Capter l’attention avec le podcast natif

Dans les coulisses de l’enquête

Le podcast en supplément de la production écrite

Si la définition sonore de L’édito du Figaro est sujette à débat, le titre de presse généraliste est cette fois le premier, à l’automne 2018, à proposer un podcast natif avec la série Trump : la nouvelle guerre civile. Les différents épisodes de ce podcast viennent compléter chacun des articles publiés sur le Web mais doivent aussi exister par eux-mêmes du fait de leur mise en ligne sur les plateformes d’écoute.
L’échange introductif entre la présentatrice et Laure Mandeville sert à présenter la thématique abordée et les interlocuteurs enregistrés par l’envoyée spéciale. La fonction référentielle de cet échange est redondante pour l’internaute qui a déjà lu l’article et ne lui apporte donc qu’un très faible supplément d’information. Elle s’avère toutefois indispensable pour les auditeurs qui se contentent du podcast. L’enregistrement de l’interlocuteur principal réalisé par Laure Mandeville constitue la réelle valeur ajoutée par rapport à l’article. Il représente environ les deux tiers de ces capsules sonores d’une dizaine de minutes où les questions de la journaliste sont volontairement coupées au montage. L’effacement de la journaliste et la juxtaposition des réponses de son interlocuteur permettent l’énonciation d’un long discours d’opinion. Par exemple, le positionnement politique d’un habitant de Pittsburgh ainsi que son avis sur Donald Trump y sont reproduits exhaustivement (6 minutes contre 150 mots dans la version écrite). Dans l’épisode « Hazleton, épicentre de la crise migratoire », le républicain Lou Barletta et le démocrate Bob Curry exposent également plus en longueur leurs visions antagoniques concernant l’immigration, contrairement aux quelques citations de chacun dans l’article. Ces enregistrements jouent bien un rôle supplémentaire en donnant voix et en accordant une place plus importante aux interlocuteurs de Laure Mandeville.
La podcast Sept ans de trahisons est lui aussi pensé comme un supplément de l’enquête éponyme des journalistes du Monde Fabrice Lhomme et Gérard Davet. Comme L’édito du Figaro, l’intervention des deux journalistes remplit la fonction référentielle, répétitive pour les lecteurs de l’enquête, mais indispensable pour conquérir un nouveau public. Cette fausse interview – puisque menée par Thomas Baumgartner, payé par Le Monde pour la production de ce podcast – n’a pas pour objectif de titiller les deux enquêteurs. Ni de questionner les zones d’ombre de leur enquête comme pourraient le faire des médias audiovisuels généralistes. Thomas Baumgartner tente toutefois par ses relances d’emmener les journalistes sur des terrains nouveaux : « Ce qui n’apparaît pas à la lumière de votre enquête, est qu’il y a une faute collective du Parti socialiste de ne pas s’être rendu compte du caractère exceptionnel de la situation de 2012, Fabrice Lhomme22 ? ». Le journaliste développe alors une synthèse, sur le ton du commentaire, que ne permet pas l’enquête écrite : « Chacun a été dans son couloir en pensant qu’à la fin c’est le Parti socialiste qui gagnerait. Ils ont tous oublié qu’ils n’étaient pas en train de se débarrasser de l’adversaire – ce n’était pas Montebourg qui allait se débarrasser de Hollande pour faire alliance avec Valls etc. – en fait ils étaient en train de se tuer les uns les autres, et ils ont fini par tuer leur propre parti. C’est vrai que l’irresponsabilité a été collective. »
La deuxième partie de chaque podcast propose un extrait exclusif d’un entretien mené par les journalistes avec un politicien pour la réalisation de leur enquête. Le contexte spatio-temporel de ces entretiens constitue déjà autant d’informations nouvelles pour le lecteur de la série écrite. Par exemple, dans le premier épisode, Fabrice Lhomme pose le cadre pittoresque de leur rencontre avec l’ancien Premier ministre Manuel Valls : « Nous [l’] avons rencontré au mois de juin, nous avons été à Barcelone sur ses nouvelles terres. Nous avions souhaité avoir une longue plage de temps donc il nous a conviés à déjeuner dans un très