Bien poser l’indication de la corticothérapie

Bien poser l’indication de la corticothérapie

Le faciès cushingoide :

Egalement appelé : « lipodystrophie cervico-faciale » ou « obésité faciotronculaire » selon les auteurs, l’aspect cushingoide est un effet secondaire tout à fait prévisible de la corticothérapie au long cours car résultant de l’action « permissive » bien connue des glucocorticoïdes sur les adipocytes [11, 12]. En effet ces hormones agissent sur certains récepteurs adrénergiques et sur certains facteurs de croissance (GH) ; induisant ainsi une redistribution facio-tronculaire des graisses avec pour conséquences : un visage lunaire, un comblement des creux sus claviculaires, un cou en bosse de bison de même qu’une augmentation du périmètre abdominal. Pour certains auteurs, le faciès cushingoide comprend également l’érythrose du visage, l’hirsutisme, l’acné et les vergetures ; mais vu que les mécanismes impliqués sont différents, nous avons opté pour la séparation de ces effets secondaires. La revue de la littérature (tableau V) confirme la prévalence élevée de cette complication :

Une étude faite à casa sur des patients traités par corticothérapie générale pour diverses pathologies en dermatologie avait retrouvé la lipodystrophie cervico faciale chez tous les patients.

Une cohorte mono centrique portant sur 37 patients suivis pour maladie d’Horton et traités par corticoïdes avait montré que 57% avaient présenté cet aspect avec un délai médian d’apparition après instauration de la corticothérapie de 3 mois.

Une autre étude sur la lipodystrophie cervico faciale cortico induite a révélé une prévalence de 63% après un délai de 3 mois. [14]. Dans notre étude, 40 patients ont présenté cette obésité facio-tronculaire soit 55,5 % des patients, avec un délai médian de trois mois ; ce qui concorde avec les données de la littérature.

La maladie causale ne semble influer aucunement sur l’apparition de cet effet secondaire puisque les malades l’ayant présenté avaient des pathologies diverses : lupus, sarcoïdose, Behcet, polymyosite… . Un facteur semble être très relié à l’apparition du faciès cushingoide, il s’agirait du régime diététique. Une étude menée dans ce sens a montré qu’un régime contrôlé en calories pouvait limiter la survenue de cette complication. [12] Malheureusement vue l’absence de suivi diététique chez nos patients, nous ne pouvons ni infirmer ni confirmer ce fait. Quant à la gêne engendrée par cette lipodystrophie, elle semble être atténuée par la conscience qu’ont des malades de la gravité de la maladie (pourvu qu’on guérisse se disentils), d’autres en sont contents (ils étaient chétifs avant le traitement, au moins, ils ont bonne mine) enfin, certains patients (plus jeunes, plus instruits) la vivent très mal. Cette troisième attitude est de loin la plus relatée dans la littérature : En effet, 63% des patients questionnés estimaient que la lipodystrophie était l’effet secondaire le plus gênant. [15,16 et 17] Quoiqu’il en soit, il faudrait aviser le patient du risque réel de lipodystrophie, lui prodiguer les bons conseils diététiques pour la minimiser et le soutenir après son apparition. [cf. chapitre recommandations]

Le diabète : L’effet des glucocorticoïdes sur le métabolisme glucidique est apparu dès leurs premières utilisations thérapeutiques, il s’agit d’hormones hyper glycémiantes (d’où leur nom) [18]. Ils interviennent à plusieurs niveaux :

Augmentent la néoglucogenèse hépatique.

Diminuent l’utilisation périphérique du glucose par augmentation de la résistance à l’insuline.

Diminuent la sécrétion d’insuline.

Le risque relatif de diabète après une Corticothérapie au long cours est donc indéniablement supérieur à 1. Il est estimé selon une étude comparative des données de la littérature publié par L. FARDET dans Drug Safety 2007 à 2,2 [19]. Une autre étude rétrospective menée sur 95 malades concernant l’incidence du diabète cortico-induit au cours des maladies systémiques a révélé que 24 % des patients qui avaient une glycémie normale au début du traitement ont développé un diabète cortico induit et 9 % une intolérance au glucose alors que 40 % des patients ayant eu une intolérance au glucose au début du traitement ont développé un diabète cortico induit [20]. Cette même étude a porté également sur le délai moyen d’apparition du diabète cortico induit qui était de 94 jours soit trois mois avec des extrêmes allant de quelques semaines à plus d’un an. L’âge supérieur à cinquante ans semble être le seul facteur de risque contrairement à l’indice de masse corporelle (IMC) ou le sexe. La dose initiale élevée des glucocorticoïdes semble jouer également un rôle dans la précocité de l’apparition de cet effet secondaire. Dans notre étude 11,1% des patients ont fait un diabète cortico induit. Ce chiffre est bien en deçà des données de la littérature. (Est-ce dû à l’interférence d’autres paramètres tels la race ou le mode d’alimentation différent ?)

