Biodiversité interspécifique et intraspécifique des extractibles nodaux

Le cambium

   A chaque saison de végétation, le cambium forme, par divisions périclinales, du xylème secondaire vers l’intérieur (en direction de la moelle) et du phloème secondaire (liber) vers l’écorce ; d’où l’appellation « assise génératrice libéro-ligneuse » pour désigner le cambium (Figure 7). L’arbre possède un seul cambium durant toute sa vie. Les cellules initiales fusiformes, orientées longitudinalement, sont des cellules cambiales qui formeront le xylème (bois) ou le liber (phloème) par divisions cellulaires. Le cambium possède aussi des cellules initiales isodiamétriques, moins nombreuses que les précédentes, qui donneront naissance aux rayons ligneux ou libériens orientés radialement. La division cellulaire cambiale est initiée par des hormones (l’auxine, la cytokinine et les gibbérellines) qui contrôlent tout le cycle cellulaire. Les divisions périclinales permettent à l’arbre d’accroitre son diamètre alors que les divisions anticlinales lui permettent d’augmenter sa circonférence. C’est la croissance du xylème secondaire qui contribue le plus à la croissance radiale globale de l’arbre. En effet, les cellules de bois sont plus nombreuses et s’accumulent durant la vie de l’arbre contrairement aux cellules de phloème secondaire (Cuny and Rathgeber, 2014).

L’aubier et le duramen dans le tronc et les branches

   Les cernes récents forment un anneau (souvent clair) en périphérie de la tige appelé aubier (Figure 7). Ce bois contient des cellules vivantes constituant le parenchyme qui sert au stockage de produits de réserves tels que l’amidon. Ce dernier rend l’aubier particulièrement vulnérable aux pathogènes. La partie la plus externe de l’aubier (les cernes les plus récents) sert au transport de la sève brute constituée d’eau et de nutriments depuis les racines jusqu’aux feuilles. Ce transport est possible grâce à l’évapotranspiration qui se produit au niveau des stomates des feuilles. En moyenne, un arbre pompe et rejette 350 litres d’eau en 24 heures (Suty, 2015). La sève élaborée (qui contient en plus les produits de la photosynthèse) circule par le phloème, et les rayons libériens et ligneux servent à la diriger radialement. Les cernes se trouvant au centre de la tige sont les plus anciens et forment le duramen (ou bois parfait) dont les cellules de parenchyme sont mortes (Figure 7). La transformation de l’aubier en duramen est considérée comme la seconde différentiation du xylème se manifestant dans la zone de transition située à l’interface entre l’aubier et le duramen déjà formé. Cette transformation débute à la fin de l’été et se poursuit jusqu’au début de l’hiver (pour une revue voir Hillis, 1971; Magel, 2000; Taylor et al., 2002). Il s’agit d’un processus complexe impliquant plusieurs phénomènes physiologiques et aboutissant à la mort cellulaire du parenchyme. D’ailleurs, les cellules de parenchyme sont lignifiées dans cette zone de transition comme ultime étape de leur différentiation avant leur mort (Bergström, 2003; Zheng et al., 2014a, 2014b). Même si les liens et l’ordre chronologique entre ces évènements métaboliques, anatomiques et chimiques ne sont pas encore totalement élucidés, des propositions de déroulement ont été formulées. La déshydratation des cernes âgés de l’aubier, l’altération de la respiration des cellules de parenchyme sous l’action de phytohormones, telle que l’éthylène sont des éléments déclencheurs de la sénescence du parenchyme (Huang et al., 2013; Nakada and Fukatsu, 2012; Nelson, 1978; Shain and Hillis, 1973a; Spicer and Holbrook, 2007). La duraminisation se caractérise aussi par la fermeture des voies de circulation (les ponctuations) par embolie et la manifestation de la thylose (cellules de parenchyme se proliférant vers l’intérieur des vaisseaux chez les feuillus comme le chêne, le robinier et le châtaignier), ce qui rend le bois plus imperméable (Hillis, 1971; Magel, 2000; Taylor et al., 2002). L’évènement ultime lors de la duraminisation est la formation de composés bioactifs, dits extractibles. Ces composés sont biosynthétisés et stockés dans les cellules de parenchyme, puis ils sont libérés lorsque ces cellules meurent dans la zone de transition (Baldwin, 2010; Gachon et al., 2005; Gershenzon and Engelberth, 2010; Shain and Hillis, 1971; Stockigt and Klischies, 1977). Ce sont ces composés qui procurent à certains duramens une coloration particulière qui permet de les distinguer de l’aubier. C’est le cas des pins, des mélèzes, du douglas, des chênes, du robinier, etc. Dans les autres cas, on parle de bois blancs : sapins, épicéas, hêtre, charme, etc. Les parties 2 et 3 de ce chapitre sont consacrées aux extractibles du bois du tronc et des nœuds respectivement. L’ensemble de ces caractéristiques anatomiques, mécaniques et esthétiques expliquent l’utilisation du duramen en tant que matériau technologique, contrairement à l’aubier.

