Approche sociolinguistique des entraves au séjour des étudiants étrangers à Rennes

Comment ? La question administrative

Droit des étrangers

Une personne désireuse de réaliser ses études en France, habitant ailleurs, est tenue de suivre les dispositions de droit du Code de l’entrée et séjour des étrangers et du droit d’asile. Je veux brièvement expliquer quelques-unes des notions fondamentales (Gisti, 2011). La première est la distinction entre droit d’entrée et droit de séjour. Ce premier comporte l’obligation d’être en possession d’un titre de voyage, le deuxième un titre autorisant à rester sur le territoire, il est sollicité aux services préfectoraux une fois la personne arrivée. Les deux droits sont intimement liés puisque un titre de voyage comporte également un droit au séjour (le minimum 3 mois, c’est un visa de court séjour) et que le séjour est conditionné, non seulement à une entrée avec d’un titre de voyage, mais à ce que ce titre corresponde au motif et nature du séjour pour lequel on demande le droit à séjourner. Par exemple, si un étranger envisage de rester un an en France, il devra faire une demande de visa long séjour au titre de l’activité qu’il compte mener.
Deuxièmement, chaque type d’activité entraine la soumission à des conditions spécifiques.
C’est ainsi que se constituent des catégories administratives et politiques d’étrangers. L’étudiant étranger est donc une catégorie très particulière dans la politique migratoire française, car elle suppose un statut précis avec des droits différents de ceux des autres catégories. En effet, les politiques considèrent que l’étudiant étranger n’a pas pour vocation de rester en France à la suite de ses études si ce n’est pour prolonger sa formation par une expérience professionnelle.
Cela s’est traduit dans des restrictions telles que le fait que les années passées au titre des études ne comptent pas pour une demande de carte de résident (Gisti, 2011, p 106). Le soupçon de fraude porté sur tous les étrangers dans l’état actuel de la législation (Gisti, 2013), devient pour les étudiants le soupçon d’utiliser les études comme prétexte de séjour en France : un critère dans le renouvellement du titre étudiant est la « réalité du sérieux des études », autrement dit que l’étudiant réussit à tout moment de son séjour. En cas de refus de renouvellement (nous verrons les conditions plus tard), l’étudiant n’obtient pas son titre de séjour et est enjoint de quitter le territoire français, habituellement dans le délai d’un mois. Pendant ce mois la personne est autorisée à rester en vue de préparer le voyage ; c’est également le délai pour déposer un recours administratif contre la décision de séjour et l’obligation de quitter le territoire français (O.Q.T.F.). Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois, le recours n’étant pas suspensif de la décision d’O.Q.T.F., le risque de placement en centre de rétention en vue d’une expulsion reste présent (s’il a lieu, le tribunal statue le recours en 72 heures) (Gisti, 2011, p 175).
Les risques que je viens d’exposer sont des exemples d’une politique restrictive, conséquence de successives réformes (le parcours de ces réformes va être épargné ici, une synthèse peut être trouvée dans l’introduction du Gisti, 2011). Deux conséquences de cette politique :
– À un premier niveau, c’est l’instabilité juridique du migrant qui fait règle, l’on parle alors de précarité juridique. Le but est de créer « une insécurité juridique néfaste pour l’ordre juridique mais utile pour le politique afin de gérer, comme il l’entend, la présence sur le territoire national de cet autre qu’est l’étranger dont l’extranéité se trouve doublement institutionnalisée par le droit : un droit restrictif qui vise en luimême à différencier l’étranger du national et un droit mouvant, incertain, qui vise à placer l’étranger dans une situation de plus en plus précaire » (GALLIANO, 2008).
Cette précarité conditionne et rentre dans la quotidienneté des migrants. Allant plus loin, elle peut être intériorisée tel que l’expose Le Courant (2010) lorsque le migrant se trouve dans une situation de risque d’expulsion. Le migrant intériorise la frontière extérieure de l’état, et elle devient ainsi une frontière intérieure (j’expliquerai ces notions en 4.3.1), qui le différencie du reste d’habitants. – À un deuxième degré, les représentations courantes de l’étranger influencent les politiques mais ce sont surtout les politiques qui les reprennent qui contribuent notablement à leur réification, « car le capital d’autorité qui s’attache au droit, notamment sous la forme de la loi écrite, confère une crédibilité particulière au message qu’il véhicule et permet à la réalité légale, celle qui décrit le droit, de se donner pour la réalité « naturelle », pour l’expression de la nature de choses » (LOHACK, 2013, p 49). Ces représentations sont ainsi renforcées dans les discours courants dans lesquels sont véhiculés des stéréotypes qui influencent la dynamique des groupes.