beau restaurant barcelonais […] on l’a vu plus de trois heures et demie23. » Dans l’enquête écrite, jamais les deux journalistes ne livrent aux lecteurs les circonstances de cet entretien réalisé avec l’ex- Premier ministre. Fabrice Lhomme et Gérard Davet l’ont pourtant fait avec d’autres pour le besoin de leur narration. Avec par exemple l’attaque de leur troisième volet qui décrit l’ambiance de leur rencontre avec l’ancien secrétaire d’État Jean-Marie Le Guen : « Comme le parfum d’une morgue féroce. C’est ce qui se dégage de cet homme attablé au Café de l’Esplanade, près des Invalides, à Paris24. » Inutilisées dans leur enquête écrite, les circonstances de l’entretien avec Manuel Valls plongent l’auditeur ou replongent le « lecteurauditeur » dans l’intimité de cette rencontre et révèlent de fait les méthodes d’interview des deux journalistes.
Sur le fond, les extraits exclusifs de ces politiciens approfondissent un argument de l’enquête écrite. C’est le cas du 4e épisode25 qui se focalise sur les conséquences du livre de Fabrice Lhomme et Gérard Davet « Un président ne devrait pas dire ça », publié en 2016, lequel a précipité la chute de François Hollande. Un point de vue transversal à plusieurs volets de l’enquête que décryptent dans un premier temps les deux journalistes. « Ce livre nous a été souvent reproché, comme Cambadélis par exemple qui nous a dit “Je vous ai maudit” parce que ce livre a fait des dégâts invraisemblables au sein du PS et du gouvernement […] ces dégâts là on les a sous-estimés […] en réalité ça a complètement dévasté le paysage, le parti et la présidence de Hollande. »
Cette analyse en qualité d’interviewés aurait été impossible dans l’enquête écrite pour ces journalistes qui disent dans cet épisode être « embarrassés » à l’idée de se mettre en scène. Sept ans de trahisons dévoile les coulisses d’une enquête qui elle-même fait la lumière sur les dessous de la déconfiture du Parti socialiste. Pour la chercheuse Eleni Mouratidou, « malgré leur mise en scène, les coulisses sont données à être vues comme un instant de vérité. »
Cette authenticité supplémentaire apportée grâce à cette mise en abyme sonore est toutefois atténuée par la force des révélations et des messes basses déjà présentes dans l’enquête écrite.
En effet, Fabrice Lhomme et Gérard Davet y étalent au grand jour les manoeuvres cachées de certains membres du parti telles que l’alliance nouée entre Manuel Valls et Benoît Hamondans une voiture ministérielle qui mènera à la nomination de ce dernier à la tête du ministère de l’Éducation. Aussi, à travers les propos de Benoît Hamon, les pressentiments de sa femme à propos de Manuel Valls. Ou encore l’échange informel entre Manuel Valls et l’ex-patron du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis concernant la réticence de ce dernier à voter en faveur du projet de loi travail de Myriam El Khomri : « « À quoi tu joues ? Tu veux mettre le parti sur la ligne des frondeurs ? », lance le premier ministre. « Tu descends d’un étage ! Tu m’as consulté ? Non ! Donc, je dis ce que je pense », rétorque Cambadélis27. » Les deux journalistes d’investigation n’ont aucun intérêt à priver le lecteur d’une information capitale et à la réserver pour le format audio. Le podcast correspond alors à un contenu additionnel, en supplément d’un travail écrit déjà complet ; un making of sonore dont la publication différée par rapport à l’enquête écrite et l’échange piloté par Thomas Baumgartner permettent à Fabrice Lhomme et Gérard Davet de développer une synthèse de leur travail et de pousser l’analyse.
Sept ans de trahisons comme Trump : la nouvelle guerre civile apportent ainsi à la production écrite « un poids supplémentaire, la force de la voix », affirmait Fabrice Lhomme le 20 janvier 2020 sur France Inter. Les enregistrements d’interview, la voix des journalistes ainsi
que leurs éclairages inédits permettent à l’auditeur d’entrevoir la fabrique de l’information.
Nous pouvons alors nous interroger quant au nouveau rôle des journalistes de presse écrite, interviewés et mis en scène pour le besoin de la réécriture sonore de l’information.

