Bases moléculaires de l’interaction hôte-pathogène

Bases moléculaires de l’interaction hôte-pathogène

Interaction moléculaire entre un hôte et son pathogène

L’ensemble de la communauté scientifique s’accorde à dire que la réponse immunitaire des plantes aux agents pathogènes s’effectue en quatre phases [3]. Cependant, ce modèle a comporte un certain nombre de limites, et a été récemment remis en question [4, 5].

Le modèle de Jones et Dangl (2006) 

Reconnaissance des motifs moléculaires associés aux microorganismes

L’agent pathogène produit naturellement des molécules constitutives appelées MAMPs ou PAMPs. Ces molécules sont très conservées et présentes chez l’ensemble des microorganismes, elles sont le plus souvent impliquées dans la physiologie de l’organisme. Les principaux MAMPs/PAMPs décrits jusqu’à présent sont d’origines diverses : elles peuvent par exemple être associées au flagelle des bactéries phytopathogènes (par ex. flg22) [6], être un composant de la membrane externe des bactéries (lipopolysaccharides ou LPS, chez les bactéries gram négatives) [7], ou encore provenir du cytoplasme des agents pathogènes (facteur d’élongation EF-Tu) [8]. Les MAMPs/PAMPs sont donc intrinsèquement difficiles à modifier et/ou à supprimer. Lors de la première phase de l’interaction entre un agent phytopathogène et sa plante hôte, les MAMPs/PAMPs sont reconnus par des récepteurs de la plante appelés PRRs (« Pathogenesis Recognition Receptors »). Cette reconnaissance, nommée PTI/MTI (« PAMPs/MAMPs Triggered Immunity »), déclenche une cascade de signalisation induisant des réactions de défense dite « défense basale » de la plante. Ces réactions incluent le dépôt de callose [9] et la production de dérivés réactifs de l’oxygène (également appelés ROS pour « Reactive Oxygen Species ») [10] dont le but final est d’inhiber la colonisation de l’hôte par le pathogène. L’un des cas les plus étudiés illustrant ce mécanisme est celui du PAMP flg22, un épitope du flagelle bactérien [6]. Le flagelle est une structure déterminante pour la mobilité des bactéries et donc pour la pathogénicité bactérienne. La plupart des plantes reconnaissent un épitope conservé de 22 aminoacides présent en position N-terminal sur le flagelle [10]. Le récepteur responsable de la reconnaissance chez Arabidopsis thaliana, nommé Flagelin-Sensing 2 (FLS2), possède un motif extracytoplasmique riche en leucine (eLRR), un domaine transmembranaire et un domaine de type sérine-thréonine kinase [6, 11]. FLS2 reconnaît spécifiquement flg22 [6] puis se lie avec la protéine adaptatrice BAK1 via une interaction type ligand-récepteur [12, 13], et s’attache finalement avec d’autres récepteur RLKs [14]. La reconnaissance de flg22 induit des réponses immunitaires telles que la production de ROS, la phosphorylation et l’activation de protéines kinases (« Mitogen-Activated Protein Kinases » [MAPKs]) ainsi que des changements transcriptionnels [15-17]. Des orthologues fonctionnels de FLS2 ont été identifiés chez Nicotiana tabacum [13] ainsi que chez Solanum lycopersicum [18]. Des travaux récents ont montré que les MAMPs n’étaient pas forcément sous pression de sélection diversifiante et que leur évolution était plus rapide qu’initialement prédit par le modèle en zig-zag [19]. En effet, les MAMPs ont initialement été décrits sur la base de leur degré de conservation entre les populations pathogènes, les mutations d’un MAMPs n’étaient par conséquent qu’occasionnellement identifiés entre microorganismes phylogénétiquement distants [19, 20]. Ainsi il a été démontré qu’une région du flagelle de Pseudomonas syringae pv. tomato (Pto), flgII-28, était sous sélection diversifiante et que ce domaine était un MAMPs important dans l’interaction Pto vs tomate [21]. Parallèlement, différents allèles de flgII-28 déclenchent une MTI variable en fonction de l’hôte fournissant un exemple de la diversification des MAMPs comme une stratégie de virulence du pathogène [19]. Ainsi la course à l’armement entre les MAMPs et les PRRs est déterminée à la fois par la présence/absence et par diversification allélique des MAMPs et des PRRs, tout comme la course à l’armement entre les ET3 et les gènes R [19].

