ARTICULATION THEORICO-CLINIQUE 

ARTICULATION THEORICO-CLINIQUE 

Méthode de recherche

Marin, une rencontre singulière

Dès cette première rencontre, Marin a éveillé en moi un « étonnement singulier ». Etonnement dans sa manière d’établir ce premier contact entre nous, singulier en raison de son histoire et d’autres raisons que j’évoquerai ci-après.
En premier lieu, lors de ma visite, Marin se présente à moi en se « laissant tomber », il me scrute et reste figé. Je me mets alors à sa hauteur, lui tend la main pour qu’il se relève puis le salue. Plus tard, lorsque j’ai l’occasion de revenir, il se présente à nouveau par cette chute de corps. Je réitère en me positionnant à sa hauteur, et lui tend à nouveau la main. Ce geste est-il à l’origine de l’intérêt que Marin m’attribue? Je suis allée vers lui telle une mère irait vers son enfant. Marin comme soumis à un mouvement pulsionnel s’agrippe alors à mon bras. Il me semble qu’il privilégie le langage du corps renvoyant l’idée que lorsque la parole est absente, c’est le corps lui-même qui est « le lieu du dire »1 au sens où l’entend Oury. Ce lieu du dire donne des signes parfois infimes et c’est notre travail d’en être le porte-parole et de l’accueillir. J’entends différentes choses dans cette présentation, avec le sentiment que Marin me signifie quelque chose. Je peux supposer alors que Marin m’ait adressé une demande non explicitée, mais une demande que j’accepte « en me mettant à sa hauteur »

Le cadre de la rencontre

L’analyse de la dynamique de ma relation avec Marin ne peut se passer de la prise en compte de la situation de groupe dans laquelle elle s’inscrit. Nos échanges et rencontres se sont toujours déroulés au sein de la classe ou bien lors des ateliers mais jamais en face à face, seuls. Néanmoins, j’ai le sentiment que, dès le départ, nous avons malgré tout créé un face à face à l’intérieur du groupe. Je l’ai rencontré par ailleurs lors de l’atelier « Balancine » de manière hebdomadaire. C’est au fil de cet atelier et à travers les observations des soignants de la Classe Thérapeutique à son sujet, que sont nées différentes questions quant à la problématique de Marin.
J’avais pu observer la place particulière de Marin au sein de cette classe elle-même si « particulière ». D’emblée, il vient vers moi régulièrement et me sollicite de manière prégnante : il m’accueille, me sollicite dans ses jeux, s’installe sur mes genoux lors de lecture d’albums. J’ai d’emblée la sensation d’avoir une place privilégiée auprès de lui. Pour ma part, cette présentation de lui-même fait en sorte que mon regard s’arrête sur lui à chacune de mes venues dans la classe. Je suis comme « attirée » par ce petit garçon. Marin est l’un des seuls à vraiment échanger avec moi et de ce fait, j’ai le sentiment qu’il me donne une place, d’avoir « un rôle à jouer ». Présenter Marin est alors devenu une évidence.Pour des raisons de déontologie, j’ai fait le choix d’un pseudonyme pour ce petit garçon. Ce prénom est lié à son attirance pour les animaux de la mer. Chaque matin, il présentait un nouvel animal de la mer pouvant s’exprimer ainsi « les animaux de la mer ze les aime bien tous ». Nous pouvons nous interroger sur laquelle des mers, à savoir la mer ou bien la mère ?

