Biologie d’une plante résistante et utilisations industrielles

Biologie d’une plante résistante et utilisations industrielles

Description botanique et écologique

Description botanique 

« Centella asiatica est une herbe sans poil ou légèrement laineuse aux nombreuses tiges horizontales et rampantes. Les feuilles sont rondes, de 2 à 9 cm de diamètre, disposées par petits groupes de 4 à 5 et portées par un long pétiole (1 à 50 cm). Généralement larges et ternes dans les champs, elles peuvent être épaisses, charnues et luisantes au bord de la mer. Les fleurs pourpres sont très réduites et groupées par 2 à 5 à la base des feuilles. C’est une plante vivace qui se multiplie abondamment par des stolons. Elle produit également des graines.
A l’age adulte, son aspect est celui d’une plante herbacée, rampante, s’enracinant aux noeuds. Sa racine a parfois des pivots important et sont adventives aux noeuds. La tige est fine, cylindrique, cannelée, stolonifère.

Description écologique

« Comores : espèce présente à proximité des villages.
Madagascar : espèce assez courante dans les bas-fonds et les lieux très humides surtout sur les diguettes des casiers rizicoles.
Maurice : espèce assez commune au bord des routes et dans les terrains vagues.
Réunion : assez courante à La Réunion, dans les régions du sud et de l’est, dans les lieux très humides et aux bords des fossés sur les hauts plateaux, jusqu’à 2000 m d’altitude. Elle affectionne
les sols compactés à fort taux d’azote.
Seychelles : cette espèce croît en conditions variées, aussi bien dans les régions côtières qu’en altitude, mais préfère les régions à forte humidité. »

L’organisation de la cueillette de Centella asiatica

Centella asiatica (Talapetraka en malgache) est une petite herbe (de 1 cm à 20 cm de hauteur) dont les feuilles sont cueillies à l’état sauvage. La culture est pour l’instant peu rentable car les taux de principes actifs y sont faibles. La période de cueillette s’étale d’août à avril (haute saison). Le pic de cueillette coïncide avec la saison des pluies. La plante est alors dans une phase végétative et les principes actifs semblent présents à des taux élevés.
La cueillette est réalisée essentiellement par des femmes à proximité de leur habitation (1 à 2 heures de marche du foyer). C’est une activité secondaire qui apporte un complément de revenu. Pendant la période de soudure elle devient source du revenu principal et permet d’assurer la sécurité alimentaire.
Son rôle économique est donc important pour les cueilleurs. En 2010, le prix d’achat au kilogramme est d’environ 2000 Mga (soit environ 0,74€6 / Kg).
Les cueilleurs partent le matin, selon l’abondance ils arrivent à cueillir entre deux et trois kilos de feuilles fraîches. Ils sèchent les feuilles au soleil dans la journée et obtiennent entre 500 g et 1 kilo par jour de matière à vendre. Au total, cela correspond à 6 ou 7 heures de travail. La production est généralement vendue le jour même à un acheteur installé dans le village ou à proximité.
Nous utilisons le taux de change moyen de 2009 à 2721,62 Mga pour un Euro et 1 959,06 Mg pour un Dollar (Banque Centrale de Madagascar)
Sur les territoires de cueillette, l’accès à la ressource est de type usufruit (droit de jouir d’un bien dont la propriété appartient à un autre). Les propriétaires fonciers ne touchent aucun droits. Il n’y a pas de conflit foncier manifeste autour de cet accès. Localement, Centella asiatica est conçue comme une plante qui pousse naturellement. C’est donc l’opposé d’un produit agricole (ni planté ni entretenu). Il n’y a pas non plus de conflit ouvert lié à la cueillette entre cueilleurs. Il y a plutôt une compétition pour accéder aux zones les plus abondantes qui sont les plus éloignées des villages.
Après la cueillette la majeure partie des feuilles séches est exportée à l’état brut, l’autre est transformée à Madagascar avant exportation. La filière est éclatée sur plusieurs continents. De multiples acteurs interviennent. Il n’y a pas de monopole dans la filière.
Pour la saison 2009 – 2010, la production totale (cueillie) est estimée à environ à 250 tonnes sur ‘ensemble de Madagascar, dont 70% proviennent de la région Alaotra Mangoro. La figure 11 ci dessous montre la zone de cueillette située dans et autour des zones humides et des rizières.