Coévolution hôte-pathogène : la sensibilité médiée par les effecteurs (ETS pour « Effector Triggered Susceptibility») 

En réponse aux défenses immunitaires des plantes, les agents pathogènes ont évolué afin de déployer des molécules nommées « effecteurs » capables de subvertir les défenses basales mises en place lors de la PTI ; c’est la deuxième phase de l’interaction [22, 23]. Les effecteurs sont des protéines ou des composés bactériens sécrétés à l’intérieur des cellules ou dans l’espace intercellulaire (l’apoplaste) de la plante-hôte, modifiant ainsi le fonctionnement ou la structure des cellules végétales [24]. L’action des effecteurs est ambivalente : ils altèrent les fonctions cellulaires pour faciliter l’infection par l’agent phytopathogène (facteurs de virulence et toxines) mais peuvent aussi déclencher les défenses immunitaires de la plante si un ou plusieurs de leur domaine protéique sont détectés par la plante (facteurs d’avirulence et éliciteurs) [25, 26]. C’est notamment le cas de l’effecteur AvrBs3 dont un domaine est spécifiquement reconnu (avr) tandis qu’un autre contribue à la virulence [27]. Alors que certains effecteurs sont reconnus par le système immunitaire de la plante, d’autres effecteurs sont capables de supprimer la réaction hypersensible déclenchée par certaines protéines avr [24]. Ainsi, à l’issue de cette phase de l’interaction, soit la plante est sensible et les effecteurs vont permettre à l’agent phytopathogène de continuer l’interaction avec la plante hôte (« Effector Triggered Susceptibility » [ETS]), soit la plante est résistante et synthétise des protéines de défense nommées protéines de résistance (ou protéines R) reconnaissant spécifiquement les effecteurs.

Les réponses de défense spécifiques (ETI pour « Effector Triggered Immunity») 