Mise en scène des journalistes

Pour chaque épisode de Code Source faisant intervenir un ou plusieurs journalistes de la rédaction, Jules Lavie leur pose une trentaine de questions, « des perches tendues », précise-til.
Ces prises de parole succinctes laissent ainsi une grande place aux journalistes de la rédaction pour narrer leurs enquêtes. Dans la grande majorité des épisodes, l’enquête est racontée principalement avec des tournures impersonnelles, le journaliste se tient hors du récit comme un journaliste radio. Toutefois la mise en scène du journaliste est récurrente et encouragée par le présentateur dès les premières secondes du podcast. Dans l’épisode du 6 mai 2019, Jules Lavie fait intervenir Romain Baheux qui a enquêté sur les soupçons d’imposture de Jeanne Calment. Avec sa première question, Jules Lavie l’incite à s’inclure dans le récit et à distiller des détails de sa pré-enquête : « Comment est-ce que vous entendez parler de cette affaire pour la toute première fois ? ». Et Romain Baheux de répondre :
« Sur les réseaux sociaux, je vois une publication de Yuri Deigin qui explique que Jeanne Calment n’est pas Jeanne Calment, mais sa fille Yvonne ! […] Au début je me dis que c’est une théorie fumeuse […] Et je vois des gens de mon entourage qui la partagent […] ça commence à m’intriguer. »
Dans un épisode consacré à l’affaire de dopage de l’athlète française Ophélie Claude- Boxberger, Jules Lavie entame l’échange en demandant à la journaliste Sandrine Lefèvre d’expliquer sa passion pour l’athlétisme. « Les histoires humaines avant tout. On créé des liens avec les athlètes. Quelqu’un comme Renaud Lavillenie, je l’ai découvert en 2009, il était tout jeune. […] Ce qui m’intéresse le plus sont leurs émotions et la façon dont ils se transcendent pour réaliser une performance29. » Plus que d’entrevoir le cheminement de la réflexion d’un journaliste pour son enquête, l’auditeur entre ici dans l’intimité des raisons qui ont poussé Sandrine Lefèvre à devenir journaliste. Code Source, par ces procédés, humanise la rédaction du Parisien en donnant une voix et en permettant les anecdotes personnelles à ses journalistes. Un dernier exemple isolé, mais néanmoins représentatif des libertés permises par le format, montre les coulisses de la publication de l’information erronée concernant l’arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès. Dans cet épisode, Jules Lavie accueille Stéphane Albouy, directeur des rédactions du Parisien, ainsi qu’un journaliste du service Police-Justice. Après avoir expliqué les raisons qui l’ont poussé à valider la Une du Parisien du 12 octobre « Dupont de Ligonnès arrêté », Stéphane Albouy revient sur son mea culpa déjà publié dans le journal. « Il y a une relation de confiance qui est tissée avec nos lecteurs, avec nos acheteurs. Un événement comme celui-là est dommageable pour une relation de confiance. » La capsule sonore fait d’une pierre deux coups. Réaliser son autocritique tout en détaillant les coulisses de cet échec journalistique, afin de le rendre plus compréhensible, moins critiquable. Et servir de médium supplémentaire pour le directeur des rédactions afin de présenter ses excuses.
Dans les reportages au long format de Clawdia Prolongeau, la journaliste s’inclut systématiquement dans le récit, en utilisant la première personne du singulier, à l’instar de Julien Cernobori, podcasteur référence en la matière. Dans l’épisode du 3 juillet consacré au recrutement des musiciens du métro31, l’accroche de Clawdia Prolongeau s’oppose totalement à celle d’un reportage radio de média généraliste :