Procédure d’inscription

La procédure que je qualifie de sélection est composée par la demande d’inscription à l’université et la demande de visa postérieure. Sachant que les démarches peuvent varier en fonction de plusieurs facteurs (pays de résidence, type de formation ou établissement envisagé), je vais présenter ici quelques lignes générales de la procédure. Je me suis basée principalement sur les renseignements disponibles sur le site de l’Agence française pour la promotion de l’enseignement supérieur, l’accueil et la mobilité internationale (dépendante depuis 2010 du ministère des Affaires étrangères et de celui de l’Enseignement supérieur et de la recherche), nommée Agence Campus France.
Les personnes souhaitant s’inscrire en première ou deuxième année d’un premier cycle universitaire sont tenues de réaliser une Demande d’admission préalable (payante) : un dossier de demande d’inscription à l’université qui passe par le service culturel de l’ambassade française (dépendant donc du MAE). Il faut, dans ce dossier, effectuer un choix d’établissement (trois options sont possibles), exposer les motivations du projet, joindre les pièces académiques et d’identités traduites. Le service culturel, qui effectue un examen administratif du dossier, émet un avis avant de le transmettre aux universités choisies par le candidat, auxquelles revient d’examiner le dossier attentivement, notamment quant à l’authenticité des certificats et au projet envisagé par le candidat (Gisti, 2005, pp 10-11).
Cette demande est effectuée en ligne par les résidents des pays ayant signé une convention CEF (Centre pour études en France) qui implique une procédure (nommée CEF) mise en place par l’Agence Campus France; les résidents du reste des pays l’effectue directement auprès du Service culturel de l’ambassade ou consulat.
La démarche reste foncièrement la même. L’étudiant doit passer un test linguistique en français, sauf s’il est ressortissant d’un pays où le français est langue officielle ou un pays où les études universitaires s’effectuent en français. Ce test est fait soit par Campus France soit par le Service culturel (mais l’organisation pédagogique dépend du Centre international d’études pédagogiques). Il est composé d’une épreuve de compréhension orale et écrite (test à choix multiple) et d’une épreuve écrite à orientation académique (Gisti, 2005, p 12).
Sans demande d’admission préalable, c’est-à-dire, pour postuler à une troisième année et deuxième et troisième cycle, la distinction entre les pays à procédure CEF et pays hors CEF reste la même ; les premiers constituent un dossier en ligne dans l’espace Campus France de leur pays de résidence, les deuxièmes contactent euxmêmes les établissements. Le niveau linguistique est évalué par les établissements qui peuvent organiser des épreuves de langue ou exiger des certificats ou diplômes de langue.
Les détenteurs du baccalauréat français sont exempts de la DAP, ils doivent contacter directement les établissements de leur choix, et privilégient de directives et circulaires rappelant aux établissements du supérieur que ces étudiants doivent être prioritaires. Ils passent cependant, comme les autres, un entretien à l’ambassade.
Je n’ai trouvé que peu d’éléments sur cet entretien, organisé par l’Espace Campus France pour pays CEF, qui continue probablement à avoir une fonction de contrôle et sélection (SLAMA, 1999).
Une fois que la préinscription à l’université est acceptée, la procédure s’oriente vers l’obtention du visa long séjour pour études. Les conditions sont la preuve de la préinscription, une preuve de la suffisance des ressources (déterminées par circulaire), un logement et une couverture sociale. Le visa pour études sert de titre de séjour pour la première année passée en France. Ceci n’évite pas à l’étudiant de faire des démarches dès son arrivée, il faudra qu’il fournisse entre autres la preuve de son inscription effective à la formation arrêtée. À Rennes ces démarches se font au travers de l’Université Européenne de Bretagne qui fonctionne comme un organisme intermédiaire entre les étudiants et la préfecture.
Le renouvellement du titre de séjour étudiant, qui doit se faire tous les ans, est l’occasion pour effectuer un contrôle de « la réalité des études ». Celle-ci est entendue comme l’assiduité aux cours et aux examens, la progression raisonnable et la cohérence de tout changement d’orientation, et des justificatifs doivent être présentés.
En outre, les mêmes conditions (ressources, logement, etc.) que pour le visa sont imposées.