Les acteurs et les filières

La filière de valorisation des principes actifs issus de Centella asiatica se créé dans les années 1970 pour la production du médicament Madécassol© (insuffisance veineuse, et cicatrisation). A cette époque les deux acteurs de la transformation sont à Madagascar: l’Institut Malgache de la Recherche Agronomique (IMRA) et une société d’état pour l’extraction. Ces opérateurs commercialisent leurs extraits et feuilles sèches à l’entreprise Serdex en France; une filiale du groupe pharmaceutique Roche, qui a depuis été racheté par le groupe Bayer en 2005.
Dans les années 2000 la filière connait sa première évolution majeur avec la découverte d’applications cosmétiques (anti-age) de Centella asiatica. La demande augmente alors considérablement.
Le nombre d’entreprises malgaches passe de 2 à une dizaine. L’IMRA a ainsi donné naissance à plusieurs entreprises (Soamadina, Sotramex, Sotraex Mad). La société d’état est devenue une entreprise privée
(Bionexx). Le nombre d’entreprises utilisatrices en Europe augmente aussi. Des acteurs opportunistes apparaissent.
La deuxième évolution de la filière porte sur la certification en 2008 d’un acteur historique, Serdex, au standard, « Union for Ethical BioTrade » (UEBT), reprenant les principes de la CDB. L’entreprise et sa filière d’approvisionnement rentrent alors dans un processus d’amélioration des pratiques sociales, économiques et environnementales. C’est une démarche en processus, avec un plan de travail sur 5 ans pour être en conformité avec tous les critères de l’UEBT. Les autres entreprises continuent d’opérer un model classique (prix, qualité, livraison…). Il y a actuellement : une dizaine d’entreprises à Madagascar qui exploitent la ressource, deux entreprises en Europe qui transforment Centella asiatica et une multitude de clients dans les secteurs agro-alimentaire, pharmaceutique et cosmétique.
Aujourd’hui 250 tonnes de feuilles sèches sont produites annuellement à Madagascar. Elles sont commercialisées dans 3 secteurs : Pharmacie (30 %), cosmétique (60 %), et agro-alimentaire (10%). Les acteurs ont désormais deux enjeux principaux: l’efficacité du produit évalué aux taux de principes actifs et l’acquisition de volumes suffisant pour leurs besoins.
Il y a donc une diversification des filières (pharmacie, cosmétique, agro-alimentaires), avec une attention concentrée sur : les volumes (biomasse), l’efficacité des principes actifs. Face à cela, quelles sont les conditions de la durabilité et comment peuvent t’elle être maintenues? Sachant que les entreprises partenaires de Serdex s’inscrivent ou se revendiquent dans une stratégie de développement durable.

Trois types de filières se distinguent mais d’une manière générale il y a relativement peu de
différence entre elles .
– Les filières historiques et intégrées (SAER, INDENA) : de l’exportateur à sa maison mère ou à un
client unique. SAER et INDENA achètent respectivement achète environ 60 tonnes / an (Source: SAER et Indena 2010). Ces filières sont représentées en jaune dans le schéma.
– La filière certifiée Serdex : C’est aussi une filière historique et intégrée mais elle a acquise la certification UEBT en 2008. Serdex achète environ 110 tonnes / an de feuilles sèches (Source : Serdex). Sa démarche semble isolée par son effet de levier, d’entrainements des autres acteurs.
Mais ces liens aux acteurs sont pour l’instant difficiles à caractériser. Elle a un système de gestion de la qualité intrinsèque sophistiqué, avec des analyses hebdomadaires des taux de principes actifs, via échantillonnage sur le territoire même de cueillette dans la région Aloatra Mangoro. Cette filière est représentée en vert dans notre schéma.
– Les filières opportunistes, plus récentes, de part leur nature sont difficiles à caractériser. Elles sont représentées en gris.
Entre une zone de cueillette et une société exportatrice, on trouve 5 à 6 intermédiaires (aussi appelés niveaux ou segments). Ces filières ont toutes une structure pyramidale très prononcée. Les fonctions des différents acteurs sont :

