Les processus d’invasion biologique

Les processus d’invasion biologique

Objectifs

En prenant pour modèle biologique les moustiques du genre Aedes vecteurs d’arboviroses, nous souhaitons mieux comprendre les processus d’installation et d’expansion d’une espèce invasive par rapport à une espèce résidente afin de mieux anticiper le potentiel d’expansion potentielle de l‟envahisseur dans des régions encore exemptes de sa présence. Nous nous sommes proposés d‟étudier deux situations bien distinctes : un cas d‟invasion récente et un cas d‟invasion plus ancienne, toutes deux impliquant le couple Ae. albopictus vs Ae. aegypti. Un premier objectif a été d‟appréhender les facteurs abiotiques favorisant l‟installation et l‟expansion d‟Ae. albopictus dans une île de l‟Océan Indien, Mayotte. Après avoir caractérisé les niches écologiques de l‟espèce invasive et de l‟espèce résidente sur le terrain, nous avons utilisé des approches développées en écologie du paysage pour déterminer les facteurs abiotiques affectant la distribution et l‟abondance différentielles des espèces sur cette île.

Nous avons ensuite cherché à expliquer comment les caractéristiques biotiques et abiotiques du milieu avaient pu favoriser la dominance d‟Ae. albopictus survenue après son invasion dans différentes régions. Nous nous sommes donc intéressés plus particulièrement à la situation à l‟île de la Réunion où Ae. albopictus a supplanté Ae. aegypti depuis longtemps. Cette seconde partie de notre travail est basée sur des approches expérimentales visant à comparer les traits d‟histoire de vie des deux espèces et à déterminer l‟intensité et l‟asymétrie de différents mécanismes de compétition interspécifique notamment au stade larvaire. Par ces expérimentations, nous avons cherché à mettre en évidence des stratégies de vie particulières pouvant expliquer l‟expansion de l‟espèce invasive par rapport à l‟espèce résidente. Le troisième objectif de notre travail a été d‟identifier, à une échelle plus fine que celle utilisée dans les précédents chapitres, les facteurs conditionnant la colonisation des sites par l‟espèce invasive, par l‟étude en laboratoire de l‟influence des caractéristiques du gîte larvaire sur le comportement de ponte des femelles. Dans un premier temps, nous détaillerons les caractéristiques de nos modèles et sites d‟études.

Le stade oeuf

Les femelles des deux espèces pondent des oeufs de morphologie similaire (Photo 4), ne mesurant pas plus d‟un millimètre de long (aux alentours de 0,5 mm). Les oeufs sont pondus individuellement sur des supports humides, généralement les parois de petites collections d‟eau d‟origine anthropique ou naturelle. Les femelles sont capables de pondre un grand nombre d‟oeufs, parfois des centaines (Clements 2000) en une seule ou plusieurs pontes. Le fractionnement des pontes, décrit chez ces deux espèces (Corbet and Chadee 1993), est un mécanisme permettant d‟élargir la distribution spatiale des oeufs sur un site et ainsi d‟augmenter les chances de survie. Les oeufs, blanchâtres au moment de la ponte, s‟assombrissent dans les heures qui suivent. Ils sont revêtus d‟un chorion protecteur qui leur permet de résister à la dessiccation (ils sont alors à l‟état quiescent) sur de plus ou moins longues périodes pouvant atteindre plusieurs mois dans certaines conditions (Edwards 1920, Hawley 1988). Les oeufs ont systématiquement besoin d‟une période d‟assèchement de quelques jours suivie d‟une phase de ré-immersion pour pouvoir éclore. Un laps de temps allant de un jour à une semaine est nécessaire pour le développement embryonnaire, dont la durée varie en fonction de la température extérieure et de la présence de nutriments dans l‟eau (Clements 2000). Le stade oeuf est un stade clé de la dispersion par l‟homme chez ces deux espèces. A la différence d‟Ae. aegypti, Ae. albopictus est capable de se développer en régions tempérées grâce à la capacité de ses oeufs à entrer en dormance lorsque la température descend en dessous du seuil de tolérance de l‟espèce (< 5°C) (Nawrocki and Hawley 1984, Mitchell 1995). Cette capacité serait liée à une meilleure efficacité de la lipogenèse chez cette espèce (Briegel and Timmermann 2001).

