Cancer colorectal héréditaire sans polypose (HNPCC)

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Mécanismes moléculaires de carcinogenèse colorectale

Phénotype CIN ou LOH

Ce phénotype CIN est celui qui est le plus fréquent parmi les cancers colorectaux, puisqu’il rend compte de 80 % des cancers colorectaux sporadiques. Il est caractérisé par la survenue de pertes alléliques sur le bras court des chromosomes 17 et 8 et sur le bras long des chromosomes 18, 5 et 22. Ces pertes alléliques sont associées à des mutations fréquentes des gènes suppresseurs de tumeurs, TP53 et APC, respectivement localisés sur le bras court du chromosome 17 et sur le bras long du chromosome 5 et participent ainsi à l’inactivation biallélique de ces gènes. Sur le bras long du chromosome 18, l’identification du gène suppresseur de tumeur ciblé par les pertes alléliques n’est pas certaine (plusieurs gènes sont des candidats potentiels : DCC, SMAD2 ou SMAD4). Sur les chromosomes 1p, 8p et 22q, aucun gène suppresseur de tumeur n’a pu être identifié jusqu’à présent. Ces pertes alléliques sont souvent associées à un contenu anormal en ADN (aneuploïdie). Les mécanismes moléculaires à l’origine de cette CIN sont largement incompris. La survenue de mutations stop du gène APC, en conduisant à la synthèse d’une protéine tronquée, pourrait jouer un rôle. En effet, la protéine APC maintient la polymérisation des microtubules et se lie avec la protéine BUB1 qui, elle-même, interagit avec les kinétochores des chromosomes. Ainsi, l’altération du gène APC pourrait conduire à la CIN en favorisant les anomalies de ségrégation chromosomique [17].

Phénotype MSI (Instabilité génétique)

L’autre groupe des CCR est caractérisé par la présence d’une instabilité des locus microsatellites liée à un défaut de réparation des mésappariements de l’ADN (DNA mismatch repair ou MMR). Ce défaut de réparation est lié principalement à l’hyperméthylation de la région promotrice du gène hMLH1 dans les cancers sporadiques. Dans le cas du syndrome de Lynch, cette altération du système MMR est liée à des mutations inactivatrices des gènes hMSH2, hMLH1, hMSH6, PMS2. Les tumeurs appartenant à ce groupe ont un phénotype appelé MSI+ et représentent 15 % des CCR. Les mutations des gènes TP53 et APC sont significativement moins fréquentes que dans le groupe des tumeurs ayant le phénotype CIN [18]. Ce déficit du système de réparation MMR entraîne une accumulation de mutations secondaires au niveau de ces séquences répétées, dont les conséquences peuvent être délétères si ces dernières se situent au niveau de régions codantes de l’ADN. En conséquence, de nombreux gènes impliqués dans des voies de contrôle du cycle cellulaire, de l’apoptose et de la réparation de l’ADN peuvent être inactivés par la survenue de mutations dans des régions codantes répétées. En particulier, des mutations ont été décrites pour le gène du récepteur de type II du TGFβ (transforming growth factor), le gène proapoptique BAX, les facteurs de transcription TCF-4 ou E2F4 [19]. Les cancers MSI+ sont beaucoup plus fréquents au niveau du côlon, proximal qu’au niveau du côlon distal, où plus de 95 % des cancers sont de phénotype CIN [20].

Phénotype CIMP (Hyperméthylation de l’ADN)