A Madagascar
– Cueilleurs : cueille, sèche, trie et transporte la récolte jusqu’au « sous-collecteur »
– Intermédiaire 1: Sous collecteurs, souvent des épiciers du village qui achètent aux cueilleurs au jour
le jour. Dans les zones reculées des axes routiers, comme à Didy, de nouveaux intermédiaires apparaissent entre le cueilleur et le sous-collecteur. Ils font le lien entre les zones de cueillette et les intermédiaires plus importants situés sur la RN44.
– Intermédiaire 2: Agent ou chef de poste : l’agent est un intermédiaire libre, tandis que le chef de
poste est un salarié d’une société malgache : ils achètent aux sous-collecteurs. Certains paient les
taxes à la DREFT.
– Intermédiaire 3 : Entreprise malgache : elle achète aux agents, organise la livraison par camion depuis les zones de collecte, conditionne les feuilles, parfois extraits les principes actifs (processus
industriel), puis organise l’exportation. Elle obtient une convention de collecte auprès de la DREFT.
Le triage et le séchage sont principalement faits par les cueilleurs. La maîtrise du taux d’humidité est un facteur déterminant dans la conservation des principes actifs. Tous les intermédiaires le vérifient et font donc aussi du séchage. A la saison des pluies le laps de temps s’écoulant entre la cueillette dans le champ et la livraison à l’usine est d’une semaine environ. Ce délai s’allonge à plusieurs semaines en dehors de cette période.
A Madagascar, les donneurs d’ordre sont les entreprises malgaches. Les agents sont des petites entreprises formelles ou informelles, actives dans plusieurs secteurs (riz, bois, plantes médicinales), qui ont parfois plusieurs activités commerciales avec les sous-collecteurs (épiciers). Les sous-collecteurs sont généralement des épiciers car ils offrent des garanties financières et une expérience du commerce. Ils accordent parfois des crédits aux paysans pendant la période de soudure, que ces derniers remboursent en feuilles de Centella.
Les filières partagent toutes la même base d’approvisionnement. A Madagascar les acteurs informels (cueilleurs, sous-collecteurs et agents) sont actifs dans et pour plusieurs filières. Les sous
collecteurs travaillent avec plusieurs agents, environ deux ou trois. Les agents travaillent avec plusieurs dizaines de sous collecteurs. Ces acteurs sont représentés en bleu dans la figure 14.
« Quand on reçoit l’information que le taux est bas, je continue quand même à acheter les stocks. (…) Les paysans ne s’arrêtent pas s’ils entendent que les taux de principes actifs est faible. Ils s’arrêtent quand les sous-collecteurs n’achètent plus. » (101_Un sous collecteur)
« Il y a toujours les mêmes critères de qualité car à la fin c’est pour le même grand collecteur. » (218_Un souscollecteur parlant de la concurrence)
« On est pillé, notre argent est utilisé pour d’autres » (402_un directeur d’une entreprise malgache)

Hors Madagascar
– Intermédiaire 4 : Entreprise étrangère qui importe, extrait et commercialise les principes actifs.
Nous l’appelons extracteur.
– Intermédiaire 5 : Entreprise étrangère. Utilise les extraits dans la fabrication de médicaments ou de crèmes cosmétiques. (Ex. Bayer, Yves Rocher, Clarins, Chanel Parfum Beauté)
– Intermédiaire 6 : Entreprise étrangère. Commercialise le produit fini au grand public. (Ex. Sephora, magasins indépendants de beauté, pharmacies)
Le principal donneur d’ordre est l’intermédiaire 5 qui commande le Centella pour la fabrication de produits spécifiques.

