Apports du LiDAR à l’étude de la végétation des marais salés de la baie du Mont-Saint-Michel

Cette thèse s’appuie sur les méthodes de télédétection et des observations de terrain pour répondre à deux questions : (1) Comment s’organise spatialement la végétation des marais salés de la Baie du Mont-SaintMichel ? (2) Comment améliorer les techniques de cartographie de la végétation des marais salés ? Plus précisément, nous chercherons à répondre aux questions suivantes : Quels sont les facteurs écologiques déterminant la présence des espèces végétales des marais salés? Peut-on définir des associations végétales composées d’espèces vivant ensemble sur les marais salés ? Les espèces végétales constituent-elle de bons indicateurs du milieu en termes d’altitude et de géomorphologie ? Comment évolue temporellement la végétation des marais salés ? Comment les connaissances écologiques peuvent nous permettre d’améliorer les techniques de cartographie de la végétation ? Est-il possible de passer d’une carte de l’altitude à une carte de la végétation, et inversement ?

Histoire et paysages de la Baie du Mont-Saint-Michel 

Située dans l’angle formé par les côtes de Bretagne et de Normandie (Figure 1), la Baie du Mont-Saint-Michel peut s’aborder par le Nord-Est, en longeant les côtes sableuses de Normandie, et en s’arrêtant sur les hautes falaises de Champeaux qui offrent une vue magnifique sur l’estran (Figure 2). Elle se découvre également par l’Ouest, depuis les côtes rocheuses de la Bretagne, en traversant les marais noirs et marais blancs de Dol. On se perd alors à travers les polders (Figure 3), ces terres agricoles de cultures maraichères protégées de la marée par la construction de digues, et drainées par des canaux qui débouchent dans la Baie. Le tracé de route compliqué y reflète l’histoire de l’avancée progressive de l’homme sur la mer depuis le moyen âge. Enfin, on traverse la digue-route qui relie le Mont-Saint-Michel à la côte (Figure 4), en longeant l’embouchure du Couesnon, l’un des trois fleuves côtiers, avec la Sée et la Sélune, qui débouchent sur la Baie. Chaque année, plus de trois millions de touristes font ce voyage pour découvrir le deuxième site le plus visité de France et inscrit, entre autres nombreux titres de reconnaissances et de protection (Annexe), au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco, à la fois pour ses qualités écologiques et culturelles.

Du haut de l’abbaye, juchée sur un pointement granitique, on peut admirer la Baie du Mont-Saint-Michel et ses 250 km2 d’estran découverts chaque jour par l’une des plus grandes marées du monde (Figure 5). Ces vastes étendues de sable nu sont entourées de marais salés, dont la largeur peut atteindre 2 km, où pousse une végétation dite halophile car résistante à de forts taux de salinité (Figure 6).

Cet écosystème exceptionnel est concerné par de nombreux programmes de protection (RAMSAR, Natura 2000, Directive « Oiseau », « Habitat Faune Flore », cf Annexe) et abrite une faune très diversifiée, certaines espèces étant l’objet de suivis scientifiques et/ou de mesures de protection, tandis que d’autres, élevées ou péchées, participent à l’économie de la région.

