Aspects fonctionnels des peuplements de poissons et leurs évolutions

Aspects fonctionnels des peuplements de poissons et leurs évolutions

Les effets anthropogéniques, la pêche en particulier, sont les principaux facteurs de dégradation de la structure des écosystèmes (Jennings et al., 1995 ; Jennings et Polunin, 1996). En milieu aquatique, l‟exploitation intensive des ressources entraine une réduction substantielle de l‟abondance des espèces cibles et modifie la structure des communautés. En outre, de par ses effets sur les habitats elle entraine une modification de la structure de l‟écosystème dans son ensemble (Bianchi et al., 2000). Les espèces de plus grande taille sont plus ciblées par la pêche et elles se régénèrent moins vite en raison de leurs traits d‟histoire de vie (croissance et maturité sexuelle lentes, longévité plus élevée), par conséquent elles sont plus vulnérables à l‟effet de la pêche (Jennings et al., 1998 ; 1999). La modification induite par l‟effet de la pêche sur les spectres de taille au sein d„une communauté s‟accompagne généralement d‟une modification de sa structure trophique car les espèces de plus grande taille ont assez fréquemment les niveaux trophiques les plus élevés (Piet et Jennings, 2005). Plusieurs études ont montré qu‟en cas de mise en défens les espèces réagissent différemment à l‟effet de la protection en relation avec leurs traits d‟histoire de vie (Evans et Russ, 2004 ; Micheli et al., 2005). Les espèces de grande taille, en raison de leur plus grande vulnérabilité à l‟effet de pêche, répondent plus efficacement à la mise en protection.

L‟évolution de la structure fonctionnelle des peuplements de poissons suite à l‟interdiction de la pêche dans le bolong ainsi que la caractérisation environnementale de ce dernier ont, ainsi, été étudiées. Deux dimensions fonctionnelles (les catégories trophiques et bioécologiques) ont, dans une première étape, été prises en compte dans cette étude. Après la description des caractéristiques environnementales, la distribution saisonnière des biomasses au sein des différents compartiments fonctionnels a été examinée afin d‟appréhender l‟existence ou non d‟une structure temporelle stable. Enfin, les évolutions de la structure fonctionnelle du système en fonction de la durée de la protection ont été abordées.

Dans cette section la définition de la structure fonctionnelle est restreinte à celle de Lindeman (1942) qui met en exergue la distribution de la biomasse entre les différents compartiments fonctionnels d‟un système. La structure en biomasse est une importante caractéristique des écosystèmes, dans la mesure où elle permet d‟appréhender les différents processus écosystémiques tels que les flux énergétiques, l‟efficience des transferts trophiques (Del Giorgio et al., 1999).

Matériel et méthodes

Milieu d’étude

La réserve de la biosphère du delta du Saloum (RBDS) est située au Sénégal entre 13° 35‟ et 14°00‟ de latitude Nord et entre16° 00 et 17°00 de longitude Ouest, elle s‟étend sur une superficie de 334 000 ha dont 18 % (60 000 ha) de forêts de mangrove. La RBDS (Figure 3) comprend :
– une partie continentale constituée de forêts et limitée en aval par la mangrove et par les étendues de terre nue et salée communément appelés tannes
– une partie maritime constituée de trois grands groupes d‟iles (le Gandoul, les iles Bétanti et les iles Fathala) séparés par 3 principaux fleuves (le Saloum, le Diomboss et le Bandiala)
– une partie marine qui s‟étend en mer jusqu‟ au-delà de l‟isobathe des 6m.

La réserve comprend 7 sites déclarés forêts classées, dont 2 sont des forêts humides de mangrove (îles Bétanti et îles du Saloum) et les autres (dont Fathala, Djilor, Sangako) sont des forêts de savane sèche. Sur le plan faunistique, la RBDS abrite environ 100 000 oiseaux répartis en plus de 90 espèces, 114 espèces de poissons (Diouf, 1996) et plus de 188 espèces végétales ligneuses (30 % des plantes supérieures du Sénégal). Le Bolong de Bamboung, situé à 134 km au Sud de Dakar, est un affluent du Diomboss, l‟une des trois branches principales qui composent le complexe estuarien  du Sine-Saloum (Figure 4). Sa superficie totale est de 6 800 ha et sa longueur est de 15 km pour une largeur qui varie suivant les zones entre 50 et 500 m, les profondeurs moyennes varient entre 3 et 10 m. En dehors de la zone aquatique correspondant spécifiquement au bolong de Bamboung, l‟AMP comprend une zone terrestre subdivisée en une partie marginale continentale et une partie riveraine. Les bords immédiats du bolong sont occupés par une forêt de mangrove dominée par les espèces du genre Rhizophora (R. racemosa et R. Harrisonii), tandis que les terres émergées sont occupées par l‟espèce R. mangle qui globalement domine les peuplements de palétuviers.

