuisson, une autre compagne de mesure de résistivité électrique a été réalisée dans le but d’avoir une idée sur la fissuration qui a pu être générée durant ladite cuisson (les échantillons de mauvaise qualité possédants un pourcentage élevé de fissuration, issus d’une mesure de résistivité électrique élevée, ont été automatiquement retirés de l’échantillonnage).

Identification des températures des cuissons partielles

Dans ce projet, la cuisson partielle des échantillons a été réalisée dans un four de laboratoire de type PYRADIA (figure 3.5), en tenant compte des conditions de cuisson employées dans un four industriel. En ce qui concerne les échantillons totalement cuits, ces derniers ont été obtenus d’une anode industrielle totalement cuite jusqu’à environ 1200°C.
Pour se faire, les échantillons ont été disposés afin de maintenir un espace tout autour de chaque échantillon qui sera par la suite comblé par le coke de garnissage. Une couche du coke de garnissage a également été disposé au-dessous et au-dessus des échantillons avant de fermer le four. La cuisson a été effectuée avec un taux de chauffe de 11°C/h, considéré comme étant la valeur moyenne dans les fours de cuisson industriels et ce, allant de la TA jusqu’à la température de cuisson désirée. Les températures de cuisson partielle ont été choisies entre 300°C et 600°C en se référant aux travaux précédemment réalisés par Lu et al. [32], et qui ont montré que la plupart des réactions chimiques significatives se produisent dans cet intervalle de température. Le tableau 3.1 montre les températures de cuisson partielle pour les essais qui ont été réalisés à chaud et à TA.
Cette étape a donc permis de compléter le lot d’échantillons comportant des échantillons crus, partiellement cuits (300°C, 400°C, 500°C et 600°C) ainsi que totalement cuits (1200°C). Ces échantillons ont été répartis parmi les différents essais à réaliser. Il a été aussi pertinent de réaliser des essais sur des échantillons d’anode de carbone à des températures critiques telles que 120°C qui est la température de ramollissement de brai, 180°C qui est une température voisine de la température de formation des anodes ainsi que 230°C qui est la température juste avant le dégagement des volatiles. À ces températures, l’échantillon est encore à l’état cru et donc, la cuisson n’a pas encore commencé. Seule la viscosité du brai change ce qui rend l’échantillon plus mou.

Caractérisation thermochimique

Cette section est découpée en deux parties. La première partie est consacrée à l’essai de dilatométrie qui a servi à la mesure de la déformation libre de l’échantillon pendant sa phase de cuisson, alors que la deuxième est consacrée à l’essai de thermogravimétrie qui a servi à l’identification de la température des essais qui ont été réalisés à chaud.

Essai de dilatométrie

Cet essai a été réalisé à l’aide d’un dilatomètre spécialisé (préalablement calibré) permettant l’étude des matériaux thermo-réactifs (figure 3.6).
L’échantillon de 32 mm de diamètre et 100 mm de longueur (ces dimensions ont été choisies suivant les exigences imposées par le dilatomètre) est fixé à l’intérieur d’une enceinte qui est lui-même rattaché à un support. Un disque de graphite est déposé sur la surface supérieure de l’échantillon afin d’assurer la stabilité du point de mesure ; mesure qui est réalisée à l’aide d’un LVDT (Linear Variable Differential Transformer) d’une précision de l’ordre de ± 1 μm, et connecté à une tige d’alumine. Les déplacements mesurés via un système d’acquisition de données (Keithly, 2700) [50] permettent donc de capturer l’ensemble des dilatations/contractions au cours d’un processus de cuisson. Le chauffage est ici contrôlé par un thermocouple en contact direct avec l’échantillon.
Durant l’essai de dilatométrie, la dilatation libre a été mesurée durant un cycle complet de cuisson d’un échantillon d’anode de carbone cru extrait d’une anode industrielle. Le scénario de cuisson a été réalisé via une montée en température jusqu’à 1100°C suivie d’un refroidissement jusqu’à la TA. Une nouvelle montée en température a été réalisée suite au refroidissement et ce, afin de corroborer la courbe de dilatation thermique : pour vérifier si les courbes de refroidissement et de la remontée en température se coïncident, puisque toutes les déformations d’origine chimique ont eu lieu et donc, la déformation d’origine thermique issue de la dilatation thermique peut être identifiée. L’essai a été réalisé dans un environnement inerte pour éviter l’oxydation de l’échantillon.