Les anomalies de la méthylation touchent les cytosines des îlots CpG et entraînent leur inactivation transcriptionnelle, donnant ainsi l’acronyme de ce phénotype CIMP (CpG Island methylation phenotype). Dans le CCR, plusieurs gènes suppresseurs de tumeur peuvent être ainsi inactivés [21]. L’hyperméthylation du gène suppresseur de tumeur p16INK4A est observée par exemple dans 26 % des CCR [22]. Il faut faire une mention particulière du gène hMLH1, une hyperméthylation de la région promotrice de ce gène est fréquemment présente lorsque les tumeurs ont un phénotype MSI+, leur donnant un double phénotype MSI+ et CIMP+. Ce double phénotype est caractéristique des tumeurs MSI+ se développant dans le cadre sporadique par opposition aux tumeurs MSI+ se développant dans le cadre d’une prédisposition de type syndrome de Lynch, où l’altération causale est une mutation inactivatrice d’un des gènes de la réparation des mésappariements. La méthylation de l’ADN est sous la dépendance d’enzymes, les ADN méthyltransférase (DNMT), qui catalysent le transfert de groupements méthyle des S-adénosylméthionines vers des résidus cytosine. La DNMT-1 est l’enzyme la mieux étudiée. Le mécanisme spécifique par lequel l’activité des DNMT et l’état de méthylation de l’ADN sont régulés reste, à ce jour, peu compris. Des taux élevés d’activité DNMT ont été mis en évidence dans les cellules cancéreuses coliques. De plus, il a été montré que la surexpression de la DNMT-1 pouvait conduire à la transformation cellulaire maligne [23].

Principales voies de signalisation impliquées dans le cancer colorectal

Voie de signalisation Wnt ou voie APC/β -caténine

Le gène suppresseur de tumeur APC, localisé dans la région chromosomique 5q21-q22, est le partenaire essentiel de cette voie de signalisation. L’altération constitutionnelle de ce gène est responsable de la PAF. Il est muté dans 60 à 80 % des CCR de phénotype CIN [24]. Ces mutations, qui sont fréquemment des délétions ou des insertions de quelques bases, conduisent à la synthèse d’une protéine tronquée [25]. Elles inactivent une des deux copies du gène APC. L’autre événement est soit la perte de l’autre bras long du chromosome 5, soit la présence d’une seconde mutation sur l’autre allèle du gène APC. Le contrôle négatif du gène APC sur le cycle cellulaire se fait à travers l’interaction de la protéine APC avec la β-caténine. La protéine β-caténine est l’élément essentiel de la voie de signalisation médiée par l’oncogène Wnt. Après une activation du récepteur Wnt, la protéine β-caténine s’accumule dans le cytoplasme des cellules activées. Elle forme un complexe protéique avec le facteur de transcription TCF4. Ce complexe est alors transloqué dans le noyau où il permet la transcription de gènes favorisant la prolifération cellulaire (figure 2) [20, 26]. Il a été montré, dans des cellules déficientes pour la protéine APC, que le complexe β-caténine-TCF4 est stable et actif de manière constitutive. La régulation négative exercée par la protéine APC sur la β-caténine implique d’autres partenaires comme l’axine et la glycogène synthase kinase 3β (GSK3β). Cette dernière kinase, en phosphorylant certains résidus sérine et thréonine de la β – caténine, permet sa dégradation par le protéasome. Une autre voie d’activation du complexe protéique β -caténine-TCF4 est la survenue de mutations activatrices de la β -caténine, empêchant sa dégradation par le protéasome. Ces mutations surviennent dans 50 % des cancers du côlon où aucune mutation du gène APC n’a été trouvée [27]. Il existe ainsi une accumulation de β-caténine au niveau des cellules tumorales. Un des gènes cibles de la transcription induite par le complexe β-caténine-TCF4 est l’oncogène c-MYC, surexprimé dans les CCR où il induit une prolifération des cellules épithéliales coliques [28]. Le rôle de cette voie de signalisation ne s’arrête pas là dans la transformation maligne des cellules. En effet, la β-caténine se lie avec la E-cadhérine. Cette protéine appartient à une famille de glycoprotéines transmembranaires nécessaires à l’adhésion entre les cellules. La présence de la β-caténine semble indispensable à l’adhésion cellulaire médiée par la E-cadhérine. Il a été suggéré que la protéine APC, en déplaçant la β-caténine de son site de liaison à la E-cadhérine, empêche celle-ci de jouer son rôle de protéine d’adhérence et favorise la migration des cellules épithéliales coliques vers le sommet des villosités et leur desquamation dans la lumière intestinale [26].
La voie de signalisation Wnt est activée dans les deux types de CCR CIN+ et MSI+. Dans les cancers CIN+, il s’agit principalement d’une inactivation biallélique du gène APC, et dans les cancers MSI+, de mutations activatrices du gène codant pour la β-caténine ou de TCF4 (figure 3). La fréquence d’activation de cette voie de signalisation dans les deux types de cancers est proche de 80 %, et elle apparaît ainsi essentielle dans la carcinogenèse des CCR [20, 27].

