Approches multiéchelles d’expérimentation et de modélisation pour prédire la rupture d’un composite textile

Problématique industrielle

Le groupe Cobra Europe conçoit et produit des bandes transporteuses dédiées au convoi des marchandises et, pour le cas qui nous intéresse ici, la bande est destinée à convoyer du minerai extrait de mines (Fig. 1.1). Les bandes sont fabriquées en assemblant différents éléments (fils, résines et revêtements) pour finalement se décrire schématiquement comme une structure stratifiée dont l’élément essentiel, un tissu, est protégé par des couches d’élastomères. Montée sur un convoyeur, une bande est mise en mouvement au moyen d’un tambour de commande motorisé et d’un rouleau de retour. Le minerai est déversé sur la bande du convoyeur puis acheminé à l’endroit voulu. Selon les besoins de la clientèle, le groupe Cobra Europe propose une gamme de produits variés satisfaisant à toutes les exigences relatives aux propriétés mécaniques.

Ainsi, la connaissance du produit fini est une préoccupation essentielle du groupe Cobra Europe qui souhaite assurer à ses clients une valeur de charge à rupture de la bande (avant la mise en service) ainsi que des valeurs d’allongement élastique et permanent. Pour accéder à ces caractéristiques sur le produit final le groupe Cobra Europe procède à des essais mécaniques de traction classiques et de fatigue, donc, réalise l’investissement, l’installation et l’emploi de machines de traction quasi-statique et de fatigue.

Dans le cadre d’une démarche de suivis d’incidents survenus en service, une autre problématique essentielle pour le groupe Cobra Europe concerne la dégradation prématurée d’une bande. Lors de son fonctionnement, une bande est sujette à de nombreux efforts mécaniques (flexion, traction) aussi bien quasi-statiques, que de fatigue, que dynamiques. Outre ces sollicitations répétées, un usage extrême de la bande provoqué par des conditions non prévues par son cahier des charges (mauvais choix des tambours, charge moteur excessive, hauteur importante de chute du minerai…) est susceptible d’entraîner sa dégradation prématurée. Etre capable d’expertiser et d’expliquer la défaillance (sans souvent avoir accès à la cause, cachée par le client) d’une bande est donc très important.

Enfin, l’amélioration constante de la qualité de ses produits est une autre préoccupation du groupe Cobra Europe. Il réalise donc eux-mêmes la conception de ses bandes transporteuses. Cette phase de conception nécessite là encore le recours à des essais expérimentaux réalisés, cette fois-ci sur des bandes prototypes. Cette phase de prototypage et d’essais mécaniques est évidemment coûteuse, et ceci d’autant plus si le prototype ne donne pas satisfaction.

Objectifs et démarches

Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet global de collaboration avec le groupe Cobra Europe. Il constitue un pas supplémentaire vers la résolution du problème industriel final. C’est la raison pour laquelle des choses construites dans ce travail, pour le projet dans son ensemble, n’y sont parfois pas utilisées ou bien n’ont pas un lien direct avec lui, mais seront utilisées dans le futur.

L’enjeu industriel principal pour notre étude se recentre sur la prévision de la rupture d’une bande sous des conditions de sollicitations qui schématisent son environnement de fonctionnement (impact par des roches, passage cyclique sur les tambours…).

L’atteinte de cet objectif se réalise en plusieurs étapes :
– expertiser l’état d’endommagement de la bande au niveau de ses constituants afin de comprendre la cause de la dégradation de la bande ;
– mener une modélisation permettant de calculer l’état des contraintes et déformations dans chaque constituant, et notamment dans les fils de renfort du tissu de la bande ;
– analyser les relations pouvant exister entre les observations et l’état des grandeurs mécaniques locales (tenseurs de contrainte et/ou de déformation) ;
– expliquer et prédire la cinétique de rupture des fils de renforts (en avalanche ou progressive). Il est aussi important que les modélisations développées conduisent à des outils qui soient suffisamment standardisés afin de permettre la conception et le design d’autres architectures de tissage, de les classer en fonction d’un critère identifié et d’en faire un choix raisonné.