Anamnèse et portrait de Marin

Marin est un petit garçon âgé de 6 ans lors de notre rencontre. De petite taille, très menu, il est très pâle avec de grands yeux cernés et paraît plus jeune que son âge. Il peut être à certains 1 Oury, J. (2002) Corps, psychose et institution, Eres,moments, triste voire même abattu, d’une discrétion inquiétante puis à d’autres, dans une grande agitation motrice. Dans la relation à ses pairs, il se montre distant, presque dans la fuite ou bien dans une proximité importune.Marin est l’aîné d’une fratrie de deux enfants, il a une petite sœur âgée de 3 ans et demie. Il est atteint de la neurofibromatose, maladie orpheline rare qui du fait du nombre restreint de cas a été longtemps maintenue à l’écart des courants de recherches diagnostiques et thérapeutiques. Nous serions même tentés de dire doublement orpheline puisqu’à son extrême rareté s’ajoute une faible médiatisation. Ce diagnostic a été posé en 2010 pour lui-même, alors âgé de trois ans, ainsi que pour son père. La culpabilité chez ce père quant à la transmission de la maladie est très présente.
Il a été pris en charge au service de pédopsychiatrie pour des troubles du comportement, une agitation et des difficultés relationnelles dès le début de sa scolarisation et ce, en amont de la découverte de sa maladie. Dans ce contexte, il a bénéficié d’une prise en charge en psychomotricité, d’un soin en bassin.Depuis la rentrée 2013, une psychothérapie individuelle est instaurée. Dans ce cadre, Marin évoque beaucoup son père. Lors d’une synthèse CATTP, j’avais déjà entendu parler de ce petit garçon notamment en lien avec des difficultés de comportement prégnantes depuis la rentrée scolaire. Il présente une grande instabilité motrice, une incapacité à être dans le groupe classe avec de nombreuses angoisses archaïques. De même, en classe, il a tendance à s’allonger avec son « doudou » dans un comportement régressif avec parallèlement un besoin prégnant d’être soutenu par l’adulte. Les professionnels s’interrogent alors quant à la poursuite de sa scolarité et la question d’une hospitalisation à l’Unité des Grands est suggérée avec un temps d’observation. L’échange avec la psychologue référente de la classe révèle son appétence pour les apprentissages l’an passé. Celle-ci laissait d’ailleurs présager un aménagement entre la classe thérapeutique et la classe de CP. Cependant, au regard de la dégradation en début d’année, ce projet n’a pu être élaboré. Marin n’est en effet, actuellement plus dans une dynamique d’apprentissage, il s’allonge souvent et se replie sur lui-même. Les plaintes concernant l’école sont récurrentes et perdurent dans le temps « z’aime pas l’école, ze veux pas venir à l’école… ».Le père de Marin a lui-même une histoire difficile puisqu’il a été abandonné par son père militaire qui a quitté le domicile lorsqu’il était très jeune. Il a été élevé par son beau-père avec selon ses dires, une éducation extrêmement rigide. Lui-même était très agité pour que l’on s’occupe de lui dira-t-il à la pédopsychiatre. Le décès de sa demi-sœur a engendré une dépression maternelle et un repli dans l’alcool. Le père de Marin évoque lui-même avoir grandi dans un climat de violence. Actuellement, il est sous antidépresseurs.La mère de Marin quant à elle, est plutôt soulagée du diagnostic concernant ses enfants. Elle se dit « débordée » et paraît en grande souffrance également.

Présentation de la méthodologie

J’ai tenté ci-dessus de décrire le plus fidèlement le dispositif de ma recherche et expliciter mes choix, mais ce dispositif a des limites. Cette tâche d’écriture lors des séances a pu être influencée par ma subjectivité, et certains éléments ont pu m’échapper.Au début de ce travail de recherche, je ne pensais recueillir que les données cliniques de l’atelier. Cependant, mes rencontres avec Marin dans divers contextes, ma participation aux réunions de synthèse me semblaient des éléments importants. Il me paraissait difficile de ne pas en rendre compte dans ce travail. Toutefois, il a nécessairement fallu limiter le recueil des données et j’ai donc fait le choix des séances. Les moments de rencontre plus informels ont néanmoins tout leur sens dans la dynamique relationnelle.