La plupart des protéines de résistance possèdent un domaine de liaison à l’ADN de type NBS (« Nucleotide Binding Site ») ainsi qu’un domaine composé de répétitions riches en Leucine (Leugcine-Rich-Repeat, LRR) [3, 29, 30]. Lors de la troisième phase de l’interaction les effecteurs sont spécifiquement reconnus par les protéines de résistance (codées par des gènes R) qui déclenchent une réaction de défense immunitaire, l’ETI (Effector Triggered Immunity), plus intense et plus rapide que la PTI. Cette réaction est souvent caractérisée par la réaction hypersensible (HR) au niveau du site d’infection [31], assimilable à la mort cellulaire programmée chez les animaux et les humains [3]. Les premiers modèles décrivant une interaction gène R vs gène avr proposèrent une interaction directe de type protéine-protéine, ou ligand récepteur [32] (Figure 2.A). Cette interaction directe a été démontrée de façon expérimentale pour seulement quelques modèles : entre Magnaporthe grisea et Oryza sativa (gène d’avirulence AVR-Pita vs gène de résistance Pi-ta [33]) ; entre Ralstonia solanacearum et Arabidopsis thaliana (gène d’avirulence ripP2 vs gène de résistance RRS1-R [34]) ; entre Pseudomonas syringae pv. tomato et la tomate (gène d’avirulence AvrPto vs gène de résistance Pto) ; entre Melampsora lini et le lin (gène d’avirulence AvrL567 vs gènes de résistance L5, L6 et L7 [35]) ; ou encore entre le virus de la mosaïque du tabac (« Tobbaco Mosaic Virus » [TMV]) et Nicotiana tabacum (gène p50 vs gène de résistance N [36]. Cependant, pour certains modèles, une telle interaction directe n’a pas pu être observée, comme l’illustre le cas du gène de résistance Cf-9 chez la tomate et le gène d’avirulence correspondant (AVR9) chez Cladosporium fulvum [37]. Face au manque de données sur les interactions directes, une nouvelle hypothèse a été formulée suggérant qu’une interaction gène-à-gène implique plus de deux gènes chez la plante. Le « modèle de garde » [38] propose que les protéines avr ne seraient pas les cibles directes des protéines R mais qu’une troisième molécule serait impliquée. Une première protéine de résistance agirait en tant que « gardien » en protégeant une deuxième molécule (ou molécule « gardée ») ciblée par l’effecteur, ce qui déclencherait les réactions de défense de la plante lorsque la cible est modifiée (Figure 2.B). Un autre modèle a été proposé pour l’interaction effecteur-protéine de résistance : le modèle du leurre (Figure 2.C). Une molécule de la plante, surveillée par une protéine R, mimerait la cible d’un effecteur afin de piéger l’effecteur et de déclencher les réponses de la plante lors de la perception du pathogène. Contrairement au modèle de garde, la manipulation de la cible en l’absence de la protéine R ne contribue pas à la fitness bactérienne.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE ET PROBLÈMATIQUE DE LA THÈSE
SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
1. Bases moléculaires de l’interaction hôte-pathogène
1.1. Interaction moléculaire entre un hôte et son pathogène
1.1.1. Le modèle de Jones et Dangl
1.1.1.1. Reconnaissance des motifs moléculaires associés aux microorganismes
1.1.1.2. Coévolution hôte-pathogène : la sensibilité médiée par les effecteurs
1.1.1.3. Les réponses de défense spécifiques
1.1.2. Le modèle d’invasion de Cook, Mesarich et Thomma
1.2. Résistance des plantes aux bio-agresseurs
1.2.1. Résistance non-hôte ou résistance non-spécifique
1.2.2. Résistance hôte
1.2.2.1. La résistance hôte race-non spécifique
1.2.2.2. La résistance hôte cultivar-race spécifique
1.1.1.1. Les différentes classes de gènes de résistance
1.1.2. Les différentes stratégies de déploiement de la résistance
1.1.2.1. Un seul gène de résistance
1.1.2.2. Rotation de gènes de résistance dans le temps
1.1.2.3. Mélange ou mixture de gènes de résistance
1.1.2.4. Pyramidage de gènes
1.1.2.5. L’épidémiologie du paysage
1.2. Durabilité de la résistance
1.2.1. La notion de durabilité de la résistance
1.2.2. Durabilité de la résistance : comment la mesurer ?