Voie TP53

Le gène suppresseur de tumeur TP53, situé en 17p, est inactivé à la fois par des pertes alléliques et des mutations ponctuelles dans 60 à 80 % des CCR de type CIN. Les mutations sont significativement moins fréquentes dans les CCR de phénotype MSI. Les altérations de TP53 sont impliquées dans la séquence adénome cancer et surviennent donc relativement tardivement au cours de la carcinogenèse colorectale. Le rôle de la protéine p53 est double. D’une part, elle bloque le cycle cellulaire en phase G1/S, en induisant la transcription du gène inhibiteur du cycle cellulaire CIP1/WAF1 lors de lésions de l’ADN, afin de permettre la réparation de ces lésions avant la division cellulaire. D’autre part, elle peut induire l’apoptose en favorisant la transcription du gène proapoptique BAX si les lésions de l’ADN sont trop importantes pour être réparées. La protéine p53 joue ainsi le rôle de « gardien du génome » [31]. L’altération du gène TP53 serait donc au centre de la transformation maligne de la cellule en autorisant la survenue d’altérations génétiques multiples, notamment à type de délétion ou d’amplification, participant au phénotype CIN. Cependant, la part relative des altérations du gène APC et du gène TP53 reste à déterminer. La voie de signalisation de p53 n’est pas seulement invalidée dans les cancers de type CIN, mais aussi dans les cancers de phénotype MSI. En effet, le gène BAX est un gène cible de MSI par mutations sur une séquence répétée codante de huit guanines présentes dans 30 à 50 % des CCR de ce type (figure 3) [20, 32].

Voie de l’EGF

Le récepteur de l’EGF ou HER1 est une glycoprotéine transmembranaire appartenant à la famille des récepteurs de facteurs de croissance à activité tyrosine-kinase HER ou ErbB. Cette famille comporte, outre le REGF, trois autres récepteurs : HER2 ou ErbB2, HER3 et HER4 [33]. L’EGFR est composé d’un domaine extracellulaire assurant la fixation avec le ligand, d’un domaine transmembranaire et d’un domaine effecteur tyrosine-kinase intracellulaire. Il existe plusieurs ligands du EGFR que sont l’EGF et le TGFα principalement, mais aussi l’amphiréguline, l’épiréguline, la β -celluline, le facteur de croissance lié à l’héparine et les neurégulines. La fixation du ligand sur le récepteur entraîne, après homo- et/ou hétérodimérisation de ce récepteur avec d’autres récepteurs de la famille ErbB tels que HER2, l’activation de ce dernier par phosphorylation au niveau de résidus tyrosine spécifiques situés
sur son domaine intracellulaire. Ces résidus phosphorylés servent de site d’amarrage à un certain nombre de protéines intracellulaires contenant un domaine Src homology-2 (SH2) capable de reconnaître ces tyrosines phosphorylées. Ces protéines à domaine SH2 jouent donc un rôle central dans la transmission des signaux intracellulaires, raison pour laquelle on les retrouve dans la plupart des voies de signalisation : il s’agit du complexe Grb2/hSos qui active la protéine RAS dans la voie des RAS/RAF/ MAPK (mitogen activated protein kinase) et de la protéine PI3K (phosphatidyl inositol 3-kinase) qui phosphoryle certains lipides membranaires, aboutissant au recrutement de la kinase AKT dans la voie PI3K/AKT. Ainsi, l’activation du EGFR est responsable de l’activation de deux voies de signalisation intracellulaire d’aval impliquées dans la prolifération, la migration, l’adhésion et la différenciation cellulaire, ainsi que dans la résistance à l’apoptose et l’angiogenèse, la voie RAS/ RAF/MAP Kinase et la voie PI3K/AKT. Plusieurs arguments expérimentaux ont démontré l’implication de l’EGFR dans la genèse des CCR où ce récepteur est surexprimé dans 30 à 85 % des cas [34].