La cellulose

   La cellulose est le composé naturel le plus répandu sur Terre, et 80 % de la ressource mondiale en cellulose se trouve dans les forêts. Le bois contient entre 40 et 45 % de cellulose et 90 % de la cellulose est répartie dans les couches S2 et S3 de la paroi secondaire. La cellulose est un polymère de monosaccharides : D-glucopyranoses C6H7O2(OH)3 (Figure 8), il s’agit donc d’un homopolysaccharide (comme l’amidon). C’est un polymère linéaire dont les unités sont reliées par une liaison osidique β-(1,4) qui est une liaison rigide de type structurale contrairement à la liaison α qui est de type réserve (c’est le cas de l’amidon). L’alignement parallèle des chaînes forme les microfibrilles de cellulose. Les degrés de polymérisation des monomères d’anhydro-glucopyranonses sont variables d’une espèce à une autre. L’appareil de Golgi et le plasmalemme (membrane plasmique) approvisionnent le protoplasme cellulaire en chaînes cellulosiques préformées pour leur mise en place dans la paroi. Ces chaines se polymérisent et s’allongent par liaisons covalentes, puis les liaisons hydrogène lient les chaînes d’un même plan en microfibrilles qui s’orientent dans les parois selon des angles différents (10° dans S2 et jusqu’à 90° dans S1 et S3) conférant ainsi au bois ses propriétés mécaniques. Dans cette structure cristalline, des zones amorphes apparaissent et peuvent accueillir des molécules d’eau (l’hydrolyse de la cellulose commence dans ces régions), et elles sont aussi accessibles aux agents pathogéniques.

Contribution biomécanique des extractibles

   Les extractibles n’ont pas de rôle biomécanique à proprement dit mais leur localisation dans les parois et les cavités cellulaires peut influencer les propriétés mécaniques du duramen. Les extractibles contribuent à la densité du bois à cause de leur apport massique. Ainsi les arabinogalactanes, les principaux composés extraits du bois de mélèze, augmentent la densité de ce bois malgré leur localisation dans le lumen et non pas dans les parois des trachéides (Côté et al., 1966; Grabner et al., 2005a). La présence d’extractibles a aussi été corrélée à plusieurs propriétés mécaniques du bois tel que le module d’élasticité et la résistance à la compression, l’amortissement, le retrait volumique (Arganbright, 1970; Bremaud et al., 2010, 2012; Golpayegani et al., 2012; Grabner et al., 2005b; Hernandez, 2007a, 2007b; Kuo and Arganbright, 1980a; Luostarinen and Heräjärvi, 2013; Morgan and Orsler, 1969a, 1969b; Song et al., 2014; Tomppo et al., 2009; Yano, 1994). Les extractibles participent aussi à l’amélioration de la stabilité dimensionnelle du duramen. En effet, les extractibles réduisent l’humidité d’équilibre du duramen en s’insérant dans les zones amorphes des parois et en occupant les sites des liaisons hydrogène (Hernandez, 2007c; Hillis, 1971; Kuo and Arganbright, 1980a, 1980b; Song et al., 2014; Torelli et al., 2006). Enfin, la robinétine et le kaempférol sont des flavonoïdes qui ont été localisés dans les membranes des ponctuations permettant la communication entre les vaisseaux et le parenchyme ; ils participent alors au caractère imperméable du duramen (Koch et al., 2006). Il a été prouvé que les stimuli mécaniques impliquent les mêmes réponses de la part des cellules que des stimuli biologiques (Jayaraman et al., 2014; Oven and Torelli, 1994; Pearce, 1996; Witzell an Martin, 2008). Ainsi, la réalisation de trous dans le xylème de pin maritime vivant a induit la sécrétion de résines par le tronc et l’augmentation de phénols dans les aiguilles (Moreira et al., 2012). Le pin sylvestre synthétise aussi des stilbènes et des lignanes suite à des perforations artificielles de son xylème (Harju et al., 2009). L’haubanage de pins radiata a montré la réduction de la survenue de poches de résine, probablement due à la réduction des blessures du cambium causées par le balancement au vent (Watt et al., 2009).