Réseau Université Sans Frontières

Le Réseau Université Sans Frontières, est composé de groupes dans plusieurs villes de France, et ses bénévoles-militants se mobilisent pour aider spécifiquement les étrangers étudiants, comme d’autres associations et groupes le font avec d’autres populations. Les informations suivantes proviennent de mon observation personnelle.
À Rennes, ils se réunissent une fois par semaine, moment dans lequel ils reçoivent toute personne venant les consulter. Ils orientent dans les démarches administratives et académiques, mettent les étudiants en relation avec des avocats quand la situation le demande. Ils réalisent des accompagnements aux différents guichets administratifs, spécialement à la préfecture, dans le but de rassurer ou intercéder pour l’étudiant. La communication avec les fonctionnaires administratifs est pour les étrangers, mais également pour les militants, problématique. En effet la question de « l’accueil au guichet » est une thématique récurrente de plainte (réf. : observation participante), ce qui est confirmé par des écrits en sciences humaines où l’on souligne la dimension de la suspicion chez les fonctionnaires, qui se calent ainsi sur les représentations de l’étranger informé par le droit (LÉVY-VROELAND, 2013, p 85). Également, une des stratégies employées est celle de chercher des appuis auprès du corps enseignant ou administratif de l’université, sous la forme de courriers destinés au Préfet soutenant la demande de l’étudiant. Un autre volet de leurs activités, qui constitue également une des modalités d’aide, ce sont les mobilisations étudiantes. Ces bénévoles se voient parfois impuissants face à la difficulté des tâches due au cadre juridique très restrictif et aux idéologies régnantes de négation des droits de circulation et d’installation. Ils peuvent organiser des réunions publiques, des projections et des manifestations. Ces dernières servent à soutenir publiquement les demandes des étudiants qu’ils aident.

Pourquoi ? Diffusion du français et politique migratoire

En guise de contextualisation, il s’agit ici de voir ensemble le statut du français, sa diffusion dans le monde, et les politiques concernant les étudiants étrangers en lien avec ces problématiques. Je vais tenter de répondre partiellement à la question de pourquoi des étudiants ou futurs étudiants choisissent de venir étudier en France,et pourquoi cette décision est à la fois encouragée et découragée par les pouvoirs publics français ?

