Caractérisation de la matière molle : systèmes sans contact associés pour la micro-rhéologie

Les enjeux de caractérisation de la matière molle

La description et le contrôle des propriétés de la “matière molle” présentent un enjeu industriel considérable tant par l’étendue des produits et matériaux concernés, que par l’intérêt scientifique mis en lumière par Pierre-Gilles de Gennes dans les années 1980. Ces matériaux complexes (aussi appelés fluides complexes) sont en effet des systèmes multiphasiques (émulsions, suspensions colloïdales et granulaires, suspensions de fibres, de polymères, ou d’exopolymères (biofilms), gels, matériaux hybrides organiques-inorganiques…) aux comportements macroscopiques entre la physique des liquides et la physique des solides [1], [2]. En fonction de l’application et de la fonctionnalité recherchée, l’optimisation du procédé de fabrication (souvent initié en phase liquide) permet d’obtenir un produit final dont les propriétés et la texture sont contrôlées. Les matériaux hybrides organiques-inorganiques, par exemple, permettent aujourd’hui d’accroitre le panel d’applications grâce à des méthodes d’élaboration par chimie douce [3]. Ils présentent l’avantage de combiner les bénéfices des molécules organiques avec ceux des matrices minérales, sans altérer leurs propriétés respectives [4]–[8]. On trouve donc aujourd’hui ce type de matériaux tant dans les produits de soins (mousses à raser, gels douche), les produits d’entretien (silicones et matières plastiques dérivées du pétrole, peintures, cires), les produits agroalimentaires (sauces, gélatines, mayonnaise, yaourts), que les produits pharmaceutiques et biologiques (biomatériaux, gélules, polymers-base drug delivery [9]–[11]).

A l’instar de la complexité croissante de leur structure interne, les techniques d’optimisation nécessaires se complexifient. Elles doivent assurer leur étude et leur analyse multi-échelle, en reliant leurs comportements macroscopiques aux phénomènes physicochimiques intrinsèques plus microscopiques. A l’échelle la plus petite, l’agencement de la structure interne  dépend des énergies d’interaction mises en jeu entre entités (liaisons H, interactions de Van der Waals, etc…). Leur faible intensité énergétique comparable à l’énergie thermique à température ambiante justifie le caractère malléable généralement observé macroscopiquement pour ces fluides complexes.

De fait, des réorganisations importantes peuvent être observées sous l’effet de faibles variations de l’environnement (température, concentration, pH) ou de faibles sollicitations extérieures (contrainte mécanique, champ électrique, champ magnétique). Cet état de fait se vérifie d’autant plus que les effets entropiques et enthalpiques sont du même ordre de grandeur. On comprend alors que les conditions initiales et les premières étapes d’élaboration de ces produits jouent un rôle crucial sur la structure finale. On comprend aussi que ces structures puissent évoluer en fonction des sollicitations extérieures.

Dans ce contexte, la mise au point de méthodes rigoureuses de caractérisation et de mesure de leurs comportements micrométriques, de leurs modélisations macroscopiques, ainsi que le développement d’approches permettant de relier la structure et l’organisation des éléments moléculaires aux propriétés macroscopiques, est un enjeu capital.

Systèmes instrumentaux associés : de la structure aux propriétés rhéologiques

Du fait du grand nombre de grandeurs d’influence mises en jeu (énergétiques, temporelles) et des échelles concernées (de l’échelle microscopique à l’échelle macroscopique), il est difficile de donner une liste exhaustive des techniques expérimentales disponibles pour les caractériser. Il existe en effet un grand nombre de moyens de caractériser ces matériaux en fonction de l’échelle investiguée [14]. Néanmoins, afin de placer dans son contexte le système instrumental développé dans cette thèse, il convient de citer les principaux moyens d’investigation et de souligner très brièvement leur complémentarité.

Caractérisation structurale

A l’échelle microscopique, la matière molle est largement investiguée par la plupart des systèmes de spectroscopie et d’imagerie modernes. Un livre en deux volumes est d’ailleurs consacré au détail de ces techniques [15]. Les structures colloïdales sont ainsi essentiellement caractérisées par spectroscopie et imagerie par RMN (Résonance Magnétique Nucléaire), par microscopie optique, et par microscopie proche infrarouge [16], [17]. Selon le temps nécessaire pour acquérir une image, d’autres techniques de microscopie sont plutôt employées telles que la microscopie électronique ou acoustique [18], [19]. Elles permettent notamment de suivre l’évolution de la structure aux différentes phases de formation. Dans une plus grande échelle d’investigation, des techniques, utilisant la caractérisation des ondes optiques (ondes évanescentes ou dispersion de lumière), permettent de mesurer la taille moyenne des particules en solution [20]. Suivant la concentration des matériaux, les méthodes de spectroscopie ultrasonore et de spectroscopie électroacoustique, permettent de fournir des informations de dimension particulaire plus fiables à partir des phénomènes de dispersion [21].