Le stade larvaire

Les larves (Photo 5), sont pourvues de pattes et d‟une tête bien différenciée. Au cours de leur développement, elles subissent quatre mues (de L1 à L4) leur taille passant de quelques millimètres pour les premiers stades à environ un cm pour la L4. Le stade larvaire est un stade aquatique mobile. La durée des différents stades peut varier entre 5 et 20 jours en moyenne chez les deux espèces en fonction des conditions abiotiques; les faibles températures et l‟absence de nourriture sont des facteurs ralentissant la durée du développement larvaire (Christopher 1960, Hawley 1988). Bien qu‟aquatiques, les larves ont besoin de l‟oxygène atmosphérique pour leur respiration. Elles sont pourvues d‟une paire de spiracles situés à l‟extrémité du siphon respiratoire, lui-même localisé à l‟extrémité de l‟abdomen (Clements 2000). L‟accès à l‟oxygène peut être une source de compétition entre les larves. Ainsi, une densité de 100 larves pour 10cm² de surface entre l‟eau et l‟air est le maximum assurant une survie larvaire optimale (Russell 1986). Les larves des deux espèces se déplacent verticalement vers la surface de l‟eau par une nage en S impliquant des flexions de l‟abdomen (Christophers 1960).

Elles se nourrissent de particules en suspension dans l‟eau telle que des microorganismes (bactéries, diatomées, algues) mais également de particules provenant de tissus de plantes ou d‟animaux en décomposition (Clements 2000). Elles s‟alimentent par broutage sur le fond du gîte ou par filtration des particules en suspension. Ces différents modes de nutrition peuvent affecter l‟exploitation de la ressource et modifier l‟issue de l‟interaction entre ces deux espèces (Yee et al. 2004, Yee et al. 2007).

Compétence vectorielle pour les arbovirus Aedes albopictus et Ae. aegypti sont des vecteurs connus de beaucoup de maladies causées par différents types d‟agents pathogènes. Mais leur importance en santé humaine est surtout liée à leur forte capacité à transmettre des arbovirus. Les arbovirus (arthropode borne virus) sont un ensemble de virus très divers dont la transmission à l‟hôte (ou aux hôtes) est assurée par un arthropode hématophage. La plupart des hôtes concernés sont des vertébrés, notamment des mammifères et des oiseaux. Les vecteurs peuvent être des insectes hématophages (moustiques, phlébotomes, Ceratopogonidae) mais aussi des arachnides (acariens tels que les tiques). Beaucoup d‟arboviroses sont des zoonoses pour lesquelles l‟homme ne serait qu‟un hôte accidentel. Parmi les arboviroses (animales comme humaines) les plus connues, on peut citer : la Fièvre Catarrhale (ou Bluetongue), la Peste Porcine, la Fièvre Jaune, l‟Encéphalite Japonaise, l‟Encéphalite à Tique, la Maladie de Chagas, la Dengue, la Fièvre de la Vallée du Rift et le West Nile.

Aedes aegypti est vecteur de nombreux arbovirus transmissibles à l‟Homme dont les deux principaux sont la dengue et la fièvre jaune (Christopher 1960). Du fait de sa large gamme d‟hôtes, Ae. albopictus était plutôt considéré comme un mauvais vecteur d‟arboviroses pour l‟homme dans la nature, les repas sanguins pris sur des hôtes non susceptibles limitant le cycle de transmission des virus (Reiter et al. 2006). Toutefois cette espèce assurerait la transmission de la Dengue en Asie dans les milieux ruraux et périurbains ainsi que dans les régions où Ae. aegypti est absent (Gratz 2004). La compétence vectorielle d‟Ae. albopictus a cependant été prouvée au laboratoire pour près de 22 arbovirus (Shroyer 1986, Mitchell 1991, Gratz 2004). De même, la présence de différents virus a été mise en évidence dans des individus collectés sur le terrain (Paupy et al. 2009) (Tableau 2). Ceci souligne tout particulièrement les risques épidémiologiques liés à l’expansion de cette espèce.