Diffusion du français dans le monde

Louis-Jean Calvet (1999) nous présente un aperçu historique et un autre contemporain du statut du français. Depuis l’expansion du français (l’imposition) du français en France, les pouvoirs publics se sont efforcés de protéger la langue des influences extérieures, dans une lutte parallèle à celle des rapports de force avec d’autres pôles d’influence. Tout au long de son histoire, le français a été accompagné d’une politique chauviniste de défense de langue par décrets (et d’autres textes législatifs, bien entendu). Cette intervention glottopolitique a été accompagnée de celle qui intervient sur les fonctions de la langue et qui se soucie de ses positions internationales.
Mention doit être faite d’abord de l’expansion du français dans les colonies, étudiée en cours. Le projet colonial a été entamé au cours du XIX (1830-1880), mais la francisation effective n’est s’est passée qu’après les indépendances, l’apprentissage du français ayant été réservé à une élite minoritaire pendant la durée des colonies.
Cette francisation tardive s’est faite principalement par le moyen de politiques linguistiques éducatives, le français étant devenu langue moyen d’enseignement, en plus de langue officielle, car c’était la langue dans laquelle avaient été formées les élites, … à l’université en France. Cette francisation est donc une conséquence indirecte de la colonisation. Elle n’a pas été décidée par l’État français, mais elle réponde tout de même à des conditionnements politiques, intellectuels, et économiques forts.
Des efforts de la part de l’État français ont été réalisés depuis pour défendre la langue française à échelle internationale, c’est-a-dire, maintenir son statut (CALVET, 1999, p 266), de façon à accroître le nombre de francophones. Et cela même à des moments comme les années quatre-vingt-dix quand « il est probable que jamais au cours de son histoire le français n’a été autant parlé dans le monde qu’aujourd’hui, et ceci autant par l’accroissement naturel de la population de francophones natifs que par les retombées de l’expansion coloniale » (CALVET, 1999, p 263), et que le nombre de francophones ne cesse d’accroître. Cette tendance est toujours actuelle : il est estimé que pour 2050, le centre de la francophonie sera l’Afrique subsaharienne (aux dires de Ph. Blanchet, en cours). Mais évidemment l’accroissement du nombre de francophones n’est pas un fin en soi mais un moyen pour ne pas être dépassé par le poids de l’anglais. Le souci porte plutôt sur le moindre usage du français par rapport à l’anglais, tant en nombre de locuteurs natifs comme langue à usage véhiculaire des idées, comme le démontre le marché de la traduction (CALVET, 2002, p 137) ou l’enseignement en tant que langue étrangère, l’usage dans les organisations internationales (2002, p 192) les publications scientifiques et leurs citations, etc. Pour cela, les pouvoirs publics se sont attachés à développer des moyens conséquents pour la diffusion du français hors France, « à travers la création de différents organismes et l’attribution de crédits importants à des opérations linguistiques et pédagogiques » (CALVET, 1999, p 266). Ces efforts pour contrecarrer cette supériorité linguistique de l’anglais, sont faits à ce juste titre ou ils servent à contrecarrer d’autres domaines d’influence ? La remarque de Calvet donne un indice de réponse : on ne peut « concurrencer avec des arguments culturels une expansion dont le moteur était [est] économique » (1999, p 270).
Mon avis est que, effectivement le moteur de l’hégémonie et de la domination est sans doute économique, mais la diffusion de la langue et d’autres aspects de la culture (imagée, tout comme la langue) servent très utilement d’essence. Mais revenons aux efforts de diffusion des usages du français. Ces efforts sont intimement liés à la défense et diffusion de la culture, comprise comme vision du monde, manières de faire et biens culturels. Par la transmission de la langue est véhiculée cette vision du monde, car les discours dans une langue sont porteurs de représentations propres à une culture. N’oublions pas que « le langage ne se contente pas de « traduire » une réalité préexistante, il est le champ où cette réalité se constitue » (LADMIRAL et LAPIANSKY, 1989, p 98).
Ce lien entre action politique et expansion culturelle, à travers de ce qui est appelé « l’action culturelle française », étudiée par notre collègue Reine Bossut, est souligné par Philippe Lane, qui ajoute aussi les intérêts économiques dans ses conclusions pour un parcours historique de l’action extérieure : « ainsi, la composante culturelle et scientifique est un composante essentielle de l’action extérieure de la France, elle est également une des facettes d’un dispositif plus vaste qui intègre les sujets économiques et sociétaux » (2011, p 29). Que l’action culturelle extérieure ait une composante linguistique est démontré par le fait que, dès la fin du XIXème, la diplomatie française a fait un effort de reconnaissance de la langue française comme « langue universelle du droit et de la diplomatie » (p 23). Ces efforts d’expansion du français se poursuivent de nos jours comme l’atteste Lane lorsqu’il démontre que la promotion du français est une composante essentielle de la politique d’influence de la France dans le monde (p 97). Les liens de la politique extérieure avec le développement de l’action universitaire et technique et scientifique sont aussi démontrés par Lane, tout au long de l’histoire de l’action extérieure, faite en français, comme dans l’actualité, évidemment (et ce démontré plus en bas).