Le climat est caractérisé par la succession de deux saisons majeures : une saison humide qui va de juin à octobre et une saison sèche qui s‟étend sur le reste de l‟année. De façon plus spécifique la saison sèche se subdivise en deux périodes dont l‟une (froide et sèche) va de novembre à mars et l‟autre (chaude et sèche) couvre la période allant d‟avril à juin. Cette subdivision en trois saisons correspond à celle adoptée dans Simier et al. (2004), et a permis de définir le protocole d‟échantillonnage.

Stratégies d’échantillonnage

Les données biologiques (abondance et biomasse) et environnementales qui ont été utilisées dans cette thèse sont issues des études réalisées par l’IRD sur les estuaires et lagunes côtières d’Afrique de l’Ouest et d‟un programme en cours portant sur le suivi biologique de l‟aire marine protégée (AMP) de Bamboung. Le bolong du Bamboung fait partie du complexe estuarien du Sine-Saloum, il a été érigé en AMP (catégorie I de l‟IUCN) en 2003 et nous a servi de site principal d’étude. Les pêches expérimentales ont été menées en suivant le plus rigoureusement possible un protocole d‟échantillonnage établi sur la base des caractéristiques physiques du milieu et la variabilité saisonnière des conditions climatiques. Ainsi, dans une année, trois périodes d‟échantillonnage représentatives des trois saisons hydro-climatiques ont été retenues : la saison chaude et humide (septembre / octobre), la saison intermédiaire froide et sèche (mars) et la saison chaude et sèche (mai / juin).

L‟AMP a été subdivisée en 12 stations d‟échantillonnage (Figure 4) sur la base de leur accessibilité géographique, les sites retenus sont repérés par leurs coordonnées géographiques déterminées par GPS. Les pêches ont été réalisées, à l‟aide d‟une senne tournante et coulissante (longueur 250 m, hauteur 20 m, maille 14 mm) embarquée dans une coque de résine de 7m propulsée par un moteur hors-bord de 40 CV. Le débarquement et le tri des espèces se sont effectués dans un catamaran de recherche (le Diassanga ) qui a servi de “laboratoire mobile” (Figure 5). Au total 15 campagnes de surveillance scientifique ont été réalisées entre 2003 et 2007 correspondant à 180 coups de senne. Les données collectées au cours de ces campagnes sont stockées dans une base de données.

Présentation de la base de données

La base de données PPEAO (peuplements de poissons et pêches artisanales des écosystèmes estuariens, lagunaires ou continentaux d‟Afrique de l‟Ouest) a été constituée à partir de l’important fond scientifique des projets de l’IRD dans les estuaires de la sous région depuis les années 1980. En effet, depuis plus de trois décennies, des données de campagnes de pêches scientifiques et des enquêtes sur les pêches artisanales ont été collectées au niveau des écosystèmes aquatiques et des pêcheries ouest-africaines. En 2006, ces données initialement stockées dans deux bases de données distinctes sous Access de l‟UR RAP (Réponses Adaptatives des populations et des peuplements de Poissons aux pressions de l’environnement), ont été regroupées dans une nouvelle base unique sous PostgreSQL (un système de gestion de base de données relationnelles et objets) hébergée par un serveur. Cette nouvelle base en cours de finalisation est accessible sur Internet à tous les chercheurs accrédités souhaitant travailler sur les peuplements.

Données écologiques

L‟AMP de Bamboung a fait l‟objet de campagnes de surveillance scientifique menées par l‟UR RAP de l‟IRD. Dans le cadre de cette thèse, nous avons utilisé la partie de la base qui comporte les données de 2003 à 2007. En 2008, le protocole d‟échantillonnage a été modifié, en restreignant les captures à 6 stations sur 12 et en mettant en place des échantillonnages à l’extérieur de l’AMP. Pour chaque coup de senne, les poissons capturés ont été triés et identifiés au niveau de l‟espèce. L‟effectif et la biomasse (en grammes) par coup de pêche et par espèce ont été déterminés. Les espèces identifiées sont ensuite classées en groupes fonctionnels suivant les critères préliminairement définis au sein de l‟équipe.

Groupes trophiques 

Les informations collectées sur le régime alimentaire des poissons, combinées à celles précédemment décrites dans Diouf (1996), ont permis de classer les espèces en huit catégories trophiques : les espèces détritivores (les détritiphages), he-de ; les phytophages, he-ph ; les benthophages, p1-bt ; les malacophages, p1- mc ; les zooplanctonophages, p1-zo ; les prédateurs généralistes omnivores, om-ge ; les prédateurs généralistes de second niveau, p2-ge et les prédateurs spécialisés de second niveau, p2-pi.