Zones et période de cueillette

La saison commence en août pour se terminer en mars – avril. Souvent les entreprises malgaches font des analyses chimiques pour connaître les taux de principes actifs avant de lancer les ordres d’achat à leurs agents. Typiquement, le signal du début de la cueillette est donné par les sous-collecteurs qui sortent le panneau « Mividy Talapetraka » signifiant « J’achète le Centella asiatica ». Il n’est pas possible à l’œil, d’évaluer le taux de principes actifs. Le seul critère de sélection visuelle, est la couleur verte de la feuille.
« On ramasse juste les feuilles vertes » (217_Une cueilleuse) Les femmes travaillent généralement par groupe d’environ cinq personnes, souvent issues du même lignage, ou bien individuellement. Il n’y a pas de planning fixe des zones de collecte. Elles changent de site quand elles estiment que l’abondance n’est pas suffisante pour obtenir la quantité voulue. Elles partent vers 6 h et travaillent jusqu’à midi environ. Les zones de collectes sont à proximité des villages (moins de 7 km ou une à deux heures de marche). Pour les zones de cueillette éloignées, elles restent sur place plusieurs jours.
Mais ce dernier cas semble plus rare. L’après midi, lors du séchage des feuilles, les femmes font d’autres activités, souvent ménagères.
« Les gens arrangent leur programme pour cueillir le matin et l’après midi ils font sécher les feuilles et en même temps ils font d’autres travaux. » (101_ Un sous-collecteur, Moramanga)
Une fois séchées, les feuilles sont vendues à un sous-collecteur dans l’après-midi même. Ce dernier paie comptant. Le sous-collecteur vit dans le village où résident les femmes ou à proximité de leur zone de cueillette. Il n’y a pas de relation de lignage entre ces femmes et le sous-collecteur. Ce qui compte, c’est la justesse de la pesée. Typiquement, les sous-collecteurs sont des épiciers du village. Ils reçoivent une avance des agents, qui organisent aussi la collecte des feuilles.
Les cartes de cueillette réalisées à dires d’acteurs montrent que les cueilleurs ont plusieurs sites de
collectes (environ 5) dans la proximité de leur village. Les zones de cueillette se trouvent principalement dans et autour des zones humides et rizicoles de type « Bahibo ». La cueillette est réalisée en usufruit sur des terrains privés.
« Tous les zetra ont un propriétaire, car ils sont segmentés par des canaux ».
– Pédologie : sol plutôt argileux
– Hydrologie : sol humide mais pas inondé
– Climat : tropical de moyenne altitude Est (humide, frais)
– Milieu «anthropisé» : zone rizicole

Techniques de cueillette

Les feuilles de Centella sont sélectionnées en fonction de leur taille et de leur abondance. En aucun cas la totalité des feuilles est prélevée. La plante est polymorphique. C’est à dire qu’elle change d’apparence selon son milieu. (301_un informant) Deux techniques de collecte semblent se distinguer en fonction de la hauteur de l’herbe. Mais il ne semble pas y avoir de différence de rendement entre ces deux techniques.

– Technique de cueillette pour l’herbe courte
Le sol constitue pratiquement un tapis de Centella asiatica. Les feuilles sont à ras le sol et petites.
Elles mesurent moins d’un ou deux centimètres de largeur. Dans ce cas, la paume de la main est dirigée vers le bas. Le pouce et l’index fonctionnent d’une manière similaire à un peigne. Les deux mains travaillent simultanément.

