Bilan des activités du service de médecine du travail du Centre Hospitalier National Universitaire

La médecine du travail ou santé au travail, spécialité médicale, est souvent mal connue. Elle se définit comme une médecine essentiellement préventive visant à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leur état de santé, les conditions d’hygiène du travail et les risques de contagion [9]. La médecine du travail selon BARTHE [9] a pour objet de « Donner à chacun la tâche qui lui convient, empêcher le labeur de faire injure au corps, permettre à l’effort équilibré d’être un moyen d’épanouissement physique et moral et introduire un correctif biologique à la conception mécanique de la civilisation.» .

En 1950, l’OIT et l’OMS [22] ont défini les buts de la médecine du travail qui se résument à :
● promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental et social des travailleurs dans toutes les professions ;
● prévenir tout dommage causé à la santé des travailleurs par les conditions de leur travail ;
● protéger les travailleurs dans leur emploi contre les risques résultant de la présence d’agents préjudiciables à leur santé ;
● placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses aptitudes physiologiques et psychologiques, en somme adapter le travail à l’homme.

L’ensemble de ces définitions montrent son rôle essentiellement préventif qui vise à adapter le travail et le milieu de travail à l’homme. Pour une protection du droit des différents acteurs du monde du travail, le Sénégal a élaboré en 1961 un code du travail qui a subi plusieurs modifications pour aboutir au code du travail de 1997 .

Cette législation du travail en son titre XII, fixe les règles d’organisation et de fonctionnement des organismes consultatifs et administratifs dont les services de médecine du travail. Ces services sont chargés de toutes les questions intéressant la sécurité et santé des travailleurs, nouvelle discipline. Cette discipline est assurée par les services de médecine du travail qui s’appellent désormais services de santé au travail, nouvelle dénomination illustrant une évolution dans l’organisation et l’approche globale dans la prévention des risques professionnels.

Au Sénégal, plusieurs textes législatifs et réglementaires ont fixé les règles d’organisation et fonctionnement des services de médecine du travail. En effet le décret 89-1329 du 7 novembre 1989 [43] avait comme principal objectif la prévention de l’intégrité physique et psychique des travailleurs contre toutes sortes d’atteinte et  l’adaptation de leurs conditions de travail aux possibilités humaines. Le décret 90-888 du 9 aout 1990 [44] avait permis une modification des dispositions relatives à l’abaissement du seuil des effectifs requis pour l’organisation d’un service de médecine du travail. Pour pallier aux insuffisances notées, le décret 2006-1258 du 15 novembre 2006 [45] a vu le jour pour mieux inscrire l’action des services médicaux du travail dans la prévention tout en renforçant les actions du médecin du travail en milieu du travail. C’est dans ce cadre que nous avons effectué ce travail dont le but est d’évaluer les activités du service de médecine du travail du CHNU de Fann et proposer des recommandations.

Historique de la médecine du travail

Dans le monde 

Pour subvenir à ses besoins, l’homme a toujours travaillé. De l’antiquité à nos jours, plusieurs savants et chercheurs se sont intéressés à l’impact du travail sur l’homme. L’évolution est passée par la description, la recherche des relations entre pathologies et travail et la prise de mesures préventives. Depuis l’antiquité romaine, Lucrece s’interrogeait déjà au sujet de la courte durée de vie des mineurs de mesure : « ne vois-tu pas, n’entends-tu pas combien trop vite ils meurent, combien trop courte est leur vie ? » .

Le premier ouvrage européen traitant des maladies du travail est l’œuvre de Philippus Theophrastus Aureolus Bombastus Von Hohenheim dit Paracelse (11 novembre 1493-24 septembre 1541) alchimiste, astrologue, médecin suisse et précurseur de la médecine du travail. Parlant des mineurs d’Idri en Autriche, il affirmait « tous ceux qui vivent là sont courbés, paralysés et suffoquent et chacun d’entre eux a perdu l’espoir de jouir d’une bonne santé pour toujours ». Il lia ces pathologies à l’extraction des minerais et au travail des métaux [25]. Bernardio Ramazzini (1633-1714), professeur de médecine à Padoue, fut un autre précurseur dans le domaine des accidents du travail et de la « pathologie professionnelle ». Il précisa certaines mesures d’hygiène et de sécurité et essaya d’améliorer les conditions de travail et en se déplaçant sur les lieux de travail. Son ouvrage publié en 1700, encore réédité, « Traité des maladies des artisans » fut pendant deux siècles, la référence absolue [31]. A partir de cette date, la « pathologie professionnelle » était enseignée dans les facultés de médecine.