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Table des matières

Introduction
I.Problématique
I.1. Les processus d‟invasion biologique
I.2. Compétition interspécifique et invasions biologiques
I.3. Objectifs
II.Les modèles biologiques : Ae. albopictus et Ae. aegypti
II.1. Taxonomie
II.2. Cycle de développement
II.2.1. Le stade oeuf
II.2.2. Le stade larvaire
II.2.3. Le stade nymphal
II.2.4. Le stade adulte
II.3. Habitats et distribution
II.3.1. Aedes albopictus
II.3.2. Aedes aegypti
II.4. Compétence vectorielle pour les arbovirus
II.4.1. La Dengue
II.4.2. Le Chikungunya
II.5. Situation dans les îles de l‟Océan Indien
II.5.1. Distribution des deux espèces
II.5.2. Phylogéographie
II.5.3. Epidémiologie des arboviroses
III. Les sites d’étude
III.1. La Réunion
III.1.1. Situation géographique et climatique
III.1.2. Les moustiques de la Réunion
III.2. Mayotte
III.2.1. Situation géographique et climatique
III.2.2. Les moustiques de Mayotte
Chapitre I : Dynamique des populations d’Ae. albopictus à Mayotte
I.1. Dynamique des populations larvaires d’Ae. albopictus et d’Ae. aegypti à Mayotte
I.2. Analyse spatiale de l’abondance d’Ae. albopictus et Ae. aegypti à Mayotte
I.2.1. Contexte
I.2.1.1. Le contexte culturel et démographique mahorais
I.2.1.2. L‟ecologie du paysage
I.2.2. Démarche
I.2.2.1. Le site d‟étude
I.2.2.2. Origine des données
I.2.2.3. Pré traitement des données
I.2.2.4. Analyse des données
I.2.3. Résultats
I.2.3.1. Analyse des données à l‟échelle d‟un carreau
I.2.3.2. Analyse des données à l‟échelle des polygones
I.2.4. Discussion
I.2.4.1. Résultats entomologiques
I.2.4.2. Spécificité du paysage de Mayotte
I.2.4.3. Critique de la méthode
I.2.5. Conclusion
I.2.6. Références bibliographiques
Chapitre II : Stratégies de vie d’Ae. albopictus
II.1. Traits d’histoire de vie d’Ae.albopictus et Ae.aegypti à la Réunion
Abstract
Introduction
Materials and methods
Results
Discussion
References cited
II.2. Compétition larvaire entre Ae. albopictus et Ae. aegypti à la Réunion
Abstract
Introduction
Materials and methods
Results
Discussion
References cited
Chapitre III: Comportement de ponte d’Ae. albopictus
III.1 Caractéristiques physico- chimiques des eaux de développement des gîtes larvaires
naturels d’Ae. albopictus et d’Ae. aegypti des ravines de la Réunion
Introduction
Matériel et méthode
Résultats
Discussion
Références bibliographiques
III.2. Comportement de pré oviposition d’Ae. albopictus
Introduction
Matériel et méthode
Matériel utilisé
Méthode
Discussion
Discussion générale
I.Historique de l’invasion d’Ae. albopictus
II.Capacité invasive d’Ae. albopictus
II.1. Plasticité phénotypique
II.2. Espèce généraliste vs espèce plus spécialisée
II.3. Compétition
III. Réceptivité du milieu face à l’invasion
Conclusion
Perspectives
Bibliographie
Listes de travaux réalisés
Publications
Participation à Congrés
Annexe 1
Annexe 2

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