« Je ne sais pas si vous vous étiez déjà demandés d’où venaient les musiciens que l’on croise dans le métro. Moi jamais. Mais il y a quelques semaines j’ai lu un article du Parisien où j’ai appris qu’en fait ils étaient non seulement accrédités, mais qu’en plus ils avaient passé un casting assez sélectif. […] J’ai trouvé cette histoire étonnante. »
Dès sa première phrase, la journaliste aiguise la curiosité des auditeurs en les invitant à se questionner sur les musiciens du métro, que nous connaissons tous et dont nous ignorons pourtant le mécanisme de recrutement. En avouant ne s’être jamais posé la question, elle se détache de la représentation du journaliste omniscient, qui présente son travail en tant que spécialiste, et se place au niveau des auditeurs. Clawdia Prolongeau utilise par ailleurs un langage très oralisé avec notamment l’utilisation d’adverbes et un ton spontané, aux antipodes du ton journalistique formaté. Pour rythmer sa narration, en plus des questions posées à ses interlocuteurs sur le lieu de reportage, la journaliste ajoute en post-production des commentaires personnels.
« Très vite, l’arrivée de 21 policiers supplémentaires sur la zone est actée. Et moi, naïvement, je suis surprise que les parents ne soient pas satisfaits de ce premier pas. Ils attirent l’attention et obtiennent des moyens, je croyais que c’était ce qu’ils cherchaient. Nadine rigole, et me fait gentiment comprendre que son objectif va bien au-delà de ça .»
Dans le feu de l’action, nous pouvons penser que la question posée par Clawdia Prolongeau était : « N’êtes-vous pas satisfaits du renfort de 21 policiers sur la zone ? ». Cette mise en scène a posteriori de leur échange permet à l’auditeur de rentrer dans la réflexion de la journaliste au moment de son interview.
Comme nous l’avons vu précédemment, en tant qu’interviewés, Fabrice Lhomme et Gérard Davet utilisent la 1re personne du singulier tout comme l’envoyée spéciale Laure Mandeville pour Trump : la nouvelle guerre civile. Pour Pandémie, le climat de complicité instauré par le présentateur Jean-Guillaume Santi entraîne un échange plus formel mais n’occasionne cependant que très rarement l’emploi de la 1re personne du singulier par le journaliste interviewé. Nous pouvons l’expliquer par la gravité de la thématique du podcast, qui requiert une certaine distance de la part des journalistes. Néanmoins, dans l’épisode du 27 mars, un photoreporter du journal raconte, en employant systématiquement le « je », l’enterrement auquel il vient d’assister. Un contre-exemple qui nous démontre que le format du podcast natif s’affranchit des règles strictes de bienséance observées dans les articles de ces médias généralistes, où la mise en scène des journalistes est anecdotique.
De la même manière qu’un DVD bonus dévoile le making of d’un film à succès, le podcast natif est utilisé par les titres de presse généraliste comme un supplément de la production écrite. Conséquence directe de l’utilisation d’une matière journalistique déjà existante, les journalistes de presse écrite, en qualité d’intervenants, sont acteurs de leurs propres récits et dévoilent ainsi une partie de leurs méthodes de travail. Les reportages du Parisien sont également incarnés par la journaliste de terrain, une manière de plonger l’auditeur en immersion, un impératif pour maintenir l’auditeur en haleine sur le temps long du format.