Perceval Pott (1713-1788) chirurgien britannique, a identifié pour la première fois une substance chimique comme la cause d’un cancer professionnel.

En 1775, il a prouvé que la suie était responsable du cancer du scrotum des petits ramoneurs de Londres et mis en cause les conditions de travail très dures des enfants qui devaient se faufiler à travers d’étroits conduits de cheminées encore brûlants avec en permanence une peau imprégnée de résidus de combustion de houille grasse [26].

En France

Louis René Villermé, médecin et sociologue français, chirurgien dans l’armée française, fut le véritable pionnier de la médecine du travail car ayant attiré l’attention sur les conditions de travail abominables des ouvriers des manufactures [60]. En effet au début du 19ème siècle, de jeunes enfants travaillaient dans les filatures avec des horaires journalières de 15 à 16 heures. Ce rapport Villermé eut un énorme retentissement et déboucha sur l’avènement de deux lois :
– La loi de 1841 sur le travail des enfants dans les manufactures avec une limitation de l’âge d’admission à 8 ans [20].
– La loi de 1850 sur l’urbanisme avec l’interdiction de la location de logements insalubres [10].

En 1915, Albert Thomas créa au ministère de l’armement une inspection médicale des usines de guerre avec une direction confiée à Etienne Martin, Professeur de médecine légale à la faculté de médecine de Lyon [14]. Pierre Mazel, Professeur de médecine légale à Lyon, rédigea durant la première guerre mondiale, deux extraits considérés comme précurseurs de la médecine du travail .

Le livre de Leclercq portant sur ‘’ La main d’œuvre nationale après la guerre ‘’ insistait sur la nécessité de combler le déficit de main d’œuvre masculine par celle féminine [19]. Leclercq et Dujarric de La Rivière [18] avaient dans leur livre portant sur ‘’ Le rôle du médecin dans l’industrie après la guerre ’’, suggéré aux médecins de se rendre dans les usines pour s’enquérir des conditions de travail. Pour susciter un débat sur la scoliose, Etienne Martin [14] créa en 1930, la première revue de médecine du travail. Le diplôme de spécialiste en médecine du travail a été créé en 1935. Le 5 février 1940, une circulaire du patronat français recommandait le recrutement de médecins du travail au niveau des entreprises .

Entre les deux guerres mondiales, certaines entreprises ont commencé à organiser un suivi médical pour leurs salariés, mais la médecine du travail ne sera rendue obligatoire en France qu’après la seconde guerre mondiale avec la loi du 11 octobre 1946, qui indique le rôle uniquement préventif des services de médecine du travail avec des dépenses liées à leur organisation et fonctionnement sont à la charge des employeurs .

Au Sénégal

A l’image des autres colonies de l’A.O.F, le Sénégal a connu le système du travail forcé. Il s’agit d’un système de travail quasi gratuit institué pour des raisons purement mercantiles avec obligation des indigènes à participer aux travaux d’intérêt public. C’est sous l’égide de l’OIT que la France a interdit le travail forcé par une loi en 1946 mais sans prévoir des sanctions en cas de non-respect de l’interdiction .

Par la suite et sous l’influence des pressions nationales et internationales, le travail forcé a disparu avec la loi 52-322 du 15 décembre 1952 portant Code du Travail des territoires d’Outre –Mer qui comportait l’essentiel des textes régissant la médecine du travail au niveau de l’AOF [56]. Il faut noter qu’avant cette loi de 1952, il existait des dispositions législatives visant à protéger le travailleur, même en position d’asservissement. Le décret du 22 octobre 1925 et son arrêté d’application du 29 mars 1925 avaient institué [54,34] :
– la visite d’embauche ;
– l’hygiène et la prophylaxie en milieu de travail ;
– les soins médicaux en milieu de travail.

