Application du retournement temporel en micro-ondes à l’amplification d’impulsions et l’imagerie

Un processus de retournement temporel consiste à imposer des conditions aux limites appropriées afin qu’un système puisse évoluer en chronologie inverse, c’est-à-dire que le film de son évolution se rembobine pour revenir à sa situation initiale. Bien que microscopiquement réversibles, de nombreux systèmes se révèlent non-réversibles à l’échelle macroscopique. Cette irréversibilité est liée à la théorie du chaos, les trajectoires sont en effet trop sensibles aux conditions initiales. La moindre erreur sur l’inversion de la vitesse entraîne une évolution erratique du système. Il s’avère par exemple utopique d’imaginer qu’une rivière puisse remonter à sa source si l’on inversait le sens de la vitesse des particules composant son cours d’eau. Néanmoins, en physique ondulatoire, cette sensibilité est bien moindre. La précision nécessaire est en effet de l’ordre de la longueur d’onde. Sur ce constat se fonde le principe du retournement temporel (RT), une méthode élégante de focalisation spatiotemporelle développée, initialement en acoustique, par Mathias Fink depuis 1992 [1].

Concrètement, un processus de retournement temporel se compose de deux phases. La première phase dite « d’écoute » consiste à enregistrer et numériser sur un réseau d’antennes, appelé Miroir à Retournement Temporel, les signaux provenant d’une onde émise par une source. Lors de la seconde phase, les signaux sont réémis en chronologie inverse simultanément sur tous les éléments du miroir. Du fait de la réversibilité de l’équation de propagation, l’onde générée se focalise tant temporellement que spatialement au niveau de la source initiale. La robustesse du RT a été largement éprouvée en acoustique. Pour des réseaux d’antennes d’ouverture faible, des propriétés remarquables au niveau de la compression spatio temporelle des ondes par RT ont été démontrées en milieux multiplement diffusants ainsi que dans des cavités réverbérantes. Les applications du RT sont nombreuses à ce jour et concernent de multiples domaines, tels que l’imagerie médicale, les télécommunications, le contrôle non-destructif ou encore la domotique.

Introduction au retournement temporel (RT) 

Le retournement temporel a été développé au laboratoire depuis 1993 [1]. Son principe se fonde sur la réversibilité de la propagation des ondes. Lorsqu’une source émet une onde, il consiste à mesurer et numériser sur un réseau d’antennes le signal généré puis le réémettre en chronologie inverse. Une onde convergente est créée et se focalise tant spatialement que temporellement sur le point source initial. Dans ce chapitre, nous étudions les implications de ce principe, tout d’abord pour des ondes scalaires puis pour des ondes vectoriels (électromagnétisme). Nous introduisons notamment le concept de cavité à retournement temporel puis nous exposons les remarquables propriétés de focalisation en cavité réverbérante et en milieux multi-diffusants ouverts.

Retournement temporel en milieux complexes 

Pour un miroir entourant totalement le milieu considéré, les vecteurs d’onde k décrivent un angle solide égal à 4π stéradians. L’onde convergente provient de ce fait de toutes les directions de l’espace et la tache focale obtenue est égale λ/2. Toutefois, il est généralement peu probable d’avoir concrètement accès à une telle ouverture, tant du fait du milieu considéré que des moyens mis à disposition. L’ouverture du réseau demeure la plupart du temps limitée. Dans les milieux faiblement abbérateurs, les propriétés du retournement temporel peuvent en partie compenser la perte d’information spatiale due à cette faible ouverture. Cette remarquable propriété sera largement utilisée dans la partie II et nécessite naturellement une introduction de certains travaux fondateurs. Deux cas de figure sont approfondis dans cette section : le RT en cavité réverbérante fermée et le RT en espace ouvert à travers une forêt de tiges.

Cavité réverbérante

Au niveau de l’ouverture d’une cavité réverbérante est disposé est disposé un réseau d’émetteurs-récepteurs (Figure I.3). Lorsqu’une source émet une onde à l’intérieur de la cavité, les signaux enregistrés sur le réseau prennent la forme d’une coda (signal très étalé temporellement) du fait des nombreuses réflexions à l’intérieur de la cavité. Le signal peut être interprété comme provenant, en espace libre, d’une infinité de sources virtuelles disposées tout autour de la cavité. Elles sont les images de la source initiale par rapport aux parois. Après retournement temporel, le champ va subir les mêmes réflexions en chronologie inverse. L’onde convergente va sembler ainsi isotrope au moment de la focalisation spatiotemporelle.

