Apport de la modélisation ontologique pour le partage des connaissances en psychiatrie

Le mot ontologie est emprunté au mot latin scientifique « ontologia »  . En philosophie, ce mot sert à désigner une branche fondamentale de la métaphysique, qui est selon Aristote « la science de l’être en tant qu’être ». L’ontologie s’occupe de ce qui existe, des propriétés générales de l’être. L’informatique a repris ce terme par analogie, pour nommer les artefacts qui permettent une représentation formelle de la connaissance, de ce qui existe dans le monde. Selon la définition consensuelle de Gruber[1995], une ontologie informatique est une formalisation d’une conceptualisation partagée. C’est un artefact qui permet la recherche sémantique, les raisonnements formels, ou encore l’intégration de données en vue d’une interopérabilité et d’une interprétation de ces données par un ordinateur.

Depuis une dizaine d’années, les méthodes de construction d’ontologies se sont fortement développées au travers du traitement automatique du langage (TAL) et de l’intérêt croissant pour les corpus de données volumineux. De nombreuses méthodes de construction semi-automatiques ont vu le jour telles que, ONTOLEARN [Velardi et al., 2013], ARCHONTE [Bachimont et al., 2002, Charlet et al., 2006] ou TERMINAE [Aussenac-Gilles et al., 2008]. Le développement de ces méthodes de construction d’ontologies, fondées sur l’extraction de termes spécialisés au sein de corpus a engendré un effacement progressif des acteurs du domaine et placé l’ontologue au centre du processus. Cependant, ces acteurs du domaine demeurent les détenteurs de la connaissance encyclopédique et pratique qui peut faire défaut à l’ontologue. On observe également que ces méthodes automatiques ont permis de développer des ontologies de taille plus importante, entraînant du même coup une plus grande difficulté à assurer une modélisation adéquate au domaine et aux formalismes ontologiques. La validation d’ontologies est par conséquent devenue une problématique à part entière de l’ingénierie des connaissances (IC). Dans un ouvrage dédié à cette problématique, Vrandeˇci´c [2009] a relevé trois scénarios qui justifient la validation et que nous résumons comme tels : (1) une ontologie adéquate permettra une meilleure réutilisation des données ; (2) les ontologues ont besoin de méthodes pour évaluer et valider leurs modèles, afin de les encourager à partager leurs résultats avec la communauté et leur permettre de réutiliser avec confiance le travail des autres à leurs propres fins ; (3) les méthodes de validation d’ontologies permettent de vérifier automatiquement si les contraintes et les exigences sont remplies et de révéler ainsi les problèmes de plausibilité. Cela diminue les coûts d’entretien des ontologies. On note également dans la littérature, que la validation se définit sous deux aspects complémentaires : (1) la validation structurelle qui peut être réalisée automatiquement grâce au développement d’outils dédiés [Guarino et Welty, 2000, Fernández-López et Gómez-Pérez, 2002, Völker et al., 2008, Shearer et al., 2008, Schober et al., 2012, Poveda-Villalón et al., 2012], et (2) la validation sémantique qui peine encore à trouver des méthodes consensuelles [Pammer et al., 2010, Ghidini et al., 2012, Ressad-Bouidghaghen et al., 2013, Ben Abacha et al., 2013]. Notre recherche s’inscrit dans ces problématiques contemporaines liées au traitement et à l’utilisation de corpus volumineux pour la construction d’ontologies, ainsi que celles liées à la validation des ontologies.

…pour le partage des connaissances en psychiatrie
Le domaine médical est de plus en plus demandeur de systèmes fondés sur des ontologies, afin de permettre notamment le codage des actes médicaux ou l’aide à la décision. De nombreuses ontologies ont été réalisées à ce jour comme, par exemple ONTOLURGENCE pour la médecine d’urgence [Charlet et al., 2012, 2014] ou FOUNDATIONAL MODEL OF ANATOMY en anatomie [Rosse et al., 2003] . Dans le domaine de la psychiatrie, de nombreux travaux se sont intéressés à la puissance de modélisation des ontologies, notamment dans les but de :

1. Gérer l’interopérabilité des données : En 2010, Kola et al. [2010] se sont intéressés aux problèmes d’hétérogénéité des données et au besoin d’interopérabilité dans le domaine de la psychiatrie. Les auteurs rappellent que les ontologies ont été utilisées avec succès pour résoudre les problématiques liées à l’interopérabilité des données dans d’autres champs de la biologie. Dans leur article, ils discutent les besoins de disposer d’une ontologie de domaine pour modéliser les psychoses. Ils proposent également une méthodologie pour créer une telle ontologie, mais d’un point de vue logique, sans intention de redéfinir des termes déjà existants.