Le rôle de l’université en relation avec cette activité de diffusion

Je vais tenter de répondre à la question du début de cette section (comment des individus se trouvent-ils à vouloir venir étudier en France ?) en essayant de faire le lien entre université (enseignement et recherche) et les dimensions de diffusion de la langue et la « culture » françaises que nous venons de voir.
C’est bien parce qu’il y a ce travail de diffusion que les étudiants du monde se sentent interpellés par la France, c’est bien parce que la France joue dans le marché de la concurrence que ses universités et établissements du supérieur attirent les étudiants, c’est bien parce que parler le français s’avère être un atout (sans dire si moindre ou non en comparaison avec l’anglais…) que les étudiants s’efforcent de l’apprendre avant et pendant leur séjour. Et c’est bien parce que l’État français oeuvre activement et dans beaucoup de domaines au développement de son économie que le marché du travail français continue à attirer de professionnels, qualifiés ou non. Je ne prétends pas, loin de là, faire l’éloge des politiques de l’État français, mais démontrer l’interdépendance de tous les facteurs. Nous allons voir quelques idées à l’appui de cela.
Comment nous allons le voir, la déclarée politique d’attractivité répond à des logiques de commerce dans la mondialisation ; il s’agit d’attirer (AGULHON, XAVIER DE BRITO, 2009), mais aussi de sélectionner. Ces auteurs considèrent l’existence d’une domination politique et culturelle intériorisée par les étudiants étrangers (p 13), comme cela a été mentionné précédemment ; il est possible de la comprendre comme une preuve des conséquences de cette politique d’influence à tous les niveaux.
L’Observatoire de la Vie Étudiante a réalisé une enquête dans laquelle il tente de retracer les motivations des étudiants pour construire leur projet d’étudier en France. Entre autres choses elle révèle que, effectivement cette diffusion d’une certaine image de la culture française influence fortement les choix. L’attrait culturel reste plus démontré entre les étudiants des pays riches (spécialement asiatiques), tandis que les motivations des autres étudiants sont en lien avec la promotion professionnelle.
Nous pouvons ainsi trouver des déclarations d’étudiants recueillies pour cette enquête (par ENNAFAA, PAIVANDI, 2008, p 54) sur la « réputation du romantisme, de la cuisine française ».
Dans l’enquête de l’OVE, 81% des questionnés en moyenne déclarait que la motivation principale était la « Connaissance de la langue française ». Soit parce qu’elle est acquise (socialisation ou enseignement en partie ou totalement en français) soit parce qu’il s’agit d’un objectif d’amélioration ; que celle-là soit la motivation plus affichée (69% d’un échantillon de 1715 étudiants questionnés, p 55) est une conséquence de cette politique d’expansion. « Le développement et la diversification des étudiants étrangers en France demeurent directement corrélés à la situation de la « francophonie » dans le monde, d’où la nécessité d’une réflexion sur l’enseignement de la langue française en amont » (ENNAFAA, PAIVANDI, 2008, 57).

