Caractérisation de l’adaptation aux sols chlorosants des porte-greffes de vigne

Tous les jardiniers amateurs le savent : les sols calcaires sont redoutés de tous car de nombreuses espèces de plantes n’y poussent pas forcément. Il en va de même pour les différentes espèces de vigne qui se comportent de façon très hétérogène face au calcaire. Depuis la crise phylloxérique qui a dévasté le vignoble à la fin du XIXe siècle, la grande majorité des vignes cultivées dans le monde sont issues d’une espèce européenne (Vitis vinifera) greffée sur des croisements de plusieurs espèces européennes, américaines ou asiatiques. En toute rigueur, ce sont donc ces différents « porte-greffes » issus de croisements qui sont à l’origine de différences d’adaptation de la vigne en sol calcaire. En effet, le choix d’un mauvais porte-greffe de vigne sur ce type de sol peut conduire à une carence, commune à toutes les autres espèces de plantes, appelée « chlorose » et caractérisée par un jaunissement des feuilles et une perte de rendement.

Compte-tenu de leur histoire géologique d’ancien bassin sédimentaire, une grande majorité des bassins viticoles à forte valeur ajoutée présente des sols à fort taux de calcaire (figure 1). C’est le cas, par exemple, de la Champagne, la Bourgogne ou encore les Charentes. Le choix des portegreffes utilisés dans ces régions s’est donc naturellement fait en faveur de ceux qui toléraient le mieux ces environnements, et qui ne présentaient pas de symptômes de chlorose.

L’avantage des porte-greffes en viticulture est qu’ils sont très rarement mis en relation avec les caractéristiques organoleptiques du vin produit, et donc qu’ils ne font pas face à des considérations marketing et commerciales ou encore qu’ils ne sont pas soumis à des contraintes réglementaires d’appellation d’origine qui restreindrait leur culture à certaines zones du territoire français. Ainsi, seule l’inscription au catalogue et son classement est nécessaire pour cultiver un porte-greffe dans une région donnée.

Or, en comparaison avec les variétés de Vitis vinifera ou « cépages » autorisés (environ 300 au catalogue français 2018), les porte-greffes autorisés ne représentent qu’un petit nombre (31 au catalogue français 2018), et ceux qui sont tolérants à la chlorose sont nécessairement encore moins nombreux (6 selon POUGET et OTTENWAELTER 19781 ). En plus de cette diversité limitée, on assiste de manière générale à une sous-utilisation de la diversité des porte-greffes en France, puisque 5 porte-greffes couvrent 69% du vignoble (France Agrimer 2017, Annexe 1 et figure 1). Ainsi, cette sous-utilisation est là encore exacerbée dans ces régions viticoles clés où le calcaire est une contrainte qui réduit le choix des porte-greffes. Par exemple, en Champagne, on assiste à un quasi-monopole du porte-greffe « 41B », et en Bourgogne, 5 porte-greffes recouvrent 95% de la surface plantée (France Agrimer 2013). Parmi eux, le 161-49C est concerné par des problèmes majeurs de dépérissement à l’échelle nationale et le 3309C peut présenter également des difficultés (TORREGROSA et SPILMONT 2014 ). Il apparaît donc nécessaire et évident de diversifier la gamme des porte-greffes tolérants à la chlorose plantés dans ces régions, afin d’éviter des « monocultures », pouvant se révéler risquées face aux maladies et aléas climatiques .

Par ailleurs, le changement climatique est désormais un fait avéré, comme le prouvent tous les récents rapports du GIEC. De plus, l’obtention, l’implantation d’un porte-greffe et le remplacement des anciens impliquent un facteur temps indéniable, particulièrement dans des régions où l’âge des vignes est un paramètre économique. C’est pourquoi il convient d’avoir une vision à long-terme lorsque l’on cherche à obtenir de nouveaux candidats. Dans ce contexte, il est donc également nécessaire que les futurs porte-greffes présentent une certaine tolérance à la sécheresse.