Essai de thermogravimétrie

Les essais à TA et à chaud ont été réalisés sur différents échantillons précuits à des températures passantes de l’état cru à l’état cuit et ce, afin de mesurer l’impact de la température de test versus la température de cuisson. Concernant les essais à chaud sur les échantillons cuits à un certain niveau de cuisson, les travaux antérieurs sur les matériaux à base de carbone ont réalisé les essais à la température de cuisson de l’échantillon, ou légèrement inférieure. Dans le cadre de ce projet, les essais à haute température ont été réalisés à une température qui a été identifiée via la thermogravimétrie.
La réalisation d’essais à chaud représentatifs du niveau de cuisson exige le maintien de l’état chimique de l’échantillon durant l’essai. Il est de toute première importance d’éviter que les réactions chimiques se poursuivent au cours de la réalisation des essais à chaud. En d’autres termes, en faisant cuire un échantillon à une certaine température, il est fort probable que la cuisson ne soit pas achevée et donc, que les réactions chimiques ne soient pas complétées. Suite à son refroidissement, lorsque l’échantillon subit une nouvelle montée en température, les réactions chimiques vont se poursuivre à partir d’une certaine température. Cette température de reprise des réactions chimiques ne doit donc pas être dépassée et ce, afin de ne pas altérer l’état de l’échantillon. Dans ce contexte, existerait-il une température critique à laquelle les essais mécaniques sur des échantillons cuits à une température donnée pourraient être réalisés, et qui permettrait l’obtention de résultats représentatifs du niveau de cuisson atteint ? L’essai de thermogravimétrie aura permis de répondre à ce questionnement.

Caractérisation thermomécanique

L’anode de carbone est un matériau poreux qui possède une structure granulaire hétérogène à l’échelle macroscopique et dont les particules d’agrégats sont fixées à l’aide d’un liant (brai). Pendant le processus de cuisson, c’est ce liant qui subit une forte variation de sa viscosité lors de la montée en température et qui durcit au cours de la cuisson; assurant ainsi la liaison avec les autres constituants dans l’anode. Ce comportement a un impact direct sur les propriétés mécaniques du matériau.

Essai de compression uniaxiale

Dans cette section, les détails associés à l’identification de l’évolution des propriétés élastiques (𝐸,𝜈) et de la résistance ultime à la compression 𝑆𝑢𝑐 à différents niveaux de cuisson via l’essai de compression uniaxiale sont présentés. Les résultats obtenus ont été récemment publiés dans un article de conférence.

Essai à TA

Tel que défini au tableau 3.1, les essais de compression uniaxiale à TA ont été réalisés sur des échantillons d’anode de carbone crus, partiellement cuits (300°C, 400°C, 500°C, 600°C) et totalement cuits (1200°C). Les échantillons ont été testés à l’aide d’une presse Gleeble® 3800 (figure 3.8), suivant la procédure développée précédemment par Racine et al. [52] (Dimensions des échantillons : 𝑑=50 mm et 𝑙=100 mm suivant les exigences imposées par notre appareil). La presse Gleeble® est une presse hydraulique horizontale. Les déplacements axiaux et radiaux ont été mesurés respectivement à l’aide d’un extensomètre axial et d’un extensomètre radial (figure 3.8) d’une précision de l’ordre de ± 1 μm. Entre les extrémités de l’échantillon cylindrique et les mores de la presse, deux feuilles de graphites ont été ajoutées de part et d’autre afin d’assurer un contact parfait avec l’échantillon.