Voie RAS/PAF/MAP Kinase

La famille RAS constitue une famille de proto-oncogènes codant pour des G-protéines dont on distingue trois principaux membres Harvey-Ras (HRAS), Kirsten-Ras (KRAS) et Neuroblastoma-Ras (NRAS). D’autres protéines de cette famille furent ensuite décrites [35]. Les protéines RAS font partie de la famille des GTPases. Elles jouent un rôle important dans la transmission de signaux extracellulaires provenant des récepteurs membranaires vers le noyau, aboutissant à la régulation de la prolifération, de la survie, de la différenciation et de la migration cellulaire, ainsi que de l’angiogenèse. Elles sont localisées à la face interne de la membrane cytoplasmique, ancrées dans la couche phospholipidique membranaire par leur extrémité C terminale. Leur activation est déclenchée par l’intermédiaire de récepteurs membranaires, dont l’EGFR. Les protéines RAS jouent un rôle «d’interrupteur» au sein des voies de signalisation et oscillent entre deux états : un état actif où elles sont liées au GTP (guanosine triphosphate), ce qui permet transitoirement l’interaction de RAS avec d’autres molécules intracellulaires effectrices et l’activation de différentes voies de signalisation, et un état inactif où elles sont liées au GDP. L’activation des protéines RAS survient lors du remplacement du GDP par le GTP et, inversement, leur inactivation est provoquée par l’hydrolyse du GTP en GDP par des protéines de régulation telles que les GAP (GTPase activating proteins), ainsi que par l’activité GTPase intrinsèque de la protéine RAS elle-même. Le gène KRAS est fréquemment activé dans les CCR. Cette activation résulte de mutations faux-sens qui lui confèrent un pouvoir oncogénique via une accumulation de la forme active liée au GTP, elle-même liée à l’altération de l’activité intrinsèque GTPase. La prévalence des mutations de l’oncogène KRAS dans les CCR est voisine de 40 %. Ces mutations touchent dans plus de 90 % des cas l’acide aminé glycine des codons 12 et 13 et, plus rarement, l’acide aminé glutamine du codon 61 [36]. Plus récemment, une protéine appartenant à la cascade RAS a été montrée activée par mutation ponctuelle, il s’agit d’une sérine thréonine kinase codée par le gène BRAF. Une mutation quasiment unique est observée au niveau de ce gène, conduisant à une substitution d’une valine en un acide glutamique au niveau du codon 600 (V600E). Cette mutation activatrice est responsable d’une augmentation de l’activité kinase de la protéine BRAF, et il a été montré qu’elle avait des capacités oncogéniques in vitro [37]. Environ 10 à 15 % des CCR sont porteurs d’une mutation de ce gène. Ces mutations sont exclusives des mutations du gène KRAS (figure 3) [20, 38]. Elles surviennent significativement plus fréquemment dans les cancers de type MSI+ que dans les cancers CIN+. La voie de transduction de signal passant par les protéines RAS apparaît donc activée de manière constitutive dans 50 % des CCR, quel que soit le phénotype de cancer. L’activation des protéines RAS et BRAF entraîne l’activation de la voie des MAPK, également appelée ERK (extracellulary regulated kinase). Cette première protéine kinase est responsable de l’activation par phosphorylation de la MAPK-kinase ou MEK (MAPKERK-kinase). À son tour, MEK active de manière hautement spécifique par double phosphorylation la MAPK, ce qui entraîne sa translocation au niveau du noyau et l’expression de gènes précoces codant pour des facteurs de transcription (c-Fos) et autres (c-Myc, c-Jun ou JunB) qui, à leur tour, stimulent l’expression d’un grand nombre de gènes, en particulier ceux de la cycline D1 et de CDK6 ayant un rôle majeur dans l’initiation du cycle cellulaire en G1 [20].