2. Établir une terminologie consensuelle : Quelques années plus tard, Hastings et al. [2012] ont présenté une méthodologie pour développer une ontologie qui modélise les maladies mentales. Leur attention s’est portée sur l’adéquation de leur ontologie avec la Basic Formal Ontology (BFO  ) qui est une top ontologie pour la recherche scientifique, et l’Ontology for General Medical Science (OGMS  ) qui est une ontologie pour le domaine de la médecine générale. Les chercheurs ont analysé le DSM-5 et le modèle de Pies [2009] pour définir les maladies mentales et identifier certaines confusions dans la terminologie psychiatrique. À partir de cette approche et de cette méthode, ils ont développé deux ontologies : la Mental Functioning Ontology (MF) pour représenter les processus mentaux divisés en trois modules (cognition, perception, émotion), et la Mental Disease Ontology (MD) pour décrire et catégoriser les troubles mentaux. Ces réalisations sont le fruit de réflexions menées par Ceusters et Smith [2010] sur la définition d’une maladie mentale. Les chercheurs signalaient à cette occasion que le développement de leur ontologie visait à (1) servir de pont entre différentes classifications (à la manière de la Classification Internationale des Maladies – CIM) ; (2) permettre la collecte de données à partir de dossiers médicaux électroniques dont les modes de diagnostic diffèrent ; (3) résoudre certaines limites imposées par les classifications actuelles telles que les difficultés liées à la délimitation des symptômes ou à la comorbidité. Les objectifs de ce projet sont donc très proches de ceux visés par notre proposition d’alignement entre les classifications. Cependant, les méthodes de développement de nos modèles diffèrent. Nous ne basons pas nos analyses sur les mêmes classifications et pour ce qui nous concerne, nous ne visons pas à définir ce qu’est un trouble mental. Malgré de nombreuses recherches, nous n’avons pu trouver qu’un modèle très incomplet de leur ontologie  . Nous ne pouvons donc comparer nos travaux respectifs.

3. Permettre le raisonnement automatique : Plus récemment, en 2014, Silva et al. [2014] ont relancé la discussion autour de la représentation des diagnostics. L’objectif des travaux de ces chercheurs est quelque peu différent des travaux que nous venons de présenter. En effet, ils ne montrent pas d’intérêt particulier aux problèmes liés aux classifications en psychiatrie, mais s’intéressent plutôt aux difficultés liées à la modélisation de diagnostic. Ils ont ainsi développé un système basé sur une ontologie pour faciliter le diagnostic de troubles mentaux et permettre une description plus rationnel de ces diagnostics. Leur ontologie peut inférer des troubles selon les symptômes évoqués. Ils ont choisi le DSM-IV pour la modélisation. La partie aide au diagnostique du manuel est représentée sous forme de règles exprimées en OWL-DL et SWRL. La vérification de leur modèle par des psychiatres n’a pas donné de bons résultats. Les chercheurs souhaitent donc valider les règles en comparant les diagnostics inférés par leur système, à un ensemble de données patients .

4. Modéliser l’historique médical : La Family Health History Ontology (FHHO) Peace et Brennan [2007] n’a pas été conçue uniquement pour servir dans le domaine de la psychiatrie. Cette ontologie modélise différents liens familiaux, tels que les liens biologiques, d’adoption ou de recomposition. Les ontologistes qui ont développé cette ontologie avaient pour but de proposer un cadre pour explorer (1) les interactions entre tous les membres de la famille et (2) les effets de ces interactions sur la santé et la maladie.

