Approche de la PT au sein du Laboratoire de Psychologie Sociale

Les origines du questionnement

La construction de l’objet de recherche ayant donné lieu à la réalisation de cette thèse nécessite un bref retour biographique sur le parcours de son auteur. Ainsi, suite à un cursus de licence général en psychologie réalisé à Poitiers, j’ai intégré le master de psychologie sociale de la santé d’Aix-Marseille Université. A posteriori, cette expérience me semble constituer une étape qui a profondément modelé ma façon d’envisager la recherche en psychologie sociale et les travaux que j’ai pu mener par la suite. En effet, cette formation en psychologie sociale proposait ce que je considère comme une forme de psychologie critique de la santé (Santiago Delefosse & Chamberlain, 2008) questionnant les normes, valeurs et idéaux si prégnants dans ce domaine. Cette approche psychosociale de la santé a suscité mon plus vif intérêt en raison de sa capacité à déployer une analyse critique des fonctionnements à l’œuvre au sein d’un espace social donné.

Considérations épistémologiques 

Avant de présenter de façon plus concrète notre problématique de recherche, il nous semblait important d’amener quelques éléments de cadrage historique et épistémologique pour situer l’approche de la PT que nous avons menée. Sans ces détours et précisions, certaines opérations de recherche présentées dans cette thèse pourraient être jugées comme désarticulées et incohérentes. Nous avons en effet mobilisé dans ce travail des cadres théoriques et des méthodologies assez éclectiques. Ces différents choix ne révèlent leur cohérence qu’à partir d’une compréhension de la démarche d’ensemble qui fut la nôtre, en situant ce travail dans son cadre épistémologique.

Approche de la PT au sein du Laboratoire de Psychologie Sociale

D’un point de vue chronologique, notre travail de thèse s’inscrit et poursuit une approche de la PT initiée au sein du LPS depuis 2003 sous l’impulsion du Professeur Apostolidis. Rapidement, ces travaux ont amené à la validation en français d’une échelle de PT (Apostolidis & Fieulaine, 2004) et le développement d’investigations du rapport au temps dans le champ de la santé (Apostolidis, Fieulaine, Simonin & Rolland, 2006 ; Apostolidis, Fieulaine & Soulé, 2006 ; Fieulaine, Apostolidis & Olivetto, 2006 ; Préau, Apostolidis, François, Raffi & Spire, 2007). D’autre part, Apostolidis (2006) propose sa propre analyse de la littérature internationale concernant la conceptualisation et l’utilisation de la PT. Nous nous permettons ici de relater ces constats « critiques » (pour de plus amples détails, consulter son HDR, Apostolidis, 2006) puisqu’ils vont alimenter la construction de notre propre problématique de recherche. Bien que le champ de recherche de la PT n’ait pas été encore présenté dans ce travail, dans un premier temps, ce qui nous intéresse ici c’est avant tout la direction des critiques formulées vis-à-vis de la recherche sur la PT plutôt qu’une compréhension précise des débats d’experts en ce domaine. D’une part, il est constaté qu’ « alors que le principe de la dimension sociale en jeu dans la formation de la PT est largement accepté, cette question est peu prise en compte dans les différentes recherches » (ibid., p.76). Cette critique fait notamment allusion aux citations abondantes dans cette littérature du psychologue social Kurt Lewin pour sa conceptualisation princeps de la PT (Lewin, 1942, 1951) sans pour autant que les façons d’aborder ce concept puissent être considérées comme fidèles à son approche du temps psychologique. D’autre part, il est remarqué la prédominance «d’approches « personnalistes » individualisantes […] examinant le rôle de la PT de façon mécanique et différentialiste sans problématiser les questions liées aux situations, et plus globalement au contexte social » (Apostolidis, 2006, p.76). Cette deuxième critique précise les modalités d’étude de la PT actuelle dans ce champ de recherche et met en relief les problèmes que cela soulève pour la psychologie sociale. On relèvera plus particulièrement les conséquences de telles approches qui, en s’intéressant relativement peu aux dimensions sociales de ce construit, utilisent ce construit de façon « personnaliste », c’est-à-dire en tant que simple variable de personnalité utilisée généralement afin de mettre en exergue des différences inter individuelles.