L’atelier « Balancine 

Après ces premiers contacts avec Marin, je l’ai rencontré de manière hebdomadaire, sur le temps de classe en participant aux différents ateliers proposés au sein de la classe thérapeutique. Le nombre restreint d’enfants permet d’être dans une relation proche. J’ai souhaité pouvoir le rencontrer au sein de l’atelier « Balancine » dont l’objectif est un travail autour du portage, du lâcher prise et l’acceptation d’être touché par l’autre. Le cadre proposé permet un travail sur le rapport au corps, les enveloppes corporelles en lien avec les angoisses plus ou moins envahissantes présentées, ainsi que sur ses limites corporelles et donc, de ses limites avec les autres.Les séances s’inscrivent dans une salle réservée à cet effet et durent quarante-cinq minutes, pendant lesquelles je suis « observatrice ». Cette prise en charge individuelle en présence de deux soignantes se déroule en plusieurs séquences à savoir : un moment où l’on se dit bonjour chacune des personnes étant nommée, un temps de « lecture » du corps avec choix de la partie par Marin, un temps de portage dans les tissus, un temps d’histoire, un temps de clôture et de rassemblement autour de mandalas enfin, un temps où l’on se dit au revoir de manière nominative.C’est à travers ce dispositif que j’ai réalisé mon recueil de données cliniques. Toutefois, à différents moments, je fais part de certaines informations qui me semblent essentielles quant à la compréhension du fonctionnement psychique de Marin.

Modalités de rencontre avec l’énigme et élaboration de la problématique

Ce mémoire de recherche est avant tout le récit d’une rencontre clinique entre Marin et moi-même. Je ne prétends pas avoir cerné la vérité du sujet, seulement avoir tenté d’élaborer ce qui pouvait se jouer lors de nos rencontres. Quel sens revêt cette présentation pour Marin? Qu’est ce qui le conduit à privilégier le langage du corps ? Quels sont les enjeux psychiques et affectifs mis en jeu dans sa construction du Moi ?Les différentes réactions autour du corps amènent des questions quant à son rapport à ce dernier. Nous pouvons supposer que se laisser tomber peut être une demande de « porte-moi », avec le sentiment que cet effondrement se traduit en fait, dans les dynamiques de transfert, par une recherche d’étayage sur l’autre. Dans le discours de Marin, la maladie n’est que peu ou pas évoquée. Toutefois, dans sa présentation elle semble jouer un rôle très particulier dans l’économie psychique par sa représentation fantasmatique ce qui rejoint l’hypothèse de M.C. Célérier sur la place de la maladie qui « pourrait être définie dans l’économie psychique comme un agi du fantasme » Cette maladie suscite un contre-transfert d’autant plus intense qu’il est sollicité par les traits archaïques d’une relation de type narcissique où l’ambivalence marque la dépendance.Dépendance que j’ai pu appréhender puisqu’en situation groupale, à de nombreuses reprises, Marin s’installe à mes côtés dans une grande proximité. Souvent, il me fixe comme s’il semblait chercher en moi, une sorte de soutien. Exprime-t-il alors un besoin d’étayage ? En tant que stagiaire, je suis vouée à quitter ce lieu et Marin le sait, quel est le sens de ces attachements ? Cherche-t-il ainsi à reproduire les expériences de séparation ?La coïncidence entre cette présentation de Marin et les éléments d’anamnèse convoquent la question du retentissement de la maladie sur la construction psychique de Marin. M.C. Célerier (2004) pose à ce sujet, une réflexion intéressante en questionnant le rôle joué par la maladie somatique dans l’économie psychique du sujet. Aussi, dans une approche qui tient compte des spécificités de la clinique infantile, à savoir que l’enfant, en pleine maturation, s’inscrit dans une certaine mouvance psychique, nous chercherons à appréhender la construction de son rapport au monde. Nous tenterons d’identifier les processus psychiques et affectifs mis en jeu dans la construction du Moi chez cet enfant atteint de la maladie.
Célérier, M.C. (1971), « Le corps : une scène pour le fantasme ? », in Topique, 21
Nous émettons l’hypothèse selon laquelle Marin traite l’innommable de la maladie, en se présentant tel un monstre, par le mime. Simon-Daniel Kipman (1981) souligne que chez l’enfant le comportement enseigne mieux que de longs discours.
Nous nous interrogerons sur le sens que revêt la maladie pour lui, à savoir n’entrave-t-elle pas la construction du Moi ? Qu’est-ce qui le conduit à privilégier le langage du corps malgré son accès au langage ?En référence à la question de la dépendance, nous pouvons nous interroger quant à la place de la mère de Marin à savoir, a-t-elle pu être une mère suffisamment bonne, au sens Winnicottien. Lui a-t-elle permis de se construire des enveloppes psychiques suffisamment solides ? Nous nous appuierons notamment sur les théories de D.W. Winnicott (2000) et Anzieu (1985) pour comprendre ce qui a pu se jouer dans les premières relations. Ceci en lien à nos observations réalisées au fil de nos rencontres, à savoir cette sensibilité aux situations de séparation.
Ceci nous oriente ainsi vers la problématique de recherche suivante à savoir : l’impact que revêt la maladie dans la construction psychique de Marin.