Pour tout cela, on opte pour une démarche multiéchelle. Compte tenu des différentes échelles d’observation de la bande et des spécificités géométriques des constituants, cette approche multiéchelle est appliquée, dans cet ordre, aussi bien en termes expérimental que de modélisation. L’approche multiéchelle expérimentale fait suite aux travaux réalisés lors de la thèse précédente (Piezel [35]). Il s’agit de poursuivre les investigations expérimentales pour approfondir les connaissances sur le matériau de l’étude (le tissu de la bande) et notamment dans un état endommagé :

– à l’échelle macroscopique (l’échelle de la bande), les essais mécaniques représentent l’étape indispensable pour déterminer les propriétés des bandes et confirmer les constatations de l’industriel (traction monotone pour obtenir la contrainte à rupture puis traction cyclique suivie d’une traction monotone pour voir l’influence du cyclage sur la contrainte à rupture). Les endommagements de la bande dégradée sont analysés visuellement ;
– à l’échelle inférieure mésoscopique (l’échelle des constituants), des essais mécaniques caractérisent les différents constituants de la bande (traction monotone à rupture sur fils de renfort pour obtenir la contrainte à rupture des fils, traction monotone de la matrice, compression du revêtement d’élastomère). L’investigation des endommagements est faite au travers d’observations qui utilisent une technique d’imagerie à très haute résolution, la tomographie RX. Le recours à cette technique donne accès à :
. l’architecture réelle de la bande saine, la variabilité des caractéristiques du composite et les défauts de fabrication visibles ;
. l’endommagement, en visualisation tridimensionnelle, de la bande endommagée avec l’avantage d’accéder dans chaque constituant à la morphologie, la répartition et l’orientation de l’endommagement.

L’approche multiéchelle de modélisation, comme pour la thèse précédente, fait appel à l’homogénéisation/localisation périodique qui permet de relier les grandeurs macroscopique et mésoscopique et qui nécessite le maillage d’une cellule (périodique, représentative du Volume Elémentaire Représentatif du tissu) :
– à l’échelle macroscopique, ce sont des conditions aux limites qui modélisent des sollicitations réelles qui sont appliquées à la cellule ;
– à l’échelle mésoscopique, une analyse très complète de l’état de contraintes (hétérogénéité, gradient, triaxialité, orientation préférentielle) est faite dans les fils de renfort.

Généralités sur les matériaux composites

L’accroissement des performances des structures industrielles et la nécessité d’économiser l’énergie incite fortement à l’utilisation de matériaux légers et performants. Les matériaux composites sont de bons candidats pour répondre à ces 2 exigences parfois opposées. Ils sont des matériaux dotés de caractéristiques mécaniques spécifiques élevées leur permettant de résister à des chargements complexes. Avec de meilleures propriétés spécifiques que la plupart des métaux et alliages classiques, ces matériaux offrent une bonne alternative aux industries de hautes technologies telles que l’aéronautique, l’aérospatiale et l’automobile.

Le terme « composite » est employé pour décrire un matériau hétérogène constitué d’au moins 2 phases (l’une appelée le renfort, l’autre le liant ou la matrice) de natures différentes. Le renfort assure la tenue mécanique du composite. La matrice, quant à elle, assure le rôle de lien entre les renforts qu’elle permet également de protéger face aux agressions du milieu extérieur. La conception des matériaux composites est dictée par l’application finale visée. Le choix du renfort et de son arrangement est une étape primordiale dans cette phase de conception. Sans plus de précision, la signification du terme « composite » reste vague car il englobe de très nombreuses catégories de matériaux, fonction de la nature des constituants, mais aussi de leur géométrie. Seuls les matériaux composites constitués de fibres (les renforts) noyées dans une matrice sont considérés ici.

Pour ces matériaux composites à fibres (souvent plus simplement désignés dans toute la suite par « matériaux composites »), les renforts se présentent sous forme de fibres discontinues (courtes ou longues) ou continues, alignées ou non avec une/des orientation(s) identifiée(s) impliquant ou non au matériau final une résistance mécanique élevée dans une ou plusieurs directions. On distingue ainsi 2 grandes familles de composites : les composites à fibres discontinues qui ne présentent pas de direction nettement privilégiée et les composites à fibres continues orientées dans des directions privilégiées. On désigne habituellement par composite architecturé (ou structuré), un matériau composite dont l’arrangement des constituants est contrôlé. Ainsi, en règle générale, les composites à fibres discontinues ne sont pas architecturés, tandis que ceux à fibres continues le sont. On peut, dans ce dernier cas, signaler les composites unidirectionnels qui sont constitués de fibres longues alignées suivant une direction donnée au sein d’une entité (le plus souvent plane) appelée pli ou couche dont l’empilement selon des orientations différentes par rapport à un axe donné, forme un composite stratifié. L’industrie aéronautique, par exemple, se sert de ce type de matériau pour la confection de pièces structurales ou de pièces d’aménagement intérieur des appareils.

Durant les 2 dernières décennies, les composites tissés (ou textiles) sont devenus d’un emploi courant dans les applications industrielles. Ces composites architecturés à arrangement complexe de fibres longues, apportent de nombreux avantages fonctionnels dont notamment une liberté et une facilité accrues de mise en forme. Ainsi, entre autres avantages par rapport aux composites unidirectionnels, ils enrichissent les possibilités de conception. Les composites tissés sont obtenus à partir d’un tissu (souvent qualifié de préforme tissée et généralement pré-imprégné de résine) dans lequel de la résine est injectée. Des composites tissés ont été développés pour la réalisation de fuselages et de caissons d’aile d’avion. Ces matériaux structurés sont également utilisés dans d’autres applications comme les convoyeurs à bande et les radeaux de sauvetage.