Gestion de l’admission des étudiants étrangers

Je vais dans cette partie me centrer sur les politiques qui affectent les étudiants étrangers, et sur comment est rendue possible et en même temps très difficile la consécution des projets d’études en France, une fois qu’on a vu comme ce choix peut être opéré par les individus. Logiquement, il s’agit d’étudiants pour lesquels il est impératif d’avoir un permis de voyage, et non pour ceux qui sont exempts de posséder ce titre.
Depuis la création et le développement des universités « l’ouverture internationale de l’université aux étudiants étrangers se présente comme une fonction “naturelle” de cette institution, recueillant l’adhésion de la communauté universitaire et des acteurs politiques. » (LATRECHE, 2001). Mais de nos jours, l’universalité de l’université n’est pas la valeur la plus mise en avant en matière de développement des établissements et d’accueil de population de hors les frontières nationales. Serge Slama, dans son travail de thèse de 1997 (publié en 1999) sur la politique à l’égard des étudiants étrangers (qui devient une non politique en tant que telle mais un pan de la politique d’immigration), affirme que « les logiques à l’oeuvre depuis 20 ans ont transformé l’université française en un simple instrument de pérennisation et de production des élites étrangères politiques économiques et intellectuelles » (p 17). Il discerne trois logiques avec leurs principes et valeurs, leurs objectifs et institutions qui la défendent et mettent en oeuvre. C’est une exposition très éclairante et très utile, et nous allons voir comme elle est toujours d’actualité. Ces trois logiques sont :
Une logique « proprement universitaire », de travail pour la connaissance mais aussi de participation de formation au travail. En cela, l’université rentre dans le marché globalisé de la formation (« les institutions d’enseignement supérieur développent des stratégies concurrentielles dont l’accueil des étudiants étrangers est un volet », (AGULHON, XAVIER DE BRITO, 2009, p 9). C’est la logique du ministère de l’Enseignement supérieur, des Universités elles-mêmes, des organismes d’accueil comme le CROUS.

Objectifs et questionnements de la recherche

Le fait social ici traité, la catégorisation d’un groupe au sein de l’université par le biais des politiques d’immigration, fondées sur la démarcation du national et de l’étranger, peut être ramené à la question sociologique des frontières, et la violence qu’elles suscitent. De ce point de vue, étudier le vécu de cette catégorie sociale (puisqu’existante telle quelle dans la société à travers les politiques) peut servir à élargir la compréhension du phénomène. Il s’agit de voir l’articulation des représentations de ces acteurs sociaux qui sont en même temps objets sociaux des politiques (car ils les subissent) et les enjeux auxquels ils font face. Dans l’approche de tout phénomène migratoire la prise en compte de l’enjeu interculturel est fortement présente. Or l’un des premier pas de la recherche est celui de questionner le cadre théorique (et la conception du social qui peut en découler) du quel on part. C’est pour cela qu’une partie de cette recherche est consacrée au questionnement sur le fondement de la différence culturelle, qui peut être posée également comme distance, comme barrières, voire frontières. J’ai donc essayé de mener une déconstruction de l’essentialisation de la différence culturelle. Il me semble qu’il s’agit une problématique existentielle et théorique : une approche de la différence est nécessaire pour comprendre et agir sur les faits sociaux ; ces approches se fondent sur des conceptions théoriques sur l’homme en société qui tentent d’apporter de réponses. Néanmoins elles peuvent poser problème, ou du moins soulever des questionnements. C’est ce que nous verrons dans la partie 4.2.
En même temps, réaliser cette déconstruction théorique ne mène pas à la disparition des inégalités, des frontières sociales. Mais quelles sont ces frontières ? Une première réponse est évidente : ce sont en partie les frontières établies par la souveraineté nationale des états-nations ; les différences établies par les lois, par les politiques, par le confinement de nations à une sphère géographique et l’attribution de nationalités. Cette réalité est certes si présente dans nos esprits de façon inconsciente qu’il résulte difficile de les dénoncer, quoique des groupes de militants le font déjà (c.f. No border), mais il me semble intéressant de le poser comme objet d’étude. Et surtout de le faire en se penchant sur comment cette différenciation, ces frontières (matérielles et immatérielles) sont-elles vécues et quelles sont leurs conséquences dans les parcours des individus et dans les sociétés entières ? Il me semble qu’il n’y ait pas beaucoup de travaux à disposition qui adoptent cette position d’étude.