– Technique de cueillette de l’herbe longue
Dans les zones où l’herbe est haute, les tiges de Centella sont plus longues, de 10 à 20 centimètres.
Les feuilles sont espacées de quelques centimètres mais elles sont plus larges, deux à quatre centimètres.
La paume d’une main est dirigée vers le haut. Le pouce et l’index d’une main coupent tige après tige tandis que l’autre main écarte les mauvaises herbes. Les collecteurs ne semblent pas avoir de préférence en fonction de la hauteur de l’herbe et donc de la morphologie de la plante (petites, grandes feuilles, tige courte ou longue) mais privilégient la biomasse et la possibilité de collecter un volume conséquent. La densité de Centella asiatica est conditionnée par des facteurs pédologiques et climatiques qui ne font pas l’objet de cette recherche. Notons que la plante est plus abondante pendant la période des pluies entre Décembre et Mars (Rahajanirina 2010).
Les cueilleurs ont toujours plusieurs sites de cueillette dans les environs de leur village, jusqu’à une
à deux heures de marche. L’organisation de la cueillette se fait en fonction de la distance et de la quantité disponible. C’est le principal facteur de compétition entre cueilleurs. Par ailleurs, il n’y a pas d’activité combinée avec la cueillette.
Il y a toutefois une évidente multifonctionnalité des zones de cueillette : pâturage extensif des zébus, pêche et cueillette de certaines plantes pour les cérémonies. Tous les cueilleurs savent où pousse le Centella : dans des bas fonds ou dans des zones humides mais il n’y a pas de prospection à proprement dit.

Critères de cueillette

Des critères de cueillette sont définis par les entreprises malgaches afin de maximiser les taux de principes actifs. Ils sont traduit en consignes, similaires sur l’ensemble de la région Alaotra Mangoro, transmises de façon orale à l’ensemble des intermédiaires et des cueilleurs. Historiquement, il y a trois critères :
– pas de racine et tige courte (1 à 2 cm)
– feuille sèche
– pas de mauvaises herbes avec les feuilles de Centella séchées
4 Économie de Centella asiatica
En terme de volume, Centella asiatica est la deuxième plante médicinale exportée de Madagascar.
(403_Un haut responsable du Ministère du commerce) Les cueilleurs sont des femmes issues de foyers pauvres ayant peu ou pas de rizière. Leur principale activité est l’agriculture avec un statut de journalier. La collecte de Centella semble augmenter rapidement depuis 6 ans environ. La quantité totale prélevée en 2010 est estimée à environ 250 tonnes contre 20 tonnes en 1970 (dires d’acteurs). (Voir graphique 15 ci-dessous.) Le nombre d’entreprises locales qui collecte est d’environ 10 aujourd’hui, contre 1 ou 2, il y a 10 ans. Trois entreprises malgaches se distinguent car elles exploitent 80% de la production totale. Puis sept entreprises plus petites traitent environ 50 tonnes / an. Il n’y a pas de monopole sauf dans quelques cas de souscollecteur qui se retrouvent seul dans un village.
Pour le cueilleur, c’est un revenu complémentaire qui devient la principale source de revenu pendant la période de soudure. L’évolution des prix, à dires d’acteurs, est présentée dans la figure 17 cidessous. Le prix payé au cueilleurs a donc régulièrement augmenté, mais pas suffisamment pour constituer un revenu intéressent, voir décent. A ce stade, il serait pertinent de comparer avec le prix payer à un journalier dans une rizière avec l’évolution du coût de la vie (notamment le prix du kg de riz). Mais ces données sont difficiles à obtenir de sources officielles.

Les facteurs de la durabilité environnementale

Les incertitudes sur la biologie de la plante : biomasse, régénération et génétique

A Madagascar, l’exploitation commerciale repose uniquement sur la cueillette dans son milieu naturel. La culture n’est pas rentable car la plante présente alors des taux de principes actifs trop faibles.
Dans ce contexte, la première incertitude est l’absence d’information scientifique sur le taux de prélèvement durable de Centella. Ceci s’explique sûrement par le fait que l’aire de répartition de la plante est relativement large et qu’elle présente moins de risque de disparition que certaines plantes endémiques.
De plus, son exploitation ne semble pas la mettre pour l’instant en danger, en dépit d’une augmentation de la cueillette de 30%.
« On n’a pas de signal comme quoi il y a un danger » (403_Un haut responsable du MINEFT) La deuxième incertitude porte sur la biomasse disponible. Historiquement, les opérateurs économiques se sont concentrés sur la région Alaotra Mangoro. Peut-être pour des raisons d’organisation des réseaux de transport ou de l’expérience des paysans habitués aux critères de qualité de la cueillette.
Une croyance émerge parmi certains acteurs privés : c’est la seule zone où les plantes sont riches en principes actifs. Cette croyance est actuellement remise en cause. Une question se pose : quelle est la quantité totale de Centella disponible à l’échelle de la région et du pays ? Une étude aurait était réalisée par un service du MINEFT mais nous n’avons pas pu y accèder.
La troisième incertitude porte sur la génétique de la plante. Les recherches du CIRAD en cours visent à identifier la famille et la variété de la plante actuellement exploitée. L’incertitude sur ce dernier point, permettrait d’invoquer un principe de précaution pour conserver la plante. Nous n’en sommes pas là, compte tenu du taux de pression actuel.