Afin de trouver de nouveaux porte-greffes répondants à ces critères, l’exploration de la diversité génétique de la vigne, notamment des porte-greffes étrangers, pourrait être une solution complémentaire à l’innovation variétale. Le dispositif GreffAdapt, constitué de 55 porte-greffes dont 25 étrangers, a été planté de 2014 à 2016. En parallèle de cette implantation au champ, une caractérisation des réponses au déficit hydrique et de la tolérance aux sols chlorosant a été conduite en pot. L’objectif de cette étude est de fournir une liste de 10 porte-greffes relativement résistants parmi ce panel de porte-greffes.

La chlorose de la vigne est apparue depuis la crise phylloxérique et le début du greffage. En effet, pour lutter contre le phylloxera, les Vitis américains et leurs descendants furent utilisés comme porte-greffes à la fin du XIXe siècle et diffusés sur tout le continent. Or, une fois ces espèces introduites, le vignoble ainsi transformé se mit à exprimer des symptômes nouveaux de jaunissement, dus à une carence qui était inconnue lorsque Vitis vinifera n’était pas greffé. Ce jaunissement exprimant une perte de chlorophylle fut donc appelée « chlorose » et les plus forts cas de cette chlorose furent identifiés dans des zones connues pour leurs sols très calcaires.  (AUDIN 1900 , POUGET et JUSTE 1972).

Les premiers candidats au greffage pour lutter contre le phylloxera furent les espèces américaines Vitis rupestris et Vitis riparia, identifiées par le professeur Louis Ravaz. Cependant, ces deux espèces étaient très sensibles à la chlorose dans des terrains très calcaires. Ce n’est qu’après l’obtention de porte-greffes issus de croisements avec Vitis berlandieri (41 B, 333 EM, etc…) que la plantation dans les zones les plus chlorosantes (Charente, Champagne) put être réalisée avec succès. La station viticole de Cognac a pu jouer un rôle essentiel dans l’expérimentation de ces porte-greffes d’hybrideurs. Le 41B (1882 par Millardet et de Grasset) a ainsi permis la renaissance du vignoble en sols calcaire. Le 333EM (1883 par Gustave Foëx), plus résistant encore, n’a pas connu le même développement, peutêtre à cause de son faible rendement en bois.

A ces premiers porte-greffes résistants à la chlorose vinrent successivement s’ajouter de nouvelles variétés provenant essentiellement des croisements : Vitis riparia×Vitis berlandieri et Vitis rupestris×Vitis berlandieri. Ce sont ces porte-greffes qui sont utilisés pour la plupart des plantations actuelles. Au cours des années, grâce à des observations et à des expérimentations conduites dans des milieux et avec des cépages variés (RAVAZ 19025 ), une échelle de résistance relative des différents porte-greffes à la chlorose en milieu calcaire a pu être établie avec une certaine précision (POUGET et JUSTE 1972 , figure 3). Jusqu’au milieu du XXe siècle, ces porte-greffes obtenus à la fin du XIXe siècle étaient toujours les seuls à être relativement résistants à la chlorose. En 1959, le Fercal de l’INRA Bordeaux est venu compléter progressivement cette gamme avec sa résistance beaucoup plus accrue, qui plus est en zone humide, découverte en 1978 par Pouget (POUGET et OTTENWAELTER 1978 ). Depuis le Fercal, aucun porte-greffe n’a été caractérisé comme étant aussi ou plus résistant.

Les premières choses à connaître sur la chlorose sont les caractères perceptibles sur la vigne qui permettent de la diagnostiquer. La chlorose est reconnaissable par de nombreux signes extérieurs, notamment un jaunissement caractéristique des feuilles. Pour les chloroses les moins fortes, cela ne concerne que les jeunes feuilles des rameaux principaux ou les entrecoeurs. En revanche, pour des chloroses plus graves, le jaunissement peut s’étendre à tout un rameau ou même parfois la totalité d’un feuillage (figure 5). Dans des cas extrêmes, les feuilles deviennent même presque blanches (absence de chlorophylle) et grillent sous les brûlures du soleil en laissant apparaître de fortes nécroses. La croissance des rameaux est également très faible (rachitisme) et ceux-ci s’aoûtent très mal. Sur les feuilles, la décoloration commence par les zones internervaires, et s’étendent à tout le limbe, sans empiéter sur les nervures principales pour les premières phases.