Cependant le délai médian de survenue de ce trouble chez nos patients, semble très similaire à celui retrouvé dans l’étude précitée [20] puisqu’ il est également de trois mois. L’absence de l’IMC initial dans les dossiers des malades ne nous a pas permis d’étudier la relation entre ce dernier et la survenue d’un diabète cortico-induit. Dans une autre étude [21] à propos de l’impact d’une corticothérapie prolongée sur l’équilibre glycémique chez des patients connus diabétiques avant le début du traitement corticoïde montre que le déséquilibre glycémique post corticothérapie est surtout visible lorsque :

L’HbA1C>8% avant le début du traitement

L’IMC est élevée

L’âge est élevé

Les perturbations du bilan lipidique : Peu de données sont disponibles dans la littérature concernant les perturbations du bilan lipidique induites par la corticothérapie systémique. De plus, la plupart de ces données concernent les transplantés qui pourraient avoir d’autres facteurs susceptibles d’influencer ce bilan. Une étude prospective effectuée par l’équipe de L.FARDET avait justement pour objectif de décrire l’évolution du bilan lipidique sous corticothérapie générale [36]. Ce travail avait inclus 45 patients entre juin 2003 et mai 2005 ayant tous reçu une corticothérapie prolongée supérieure à 3 mois et à des doses initiales élevées (en moyenne : 54± 17 mg/j) et ne recevant aucune thérapeutique pouvant influer sur la lipémie.

Les résultats concluaient que les taux du cholestérol total et des triglycérides augmentaient : ils passaient respectivement de 1,79g/l à 2,38g/l et de 1,02g/l à 1,16g/l entre J0 et M3 de corticothérapie systématique et baissaient en fin de traitement (entre M9 – M12) (alors que les doses des corticoïdes ont baissé) et atteignaient des valeurs de 2,10g/l et 0,96g/l. L’augmentation du taux de triglycérides n’est pas significative et le taux de HDL augmentait plus que celui de LDL : respectivement + 67 % et +17 % à M3 du traitement ; ce qui pourrait être bénéfique pour l’appareil cardiovasculaire. Dans notre étude 2 patients ont eu une hyperlipémie confirmée, ce qui représente un pourcentage minime : 2,8 % . Ceci résulte du caractère rétrospectif de notre travail puisque le bilan lipidique n’était pas systématique au cours du suivi des patients corticotraités : (uniquement 9 patients sur 72 en ont bénéficié).

L’impact de la corticothérapie sur le coeur :

Les glucocorticoïdes peuvent entraîner des hypokaliémies et de ce fait causer des troubles de rythme cardiaque [37, 38]. Ce risque est majoré lors des bolus et ce d’autant plus chez les sujets âgés ou encore lors de l’association à d’autres médicaments [39,40]. Aucun problème de ce genre n’est survenu chez nos patients. En favorisant, le diabète, l’HTA et en entraînant des perturbations lipidiques (surtout l’hypercholestérolémie), la corticothérapie prolongée était considérée comme facteur de risque indépendant et supplémentaire de l’athérosclérose chez les patients souffrant de connectivites [44, 45]. Des études cas-témoins réalisées en Californie ont affirmé que le risque relatif de développer un infarctus du myocarde chez des malades souffrant de PR et traités par des corticoïdes est de 1,37 après ajustement des autres facteurs de risque cardiovasculaires et de la sévérité de la maladie [46,47]. Des études récentes remettent en question cette théorie. En effet, dans plusieurs connectivites (type lupus), la maladie causale elle-même, par les différents phénomènes inflammatoires, auto-immuns et également infectieux, accélère le processus d’athérosclérose augmentant ainsi la morbi-mortalité cardiovasculaire par rapport à la population générale. Le même cas de figure est d’ailleurs observé dans la PR [48-50]. Les corticoïdes et si il est vrai qu’ils majorent les autres facteurs de risque cardiovasculaires réduisent néanmoins les différents phénomènes auto-immuns et inflammatoires et seraient donc d’un apport bénéfique pour le coeur des patients atteints de connectivite.