Rôle du marché

Le taux de pression actuellement exercé par le marché semble être inférieur au taux de régénération de la plante. Ce taux est le résultat de la combinaison de 4 facteurs : du volume total acheté, des critères de qualité utilisés pour définir la technique de cueillette et maximiser les taux de principes actifs, d’une période de non-achat et du prix d’achat au cueilleur.

• Le volume total exploité
Dans les années 1970, la quantité totale prélevée était de l’ordre de 20 tonnes. Aujourd’hui elle est
estimée à 250 tonnes, en agrégeant les volumes traités par les principales entreprises malgaches. Avec le temps, la zone de collecte s’est agrandie, des environs de la ville de Moramanga à la région Alaotra Mangora et au sud Est du pays. Cette expansion semble encore permettre à la plante de se régénérer. Pour certains cueilleurs actifs depuis plus d’une décennie:
« La plante est toujours là ». (104_une cueilleuse, Moramanga)

• Un critère de qualité pour les principes actifs a des effets indirects sur la régénération Les intermédiaires ont défini des critères de qualité pour la cueillette et l’après-cueillette afin de maximiser les taux de principes actifs. Le critère de la « tige courte » contribue à la régénération de la plante.
Ce critère permet de limiter l’humidification de la feuille. En effet la tige agit comme un réservoir d’eau qui fait pourrir la feuille et fait baisser les taux de principes actifs. Mais ce critère joue aussi un rôle indirect sur la régénération de la plante dont le principal mode de propagation est par stolon. Les observations pendant la cueillette et pendant les entretiens montrent que les cueilleurs ne prélèvent jamais la racine mais seulement le haut de la tige.
Le respect de ce critère tient à plusieurs facteurs. D’abord, la sensibilisation et la formation effectuée par les entreprise.
« Dans les années 70, dés l’organisation des premières collectes nous (les opérateurs) avons demandé aux paysans de ne pas prélever les racines. Nous savions que c’est le principal mode de propagation de la plante.
Nous disions aux paysans que s’ils prélevaient la racine, la plante ne se régénérerait pas et que nous irions acheter ailleurs. Aujourd’hui, l’assimilation de cette pratique est le fruit d’un long travail d’éducation et de formation des cueilleurs et des intermédiaires qu’il ne faut pas oublier. (301_Un informant) Les paysans ont tendance à ne pas se compliquer la tâche. Si les acheteurs ne veulent que les feuilles, ils ne vont pas prélever la racine. C’est du bon sens. Certains cueilleurs savent que la racine est le mode de reproduction de la plante et ne la collectent pas. Dans certaines situations, lorsque Centella prend la forme d’un tapis végétal et que les tiges sont très courtes (quelques centimètres) la technique de cueillette pratiquée arrache quelques racines. Après observation des paniers des cueilleurs, cela ne représente pas plus de 5 à 10 % du poids total et paraît donc marginal.
Un second critère « Pas de mauvaises herbes » limite les gaspillages de matière et l’impact sur la biodiversité. Les espèces environnantes de Centella sont principalement des herbacées (Rahajanirina, V.,CIRAD) qui semblent présenter une valeur plutôt ordinaire du point de vue de la biodiversité. Les observations pendant la cueillette montrent que les cueilleurs ont tendance à prélever certaines « mauvaises » herbes et à faire le tri plus tard. Cela est dû à la rapidité du geste de cueillette.