Essais à chaud

Avant même d’aborder cette section, il était aisé de s’imaginer que les propriétés mécaniques d’échantillons soumis à des températures avoisinant la plage de température correspondant à la phase de ramollissement du brai jusqu’au début de la perte de masse, devraient être fortement influencés par la température; ce qui n’est pas le cas en observant les résultats obtenus des essais à TA. En effet, une diminution de viscosité occasionnée par la montée en température ne peut qu’affecter de façon significative les propriétés élastiques du matériau. Afin de décrire plus fidèlement l’évolution desdites propriétés, il importe donc de réaliser les essais à une température représentative de l’état de cuisson.
Tel que montré aux figures 4.11, 4.12 et 4.13, les résultats obtenus des essais à chaud sur des échantillons cuits à des températures de 500°C et plus montrent un comportement similaire à celui obtenu des essais à TA. Cependant, les résultats obtenus pour les essais à chaud sur des échantillons cuits à des températures de 400°C et moins montrent un comportement très différent de celui obtenu des essais à TA.
Tel qu’illustré à la figure 4.11, les valeurs de 𝑆𝑢𝑐 diminuent considérablement d’une valeur moyenne de 47 MPa pour un échantillon cru testé à TA à 0.514 MPa pour un échantillon cru testé à 120°C, soit la température de ramollissement du brai. Au-delà de cette température, les valeurs de 𝑆𝑢𝑐 continuent de diminuer jusqu’à 230°C pour atteindre une valeur minimale moyenne de 0.136 MPa.
Tel que montré à la figure 4.12, la même tendance est observée pour 𝐸 avec une diminution de l’ordre de 11 GPa pour un échantillon cru pour atteindre des valeurs très faibles de l’ordre de 0.037 GPa pour les températures de cuisson situées entre 120°C et 400°C. À partir de 400°C, le brai commence à développer une certaine résistance due à sa cokéfaction qui continue jusqu’à environ 700°C, ce qui contribue à l’augmentation importante des valeurs de 𝑆𝑢𝑐 et 𝐸 ainsi qu’à leur stabilisation à partir de 500°C, jusqu’à la fin de la cuisson à environ 1200°C.
Quoi qu’évoluant selon la même tendance que la résistance ultime en compression et le module d’Young, la détermination du coefficient de Poisson d’un tel matériau dans la plage de température correspondante à sa chute de viscosité représente un défi de taille et ce, en raison de la faible amplitude des déplacements mesurés. Tel que montrée à la figure 4.13, l’évolution du coefficient de Poisson montre une tendance identique à celle obtenue des essais à TA sur des échantillons cuits à 500°C et plus.
En contrepartie, la plage de température comprise entre 120°C et 500°C présente de fortes variations. À 120°C, la valeur de 𝜈 atteint une valeur moyenne de 0.238 et augmente progressivement vers la valeur irréaliste de 0.589 à 180°C, température à laquelle le matériau atteint une consistance très molle. En effet la chute de viscosité du matériau l’amène à s’écouler progressivement et ce, sans l’ajout de force supplémentaire, ce qui explique les valeurs de 𝜈 supérieures 0.5. L’exercice montre cependant que le matériau se comporte comme un fluide incompressible au voisinage de 180°C.
Pour des températures de cuisson se situant entre 230°C et 400°C, le coefficient de Poisson diminue d’une manière significative tout en demeurant relativement élevé avec une valeur moyenne de 0.414. À partir de 500°C, 𝜈 se stabilise progressivement avec la cokéfaction du brai pour atteindre une valeur moyenne de 0.17 entre 500°C et 600°C et une valeur de 0.12 en fin de cuisson.

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Table des matières

Introduction
1.1 Généralités
1.2 Problématique
1.3 Objectifs
1.4 Méthodologie
1.5 Organisation du mémoire
Recherche bibliographique
2.1 Introduction
2.2 L’anode de carbone
2.2.1 Constituants de l’anode de carbone
2.2.2 Fabrication des anodes
2.3 Caractérisation des anodes de carbone en phase de cuisson
2.3.1 Caractérisation thermochimique
2.3.2 Caractérisation thermomécanique
2.4 Sommaire
Montages et méthodes expérimentales 
3.1 Introduction
3.2 Échantillonnage en usine
3.3 Préparation des échantillons
3.3.1 Carottage et usinage
3.3.2 Mesure de la densité
3.3.3 Mesure de la résistivité électrique
3.4 Identification des températures des cuissons partielles
3.5 Caractérisation thermochimique
3.5.1 Essai de dilatométrie
3.5.2 Essai de thermogravimétrie
3.6 Caractérisation thermomécanique
3.6.1 Essai de compression uniaxiale
3.6.2 Essai de compression triaxiale
3.6.3 Essai de fluage/recouvrance
3.7 Sommaire
Résultats et discussions
4.1 Introduction
4.2 Caractérisation du comportement thermochimique
4.2.1 Essais de dilatométrie
4.2.2 Essai de thermogravimétrie
4.3 Caractérisation du comportement thermomécanique
4.3.1 Compression uniaxiale
4.3.2 Compression triaxiale
4.3.3 Définition de l’enveloppe de rupture
4.4 Caractérisation du comportement en fluage/recouvrance
4.4.1 Résultats en fluage
4.4.2 Recouvrance
4.4.3 Non-linéarité du comportement visqueux
4.5 Sommaire
Conclusion et recommandations
5.1 Rétrospective et conclusions
5.2 Recommandations
Bibliographie

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