Environ une personne sur trois souffrira d’un trouble mental au cours de sa vie. Dans l’Union Européenne, 82,7 millions de personnes sont touchées chaque année. Malgré des classifications des troubles mentaux internationalement reconnues, la catégorisation des patients selon des critères diagnostiques reste problématique. En effet, les troubles sont dénotés par des syndromes qui possèdent des symptômes propres à une ou plusieurs catégories diagnostiques. Lorsqu’un patient présente des symptômes qui franchissent les frontières des catégories descriptives et qui ne correspondent à aucune des sous-catégories diagnostiques, le recours au « NOS » Not Otherwise Specified permet d’attribuer une étiquette diagnostique et de ne pas laisser le patient exempt des codages. Par exemple, un patient présentant un ensemble de symptômes qui ne correspond pas exactement à une sous catégorie diagnostique recevra effectivement un diagnostic général, dans le cadre des politiques de codage. Cependant, ce code ne sera pas représentatif en tout point de la réalité clinique  décrite dans le compte rendu d’hospitalisation (CRH). Ce type de recours au « NOS » marque une incohérence entre la description des troubles répertoriés dans les classifications, et la réalité clinique telle qu’elle est appréhendée par les professionnels de la santé mentale. En outre, l’analyse de la prévalence et de l’incidence des facteurs de risque sociaux et environnementaux des maladies est actuellement absente des classifications et manuels psychiatriques. Pourtant, cette analyse apparaît de plus en plus cruciale pour comprendre et traiter les troubles. Elle peut avoir des répercussions importantes sur les décisions thérapeutiques et politiques, sur la durée ou le coût de l’hospitalisation par exemple. Cette rupture entre les classifications et la réalité clinique souligne la nécessité d’améliorer : (1) les systèmes de modélisation et de description des troubles mentaux, ainsi que (2) notre capacité à détecter et comprendre l’impacte des facteurs de risque sociaux et environnementaux sur les troubles.

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Table des matières

Introduction
Contexte de recherche et problématiques
Enjeux et objectifs
Contributions à la croisée de plusieurs disciplines
Organisation du manuscrit
I État de l’art
1 L’organisation des connaissances
1.1 Les systèmes d’organisation de la connaissance (SOC)
1.2 L’approche de la sémiologie et de la sémiotique pour la modélisation des connaissances
1.3 Un point sur les classifications utilisées en psychiatrie
1.4 Synthèse
2 Système de représentation ontologique
2.1 L’ontologie informatique
2.2 Contexte : le Web Sémantique (WS)
2.3 Les composants de la modélisation ontologique
2.4 Synthèse
3 Construction d’ontologies informatiques
3.1 Engagements méthodologiques des ontologues et recommandations pour
la construction d’ontologies
3.2 Développement du modèle par approche ascendante (bottom-up)
3.3 Développement du modèle par approche descendante (top-down)
3.4 Développement du modèle par approche hybride (bottom-up et top-down)
3.5 Discussions sur les méthodes de construction d’ontologies
3.6 La modularité ontologique : l’ergonomie au service du développement du modèle
3.7 Synthèse
4 L’art de valider une ontologie
4.1 La définition des critères de validation
4.2 Validation de la structure
4.3 Validation de la sémantique
4.4 Synthèse
II Contributions scientifiques théoriques et pratiques
5 Construction du module ontologique « facteurs sociaux et environnementaux
des maladies psychiatriques » (OntoPsychiaFSE)
5.1 Choix de ce module
5.2 Présentation du corpus
5.3 Méthode de construction par approche hybride
5.4 Résultats
5.5 Synthèse
6 Construction du module ontologique « maladies psychiatriques »
6.1 Choix du module
6.2 Méthode de construction des deux modules
6.3 Résultats
6.4 Les limites du module d’alignement des classifications
6.5 Synthèse
7 La validation de l’ontologie sur les facteurs sociaux et environnementaux avec la
méthode interactive LOVMI
7.1 Validation de la structure de l’ontologie sur les facteurs sociaux et environnementaux
7.2 Validation sémantique de l’ontologie sur les facteurs sociaux et environnementaux
7.3 Proposition de la méthode LOVMI pour la validation d’ontologies
7.4 Synthèse
Conclusion

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