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Table des matières

INTRODUCTION
I PARTIE 1 : CONTEXTE DE L’ETUDE
1 Problématique et objectifs de la thèse
1.1 Problématique industrielle
1.2 Objectifs et démarches
1.3 Organisation du manuscrit
2 Généralités sur les matériaux composites tissés
2.1 Généralités sur les matériaux composites
2.2 Résines
2.3 Fibres
2.4 Fils, mèches, torons
2.5 Les tissus pour les composites tissés
2.5.1 Tissus bidimensionnels
2.5.2 Notions de couche et de nappe
2.5.3 Tissage interlock
2.5.4 Tissus interlock tridimensionnels
2.5.5 Tissus interlock 2,5D
2.6 Les composites tissés
2.7 Nomenclature générale sur les tissus
2.7.1 Codage matriciel
2.7.2 Modélisation des interzones. Repérage de la géométrie d’un lieu sur une interzone
2.7.3 Compléments à la nomenclature générale des tissus : codage des interzones
3 Présentation des matériaux de l’étude et choix de l’échelle de travail
3.1 Description du convoyeur
3.2 Description de la bande transporteuse
3.3 Les constituants élémentaires de la bande
3.3.1 Les fibres thermoplastiques
3.3.2 L’élastomère
3.3.3 Le PVC
3.4 Des échelles d’étude de la bande
3.4.1 Cadre général
3.4.2 L’échelle structurale
3.4.3 L’échelle macroscopique
3.4.4 L’échelle mésoscopique
3.4.5 D’autres échelles
3.5 Description des matériaux à l’échelle de travail pour une approche multiéchelle
3.5.1 Justification du choix de plusieurs échelles de travail
3.5.2 L’élastomère pour l’échelle macroscopique
3.5.3 Le PVC pour les échelles macroscopique et mésoscopique
3.5.4 Les fils de chaîne et de trame pour l’échelle mésoscopique
3.5.5 Le composite tissé étudié à l’échelle mésoscopique
II PARTIE 2 : ETUDE EXPERIMENTALE
4 Caractérisation mécanique de la bande à l’échelle macroscopique
4.1 Objectifs
4.2 Essais de traction uniaxiale sur la bande
4.2.1 Procédure expérimentale
4.2.2 Courbe de traction conventionnelle
4.2.3 Etude de la dispersion expérimentale
4.2.4 Module tangent
4.2.5 Contraction transversale de la bande / cœfficient de Poisson
4.3 Essais de traction cyclique sur la bande
4.3.1 Procédure expérimentale
4.3.2 Courbe de traction cyclique conventionnelle : boucle d’hystérésis et déformation rémanente
4.3.3 Cumul et stabilisation de la déformation rémanente
4.4 Essais de traction à rupture après cyclage de la bande
4.4.1 Procédure expérimentale
4.4.2 Courbes de traction cyclique / monotone
4.4.3 Evolution de la contrainte à rupture après cyclage
4.5 Synthèse
5 Caractérisation mécanique de la bande à l’échelle mésoscopique
5.1 Objectifs
5.2 Essais de traction uniaxiale sur les fils du renfort tissé
5.2.1 Procédure expérimentale
5.2.2 Non linéarité des courbes de traction
5.2.3 Modules de Young
5.2.4 Comparaison avec les propriétés de la bande
5.2.5 Effet de la vitesse de traction
5.2.6 Taux d’usage et taux de sécurité à l’échelle des fibres et fils
5.3 Essais de traction uniaxiale sur le PVC
5.3.1 Description de l’essai
5.3.2 Résultats et discussions
5.4 Essais de compression uniaxiale sur le revêtement
5.4.1 Description de l’essai
5.4.2 Courbes de compression uniaxiale
5.4.3 Effet de la vitesse de compression
5.5 Essais de compression œdométrique sur le revêtement
5.5.1 Description de l’essai
5.5.2 Courbe de compression conventionnelle
5.5.3 Module de compressibilité K
5.6 Synthèse
6 Observations de la microstructure du matériau composite
6.1 Objectifs / Procédure expérimentale
6.2 Matériau à l’état sain (avant mise en service)
6.2.1 Observations sur les renforts
6.2.2 Porosité initiale dans la matrice
6.2.3 Charges contenues dans la matrice
6.3 Observations du matériau à l’état endommagé
6.3.1 Dégradation de la bande à l’échelle macroscopique
6.3.2 Dégradation de la bande à l’échelle mésoscopique
6.4 Synthèse et interprétations
CONCLUSION

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