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Table des matières
1 Introduction : migrations et université 
2 Venir étudier en France 
2.1 Étudiants étrangers, une population à l’oeil
2.2 Comment ? La question administrative
2.2.1 Droit des étrangers
2.2.2 Procédure d’inscription
2.2.3 Réseau Université Sans Frontières
2.3 Pourquoi ? Diffusion du français et politique migratoire
2.3.1 Diffusion du français dans le monde
2.3.2 Le rôle de l’université en relation avec cette activité de diffusion
2.3.3 Gestion de l’admission des étudiants étrangers
3 Objectifs et questionnements de la recherche
3.1 Quel vécu? Quelles conséquences?
4 Moyen des hypothèses: un cadre disciplinaire multiple 
4.1 Sociolinguistique
4.1.1 Les discours, le réel, les représentations
4.1.2 Identité et communauté culturelle et linguistique
4.1.3 Norme et idéologie linguistique
4.1.4 Les pratiques sociales dans l’espace et le discours
4.2 La différence culturelle
4.2.1 Des codes socioculturels dans la communication
4.2.2 Communication interculturelle
4.2.3 La posture de la sociologie
4.2.4 D’autres approches critiques de la différence
4.3 Nous et les autres, quelles frontières ?
4.3.1 Usages scientifiques et conceptualisations de « frontière »
4.3.2 L’étude de l’ethnicité
4.3.3 La théorie de la racialisation
4.3.4 Les effets : Discrimination
5 Construction du corpus et définition de l’enquête 
5.1 Présentation de principes généraux
5.2 La méthode de recueil de donnés
5.2.1 Les principes des l’entretien semi-directif
5.2.2 Approche psychosociolinguistique
5.2.3 Des biais
5.3 Méthode de transcription
5.4 Méthodes d’analyse
6 Déroulement de l’enquête 
6.1 Contact
6.2 Présentation de la trame du premier entretien
6.3 Déroulement des entretiens et présentation des informateurs-acteurs
4 Approche sociolinguistique des entraves au séjour des étudiants étrangers à Rennes
6.4 Deuxième entretien
6.4.1 Grille pour le deuxième entretien avec N
6.4.2 Deuxième entretien envisagé avec T. par écrit
7 Analyse du corpus 
7.1 Détermination de la matrice discursive
7.2 Analyse de marques formelles
7.2.1 Entretien A
7.2.2 Entretien D
7.2.3 Entretien B
7.2.4 Entretien C
7.3 Analyse à entrée lexicale
8 Synthèse thématique de l’analyse 
8.1 Synthèse des parcours et démarches des 3 informateurs
8.2 Vécu des entraves au séjour
8.2.1 Sélection
8.2.2 Asymétrie des échanges avec l’Administration
8.2.3 Problème administratif
8.2.4 Aide reçue
8.2.5 Image de soi
8.3 Perception de la société française
8.3.1 Image de prestige de l’université française et du pays
8.3.2 Une spatialisation hiérarchisée
8.3.3 Identité et identification
8.3.4 Une posture d’analyse
8.3.5 Discrimination : vécu et énonciation
8.3.6 Culture et intégration, la matrice discursive de la migration
8.4 Différenciation par et dans le langage
8.4.1 Perception d’une idéologie linguistique du standard
8.4.2 Posture glottonomique
9 Conclusion 
10 Bibliographie
10.1 Sites web pertinents
11 Annexes 
11.1 Code de transcription
11.2 Transcription entretien A : N***
11.3 Transcription entretien B : T***
11.4 Transcription entretien C : H***
11.5 Transcription entretien D : N***
11.6 Transformations ADEL
11.6.1 Culture
11.6.2 Intégr-

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