Des expérimentations éditoriales aux modèles économiques instables

Code Source, un pari éditorial ambitieux et onéreux

Le format s’inspire directement de The Daily, le podcast d’actualité du New York Times, dont le slogan insiste sur la périodicité : « C’est de cette façon que l’actualité devrait s’écouter. Vingt minutes par jour, cinq fois par semaine. » Une façon, surtout, de garder la même périodicité que le journal papier. Mais chaque épisode se focalisant sur une seule actualité, le format ne peut assurer le même traitement quantitatif que le journal ou le flux numérique ininterrompu. Jules Lavie confirme un format « exigeant » où chaque épisode nécessite « deux jours de préparation, avec des montages et des écritures de script qui se font le weekend ». Cela n’empêche pas la rédaction de rester au contact des actualités récentes : Code Source peut anticiper une actualité à venir et traiter au long un angle précis de celle-ci. Avec, par exemple, le portrait des époux Balkany dans « Comment les Balkany sont devenus les Balkany33 » avant leur procès pour blanchiment de fraude fiscale. La ligne éditoriale choisie de raconter des histoires permet d’ailleurs à Code Source de se détacher d’un traitement immédiat de l’actualité. C’est notamment le cas avec le « récit d’un naufrage » de la campagne municipale de Benjamin Griveaux publié le 21 février 2020, soit une semaine après la mise en ligne des contenus privés par l’activiste russe Piotr Pavlenski. Ou encore avec la synthèse de l’enquête au long cours de Romain Baheux sur le soupçon d’imposture de Jeanne Calment publiée le 7 mai 2019. Jules Lavie convie le journaliste à explorer cette histoire sous tous ses angles. Pour ce faire, le journaliste enrichit la chronologie des faits et leur analyse par des éléments présents dans chacun de ses cinq articles écrits sur le sujet, du premier le 30 décembre 2018 au dernier le 25 avril 2019.
Code Source est le fruit éditorial d’une réflexion économique de la part du groupe Les Echos- Le Parisien marquée fin 2018 par une entrée au capital de Binge Audio. Jules Lavie est le seul titulaire de l’équipe, entouré de quatre journalistes-pigistes qui se répartissent sept jours de piges par semaine. Quatre réalisateurs se relaient également, tous sont rémunérés par Binge Audio. Au total, le coût de production d’une saison de Code Source est estimé à 300 000 € selon Sophie Gourmelen. « Le podcast n’est pas rentable et ce n’est d’ailleurs pas l’objectif immédiat. Nous voulons fidéliser les abonnés et développer la notoriété du Parisien qui peut bénéficier aux revenus publicitaires », déclare la directrice générale du Parisien.

Le marché publicitaire du podcast natif encore balbutiant

Selon une étude commandée par Midroll Media (un des principaux réseaux publicitaires dans le secteur des podcasts) réalisée par Nielsen35 en 2018, la publicité sur podcast génère une mémorisation de la marque 4,4 fois plus importante que tout autre format publicitaire digital.
Pour l’heure, les épisodes de Code Source, présents sur toutes les plateformes d’écoute, ne sont pas monétisés. Mais Sophie Gourmelen envisage dans un futur proche d’inclure de la publicité programmatique dans ses contenus. En opposition aux spots publicitaires ajoutés manuellement dans le montage de l’épisode ou récités par le journaliste, le programmatique est une stratégie dont l’achat d’espaces publicitaires et la diffusion dans les podcasts se font automatiquement. Autrement dit, cela permet « d’adapter le message publicitaire à chaque individu, et ce en temps réel, en fonction d’un champ de plus en plus large de paramètres36 », explique Sophie Porcin, directrice d’Orange Advertising.
Néanmoins le marché publicitaire des podcasts natifs n’est pas encore mature malgré une croissance significative du nombre de ses auditeurs : de 6,6 % en 2019 à 9,8 % en 2020 selon une étude Médiamétrie Global Audio sur les mois de janvier et février. « Quand les annonceurs font des campagnes média, en télé et en radio, ils touchent des millions de gens en une vague, ce n’est pas encore le cas avec le podcast », compare Yann Thébault, directeur général France de la plateforme de podcasts Acast.
La production de podcasts natifs en France continue quant à elle son ascension avec une augmentation affolante de + 42 300 % entre 2015 et 2018 selon Joël Ronez, fondateur de Binge Audio. Pour permettre au marché publicitaire et au sponsoring de se développer, les mesures d’audience et de diffusion des podcasts sont essentielles.
Aucune mesure officielle n’existait jusqu’à la certification de la diffusion des podcasts lancée en janvier 2020 par l’ACPM (Alliance pour les chiffres de la presse et des médias) et la mesure d’audience de replay radio et des podcasts natifs débutée en novembre 2019 par Médiamétrie. Jean-Paul Dietsch, directeur général adjoint de l’ACPM explique ces innovations, justement, par la multiplicité des acteurs. « Pourquoi il n’y avait pas d’outil de mesure ? Parce que le marché publicitaire n’existait pas : s’il n’y a pas beaucoup d’argent en jeu, il n’y a pas d’intérêt de faire des mesures38. » Si l’outil de Médiamétrie est encore incomplet puisqu’il ne prend en compte que les podcasts natifs conçus par les radios françaises, ces innovations sont les signes d’une marché en plein essor.