Voie PI3K/AKT

La voie PI3K/AKT joue un rôle important dans certaines fonctions cellulaires comme la régulation de la glycogenèse, la régulation de la taille de la cellule, la migration, la survie cellulaire et la prolifération. Cette voie peut être activée de trois façons différentes. La première l’est à la suite de la phosphorylation des tyrosines du domaine intracellulaire d’un récepteur membranaire à activité tyrosine-kinase comme l’EGFR. Le récepteur ainsi activé se lie alors à la sous unité régulatrice p85 de la PI3K qui a la possibilité de se fixer directement par son domaine SH2 sur les résidus tyrosine phosphorylés du récepteur. La sous-unité p110 catalytique de la PI3K, recrutée à la membrane, permet ainsi la génération de phosphatidylinositol 3, 4,5-triphosphate (PIP3) à partir du phosphatidylinositol diphosphate (PIP2). PIP3 recrute à son tour deux protéines kinases solubles, PDK1 et PDK2 (3-phosphoinositide dependent kinase). PDK1 se lie alors à la sérine thréonine kinase AKT ou protéine kinase B (PKB) et la phosphoryle [39]. Une deuxième phosphorylation, assurée par PDK2, entraîne le détachement de la membrane d’AKT et son activation [40]. Une autre voie d’activation de PI3K fait intervenir Grb2 qui se lie à GAB, qui elle-même recrute p85. Enfin, Grb2 peut aussi activer RAS soit en se liant à hSos, et alors RAS peut activer p110 indépendamment de p85, soit au sein d’un complexe comprenant hSos, RAS et GAB, qui active PI3K. AKT activé régule la synthèse des protéines, le cycle cellulaire et la survie cellulaire. La régulation de la synthèse des protéines se fait par l’intermédiaire de l’activation du facteur de transduction eIF-4E et de la protéine ribosomale p70S6 et de l’inhibition de 4EBP1 (eIF4E binding protein-1) [41]. La régulation du cycle cellulaire par AKT se fait par l’intermédiaire de la GSK3β dont la phosphorylation entraîne l’inactivation. Cette kinase joue un rôle important dans la destruction des protéines par la voie du protéasome. Lorsque la cycline D1 est phosphorylée par la GSK3β, elle est ubiquinylée et détruite. Ainsi, la phosphorylation et l’inhibition de GSK3β empêchent la destruction de la cycline D1 [42]. Par ailleurs, l’activation d’AKT augmente la transcription du gène codant pour la cycline D1. Ces deux effets aboutissent donc à l’accumulation de la cycline D1 dans les cellules, ce qui, en association avec CDK4 ou 6, induit le cycle cellulaire en phase G1. Ainsi, la voie PI3K/AKT exerce un rôle sur la prolifération cellulaire parallèlement à la voie des MAPK. Des mutations du gène PI3KCA codant pour la sous unité catalytique de la PI3K sont observées dans 12 à 15 % des CCR et sont associées à une activation de voie PI3K/AKT [38,43].

Formes héréditaires du cancer colorectal

Polypose adénomateuse familiale (PAF)

La PAF est responsable de 1 % des cancers colorectaux. De transmission autosomique dominante, elle est due à une mutation constitutionnelle du gène APC : ainsi, chez un patient ayant une PAF, chaque cellule colique a déjà, de façon innée, inactivé une copie de ce gène suppresseur de tumeur. L’inactivation des deux copies, étape clef de la cancérogenèse colique, est donc beaucoup plus rapide. De fait, dans la PAF, le risque de cancer colorectal est proche de 100 %, survenant à un âge beaucoup plus jeune que pour les patients ayant une tumeur sporadique. Par ailleurs, dans la PAF, la position de la mutation sur le gène APC est corrélée au phénotype de la maladie : ainsi le nombre de polypes (polypose classique ou atténuée), la présence de tumeurs desmoïdes, d’hyperpigmentation rétinienne, dépendent de la nature de la mutation [44].

Cancer colorectal héréditaire sans polypose (HNPCC)

Le syndrome de Lynch ou le syndrome HNPCC (Hereditary Non polyposis Colorectal Cancer) est responsable de 3 à 5 % des cancers colorectaux [45]. De transmission autosomique dominante, il est dû à une mutation constitutionnelle d’un des gènes du MMR, essentiellement MLH 1 et MSH 2. Les tumeurs du syndrome HNPCC présentent une instabilité des microsatellites (phénotype MSI). Le spectre tumoral du syndrome HNPCC est large, mais les risques tumoraux majeurs sont le CCR (risque cumulé de 80 % à 80 ans) et le cancer de l’endomètre (42 à 60 % à 70 ans) [46].

Polypose associée à MUTYH

L’implication du gène MUTYH dans la prédisposition au cancer colique a été découverte récemment. L’inactivation biallélique de ce gène du BER entraîne une polypose semblable cliniquement à la PAF, mais à transmission autosomique récessive [47].