Le projet scientifique mené par le Professeur Apostolidis vise en guise d’alternative à « poser les bases d’une problématisation de la PT en tant que construit psychosocial fondamental, régulé et agissant » (ibid., p.78). Dans ce but, celui-ci propose de multiplier les directions de recherche pour mieux cerner la complexité des questions que pose l’analyse psychosociale de la temporalité. Un premier champ d’investigation a notamment été exploré à travers l’hypothèse de la double contextualisation de la PT, mettant en avant le rôle contextualisé et contextualisant de ce construit psychologique, dans le champ de la santé (Fieulaine, 2006) et de l’environnement (Demarque, 2011). Ces études ont ainsi permis de prendre en considération certaines dimensions sociales de la PT et in fine de participer à un retour vers la conceptualisation psychosociale lewinienne de ce construit.

Approches critiques en psychologie

On retrouve dans cette analyse déployée par le Professeur Apostolidis au sujet de la PT, les caractéristiques d’approches dites « critiques » en psychologie. La présence des guillemets autour de cette expression marque la présence de débats autour du statut qu’il faudrait reconnaître à ces approches : appellation en tant que « psychologies critiques », « psychologies d’opposition », « psychologies alternatives » (Tiberghien & Beauvois, 2008), ou encore « posture critique en psychologie ». Ces approches ne constituent aucunement un champ unifié (Fox, Sloan & Austin, 2008) sur le plan épistémologique, théorique ou méthodologique. Le problème n’est donc pas de trouver une appellation consensuelle qui restreint l’organisation de ces approches mais bien des enjeux plus profonds concernant la définition même de ces approches. Sans renier l’importance de tels débats, nous nous restreindrons à définir ce qui nous semble être le courant critique en psychologie duquel les analyses développées par le Professeur Apostolidis nous semblent les plus proches. Selon Santiago-Delefosse et Chamberlain (2008), plus qu’une sous-discipline, « il s’agit d’une posture qui questionne la manière de « faire » la science psychologique, qui se distancie des objets du courant dominant et qui interroge l’adéquation des méthodes» (p. 204). Cette définition, jugée trop restrictive par ses propres auteurs, est complétée par un volet concernant la posture critique de ces approches vis-à-vis de la domination d’une psychologie individualiste prônant un modèle néolibéral de l’homme au sein des sciences psychologiques. On retrouve ici les principaux éléments de la critique concernant la façon d’appréhender le concept de PT dans le domaine du temps psychologique.