Le laboratoire éditorial du Monde

L’offre des quatre podcasts natifs du Monde lancée quasi simultanément à l’automne 2019 est une expérimentation aussi bien sur le plan éditorial que sur le plan économique comme nous l’a précisé Alexis Delcambre. Chaque podcast aborde un genre journalistique différent : l’interview making of pour Sept ans de trahisons, l’interprétation de récits de S’aimer comme on se quitte, les témoignages de Paroles d’aidants et les entretiens du Goût de M. Les deux derniers cités ont été mis en ligne sur toutes les plateformes contrairement à Sept ans de trahisons et S’aimer comme on se quitte dont la coproduction avec Spotify lui a donné l’exclusivité des contenus.
De ces expérimentations, Alexis Delcambre a pu en tirer une conclusion : « les audiences se créent dans le temps long ». Aussi, quand les audiences d’un podcast cartonnent, celles-ci se réalisent davantage sur les plateformes externes comme Spotify et Apple Podcast que via le site du quotidien.

Capter l’attention avec le podcast natif : les ingrédients de la séduction auditive

L’enjeu des podcasts natifs, dont les épisodes peuvent durer plus de vingt-cinq minutes, est de maintenir l’auditeur en écoute. Pour les producteurs de contenu, le taux de complétion constitue un indicateur important de la qualité d’un podcast. Il désigne la part d’audience qui écoute intégralement la capsule sonore. « S’il baisse dramatiquement ou si un podcast présente un mauvais taux de complétion, c’est qu’il y a une erreur de notre part39 », expliquait Laura Cuissard, directrice de production des Nouvelles Écoutes. Aussi bien sur le fond que sur sa forme, par des techniques de narration ou grâce aux effets sonores, les podcasts natifs cherchent à se créer une identité sonore unique pour fidéliser ses auditeurs.

La fabrique du storytelling

Depuis plusieurs années, le journalisme de récit a le vent en poupe avec le besoin d’un slow journalism face à la surcharge informationnelle de notre temps. Des mooks XXI, America et Zadig au magazine Society, tous racontent l’information en histoire pour séduire leur lectorat.
Code Source est l’exemple le plus révélateur de l’utilisation des techniques dites de storytelling ou communication narrative.

L’importance du choix du sujet

Dans le teaser de Code Source publié le 18 avril 2019, Jules Lavie annonçait pêle-mêle « des histoires, des portraits, des témoignages ». « Cela va aller des grandes affaires criminelles, aux coulisses de la politique, en passant par l’économie, la santé ou encore le sport. » La rédaction du podcast ne se fermait alors aucune porte et tendait à vouloir réaliser une couverture généraliste de l’actualité. Lors de notre entretien le 7 avril 2020, Jules Lavie nous précisait cependant, après plus de 200 épisodes de Code Source, les ingrédients du cocktail gagnant.