Au champ, les pieds apparaissent très buissonnants en conséquences. Le pic d’expression se situe souvent au printemps, autour de la floraison. Ces symptômes peuvent parfois être confondus avec ceux du court-noué, mais dans le cas de la chlorose, les nervures restent bien vertes avant les derniers stades de la carence, alors que dans le cas du court-noué, les feuilles virent au jaune or . A la parcelle, les chloroses calcaires se remarquent souvent par tâches plus ou moins grandes.

A la suite de ce jaunissement du feuillage, des conséquences plus ou moins graves peuvent avoir lieu : pour les chloroses légères précédemment citées, les conséquences sont très peu perceptibles. Pour des chloroses avec jaunissement plus marqué, les souches sont affaiblies et cela peut même entrainer la mort des ceps. En effet, sans chlorophylle et donc avec une désorganisation des chloroplastes, la souche s’affaiblit avec une mauvaise synthèse des sucres jusqu’à mourir. Les trois conséquences majeures de ce jaunissement sont la perte de puissance du pied, la mauvaise fécondation due au manque de chlorophylle et le manque de maturité des raisins. Cela entraine donc inévitablement une perte de rendement et de qualité des baies avec toutes les conséquences économiques pour les viticulteurs (CORDEAU 1998).

Parallèlement, on observe une disparition totale ou partielle de l’amidon accompagné de l’épuisement des réserves qui se traduit les années suivantes par : une apparition plus précoce de la chlorose, et une croissance encore plus faible (CHAMPAGNOL 1984).

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Table des matières

1. Introduction
2. Contexte bibliographique
2.1. Les symptômes de la chlorose
2.1.1. A l’échelle de l’organisme, des symptômes visuels
2.1.2. A l’échelle des tissus, un changement d’équilibres chimiques
2.1.3. A l’échelle du métabolisme, un changement d’activité enzymatique.
2.1.4. A l’échelle de la rhizosphère : un changement de population microbienne.
2.2. Causes et mécanismes de la chlorose
2.2.1. L’assimilation du fer par les racines
2.2.2. Présentation des différentes origines de la carence en fer
2.2.3. Zoom sur la chlorose induite par le sol
2.3. Facteurs de contrôle de la chlorose
2.3.1. Les exigences en fer du système foliaire pour la synthèse de chlorophylle : l’influence du greffon
2.3.2. La capacité du système racinaire à satisfaire ces exigences : le porte-greffe
2.3.3. L’influence des sols et de leur composition
2.3.4. Des chloroses plus sévères au printemps : l’influence du régime hydrique
2.3.5. Les réserves glucidiques et le greffage
2.3.6. La vigueur et la croissance de la vigne
2.4. Moyens de lutte contre la chlorose
2.4.1. La lutte préventive
2.4.2. La lutte curative
2.5. Conclusion et hypothèses de travail
3. Matériels et méthodes
3.1. Matériel végétal
3.2. Milieux de culture
3.3. Entretien du matériel végétal
3.4. Phénotypage de la tolérance aux sols chlorosants
3.4.1. Mesure visuelle des symptômes de chlorose : l’indice de Pouget
3.4.2. Mesure quantitative de l’impact de la chlorose sur la chlorophylle des feuilles grâce au Dualex.
3.4.3. Mesure de la croissance par longueur des rameaux
3.4.4. Mesure du taux de feuilles vivantes
3.4.5. Mesure du diamètre du bois de l’année n-1
3.4.6. Tableau récapitulatif des variables étudiées
3.5. Analyses statistiques
4. Résultats
4.1. Effet du sol sur l’indice de chlorophylle et la longueur de rameau
4.2. Effet du bassin d’irrigation et de la distance dans chaque bassin sur les variables mesurées
4.3. Effet significatif du porte-greffe sur les variables mesurées
Conclusion

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