Polypose juvénile familiale

Cette polypose rare est caractérisée par la présence de nombreux polypes du côlon et du rectum, mais aussi de l’estomac, du duodénum et du grêle. Il existe tout de même une prédisposition au CCR avec un risque évalué à 50 %. Il s’agit d’une maladie autosomique dominante pour laquelle des mutations de plusieurs gènes ont été retrouvées : les gènes suppresseurs de tumeur SMAD4 et PTEN [48].

Exploration biologique du cancer colorectal

Dépistage du cancer colorectal

Le dépistage du cancer colorectal est basé sur l’utilisation de tests biochimiques permettant de mettre en évidence un saignement occulte dans les selles.

Tests au gaïac

Les tests utilisant la résine de gaïac (comme le test Hemoccult) révèlent l’activité pseudoperoxydasique de l’hémoglobine et de ses métabolites par des méthodes de colorimétrie qualitative. Cette méthode qualitative révèle la présence de peroxydases, qu’elles soient liées ou libres, pouvant ainsi réagir non seulement à la présence de sang humain, mais également de manière non spécifique à des peroxydases contenues dans les aliments. D’autres facteurs sont susceptibles d’affecter la sensibilité du test, comme les interactions avec certains médicaments. C’est ainsi que la réalisation de tests de ce type est souvent assortie de restriction alimentaire et médicamenteuse dans les jours qui précèdent sa réalisation concernant la viande rouge, la volaille, le poisson et certains abats, les brocolis, les melons, les choux-fleurs et les radis, ainsi que la vitamine C, l’aspirine et les antiinflammatoires non-stéroïdiens [49].

Tests immunochimiques

Le principe repose sur la révélation spécifique de la présence d’hémoglobine humaine grâce à l’utilisation d’anticorps monoclonaux ou polyclonaux reconnaissant la partie globine de l’hémoglobine. Dans les études conduites en laboratoire, ces tests sont plus spécifiques que les tests basés sur la mise en évidence de l’activité pseudoperoxydasique. Par ailleurs, ils n’entraînent aucune restriction alimentaire [49].

Recherche de mutations ou d’anomalies de l’ADN dans le cancer colorectal par technique de biologie moléculaire

Les anomalies de l’ADN concernent des mutations ponctuelles observées sur le gène KRAS et les gènes suppresseurs APC, TP53, ou des anomalies de séquences (instabilité des microsatellites), des pertes d’homozygotie, des troubles de méthylation ou des ADN de longue taille (> 200 kb). Les ADN circulants ont pu en revanche apporter une contribution réelle pour établir un dépistage (cas de l’ADN méthylé), un diagnostic (cas de l’ADN mitochondrial) et également le pronostic (traceur pronostique de progression de cancer colorectal métastasique) et/ou prédire la réponse au traitement (mutation de l’oncogène de KRAS). La recherche de mutations circulantes constitue une voie d’avenir en termes de prédiction de l’évolution et de la réponse thérapeutique dans le cancer colorectal [50].
Par exemple pour la recherche de mutation de l’oncogène de KRAS, plusieurs techniques ont été décrites [51]. La sensibilité et la spécificité des tests varient selon la technique. De manière générale, l’étude des mutations se fait après extraction de l’ADN sur tissu conservé en paraffine et après amplification par polymerase chain reaction (PCR). Il existe aussi des kits d’amplification de tout génome disponible sur le marché. La technique considérée comme la référence (gold standard) est le séquençage direct par la méthode de Sanger [52]. Elle présente néanmoins l’inconvénient de détecter les mutations lorsque le tissu tumoral représente au moins 20 à 50 % du tissu étudié. Pour optimiser la sensibilité de la détection des mutations, des techniques alternatives ont été développées (Tableau 4) [51].

Technique HRM (High Resolution Melting Analysis)

La fusion haute résolution plus communément appelée HRM (High Resolution Melting), est en fait une extension de l’analyse en courbe de fusion dont l’objectif principal est de cribler et d’identifier de nouveaux variants sur des amplicons entiers en utilisant uniquement des amorces spécifiques. Plusieurs automates commercialisés sont équipés de cette technique et peuvent ainsi être utilisés à ces fins, par exemple, l’ABI 7500® (Applied Biosystems), le RotorGene® (Qiagen) ; le LightCycler 480 (Roche Diagnostics®) [53].