Même si toutes ces mesures sont complémentaires, il est toutefois difficile d’en extraire une relation objective entre les informations structurales et leur comportement rhéologique quelle que soit l’échelle d’investigation. Dans cette optique, l’utilisation des rayons X, Neutron petits angles (SAX ou Small-Angle X-ray) ou grand angles (SAN ou Small-Angle Neutron), permet de déterminer les différentes dimensions structurales caractéristiques allant du nanomètre au micromètre [22]. Mais pour relier les informations macroscopiques (apparence, consistance, viscoélasticité apparente, stabilité) aux informations structurales, des techniques couplées ont vu le jour.

Systèmes rhéologiques : vers des systèmes multi-physiques 

Entre liquide et solide, les propriétés rhéologiques de ces matériaux s’avèrent être des caractéristiques clés permettant de les analyser. Elles permettent en effet de décrire non seulement l’état de la matière à l’échelle considérée (consistance, capacité à s’écouler, stabilité) mais peuvent être corrélées à des informations structurales dans l’échelle d’investigation considérée. Compte tenu des interactions multi-échelles en jeu, les outils de mesure classique en rhéologie (viscosimètres capillaires, à chute de bille, rhéomètres rotatifs) ne suffisent pas à eux seuls pour faire une étude rhéologique complète de la matière molle [23]. Le couplage de techniques de mesure d’écoulement à certaines des techniques précédentes apportent des informations comportementales de la structure sous l’action de l’écoulement [23]. Il offre l’opportunité d’établir expérimentalement la relation entre l’écoulement, son action sur la structure du matériau et la conséquence en termes de comportement rhéologique. Ces techniques multi-physiques utilisent dans leur principe, d’une part une sollicitation mécanique appliquant une contrainte ou une déformation favorisant l’écoulement, et d’autre part une partie de mesure (souvent sans contact) du paramètre physique souhaité à l’échelle micrométrique. Une revue détaillée de ces techniques, réalisée en 2012 dans le cadre des travaux du groupe français de rhéologie [24], permet d’en synthétiser leur complémentarité. Outre les techniques optiques directes ou de microscopie sous écoulement, les techniques de diffusion sous écoulement s’appuyant sur les différences d’indice de réfraction assurent un suivi temporel de la structure (à l’échelle des entités diffusantes) sous l’action de l’écoulement. Certaines hypothèses à la base de la rhéométrie basse fréquence ont pu ainsi être mises en défaut expérimentalement, conduisant à remettre en cause l’analyse classique du comportement rhéologique de certains matériaux. Du point de vue de l’instrumentation, ces techniques rhéo-optiques ont notamment pu montrer l’existence d’hétérogénéités de champ d’écoulement engendrant en rhéométrie classique des erreurs de mesure et d’interprétation importantes. De ce fait, il est apparu important d’avoir une cartographie des champs de vitesses de déformation : la connaissance du champ de vitesse local et de la contrainte résultante permet de construire les courbes de viscosité en fonction du taux de cisaillement local. Ce type d’étude ouvre effectivement un champ d’investigation important contribuant à l’amélioration de la compréhension des interactions intrinsèques.