La création d’une identité sonore

Au même titre que la voix revêt une importance flagrante dans un contenu audio, l’habillage sonore qui l’enveloppe peut changer l’expérience sonore du tout au tout. Pour Jules Lavie, la réalisation est même la « partie essentielle » de tout podcast. « Si l’on compare aux métiers d’un film, le réalisateur exerce à la fois les métiers du son, de la photo, du maquillage et du montage. »
Pour Code Source, format au coût de production significatif et aux ambitions éditoriales que nous avons identifiées, l’environnement sonore représente effectivement un travail important.
Pour analyser la construction de ces parures sonores, nous avons choisi l’épisode consacré au récit du naufrage de Benjamin Griveaux publié le 21 février. Tous les podcasts par la présentation de Jules Lavie : « Bonjour c’est Jules Lavie pour Code Source, le podcast d’actualité du Parisien. » Démarre seulement ensuite la musique du générique, sur laquelle, quelques secondes plus tard, le présentateur établit le contexte du sujet. Des sonorités jazz où piano, percussions et instruments à corde se mêlent et donnent ainsi au lancement du présentateur un certain dynamisme. L’épisode entre dans le vif du sujet avec un enregistrement déclaration de retrait de candidature de Benjamin sur un fond d’ambiance de musique électronique laquelle se conclut en une traînée musicale. Une technique difficile à décrire pour un résultat pourtant compréhensible par tous : cet effet sonore fait comprendre à l’auditeur que cette déclaration appartient au passé, tout en y ajoutant un voile de mystère. Les journalistes de presse écrite retracent ensuite l’enfance de l’ancien candidat à la mairie de Paris sur un fond jazzy entraînant. Un moyen de rythmer ces informations de moindre envergure par rapport à la gravité de « l’affaire Griveaux ». En plus de ces tapis sonores pour habiller l’intervention d’un journaliste, un autre élément est utilisé plusieurs fois par épisode : la virgule sonore. Cet élément sert à ponctuer le récit tel un saut de ligne ou un nouveau paragraphe annonce, dans le journalisme écrit, le développement d’une nouvelle idée. En l’occurrence, dans le récit du naufrage de Benjamin Griveaux, la première virgule sonore succède son rôle avant l’élection d’Emmanuel Macron et précède donc ses nouvelles fonctions au sein de la présidence actuelle. Lorsque le journaliste Nicolas Berrod évoque l’attaque de son ministère par des Gilets jaunes en janvier 2019, une ambiance de manifestants – sans doute l’originale – est ajoutée pour placer l’auditeur au coeur de cet épisode.
Au total, plus d’une vingtaine d’effets sonores par épisode viennent ponctuer le récit et appuyer des prises de parole grâce à une correspondance de registre entre voix et musiques. À cela s’ajoute un montage minutieux avec « plus de 300 points de coupe », affirme Jules Lavie.
Code Source a sa propre bande originale, une bibliothèque sonore qui accompagne et sublime voix et silences et permet d’être identifiable auprès de ses auditeurs.

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Table des matières

Remerciements 
Introduction 
I. Reformuler, approfondir, explorer : les différentes utilisations éditoriales du podcast natif
par les quotidiens 
A. Un second souffle pour le travail des journalistes de presse écrite
B. Dans les coulisses de l’enquête
1. Le podcast en supplément de la production écrite
2. Mise en scène des journalistes
C. Des expérimentations éditoriales aux modèles économiques instables
1. Code Source, un pari éditorial ambitieux et onéreux
2. Le marché publicitaire du podcast natif encore balbutiant
3. Le laboratoire éditorial du Monde
II. Capter l’attention avec le podcast natif : les ingrédients de la séduction auditive 
A. La fabrique du storytelling
1. L’importance du choix du sujet
2. L’intimité de la parole
3. Construire le récit
B. La création d’une identité sonore
Conclusion
Bibliographie 
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3

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