L’information spatiale contenue par les vecteurs d’onde k est transformée en information temporelle contenue dans la longueur du signal. La perte de diversité spatiale due à l’ouverture limitée du miroir est compensée par les différentes réflexions à l’intérieur de la cavité. La focalisation isotrope au niveau de la source initiale induit une tache focale de nouveau égale à λ/2. Carsten Draeger et Mathias Fink ont appliqué ce principe à une plaque de Silicium à l’aide d’ondes élastiques [6]. Le miroir à RT est composé d’un seul élément. Les ondes sont générées par des transducteurs liés à des pointes en aluminium au contact de la plaque (Figure I.4). Le signal source émis au point A consiste en une impulsion de forme gaussienne de largeur 0,5 µs à 1 MHz. La différence d’impédance très importante entre le silicium et l’air garantit des pertes d’énergie par rayonnement très faibles à l’intérieur de la plaque. Par conséquent, la coda reçue sur un point de la cavité s’étale sur une très longue durée en comparaison de l’excitation. Le signal reçu au point B a en effet été enregistré durant 700 µs.

Méthode de caractérisation de milieux diffusants 

Retournement temporel itératif

Initialement, le retournement temporel avait été développé pour focaliser une onde à l’emplacement d’une source active. Dans ce qui suit, le RT est appliqué à la détection et l’imagerie de cibles passives. Afin d’en illustrer le principe, nous considérons en premier lieu un milieu dans lequel sont situées, à la même distance d’un réseau émetteur/récepteur de N antennes, deux cibles 1 et 2. La cible 1 possède un coefficient de réflexion d’amplitude λ1 et la cible 2 d’amplitude de λ1/2. Le milieu est tout d’abord illuminé par une émission arbitraire, par exemple une onde plane. Les signaux enregistrés sur le réseau en rétrodiffusion proviennent alors de l’écho de deux cibles. L’amplitude du front d’onde provenant de A est proportionnelle à λ1 et celle provenant de B proportionnelle à λ1/2.

Un retournement temporel est ensuite appliqué aux signaux. Grâce à ce principe, chaque front d’onde focalise sélectivement sur la cible correspondante. L’amplitude de la focalisation est respectivement proportionnelle à λ1 et λ1/2 pour les cibles 1 et 2. Les signaux sont de nouveau rétrodiffusés et enregistrés sur réseau. Les fronts d’onde sont maintenant d’amplitude λ1² pour la cible 1 et λ1²/4 pour la cible 2.

Au n ème processus de RT, les deux amplitudes deviennent λ1 n et λ1 n /2n . De ce fait, lorsque n est grand, la contribution résultant de la cible 1 devient beaucoup plus importante que celle associée à la cible 2. Prada et al. ont démontré que l’écho de la cible la plus échogène pouvait ainsi être isolée [11]. En retranchant l’écho de la cible 1 obtenu après n itérations aux signaux enregistrés après la première itération, l’écho provenant de la cible 2 peut elle-même être isolée. Ces deux échos des cibles constituent les invariants du processus de RT. La méthode demeure notamment efficace si les cibles sont placés derrière un milieu abbérateur [12], un cas de figure courant en acoustique médicale notamment.

Méthode DORT

Dans l’exemple précédent, le retournement temporel itératif était effectué à l’aide d’un unique réseau en émission/réception. La méthode DORT (acronyme pour décomposition de l’opérateur de retournement temporel) avait été initialement développée dans ce type de configuration en acoustique. Néanmoins elle s’applique aussi dans le cas de deux réseaux distincts en émission en réception. Les premières expériences dans cette nouvelle configuration ont été menées en acoustique par Prada et al. pour la détection de défauts à l’intérieur d’échantillons solides [13]. Dans le domaine des micro-ondes, ce dispositif fut plus récemment mis en œuvre par Moura et Jin pour la détection de cibles à l’intérieur d’une forêt de diffuseurs [14, 15]. Pour des raisons techniques, nous nous sommes placés dans cette configuration pour les expériences en micro-ondes exposées dans ce manuscrit.

Dispositifs expérimentaux 

Les expériences ont été réalisées à l’aide de deux dispositifs différents. Comme nous l’avons précédemment mentionné, les deux réseaux y sont distincts. Les deux montages présentés cidessous possèdent des spécificités particulières. Ainsi, le choix du dispositif employé dépendra des spécificités de chaque situation. L’utilisation d’un analyseur de réseau N5230A PNA-L (Agilent) afin de mesurer la transmission entre chaque couple d’antennes est toutefois commun aux deux montages. Les signaux sont donc enregistrés dans le domaine fréquentiel.