2. Potentiel évolutif des agents phytopathogènes
2.1. Diversité et structure génétique des microorganismes pathogènes
2.1.1. Forces évolutives générant de la diversité chez les microorganismes pathogènes
2.1.1.1. Mutation
2.1.1.2. Sélection exercée par les gènes de résistance
2.1.1.3. Flux de gènes et de génotypes
2.1.1.4. Taille efficace et dérive génétique
2.1.1.5. Recombinaison
2.2. Contournement de la résistance
2.3. Coût de virulence/déficit de fitness
2.4. Structuration génétique des populations bactériennes
2.5. Outils pour l’épidémiologie des populations bactériennes : les marqueurs moléculaires
2.5.1. L’approche MLSA/MLST
2.5.2. L’approche MLVA
2.5.2.1. Caractéristiques des VNTRs
2.5.2.2. Modèles de mutation et homoplasie
2.5.3. L’analyse MLVA chez les bactéries phytopathogènes
2.6. Analyse de la structure des populations
2.6.1. Différenciation génétique
2.6.2. Déséquilibre de liaison et recombinaison
3. Ralstonia solanacearum, l’agent du flétrissement bactérien
3.1. Symptomatologie et distribution géographique
3.1.1. Cycle de vie
1.1.1. Modes de conservation et de dissémination
1.2. Morphologie, physiologie, taxonomie et phylogénie
1.2.1. Caractéristiques morphologies et physiologiques
1.2.2. Classification en race, biovars et écotypes
1.1.1. Classification en phylotypes, clades et séquévars
1.1.2. Classification en espèce génomique
1.2. Structuration et plasticité du génome
1.3. Les déterminants du pouvoir pathogène de R. solanacearum
1.3.1. Les déterminants de la mobilité et de l’attachement
1.3.2. Les exopolysaccharides et les biofilms
1.1.1. Les enzymes extracellulaires (PCWDE)
1.1.2. Le système de régulation dépendant de type quorum sensing
1.1.3. Les différents systèmes de sécrétion
1.1.3.1. Le Système de Sécrétion de Type 3 (SST3) et ses effecteurs
1.1.3.1.1. Le SST3
1.1.3.1.2. Les effecteurs de type III (ET3)
Rôles
Structure et fonctions
Les différentes familles d’effecteurs et leurs membres
1.1.3.1.3. Répertoire d’ET3
Dynamique des répertoires des ET3
Répertoire complet
Core-effectome
Répertoire d’effecteurs et phénotypes
1.2. Stratégies de lutte contre R. solanacearum
1.2.1. Les différents types de lutte contre le flétrissement bactérien
1.2.2. La lutte génétique et la résistance à R. solanacearum
1.2.3. Sources et mécanismes de résistance à R. solanacearum
1.2.3.1. Chez Arabidopsis thaliana
1.2.3.2. Chez Medicago truncatula
1.2.3.3. Chez les Solanacées à graines
1.2.3.3.1. Chez la tomate
1.2.3.3.2. Chez l’aubergine
1.2.3.3.3. Typologie de l’interaction Solanacées vsR. solanacearum
PROBLÈMATIQUE DE LA THÈSE
CHAPITRE 2 : DYNAMIQUE ÉVOLUTIVE D’UNE POPULATION PARCELLAIRE DE R. SOLANACEARUM SOUS PRESSIONS DE SÉLÉCTION
PARITE 2.1 : Mise au point d’un schéma MLVA permettant le suivi microévolutif d’une population parcellaire de Ralstonia solanacearum de phylotype I
1. Problématique
2. Méthodologie
3. Résultats et discussion
4. Conclusion
5. Publication
PARTIE 2.2 : La succession de cycles de culture d’aubergines sensibles (E8) et d’aubergines résistantes (E6) impacte fortement la structure génétique d’une population naturelle de Ralstonia solanacearum de phylotype I
1. Problématique
2. Méthodologie
3. Résultats et discussion
5. Publication
CHAPITRE 3 : RÔLE DE DIX EFFECTEURS DE TYPE TROIS DANS L’INTERACTION ENTRE R. SOLANACEARUM ET L’AUBERGINE RÉSISTANTE E6
PARTIE 3.1 : Détermination des répertoires d’effecteurs et analyses phylogénétiques
1. Matériel et méthodes
2. Résultats
3. Conclusion partielle
4. Publication
PARTIE 3.2 : Etude de la fonction d’avirulence des dix effecteurs candidats par mutagénèse et expression transitoire
1. Matériel et méthodes
2. Résultats
3. Conclusion partielle
PARTIE 3.3 : L’effecteur de type trois ripAX2 confère de l’avirulence à la souche GMI1000 de Ralstonia solanacearum sur l’aubergine (Solanum melongena) AG91-25 possédant le gène majeur de résistance Ers1
1. Résumé
2. Publication
CHAPITRE 4: DISCUSSION ET PERSPECTIVES
CHAPITRE 5 : RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXES

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