La rhéométrie par RMN s’inscrit totalement dans cette dynamique. L’apport de la rhéoRMN va d’ailleurs au-delà puisqu’elle donne accès à plusieurs grandeurs caractéristiques simultanément (vitesse, concentration, et données structurales) [25], [26]. Elle permet grâce à l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) de l’hydrogène en particulier d’imager la majorité des fluides complexes du marché. Les produits exclus sont ceux qui interagissent directement avec les champs électromagnétiques: fluides trop conducteurs électriquement (solutions salines très concentrées), ferro fluides, suspensions de particules fortement paramagnétiques.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I CARACTERISATION DE LA MATIERE MOLLE : SYSTEMES SANS CONTACT ASSOCIES POUR LA MICRO-RHEOLOGIE
I.1 LES ENJEUX DE CARACTERISATION DE LA MATIERE MOLLE
I.2 SYSTEMES INSTRUMENTAUX ASSOCIES : DE LA STRUCTURE AUX PROPRIETES RHEOLOGIQUES
I.2.1 Caractérisation structurale
I.2.2 Systèmes rhéologiques : vers des systèmes multi-physiques
I.3 LA MICRO-RHEOLOGIE : UNE SCIENCE ADAPTEE
I.3.1 Grandeurs rhéologiques caractéristiques
I.3.2 Propriétés viscoélastiques et temps de relaxation
I.3.3 Module complexe de cisaillement
I.4 TECHNIQUES DE MESURES MICRO-RHEOLOGIQUES
I.4.1 Principe de mesure ultrasonore à ondes de cisaillement
I.4.2 Modélisation des interactions entre le capteur et le matériau
I.4.2.1 L’effet d’inertie
I.4.2.2 L’effet lié aux propriétés viscoélastiques du milieu
I.4.3 Suivi des caractéristiques à l’échelle du micromètre
I.5 CONCLUSION
I.6 REFERENCES
CHAPITRE II NOUVEAU CAPTEUR ULTRASONORE POUR LA MICRO-RHEOLOGIE A COUPLAGE INDUCTIF : TSMMA
II.1 CONCEPT DU CAPTEUR TSMMA CONTROLABLE A DISTANCE
II.1.1 Choix de l’architecture RF résonante
II.1.2 Modèle électrique de l’élément RF
II.1.2.1 Condition de résonance
II.1.2.2 L’impédance caractéristique
II.1.2.3 Pertes du résonateur et choix du diélectrique
II.1.2.4 Modèle électrique équivalent à éléments discrets du résonateur RF
II.1.3 Schéma électrique élémentaire du TSMMA
II.2 MISE EN ŒUVRE D’UN PREMIER TSMMAA L’AIDE D’UN RESONATEUR MULTI-TOUR
II.2.1 Calcul de l’inductance équivalente totale du résonateur multi-tour
II.2.2 Paramètres du résonateur multi-tour
II.3 VALIDATION DU SYSTEME DE CARACTERISATION PAR INDUCTION
II.3.1 Méthode de mesure en transmission
II.3.2 Méthode de mesure en réflexion
II.3.3 Nouvelle méthode de mesure d’impédance par réflectométrie
II.3.4 Validation de la méthode de mesure avec le TSMMA
II.3.5 Mise en évidence de la mesure d’impédance du TSM par induction
II.4 INDUCTION DIRECTE D’UN TSM A ELECTRODES EN ANNEAU
II.4.1 Dimensionnement des résonateurs
II.4.2 Validation du principe de mesure
II.5 VERS UN MICRO-RHEOMETRE A COUPLAGE INDUCTIF
II.5.1 Modélisation électrique du capteur en charge
II.5.2 Validation du concept par la caractérisation de fluide visqueux
II.5.2.1 Extraction du paramètre de viscosité pour des fluides newtoniens
II.5.2.2 Validation par le suivi de mélanges eau-glycérol
II.6 CONCLUSION
II.7 REFERENCES
CHAPITRE III IDENTIFICATION DES DIFFERENTS MODES DE PROPAGATION
III.1 BANC INSTRUMENTAL LASER
III.1.1 Vibromètre laser
III.1.2 Oscilloscope
III.1.3 Générateur d’impulsion
III.1.4 Platines de translation
III.1.5 Pilotage du banc instrumental
III.2 TRAITEMENT DES SIGNAUX PAR TRANSFORMEE DE GABOR
III.3 ETUDE DU DISQUE : EXCITATION IMPULSIONNELLE
III.3.1 Spécifications de capteur TSM
III.3.2 Dispositif instrumental
III.3.3 Réponse impulsionnelle : acquisition des signaux S(x, y, t)
III.3.4 Analyse modale des signaux W(x, y, ω)
III.3.5 Comparaison avec la théorie classique des disques
III.3.6 Courbe de dispersion
III.4 ETUDE EN REGIME SINUSOÏDAL PERMANENT
III.4.1 Fréquence de 294 kHz
III.4.2 Fréquence de 4,96 MHz
III.5 ETUDE SUR L’INFLUENCE DE LA GEOMETRIE D’ELECTRODE
III.5.1 Electrodes en disque
III.5.2 Electrodes en anneau
III.6 CONCLUSION
III.7 REFERENCES
CHAPITRE IV MISE EN ŒUVRE DU TSMMA ON-CHIP
IV.1 CONCEPT DU TSMMA”ON-CHIP”
IV.2 MODELES MECANIQUES ET ELECTRIQUES DU TSMMA
IV.2.1 Ligne de transmission mécanique du TSMMA
IV.2.2 Modèles électriques équivalent incluant la ligne de transmission RF
IV.3 MISE EN ŒUVRE DES PREMIERS PROTOTYPES DE TSMMA “ON-CHIP”
IV.3.1 Protocole de dépôt des électrodes sur le quartz
IV.3.2 Réalisation du premier prototype : le TSMMA à un tour
IV.3.2.1 Architecture du TSMMA à un tour
IV.3.2.2 Mesure des caractéristiques du TSMMA à un tour
IV.3.2.3 Existence de doublet
IV.3.3 Réalisation du second prototype : le TSMMA multi-tours
IV.3.3.1 Détection électromagnétique par analyseur de réseaux
IV.3.3.2 Analyse mécanique par vibrométrie Laser sur un point
IV.3.3.3 Analyse spatiale à l’aide d’un scan complet
IV.4 CONCLUSION
IV.5 REFERENCES
CONCLUSION

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