Groupes bioécologiques

Les espèces capturées ont également été classées en catégories bioécologiques suivant la classification d‟Albaret (1994, 1999). En plus du degré d‟euryhalinité des espèces, cette classification prend en compte les cycles bioécologiques des espèces (la répartition spatio-temporelle, les lieux et les conditions de la reproduction, la niche trophique, l‟abondance et la localisation des écophases). La classification comporte 8 catégories écologiques, qui à partir d‟un point central, les formes estuariennes, se répartissent inégalement sur deux axes marin et continental (Figure 6). Quatre de ces groupes dont les formes estuariennes strictes (Es), les formes estuariennes d‟origine marine (Em) ou d‟origine continentale (Ec) et les formes mixtes marines estuariennes (M-E), forment la composante essentielle des peuplements estuariens. Les quatre groupes restant renferment des espèces d‟origine marine ou continentale, qui sont accessoirement ou occasionnellement présentes en estuaire (Figure 6). Dans le Sine-Saloum, le peuplement de poissons présente une dissymétrie en raison de l‟absence des espèces d‟affinité continentale (Simier et al., 2004).

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I : Aspects fonctionnels des peuplements de poissons et leurs évolutions
I.1. Introduction
1.2. Matériel et méthodes
I.2.1. Milieu d‟étude
1.2.2. Stratégies d‟échantillonnage
1.2.3. Présentation de la base de données
1.2.3.1. Données écologiques
Groupes trophiques
Groupes bioécologiques
1.2.3.2. Données environnementales
I.2.4. Evolution des peuplements de poissons
1.2.4.1. Extraction et analyse des données
1.2.4.2. Diversité fonctionnelle
1.2.4.2.1. Morphométrie et traits fonctionnels
1.2.4.2.2. Normalisation des données et traitement statistique
1.3. Résultats
1.3.1. Description du milieu
1.3.2. Evolution trophique
1.3.2.1. Evolution saisonnière
Saison chaude et humide
Saison froide et sèche
Saison chaude et sèche
1.3.2.2. Evolution Interannuelle
1.3.3. Evolution bioécologique
1.3.3.1. Evolution saisonnière
Saison chaude et humide
Saison froide et sèche
Saison chaude et sèche
1.3.3.2. Evolution Interannuelle
1.3.4. Diversité fonctionnelle
1.3.4.1. Groupes fonctionnels et redondance
Les zoobenthophages
Les brouteurs algivores-détritivores
Les prédateurs pélagobenthiques
Les ichtyobenthophages
1.3.4.2. Evolution des biomasses au sein des groupes fonctionnels
1.3.4.2.1. Biomasse absolue
1.3.4.2.2. Biomasse relative
1.4. Discussion
1.4.1. Description du milieu
1.4.2. Evolution des peuplements
1.4.2.1. Tendance saisonnière
1.4.2.2. Tendance interannuelle
1.4.2.3. Groupes fonctionnels
1.4.2.3.1. Nombre de groupes
1.4.2.3.2. Composition
Brouteurs algivores-détritivores
Prédateurs pélagobenthiques
Ichtyobenthophages
Zoobenthophages
1.4.2.3.3. Redondance fonctionnelle et biomasse
Chapitre II : Etude du réseau trophique
2.1. Base de l‟utilisation de l‟analyse des isotopes stables dans l‟étude des réseaux trophiques
2.1.1. Concepts de base
2.1.2. Notion de fractionnement isotopique
2.1.3. Notion de Turnover
2.1.4. Application à l‟étude des réseaux trophiques
2.1.4.1. Collecte des données
2.1.4.2. Préparation des échantillons au laboratoire
2.1.4.3. Analyse et expression des résultats
2.1.4.4. Traitement statistique
2.1.4.5. Synthèse des résultats
Peuplement
Réseau trophique
Manuscript A
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
3. Results
4. Discussion
References
Chapitre III : Ecomorphologie
3.1. Synthèse des résultats
Manuscript B
ABSTRACT
INTRODUCTION
MATERIALS AND METHODS
RESULTS
DISCUSSION
REFERENCES
Chapitre 4 : Synthèse et discussion générale
4.1. Objectifs de la thèse
4.2. Peuplement ichthyen
4.2.1. Richesse taxonomique et fonctionnelle
4.2.2. Biomasse totale
4.2.3. Structuration fonctionnelle et dynamique saisonnière
4.3. Evolution fonctionnelle après la mise en AMP
4.4. Réseau trophique
4.5. Conclusion générale et recommandations
Références bibliographiques
Conclusion générale
Annexes
Résumé

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