Plus de 130 espèces d’oiseaux sont visibles sur la Baie, qui correspond à une importante zone de reproduction, d’hivernage, et une étape migratoire pour de nombreux limicoles, anatidés, ou passereaux. Certaines espèces d’anatidés sont chassées depuis les gabions, abris à demi enterrés construits par les chasseurs sur les marais salés face à des mares artificielles attirant les oiseaux. Plusieurs mammifères marins sont également recensés : le Grand Dauphin (Tursiops truncatus), le Marsouin (Phocoena phocoena), le Phoque gris (Halichoerus grypus), et le Phoque veau marin (Phoca vitulina). L’estran sableux, d’apparence désertique, est en fait le refuge de nombreuses espèces d’invertébrés, telles que certains vers polychètes comme les arénicoles des pêcheurs (Arenicola marina) et les néréis (Nereis sp.). D’autres espèces, comme les crabes, les bigorneaux, ou les anémones, colonisent l’estran rocheux ou les bancs d’Hermelles, ces récifs formés de tubes de sable aggloméré par des vers coloniaux tubicoles (Sabellaria alveolata), pouvant atteindre 70 cm de haut et couvrir plusieurs hectares. La faune pêchée et élevée de la Baie du Mont-Saint-Michel, très appréciée, constitue un autre attrait qui contribue à l’économie de la région. En premier lieu, la pêche à pied est une activité pratiquée par les habitants de la Baie depuis toujours pour se nourrir et vivre de leur vente. Elle est devenue une activité de loisir, et l’on peut voir de nombreux pêcheurs à pied parcourir l’estran lors des grandes marées, à la recherche de mollusques bivalves comme les coques (Cerastoderma edule) ou les palourdes (Ruditapes decussatus), qui vivent enfoncées dans le sable et la vase. Les crevettes grises (Crangon crangon) et les bouquets (Palaemon sp.) pêchés à la bichette (en Normandie) ou dranet (en Bretagne) font également le bonheur des pêcheurs à pied. De plus, des parcs à huîtres permettent une production importante d’huîtres creuses (Crassostrea gigas) et d’huîtres plates (Ostrea edulis). L’élevage de moules de bouchot (Mytilus edulis) dans la Baie apparaît dans les années 50 et représente maintenant le quart des moules de bouchot françaises, ce produit bénéficiant d’une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) depuis 2006. Par ailleurs, de nombreuses espèces de poisson sont recensées, la Baie étant reconnue comme l’une des plus importantes nurseries de la Manche et de la Mer du Nord pour la sole commune (Solea solea) et la plie (Pleuronectes platessa). Elle constitue également une zone de passage pour les poissons migrateurs tels que le saumon (Salmo salar). Ce sont les marais salés qui fournissent la nourriture aux poissons, ceux-ci remontant les chenaux à marées hautes pour se nourrir en particulier d’un petit crustacé amphipode (Orchestia sp.) que l’on retrouve sous une plante très commune des marais, l’Obione (Halimione portulacoides), car il participe à sa décomposition. La pêche dans la Baie du Mont Saint-Michel est une activité très ancienne, puisqu’on retrouve du côté de Saint Jean-le-Thomas des pêcheries datant 2000 ans avant JC (L’HOMER A., 1995). Ces pêcheries sont de vastes structures en bois ou en pierre, en forme de V dont la pointe est dirigée vers le large, permettant de piéger le poisson à marée descendante. Ce type de pêche est toujours utilisé, notamment à l’Ouest de la Baie. Enfin, le pâturage ovin, bovin, et équin est une des activités anthropiques importantes dans la Baie (Figure 7). La présence de moutons sur les marais salés remonte au moins au Moyen Age. Le pâturage de plantes halophiles, telles que la Puccinellie (Puccinellia maritima), donnerait aux moutons une saveur particulière, ce qui permet aux agneaux dits « de prés salés » de bénéficier également d’une AOC depuis 2006.

Observation de la nature, pêche, chasse, élevage…La Baie est le siège de nombreuses activités anthropiques (Figure 8). Ces activités, importantes économiquement, ne sont pas sans conséquences sur la dynamique de la Baie, et plusieurs programmes d’étude des activités anthropiques sur la baie et de leur gestion sont en cours (Opération Grand Site, Programme National sur l’Environnement Côtier).

A cause de la morphologie de la Baie, le flot (courant à marée montante) est plus puissant que le jusant (courant à marée descendante). Une partie des sédiments apportés par le courant entrant sont donc piégés dans la Baie et s’accumulent, en particulier près des côtes (Figure 9). La Baie du Mont-Saint-Michel souffre ainsi d’un fort ensablement, processus naturel accéléré par de nombreux aménagements (digues, canalisation des rivières…). Ainsi autour du Mont-Saint-Michel, les fonds se seraient surélevés de trois mètres depuis 50 ans (Bonnot-Courtois et al., 2002). Ce phénomène s’accompagne d’une avancée des herbus et menace l’insularité du Mont-Saint-Michel. Ce problème est actuellement au cœur de grands travaux, en particulier le projet de « Rétablissement du caractère maritime du Mont-SaintMichel».