Le code du travail des territoires d’Outre-Mer avait réglementé l’hygiène, la sécurité et la médecine du travail à travers différents arrêtés :
-l’arrêté général n°9176 IGTLS /AOF du 14 décembre 1953 avait permis de mettre sur pied le comité technique fédéral chargé de statuer sur toutes les questions d’hygiène et de sécurité. L’arrêté général n°9552 IGTLS/AOF du 24 décembre 1953 était chargé des problèmes spécifiques à chaque territoire [35] ;
-l’arrêté général n°5345 IGTLS/AOF du 22 juillet 1954 avait fixé les différentes modalités de la déclaration obligatoire des accidents de travail et maladies professionnelles [36] ;
-l’arrêté général n°396 IGTLS/AOF du 18 janvier 1955 avait déterminé les modalités d’exécution des différentes dispositions liées aux services médicaux d’entreprise. ‘’ Les services médicaux ou sanitaires d’entreprise sont organisés dans tous les établissements publics ou privés exerçant une activité de quelque nature qu’elle soit dans le groupe de territoire de l’Afrique Occidentale Française et employant des travailleurs salariés ‘’ [37].
-l’arrêté général n°397 IGTLS/AOF du 18 janvier 1955 et celui n°398 IGTLS/AOF du 19 janvier 1955 avaient fixé les différents moyens humains et matériels nécessaires au fonctionnement des services médicaux d’entreprise.

Les moyens humains, fonction du nombre de travailleurs comprenaient :
● les médecins, titulaires d’un Doctorat d’Etat, d’un diplôme d’université ou sortis d’une école locale de médecine (Dakar, Tananarive…) ;
● les infirmiers, diplômés d’Etat, autorisés à exercer ou titulaires d’un brevet délivré par une école locale.

Les matériels comprenaient des locaux avec :
● une salle de visite ;
● une salle de pansement et d’infirmerie avec un lit de consultation ou de repos et du matériel permettant une stérilisation de l’eau ;
● une salle d’isolement pour les entreprises de plus de 500 travailleurs avec un lit et 2 couvertures et un lit supplémentaire pour 300 travailleurs ;
● un registre, important moyen de suivi et contrôle du service médical. L’arrêté n°2425 ITTSM/AOF du 12 mai 1955 stipulait que tous les établissements de plus de 100 travailleurs doivent disposer d’un registre de visite journalière des travailleurs accidentés ou malades et de leurs familles .

Le registre doit comprendre deux fascicules :
● le premier fascicule à la disposition de l’inspecteur du travail et des lois sociales ;
● le second fascicule à la disposition du médecin chef de la circonscription médicale.

Aspects législatifs et réglementaires 

Convention n°161 de l’OIT 

La convention n°161 sur les services de santé au travail, définit les services de santé au travail comme des services investis de fonctions essentiellement préventives, chargés de conseiller l’employeur, les travailleurs et leur représentants dans l’entreprise sur les exigences requises pour établir et maintenir un milieu de travail sûr et salubre, propre à favoriser une santé physique et mentale optimale en relation avec le travail. Ils sont également chargés de l’adaptation du travail aux capacités des travailleurs compte tenu de leur état de santé physique et mental .

Ces services de santé au travail ont pour fonctions de :
– identifier et évaluer les risques d’atteinte à la santé sur les lieux de travail;
– surveiller les facteurs du milieu de travail et les pratiques de travail susceptibles d’affecter la santé des travailleurs, y compris les installations sanitaires, les cantines et le logement, lorsque ces facilités sont fournies par l’employeur;
– donner des conseils sur la planification et l’organisation du travail, y compris la conception des lieux de travail, sur le choix, l’entretien et l’état des machines, équipements ainsi que sur les substances utilisées dans le travail;
– participer à l’élaboration des programmes d’amélioration des pratiques de travail ainsi qu’aux essais et à l’évaluation des nouveaux équipements sur les aspects liés à la santé;
– donner des conseils dans les domaines de la santé, de la sécurité et de l’hygiène au travail, de l’ergonomie ainsi qu’en matière d’équipements de protection individuelle et collective;
– surveiller la santé des travailleurs en relation avec le travail;
– promouvoir l’adaptation du travail aux travailleurs;
– contribuer aux mesures de réadaptation professionnelle;
– collaborer à la diffusion de l’information, à la formation et à l’éducation dans les domaines de la santé et de l’hygiène au travail ainsi que de l’ergonomie;
– organiser les premiers secours et les soins d’urgence;
– participer à l’analyse des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les services de santé au travail offrent également les prestations suivantes :
– Surveiller la santé des travailleurs et du milieu de travail ;
– Donner les premiers soins et les traitements d’urgence ;
– Assurer la réhabilitation, l’information des données et les missions de conseil.
Cette mission de conseil s’exerce vis-à-vis des travailleurs, des employeurs, du comité de sécurité et santé au travail, de l’administration et de la hiérarchie technique. Les conseils portent sur la planification et l’organisation du travail, la conception des lieux du travail, le choix et l’entretien des machines et des équipements, les substances, les procédés et les méthodes de leur mise en œuvre, la santé, la sécurité, l’hygiène, l’ergonomie, les équipements de protection collective et individuelle, l’incidence de technologies sur la santé des travailleurs.