Formation des extractibles en réponse à une blessure

   Il existe plusieurs modes d’attaque du bois par les champignons : les plus virulents sont ceux qui attaquent l’aubier sain par une pénétration directe ou en profitant d’une blessure (infection par les herbivores, les nœuds, zone d’abscission des feuilles, fissures causées par le gel, etc.) ; d’autres moins spécialisés s’installent progressivement dans l’arbre vivant. Certains pathogènes (rares) pénètrent par l’écorce et d’autres s’attaquent au bois en dépérissement car plus fragile (Deflorio et al., 2008; Pearce, 1996). Après une infection, plusieurs réactions se déclenchent. L’arbre détecte la présence d’un microorganisme via des molécules élicitrices que ce pathogène émet (toxines et enzymes extracellulaires, espèces réactives à l’oxygène). L’arbre synthétise et accumule des éléments chimiques, des molécules et des enzymes (calcium, potassium, magnésium, éthylène, chitinase, les peroxydases, PAL, CHS, jasmonates, etc.) qui déclenchent les modifications anatomiques et chimiques pour faire face (Aufsess, 1984; Fink, 1986; Fossdal et al., 2006; Hudgins et al., 2003;Krokene et al., 2008; Nagy et al., 2004; Pearce, 1996; Ralph et al., 2006; Shain and Hillis, 1973b). Chez les résineux, l’aubier et le phloème réagissent en produisant des canaux résinifères traumatiques pour synthétiser de la résine (Fink, 1986; Hudgins and Franceschi, 2004; Hudgins et al., 2003, 2004; Krokene et al., 2008; Nagy et al., 2000). Nagy et al., (2000) et Krekling et al., (2004) ont observé la présence de canaux fonctionnels respectivement 18 et 16 jours après le traitement d’induction. Les canaux sécrètent des terpènes avec de multiples propriétés. Les monoterpènes sont efficaces pour lutter contre les insectes, surtout les scolytes qui sont des vecteurs d’autres microorganismes. Les monoterpènes et les sesquiterpènes agissent aussi comme répulsifs de par leur volatilité. La juvabione est un sesquiterpène oxygéné, identifié dans le genre Abies, qui imite des hormones juvéniles d’insectes et provoque l’inhibition de la croissance des coléoptères (Yang et al., 2008). Plus intéressante est la composition de cette résine issue des canaux traumatiques. Haworth and Kelly (1937) ont identifié le laricirésinol et ses dérivés (lignanes) comme les constituants de la résine traumatique du mélèze. Nagy et al., (2000) ont constaté que l’enzyme PAL est localisée dans les cellules épithéliales de ces canaux. Ces derniers sont aussi entourés par davantage de cellules de parenchyme dans lesquelles des colorations chimiques ont mis en évidence la présence de phénols. Holmbom et al., (2008) ont étudié la composition des résines issues des canaux normaux et traumatiques. Les premières sont constituées uniquement par des terpènes (acides résiniques) alors que les résines « traumatiques » contiennent davantage de lignanes et peu de terpènes. Ce recours aux phénols est certainement destiné à augmenter la toxicité des résines « normales » (Nagy et al., 2000).