Principe

Il consiste en l’intégration d’un fluorochrome intercalant à de l’ADN amplifié. Puis, l’augmentation de température programmée de façon progressive entraîne une dénaturation de certains fragments d’ADN, éliminant le fluorochrome, ce qui provoque une baisse de fluorescence. Ainsi, à une séquence d’ADN donnée correspond, pour une montée en température standard, une fluorescence spécifique représentée par une courbe de fusion. L’intercalant ne doit pas se fixer sur l’ADN simple brin et il doit fluorescer fortement en présence d’ADN double brin sans être toxique pour les amplifications enzymatiques, même à fortes concentrations. De plus, il doit permettre la détection d’hétéroduplex. Pour cela, la séquence cible doit être présente en un grand nombre de copies. Dans ces conditions, la Polymerase Chain Reaction (PCR) doit être robuste, avec un seul produit amplifié car tout produit amplifié interfère sur la fluorescence. L’utilisation d’amorces purifiées par High-Performance Liquid Chromatography (HPLC) évite la formation de dimères, de même qu’une polymérase Hot Start évite également en début de réaction, les produits d’amplification non spécifiques. L’ADN hétérozygote forme des hétéroduplex qui commencent à se séparer en un simple brin à des températures plus basses que l’ADN homozygote ; de plus, la forme des courbes de dissociation est différente selon qu’il s’agit d’un ADN homo- ou hétérozygote. De même, la forme des courbes diffère entre les différents homozygotes selon leur séquence [53].

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Table des matières

RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES
I. Epidémiologie du cancer colorectal
II. Aspects moléculaires du cancer colorectal
II.1 Mécanismes moléculaires de carcinogenèse colorectale
II.1.1 Phénotype CIN ou LOH
II.1.2 Phénotype MSI (Instabilité génétique)
II.1.3 Phénotype CIMP (Hyperméthylation de l’ADN)
II.2 Principales voies de signalisation impliquées dans le cancer colorectal
II.2.1 Voie de signalisation Wnt ou voie APC/β –caténine
II.2.2 Voie du TGFβ
II.2.3 Voie TP53
II.2.4 Voie de l’EGF
II.2.5 Voie RAS/PAF/MAP Kinase
II.2.6 Voie PI3K/AKT
III. Formes héréditaires du cancer colorectal
III.1 Polypose adénomateuse familiale (PAF)
III.2 Cancer colorectal héréditaire sans polypose (HNPCC)
III.3 Polypose associée à MUTYH
III.4 Polypose juvénile familiale
IV. Exploration biologique du cancer colorectal
IV.1 Dépistage du cancer colorectal
IV.1.1 Tests au gaïac
IV.1.2 Tests immunochimiques
IV.2 Recherche de mutations ou d’anomalies de l’ADN dans le cancer colorectal par technique de biologie moléculaire
V. Technique HRM (High Resolution Melting)
V.1 Principe
V.2 Analyse des courbes de fusion
V.3 Applications
TRAVAIL EXPERIMENTAL
I. Objectifs
II. Cadre et type d’étude
III. Matériels et méthodes
II.1 Population d’étude
II.2 Prélèvements
II.3 Extraction de l’ADN génomique
II.4 Technique de recherche de mutation par HRM (High Resolution Melting)
II.4.1 Préparation du mix de réaction
II.4.2 Répartition sur la plaque pour Light Cycler 480 II
II.4.3 Mise en route et programmation du Light Cycler 480 II
II.5 Analyse des données
IV. Résultats obtenus
IV.1 Données démographiques et clinico-anatomiques
IV.1.1 Population d’étude
IV.1.2 Données clinico-anatomiques
IV.2 Résultats de l’analyse des courbes de fusion de l’HRM
IV.2.1 Courbes HRM analysées
IV.2.2 Prévalence de mutations du gène KRAS
IV.3 Corrélation du statut mutationnel du gène KRAS avec les paramètres clinico- anatomiques
V. Discussion
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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