• Une période de non-achat permet à la plante de se régénérer
Pendant la période d’hiver, entre Avril et Août, les entreprises malgaches ont tendance à ne pas
acheter. Elles ont généralement rempli leur contrat (402_un informant, Antananarivo)
« Cette période correspond avec la phase dormante de la plante. » (Danthu 2010).
Donc, la période de non-achat permet à la ressource de se régénérer. Mais cette pratique semble changer car certains scientifiques et acteurs privés remettent en question la baisse des taux de principes actifs pendant cette période, incitant de cette manière à poursuivre la cueillette.

• Le prix d’achat aux cueilleurs
Par rapport à la rentabilité d’autres activités, le prix d’achat au cueilleur est un déterminant du niveau de pression. Tant qu’il reste faible, seuls les plus pauvres s’y intéressent, ce qui modère la pression sur la ressource. A ces caractéristiques du marché qui contribuent à la régénération de la ressource et à limiter la pression, s’ajoutent des pratiques de cueillette.

Les pratiques de cueillette durable (sélection et rotation)

Centella asiatica est conçue par les cueilleurs et les intermédiaires malgaches comme une ressource qui pousse naturellement toute seule. Ils l’opposent à une ressource agricole qui nécessite de l’entretien et un investissement financier. Les cueilleurs déclarent ne pas entretenir la plante ou son milieu.
« Il n’y a pas d’entretien, mais juste une cueillette naturelle » (101_Un sous-collecteur, Moramanga)
Pourtant il y a des pratiques de cueillette qui favorisent l’exploitation durable de la plante.
• Cueillette sélective des plus grandes feuilles
Les plus grandes feuilles sont privilégiées:
« pour laisser le temps aux petites de pousser ». (119_une cueilleuse)
• Rotation des zones de cueillette
« Une fois qu’on estime qu’on a assez cueilli ici, on change de site (…) On reviendra dans quelques semaines quand ça (Centella asiatica) aura poussé » (114_Cueilleuses) « Si on collecte tout, ça repousse mais ça prend plus de temps. Le programme de collecte est étalé, on revient une semaine plus tard. « (105_ Deux cueilleuses exerçant depuis plus de 10 ans)
• Respect, dans le champ, des critères de qualité du marché qui favorisent la régénération
« On ne collecte pas la racine car ça abîme la plante et ça diminuera la collecte à venir. C’est M. A. qui nous a formés à ne pas collecter les racines.(…) On essaie de collecter pour avoir plus de feuilles. On fait attention à ne pas collecter les mauvaises herbes car ça prend du temps pour le triage. » (115_Un cueilleuse, Andaingo)
• La cueillette entretient les plantes
Deux scientifiques tendent à confirmer les dires des cueilleurs qui pensent que la cueillette permet le maintien de la plante car elle stimule la régénération. La recherche de l’UPR Forêts et Biodiversité du CIRAD abonde dans ce sens et cherche à déterminer le taux de régénération. Il y a donc des pratiques de cueillette qui permettent à la plante de se régénérer, mais elles ne sont pas revendiquées comment telles.
Elles tiennent à des savoir-faire acquis, intériorisés.
« L’entretien, c’est la collecte. Il n’y a pas de technique particulière. A force de collecter, ça repousse. » (116_Une cueilleuse_Andaingo)
« Il n’y a pas de diminution de la biomasse, ça devient plus vert à force de cueillir. » (218_Un sous-collecteur)
« On ne sait pas combien exactement, mais lorsqu’on cueille une feuille, il y en aura sûrement deux ou trois qui repousseront (…) La cueillette stimule la régénération » (301_Un informant)