La dynamique relationnelle

Dans la description de Marin au départ de ce travail de recherche, je n’ai pas évoqué la maladie comme si celle-ci était innommable. J’ai d’ailleurs partagé avec Marin la réalité de l’évènement somatique, comme entité morbide sidérant momentanément mes capacités d’élaboration mentale. Lors de la réalisation de ce mémoire, j’ai eu le sentiment qu’il me manquait un « fil » que j’ai pu naturellement dérouler ensuite. Je justifierai donc mon approche, non pas en référence à un objet de recherche préétabli, mais en référence à la construction progressive de cet objet, au fur et à mesure, de l’élaboration des contenus. Ma rencontre avec Marin s’est inscrite dans un dispositif particulier et cette rencontre singulière est la base de ma recherche clinique.
Comme je l’évoquerai ci-après, un point essentiel concernant mon contre-transfert et la préoccupation maternelle primaire qui s’était emparée de moi au premier regard était bien la
« chute » de Marin, interprétée comme une demande corporelle, d’être « porté par moi ». Ainsi dès le départ dans le contre-transfert, je me suis retrouvée prise dans une volonté de le protéger.
Ma participation en tant qu’« observatrice » lors de l’atelier « Balancine » a sans doute joué le rôle d’objet tiers, mais a permis aussi d’appréhender la prise en compte de ma présence ou non par Marin. A plusieurs reprises, il distribuait des regards, et lors de la dernière séance il m’a associée en tant que mère dans le jeu, signant là, la mobilisation d’une activité psychique en termes d’investissement d’objet. J’ai le sentiment que dans cette attitude d’observation c’est une
fonction de « chercheur » que j’ai mise en avant sans ignorer les effets de Marin sur ma personne, de même que je ne peux ignorer l’effet que ma présence a été sensée produire chez lui. A plusieurs reprises, je me suis sentie frustrée par cette position qui de mon point de vue ne me permettait pas de le « porter ».
Nos échanges, toujours dans un contexte groupal, n’ont pas empêché les situations de face à face auquel nous nous sommes prêtés à l’intérieur du groupe. Le transfert de Marin a été massif dès le départ. Il était ainsi demandeur d’aide, toujours très proche corporellement. Il me touchait de manière récurrente et pouvait se comporter alors comme un « tout petit ». Ces face à face sont d’ailleurs venus faire écho au sentiment de préoccupation maternelle évoqué ci-dessus. Mon regard porté sur Marin pourrait être mis en parallèle avec le regard de la mère.
Dans l’après coup, pourrait-on dire, que de ma place, je puisse refléter la position maternelle comme je l’ai pressenti dans la relation contre-transférentielle ? Je me suis aperçue que j’exerçais une fonction de pare-excitations et, de son côté, Marin m’a certainement identifiée à la bonne mère comme il l’a mis en scène lors de la dernière séance.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. PRESENTATION DU DISPOSITIF DE RECHERCHE
1. PRESENTATION DU LIEU DE STAGE
2. METHODE DE RECHERCHE
3. PRESENTATION DE LA METHODOLOGIE
4. MODALITES DE RENCONTRE AVEC L’ENIGME ET ELABORATION DE LA PROBLEMATIQUE
5. LA DYNAMIQUE RELATIONNELLE
II. LE MATERIEL CLINIQUE 
1. UN CORPS QUI NE VA PAS DE SOI
2. LA DEFIGURATION UN MOYEN DE FIGURER ?
3. EFFONDREMENT ET CONTINUITE DE SOI
4. LE LIEN A L’AUTRE
5. LES FIGURES PARENTALES
III. ARTICULATION THEORICO-CLINIQUE 
1. L’INNOMMABLE
2. POURQUOI CET HABIT ?
3. LE TISSU FAMILIAL
4. ALORS RACONTE
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE

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