Dans le domaine de l’information et de l’éducation tous les travailleurs doivent être informés des risques pour la santé inhérents à leur travail. Les services de santé au travail doivent être informés par l’employeur et les travailleurs de tous les facteurs du milieu de travail susceptibles d’avoir des effets sur la santé des travailleurs. Les services de santé au travail doivent être informés des cas de maladies, des absences pour raison de santé afin d’établir la relation avec le travail [23]. La convention prévoit l’établissement d’un programme d’information /communication, d’éducation et de formation pour le personnel de santé, les travailleurs, les CHSCT et les secouristes.

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Table des matières

Introduction
Première partie : Rappels
1. Historique de la Médecine du Travail
1.1. Dans le monde
1.2. En France
1.3. Au Sénégal
2. Aspects législatifs et réglementaires
2.1. Convention n°161 de l’OIT
2.2. Décret n°2006-1258 du 15 novembre 2006
3. Rôles et missions du service de Médecine du Travail
4. Activités du personnel du service de Médecine du Travail
4.1. Activités du médecin du travail
4.2. Activités de l’infirmier du travail
4.3. Activités du secrétaire
4.4. Activités de la sage-femme
5. Rappels sur les risques professionnels
5.1. Les accidents de travail
5.1.1. Définition des AT
5.1.2. Procédure de déclaration des AT
5.2. Les maladies professionnelles
5.2.1. Définition des MP
5.2.2. Procédure de déclaration des MP
5.2.3. Tableau des MP
5.3. La prévention des risques professionnels
5.3.1. La prévention légale
5.3.2. La prévention technique
5.3.2.1. La prévention collective
5.3.2.2. La prévention individuelle
5.3.3. La prévention médicale
5.3.3.1. La vaccination du personnel
5.3.3.2. Les visites médicales
Deuxième partie : Travail personnel
1. Objectifs
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
2. Cadre de l’étude
3. Matériels et méthodologie
3.1. Population d’étude
3.2. Méthodologie
3.2.1. Type et période d’étude
3.2.2. Instruments d’étude
4. Analyse et saisie des données
5. Résultats
5.1. Données sociodémographiques
5.2. Données administratives
5.3. Données médicales
5.3.1. Répartition des consultations et patients selon l’année
5.3.2. Répartition des patients selon le sexe
5.3.3. Répartition des patients selon la tranche d’âge
5.3.4. Répartition des patients selon les pathologies
5.3.5. Répartition des affections selon les spécialités
5.4. Données sur les risques professionnels
5.4.1. Les accidents de travail
5.4.1.1. Répartition des AT selon l’année
5.4.1.2. Répartition des AT selon le lieu du travail
5.4.1.3. Répartition des AT selon la nature de l’accident
5.4.1.4. Répartition des AES selon l’année
5.4.1.5. Répartition des AES selon le sexe
5.4.1.6. Répartition des AES selon le service
5.4.1.7. Répartition des AES selon la tranche d’âge
6.4.1.8. Répartition des AES selon la profession
5.4.1.9. Répartition des AES selon le mécanisme de contamination
5.4.2. Maladies professionnelles
5.4.2.1. Répartition selon l’année de survenue
5.4.2.2. Répartition selon le sexe
5.4.2.3. Répartition selon l’âge
5.4.2.4. Répartition selon la profession
5.4.2.5. Répartition selon le service
5.4.2.6. Répartition selon le tableau de maladies professionnelles concernées
5.5. Données sur les activités de prévention
5.5.1. Visites médicales
5.5.1.1. Visites médicales d’embauche
5.5.1.2. Visites médicales annuelles ou périodiques
5.5.1.3. Visite médicale de reprise
5.5.2. Le Tiers temps
5.5.3. Information, Education, Communication
6. Discussion
6.1. Activités administratives
6.2. Activités médicales
6.3. Les risques professionnels
6.3.1. Les accidents de travail
6.3.2. Les maladies professionnelles
6.4. Activités de prévention
6.4.1. Le tiers temps
6.4.2. Les visites médicales d’embauche
6.4.3. Les visites médicales annuelles
6.4.4. Les visites de reprise
6.4.5. Information, Education, Communication
Conclusion et recommandations
Références

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