Approches critiques en psychologie sociale

En s’intéressant plus spécifiquement à la psychologie sociale, ces mêmes débats traversent (ou peut-être même se cristallisent dans) cette discipline. Communément considérée comme discipline à l’intersection de la psychologie et de la sociologie, la psychologie sociale est actuellement tiraillée entre deux perspectives de recherche : une psychologie sociale psychologique et une psychologie sociale sociologique (Richardot, 2006). La première constitue le courant dominant de la psychologie sociale moderne, originaire et principalement exercée aux Etats-Unis. Elle focalise son cadre d’analyse sur les processus psychologiques, dans des paradigmes expérimentaux individualistes et/ou cognitifs et, alors que ses liens avec la sociologie s’amoindrissent, elle en tisse de nombreux avec les neurosciences et la biologie (Oishi, Kesebir & Snyder, 2009). La seconde orientation fut développée principalement en Europe afin de proposer une autre façon d’envisager cette discipline, notamment sous l’impulsion d’Henri Tajfel et de Serge Moscovici. Cette opposition se révèle dans les analyses de Tajfel et Israel (1972) qui critiquent de façon virulente une psychologie sociale qui se restreindrait à expliquer les phénomènes sociaux en termes de motivations et de besoins individuels comme étant une psychologie sociale non-sociale et a-théorique. Selon Doise (2011), une psychologie sociale qui se focalise sur les processus intra-individuels se contente d’être simplement descriptive. C’est par un travail d’articulation des différents niveaux d’explication (intra-individuel, inter-individuel, positionnel et idéologique) que s’envisage la recherche en psychologie sociale. Cette psychologie sociale considère donc le terme social dans une acceptation très étendue et met l’accent sur l’ancrage historique et épistémologique de la discipline, notamment en restaurant ses liens avec la sociologie (Oishi et al., 2009). Elle propose de redécouvrir des auteurs classiques (Mead, Sherif, Lewin, Asch, etc.) pour revenir aux conceptualisations princeps, celles-ci étant fortement marquées par cette analyse multiniveaux des phénomènes. Au-delà d’un retour sur elle-même, Moscovici envisage la psychologie sociale comme une discipline devant être le pont vers d’autres domaines de savoir des sciences sociales (Moscovici, 1989, p.409) nécessitant de maintenir et de réinventer des liens avec les autres sciences sociales (Doise, 2011). Cette approche de la psychologie sociale amène certains à l’envisager comme une psychologie sociétale (Staerklé, 2011) qui, par un travail d’articulation des niveaux d’analyse, s’intéresse aux déterminants normatifs des activités et pensées humaines et cherche à analyser les processus psychologiques par un travail de contextualisation (sociale, institutionnelle et historique). Toutefois, pour d’autres, cette psychologie sociétale ne forme pas une discipline en soi, mais plutôt un champ transdisciplinaire qui explore les interconnections entre les processus psychologiques et les contextes sociaux dans un but de promotion du changement social et sociétal (Howarth et al., 2013). Nous nous contenterons ici de considérer cette approche comme une forme d’alternative intéressante concernant la façon de mener des projets de recherche en psychologie sociale dans une perspective plus sociétale.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. Les origines du questionnement
2. Considérations épistémologiques
2.1 Approche de la PT au sein du Laboratoire de Psychologie Sociale
2.2 Approches critiques en psychologie
2.3 Approches critiques en psychologie sociale
2.4 Ancrage épistémologique du présent travail
2.5 L’apport de l’approche sociocognitive des normes sociales
2.6 L’apport de l’approche des représentations sociales
3. Objectifs et plan du travail
PARTIE I. CONSIDERATIONS THEORIQUES
CHAPITRE 1 – TEMPS, INDIVIDU ET SOCIETE : CONTEXTUALISER LE RAPPORT AU TEMPS
1. Le paradoxe du temps
2. La sociologie et la dimension collective du temps
3. Eléments d’analyse du rapport aux temps modernes
3.1. Approche socio-historique des temps modernes