L’organisation spatiale de la végétation des marais salés de la Baie du MontSaint-Michel 

Présentation générale des marais salés

L’estran, aussi appelé zone intertidale, est l’espace défini entre les plus hautes et les plus basses marées. C’est un écotone, c’est-à-dire une zone de transition entre deux écosystèmes plus ou moins homogènes, à savoir l’écosystème marin et l’écosystème terrestre. Couvert et découvert chaque jour par la marée, c’est un milieu extrême subissant de fortes variations de condition physico-chimique, et abritant un écosystème spécifique. La partie haute de l’estran couverte de végétaux supérieurs s’appelle un marais salé. Les marais salés se forment sur le haut estran des zones littorales où les mouvements de l’eau sont assez modérés pour permettre l’accumulation des sédiments et la croissance de la végétation. Ils constituent l’un des écosystèmes les plus productifs au monde, avec une production pouvant atteindre 30 tonnes de matière sèche par an par hectare (Lefeuvre et al., 2003). La biodiversité floristique y est pauvre mais constituée de plantes spécifiques à ce milieu. Les marais salés rendent de nombreux services à l’humanité (Costanza et al., 1997), tels que la protection des côtes contre l’érosion, le filtrage des sédiments et des nutriments de la colonne d’eau, et l’alimentation des poissons, les marais salés constituants des nourriceries pour de nombreuses espèces (Bertness et al., 2001). La végétation des marais salés de la Baie du Mont-Saint-Michel apparaît au premier abord comme peu remarquable : elle constitue un tapis plus ou moins continu et dense, d’une couleur assez terne allant du vert au brun, composé en majorité de plantes souvent charnues ou poilues, portant des fleurs peu développées, et n’atteignant généralement que 20 à 30 cm de hauteur (Figure 10).

Au fil des saisons, les couleurs de la baie se dévoilent : le blanc violacé des fleurs d’Aster (Aster tripolium) au printemps, le rouge de la Salicorne (Salicornia sp.) à la fin de l’été, le vert tendre de l’Arroche couchée (Atriplex prostata) contrastant avec le vert argenté de l’Obione (Halimione portulacoides) en automne (Figure 11)…

Il suffit de prendre le temps de la parcourir pour voir que la Baie, dont la végétation semblait d’abord homogène, présente des paysages tout à fait différents. A l’Ouest, on trouve des marais salés peu étendus, souvent bordés de cordons coquilliers où fleurit le Pavot cornu (Glaucium flavum) (Figure 12). Le centre de la Baie présente de grandes étendues monospécifiques à Chiendent du littoral (Elytrigia atherica) et Obione (Halimione portulacoides) (Figure 13). Enfin, dans la partie Est de la Baie, au bord des estuaires de la Sée, de la Sélune, et du Couesnon, où se concentre la majorité des troupeaux, les prés salés se présentent sous la forme d’un gazon de Puccinellie (Puccinellia maritima) (Figure 14).

Par ailleurs, lorsque l’on traverse un marais salé depuis la côte vers le large, on peut voir la végétation changer d’aspect : de dense et haute, elle devient clairsemée et sa taille se réduit progressivement. On remarque facilement que différentes espèces végétales se succèdent au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la côte. Une organisation de la végétation apparaît plus ou moins clairement selon les secteurs de la Baie. En effet, les marais salés sont communément divisés en deux sous-ensembles, le schorre et la slikke, définis par rapport aux niveaux marégraphiques (Figure 15), le schorre étant recouvert par la mer seulement quelques fois par mois, lors des marées de vives-eaux, tandis que la slikke l’est quotidiennement à marée haute. Sur le terrain, le schorre se reconnaît par la couverture continue de sa végétation, tandis que haute slikke est caractérisée par une végétation pionnière se développant en touffes éparses .