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Table des matières

Introduction
Partie 1: Matériaux et méthode
Chapitre 1 : Problématique, cadre d’analyse et éléments de bibliographie
1 Problématique
2 Hypothèse 1 : Demande de gestion durable par l’aval de la filière
• Définition des PAMUC et de la gestion durable
• Contexte réglementaire (international, la CDB et Malgache)
• Faut-il inclure ou pas la filière dans la problématique?
• Quelle articulation entre deux échelles : filière et territoire
3 Hypothèse 2 : Mise en œuvre de la gestion durable impossible dans la filière
• Interrogation du lien entre qualité et gestion durable?
• Condition pour maintenir la qualité et la gestion durable?
4 Hypothèse 3 : La gestion de la durabilité relève d’une organisation socioéconomique et
territoriale
• Quelles formes permettent de concilier la gestion durable entre le territoire et la filière
• Différentes valeurs et effets de la redistribution de la VA
• Le contrôle et l’accès au sol, fondateur de l’organisation socio-économique
Chapitre 2: Cadre méthodologique, outils d’analyse et présentation du cas d’étude
1 Cadre d’analyse
• Choix du terrain et des échantillons
• Contexte malgache : pauvreté, riziculture et biodiversité
• La région Alaotra Mangoro concentrée sur la riziculture
• Biologie d’une plante résistante et utilisations industrielles
2 Méthodologique de la recherche et traitement des données
• Enquêtes territoire et filière
• Cartographie
• Scénarios
3 Quelques limites de cette étude
Partie 2: Résultats
Filière et territoire d’exploitation de Centella asiatica
1 Description botanique et écologique
2 L’organisation de la cueillette de Centella asiatica
• Les échelles d’activité dans la filière à Madagascar
3 Les acteurs de la filière
• Zones et période de cueillette
• Techniques de cueillette
• Critères de cueillette
4 L’économie de Centella asiatica
5 Le problème de qualité intrinsèque domine
Résultat 1: Une organisation qui assure la durabilité environnementale mais maintien les cueilleurs dans la pauvreté
1 Les facteurs de la durabilité environnementale
1.1 Les incertitudes sur la biologie de la plante : biomasse, régénération et génétique
1.2 Rôle du marché
1.3 Les pratiques de cueillette durable (sélection et rotation)
1.4 Système d’exploitation
2 Une durabilité environnementale de fait; pas garantie dans un système global
2.1 Les priorités différentes des acteurs, pas de qualité environnementale
2.2 Centella, un déterminant de l’organisation sociale sur le territoire
• Modélisation géographique : imbrication des zones rizicoles et des zones de cueillettes
• Contrôle et accès au sol en usufruit pour la cueillette
• Typologie du cueilleur dans la communauté villageoise
• Profil sociologique des cueilleurs et statut économique fort de la plante
2.3 La filière, déconnexion entre amont et aval
• Caractérisation de la chaîne de valeur entre le marché et la captation
• Pas de négociation sur la qualité environnementale
• Demande d’une qualité environnementale polarisée
• Un problème de qualité, deux modes de coordination
2.4 Pas de négociation sur le partage de la valeur ajoutée
• La qualité environnementale n’est pas rémunérée
• Concurrence et prix à la hausse mais un barrage des sous-collecteurs
• Répartition de la valeur ajoutée
• Exclusion et règle de partage de la valeur ajoutée
Conclusion du premier résultat
Résultat 2 Les scenarii confirment la vulnérabilité du système 
• Scénario 1 : Rien ne change
• Scénario 2 : Demande et prix à la hausse
• Scénario 3 : Paupérisation et insécurité alimentaire
• Scénario 4 : Principes actifs volatils
• Scénario 5 : Centella devient un actif star
• Synthèse des scénarios
Partie 3 Discussion et conclusion
Chapitre 1 : Réflexivité
1 Posture du jeune chercheur
2 Genèse de la recherche
3 Évolution de la problématique et de la réflexion pendant la recherche
Chapitre 2 Les résultats dans la littérature
1 Exploitation, conservation et pauvreté
2 Piste de réflexion
• le rôle du secteur privé
• Le rôle des autorités locales dans développement territoriale
• Un indicateur de durabilité de la filière
3 Piste de recherche sur la relation entre sécurisation de l’approvisionnement et la gestion durable
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie

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