3.2. Weber et l’esprit du capitalisme
3.3. L’apport de Foucault : le temps comme lieu d’exercice du pouvoir
4. Synthèse et perspectives d’étude du rapport au temps
CHAPITRE 2 – LE CONCEPT DE PERSPECTIVE TEMPORELLE : UNE APPROCHE PSYCHOSOCIALE DU RAPPORT AU TEMPS
1. Analyser l’expérience du temps psychologique : le concept de Perspective Temporelle
1.1 Les prémisses d’une conceptualisation de la Perspective Temporelle
1.2 Théorie du champ et Perspective Temporelle : la conceptualisation de Lewin
2. Développements actuels autour du concept de PT
2.1 Approche descriptive du domaine de recherche de la PT
2.1.1 La Perspective Temporelle : un domaine de recherche en pleine expansion
2.1.2 Lorsque l’échelle réveille le concept: impact de la ZTPI
2.1.3 L’expansion des recherches sur la PT : un focus sur la dimension Futur
2.2 Approche analytique du domaine de recherche sur la PT
2.2.1 A la recherche du temps perdu
2.2.2 Organiser la recherche autour de la PT : à la recherche de l’outil de mesure
2.2.3 Un outil psychométrique au cœur des recherches sur la PT : l’échelle ZTPI
2.2.4 Obtenir des résultats probants : l’attention portée à la dimension Futur
3. Développer une approche psychosociale critique de la Perspective Temporelle Future
3.1. La Perspective Temporelle Future : comment étudier ce construit ?
3.2 La Perspective Temporelle Future : une sensibilité normative ?
4. Développer une approche sociocognitive de la Perspective Temporelle Future
PARTIE II. CONTRIBUTIONS EMPIRIQUES : DEVELOPPEMENT DE PERSPECTIVES SOCIOCOGNITIVES D’ETUDE DE LA PERSPECTIVE TEMPORELLE FUTURE
CHAPITRE 3 – LA PERSPECTIVE TEMPORELLE FUTURE : UNE NORME SOCIALE ?
1. L’approche sociocognitive des normes sociales : aspects théoriques
1.1 Le concept de norme sociale
1.2 Valeurs sociales et jugement social
1.3 Valeurs sociales et normes sociales
1.4 Paradigmes méthodologiques de l’approche sociocognitive
1.4.1 Le paradigme d’auto-présentation
1.4.2 Le paradigme des juges
1.5 Vue d’ensemble des dispositifs expérimentaux
2. Recherche 1 : Analyse du caractère normatif de la PTF
2.1 Etude 1 : Paradigme d’auto-présentation
2.1.1 Méthode
2.1.2 Résultats
2.1.3 Discussion
2.2 Etude 2 : Paradigme des juges
2.2.1 Méthode
2.2.2 Résultats
2.2.3 Discussion
2.3 Discussion générale de la recherche 1
3. Recherche 2 : Réplication et extension des études normatives sur la PTF
3.1. Etude 3 : Paradigme d’auto-présentation
3.1.1 Méthode
3.1.2 Résultats
3.1.3 Discussion
3.2. Etude 4 : Paradigme des juges
3.2.1 Méthode
3.2.2 Résultats
3.2.3 Discussion
3.3 Discussion générale de la recherche 2
4. Discussion générale
4.1 Discuter la mesure de la PTF
4.2 La PTF en tant que norme sociale ?
CHAPITRE 4 – APPROCHE CONTEXTUELLE DU ROLE NORMATIF DE LA PTF SUR LES JUGEMENTS
1. Recherche 3 : Rôle normatif de la PTF en contextes sanitaires
1.1 Etude 5 : Aspects normatifs de la PTF et jugements de santé
1.1.1 Méthode
1.1.2 Résultats
1.1.3 Discussion
1.2 Etude 6 : Jugements socio-normatifs associés à la PTF dans une situation d’IVG
1.2.1 Méthode
1.2.2 Résultats
1.2.3 Discussion
1.3 Etude 7 : Jugements socio-normatifs associés à la PTF dans une situation de viol collectif
1.3.1 Méthode
1.3.2 Résultats
1.3.3 Discussion
2. Recherche 4 : Rôle normatif de la PTF en contexte intergroupe
2.1 Etude 8 : Jugements socio-normatifs associés à la PTF dans une situation de relation intergroupe
2.1.1 Méthode
2.1.2 Résultats
2.1.3 Discussion
3. Discussion générale des recherches 3 et 4
CHAPITRE 5 – EXPLORER LES DIMENSIONS DU TEMPS PSYCHOLOGIQUE FUTUR : ETUDE SOCIO-REPRESENTATIONNELLE DE L’EXPERIENCE DU TEMPS FUTUR
1. Considérations théoriques et méthodologiques pour une approche socio-représentationnelle de la PTF
2. Recherche 5 : Explorer l’expérience du temps futur à partir d’une approche socioreprésentation
2.1 Etude 9 : Approche socio-représentationnelle de l’expérience du temps futur
2.1.1 Méthode
2.1.2. Résultats
2.1.3. Discussion
3. Questionnements méthodologiques concernant les échelles de PTF
4. Apports à l’approche sociocognitive de la PTF
DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION

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