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Table des matières

1. Introduction
2. Contexte général
2.1. Histoire et paysages de la Baie du Mont-Saint-Michel
2.2. L’organisation spatiale de la végétation des marais salés de la Baie du Mont-SaintMichel
2.2.1. Présentation générale des marais salés
2.2.2. Les facteurs écologiques influençant la présence des espèces végétales des marais salés de la Baie du Mont-Saint-Michel
2.2.2.1. Les facteurs écologiques
2.2.2.2. Le climat
2.2.2.3. Les marées
2.2.2.4. Le contexte sédimentaire et géomorphologique
2.2.2.5. Les cours d’eau
2.2.2.6. Les facteurs biotiques
2.2.2.7. Les facteurs anthropiques
2.2.2.8. Synthèse
2.3. La télédétection et ses applications à l’étude des marais salés
2.3.1. Bases de la télédétection
2.3.2. Le LiDAR
2.3.2.1. Le Lidar, les LiDAR
2.3.2.2. Le principe du LiDAR
2.3.2.3. L’instrument LiDAR
2.3.2.4. Les données LiDAR
2.3.2.5. Les échos multiples et les différents types de LiDAR
2.3.2.6. L’acquisition de données LiDAR
2.3.3. Applications de la télédétection à l’étude des marais salés
3. Présentation des données et des méthodes
3.1. Les données brutes
3.1.1. Les données de végétation
3.1.1.1. Les transects
3.1.1.2. La carte de la végétation
3.1.2. Les données de télédétection
3.1.2.1. Les données optiques : l’orthophotographie
3.1.2.2. Les données altimétriques par LIDAR
3.1.3. Les autres données : topographie, sédiment et pâturage
3.1.3.1. Les données topographiques
3.1.3.2. Sédiments
3.1.3.3. Pâturage
3.2. Préparation des données et données dérivées
3.2.1. Contrôle qualité et correction de données LIDAR
3.2.1.1. Principes du biais des données LIDAR dû à la présence de végétation
3.2.1.2. Structure de la végétation sur la zone du contrôle qualité du LiDAR
3.2.1.3. Méthodes du contrôle qualité des données LIDAR
3.2.1.4. Résultats du contrôle qualité des données LiDAR
3.2.1.5. Discussion
3.2.2. Les données de géomorphologie
3.2.3. Le tableau des transects de végétation
3.3. Présentation des méthodes utilisées
3.3.1. Méthode générale
3.3.2. L’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC)
3.3.3. L’analyse fréquentielle
4. Traitements et résultats
4.1. Etude de trois secteurs représentatifs de différents contextes
4.1.1. Le Vivier-sur-Mer : un marais salés « simple »
4.1.1.1. Présentation du secteur
4.1.1.2. Analyse descriptive de l’organisation spatiale de la végétation
4.1.1.3. Résultats de l’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC)
4.1.1.4. Résultats de l’analyse fréquentielle
4.1.1.5. Synthèse sur l’analyse des transects de l’Ouest du Vivier-sur-Mer
4.1.2. Chemin Dolais : un marais salé sous l’influence de cordon coquillier
4.1.2.1. Présentation du secteur
4.1.2.2. Analyse descriptive de l’organisation spatiale de la végétation
4.1.2.3. Résultats de l’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC)
4.1.2.4. Résultats de l’analyse fréquentielle
4.1.2.5. Synthèse du transect de Chemin Dolais
4.1.3. Vains : effet du pâturage et des sédiments
4.1.3.1. Présentation du secteur et des données
4.1.3.2. Analyse descriptive de l’organisation spatiale de la végétation
4.1.3.3. Résultats de l’Analyse Factorielle des Correspondances (AFC)
4.1.3.4. Résultats de l’analyse fréquentielle
4.1.3.5. Synthèse des transects de Vains
4.1.4. Comparaison des trois situations : Vivier, Chemin Dolais, et Vains
4.2. Organisation de la végétation à l’échelle de la Baie du Mont-Saint-Michel
4.2.1. Observation de l’organisation de la végétation des marais salés
4.2.2. Influence de l’altitude sur l’organisation de la végétation
4.2.2.1. Résultats de l’analyse fréquentielle
4.2.2.2. Etude de la relation entre l’altitude et la coordonnée géographique X
4.2.3. Influence de la pente du terrain et de la géomorphologie
4.2.4. Influence du contexte sédimentaire
4.2.5. Influence de l’utilisation agricole
4.2.6. Etude de la réflectance dans le Rouge, le Vert, et le Bleu
4.2.7. Identification des associations végétales de la Baie du Mont-Saint-Michel
5. Discussion
6. Conclusion

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