Cette théorie se base essentiellement sur des arguments expérimentaux, notamment sur des modèles animaux tels le rat et le lapin chez qui il a été démontré que l’administration d’une immunosuppression par méthylprednisolone diminue de façon significative le développement de l’artériosclérose avec une diminution significative des lymphocytes helper CD4 et des macrophages dont on connaît l’implication dans la physiopathologie de la plaque d’athérome et de la prolifération de la média [51,52]. En clinique humaine ; il n’existe pratiquement pas d’études de cohorte prospective avec contrôle des facteurs confondants et comparaison de l’incidence des maladies cardiovasculaires athéromateuses avec l’incidence dans la population générale appariée par âge et par sexe. De même les études ont porté surtout sur l’observation en écho doppler de plaques d’athérome infra clinique carotidiennes ce qui ne permet pas d’étudier certains facteurs de risque très importants d’infarctus du myocarde tel l’existence d’un anticoagulant lupique (ce dernier est considéré comme étant le principal facteur de risque d’infarctus du myocarde dans le lupus et n’est guère associé à l’artériosclérose carotidienne mesurée par écho doppler).

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Table des matières

Introduction
—> Patients et méthodes 
I. Cadre de l’étude
II. Type et période de l’étude
III. Patients
IV. Méthodes
—> Résultats 
I- Données épidémiologiques
II- Données concernant la corticothérapie
III- Réponse clinique
IV- Effets secondaires
1. Complications esthétiques
2. Complications métaboliques
3. Complications ostéo articulaires et musculaires
4. Complications psychiatriques
5. Complications infectieuses
6. Complications ophtalmiques
7. Complications endocriniennes
—> Discussion 
I- Les corticoïdes
1. Généralités : corticoïdes naturels et corticoïdes de synthèse
2. Structure : relation structure-activité
3. Mécanismes d’action
4. Propriétés pharmacodynamiques
4-1 Propriétés thérapeutiques
4-2 Autres propriétés pharmacologiques
5. Pharmacocinétique
6. Interactions médicamenteuses
II- Complications de la corticothérapie
1. Complications esthétiques
1-1 Le faciès cushignoide
1-2 Les vergetures – l’hirsutisme – l’acné – le purpura
2. Complications métaboliques
2-1 Le diabète
2-2 L’HTA cortico induite
2-3 Les perturbations du bilan lipidique
2-4 L’hypokaliémie
2-5 L’impact de la corticothérapie sur le coeur
3. Complications osseuses et musculaires
3-1 L’ostéoporose cortisonique
3-2 La myopathie cortisonique
3-3 L’ostéonecrose aseptique cortico induite
4. Complications oculaires
4-1 Le glaucome cortisonique
4-2 La cataracte cortisonique
4-3 La choriorétinopathie séreuse centrale
5. Complications digestives
5-1 Les complications gastro-intestinales
5-2 Les complications hépatobiliaires
6. Troubles psychiatriques
7. Risque infectieux
7-1 Corticothérapie et tuberculose
7-2 Corticothérapie et infections virales
7-3 Corticothérapie et infections fongiques invasives
7-4 Corticothérapie et infections parasitaires
8. Insuffisance surrénalienne cortico induite
9. Complications rares de la corticothérapie
9-1 Les lipomatoses cortico induites
9-2 Le sarcome de Kaposi
—> Recommandations 
I- Règles de base
1. Bien poser l’indication de la corticothérapie
2. Eliminer les contre indications
3. Prescrire la bonne molécule à la bonne dose et au bon rythme
4. Prendre en considération les interactions médicamenteuses
5. Expliquer au malade les bénéfices de son traitement, les risques, et les différentes mesures pour les minimiser
6. Surveillance régulière du patient
7. Arrêt progressif de la corticothérapie dès que la maladie le permet
II- En pratique
1. Réaliser un bilan pré thérapeutique
2. Prescrire les corticoïdes et les mesures adjuvantes
3. Surveillance de la corticothérapie
4. Dégression des corticoïdes
—> Conclusion 
—> Résumés
—> Annexes : Fiche d’exploitation
:—> Bibliographie

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