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Table des matières

Remerciements
Table des matières
Liste des figures
Liste des productions scientifiques
Liste des articles
Liste des présentations orales et affichées
Introduction
Objectifs de la thèse
Chapitre 1 Etat de l’art
1 Formation des branches et des nœuds
1.1 Caractéristiques morphologiques des branches
1.2 Croissance radiale du tronc et des branches
1.2.1 Le cambium
1.2.2 Formation d’un cerne d’accroissement
1.2.3. La formation du nœud
1.2.4. L’aubier et le duramen dans le tronc et les branches
1.2.5 Constitution de la paroi d’une cellule de bois
1.2.5.1 La cellulose
1.2.5.2 Les hémicelluloses
1.2.5.3 La lignine
1.3 Les différents types de bois
1.3.1 Le bois de résineux
1.3.2 Le bois de feuillus
1.3.3 Le bois des branches et des nœuds
1.3.4 Le bois de réaction
1.3.4.1 Le bois de compression
1.3.4.2 Le bois de tension
1.3.4.3 Le bois de réaction des branches et des nœuds
1.3.4.3.1 La fonction de soutien mécanique
1.3.4.3.2 La fonction hydraulique
2 Les extractibles dans le bois du tronc
2.1 Les familles d’extractibles
2.1.1 Les terpènes
2.1.2 Les phénols
2.1.2.1 Les lignanes
2.1.2.2 Les stilbènes
2.1.2.3 Les flavonoïdes
2.1.2.4 Les tanins
2.1.3 Les autres composés extractibles
2.2 Rôles des extractibles du bois
2.2.1 Durabilité du bois
2.2.1.1 Formation des extractibles : les réserves et les enzymes
2.2.1.2 Localisation des extractibles
2.2.1.3 Durabilité du bois conférée par les extractibles
2.2.1.4 Contribution biomécanique des extractibles
2.2.2 Formation des extractibles en réponse à une blessure
3 Les extractibles dans les nœuds et les branches
3.1 Fonction de défense des nœuds
3.2 Mise en place de la zone de protection de la branche
3.3 Composition chimique des nœuds et des branches
3.3.1 Les extractibles dans le duramen des branches
3.3.2 Les extractibles dans le duramen des nœuds
3.3.2.1 Variabilité inter-genres des extractibles nodaux
3.3.2.2 Variabilité inter-espèces des extractibles nodaux
3.3.2.3 Variabilité intra-arbre, inter-nœuds des extractibles nodaux
3.3.2.4 Variabilité intra-nœud des extractibles nodaux
3.3.3 Propriétés des extractibles des nœuds
Chapitre 2 Biodiversité interspécifique des extractibles nodaux
1 Introduction
2 Protocole expérimental
2.1 Echantillonnage des nœuds
2.2 Extraction des molécules
2.3 Identification et quantification des molécules
3 Résultats et discussion
3.1 Première campagne d’échantillonnage
3.1.1 L’extraction avec quatre solvants
3.1.1.1 Taux massiques d’extractibles dans les bois
3.1.1.2 Identification et quantification relative des molécules extraites
3.1.1.2.1 Identification des extractibles au dichlorométhane dans les bois des résineux
3.1.1.2.2 Identification des extractibles à l’acétone dans les bois des résineux
3.1.1.2.3 Identification des extractibles au dichlorométhane dans les bois des feuillus
3.1.1.2.4 Identification des extractibles à l’acétone dans les bois des feuillus
Article 1: Quantification and characterization of knotwood extractives of European softwood and hardwood species
3.1.2 L’extraction avec un seul solvant
3.2 Seconde campagne d’échantillonnage
3.2.1 Cas des résineux
3.2.1.1 Taux massiques d’extractibles dans les bois
3.2.1.2 Identification des extractibles au dichlorométhane dans les bois des résineux
3.2.1.3 Identification des extractibles à l’acétone dans les bois des résineux
3.2.2 Cas des feuillus
3.2.2.1 Taux massiques d’extractibles dans les bois
3.2.2.2 Identification des extractibles au dichlorométhane dans les bois des feuillus
3.2.2.3 Identification des extractibles à l’acétone dans les bois des feuillus
Article 2: Knotwoods of different wood species as potential sources of valuable natural phenolic compounds
3.3 Effet de la variabilité interspécifique sur la toxicité des extractibles vis-à-vis de Trametes versicolor
Article 3: The GSTome reflects the chemical environment of white-rot fungi
4 Synthèse du chapitre 2
Chapitre 3 Biodiversité intraspécifique des extractibles nodaux
Article 4: Abies alba knot extractives: Variability according to silviculture, social status and position within the crown
1 Abstract
2 Introduction
3 Material and methods
3.1 Field experiments data
3.2 Tree sample
3.3 Wood Material
3.4 Wood extraction and chromatographic analysis
3.5 Display of results and statistical analysis
4 Results
4.1 Knot extractives determination
4.1.1 Knot extractives in the living crown
4.1.2 Extractive concentrations in loose knots
4.2 Modelling the knot extractives in the living crown
4.3 Identification of the knot extractives
5 Discussion
5.1 About our methodology
5.2 About the occurrence of lignans in the fir knot extractives
5.3 About the within-tree variation
5.3.1 A conspicuous vertical profile of knot extractives in the living crown
5.3.2 High extractives content in the loose knots
5.4 About the between-tree variation: a silvicultural influence on knot extractives
5.4.1 Lessons from modelling
5.4.2 Between-plot variability
5.4.3 Within-plot variability
6 Conclusion and perspectives
Synthèse du chapitre 3
Conclusion générale et perspectives
Annexe A
Références bibliographiques
Résumé
Abstrac

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