Réseau synthétique avec les antennes cornet 

Un premier montage met en jeu des antennes cornet guidées par un rail. Leur bande passante s’étale entre 1,5 et 3,5 GHz et leur ouverture angulaire est de 28°. Elles sont polarisées suivant un champ E vertical. Le déplacement de chaque antenne crée deux réseaux virtuels et la réponse en transmission entre chaque couple de positions permet d’acquérir la matrice K. Les antennes étant très directives, leur socle est automatisé en rotation afin de pointer vers la cible. Des panneaux anéchoïques sont placés derrières les cibles pour diminuer les échos parasites provenant des murs.

Comme les expériences ne sont pas toujours réalisées en chambre anéchoïque et grâce à la directivité des antennes, ce montage possède un avantage certain lorsque la manipulation requiert de très bons rapports signal/bruit. De plus, le nombre de positions n’est pas dicté par le nombre de voies disponibles mais par le nombre de déplacements réalisés. La longueur du rail autorise à une ouverture totale de 3m. Ces caractéristiques confèrent une grande souplesse dans l’acquisition de la matrice K. En revanche, le principal inconvénient réside dans le long temps d’acquisition de la matrice (de l’ordre de la demi-heure) du fait du déplacement des antennes entre les mesures.

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Table des matières

Introduction
I. Introduction au retournement temporel (RT)
I.1 Ondes scalaires
I.1.1 La cavité à retournement temporel
I.1.2 Propriétés dans le domaine temporel
I.2 Transposition à l’électromagnétisme
I.3 Retournement temporel en milieux complexes
I.3.1 Cavité réverbérante
I.3.2 Milieux aléatoires
I.4 Méthode de caractérisation de milieux diffusants
I.4.1 Retournement temporel itératif
I.4.2 Méthode DORT
I.4.3 Repropagation des vecteurs singuliers
I.4.4 Dispositifs expérimentaux
II. Amplificateur de micro-ondes par RT
II.1 Contexte de l’étude et configurations envisagées
II.2 Théorie du retournement temporel en chambre réverbérante ouverte
II.2.1 RT et champ diffus
II.2.2 Retournement temporel 1-bit
II.3 Performances du démonstrateur
II.3.1 Dispositif expérimental
II.3.2 Réponse à une impulsion et Retournement temporel
II.3.3 Atténuation du signal transitoire
II.3.4 Influence du nombre d’antennes émettrices et de la bande passante
II.3.5 Mesure de la tache focale en fonction de l’ouverture de la cavité.
II.3.6 Ouverture optimale de la cavité
II.3.7 Comparaison des performances avec une antenne cornet seule
II.3.8 Gain du système
II.4 Détection et focalisation à partir de la chambre réverbérante
II.4.1 Simulations
II.4.2 Réalisation expérimentale
II.5 Détection à l’intérieur d’un missile
II.5.1 Simulations
II.5.2 Résultats expérimentaux
II.6 Conclusion générale du chapitre
III. Imagerie en micro-ondes par la méthode DORT
III.1 Caractérisation de cylindres diélectriques à l’aide de deux réseaux distincts
III.1.1 Théorie
III.1.2 Dispositif de mesure
III.1.3 Invariants de l’opérateur de retournement temporel
III.1.4 Repropagation numérique des vecteurs singuliers
III.1.5 Problème inverse
III.1.6 Conclusion
III.2 Imagerie sub-longueur d’onde
III.2.1 Dispositif expérimental
III.2.2 Invariants expérimentaux et théoriques
III.2.3 Algorithme MUSIC et imagerie sub-longueur d’onde
III.2.4 Perturbation des vecteurs singuliers
III.2.5 Développement des vecteurs singuliers en série de Taylor
III.2.6 Application à l’estimateur MUSIC
III.2.7 Profil de la courbe
III.2.8 Résolution limite en présence de bruit
III.2.9 Discussion
III.3 Localisation de personnes à travers les murs
III.3.1 Matrice d’acquisition
III.3.2 Paramètres du mur
III.3.3 Localisation d’une personne derrière le mur
III.3.4 Suivi du déplacement d’une cible
III.3.5 Conclusion et perspectives
III.4 Invariants d’une cible mobile durant l’acquisition de la matrice K
III.4.1 Cadre de l’étude
III.4.2 Mouvement parallèle aux réseaux : déplacement suivant l’axe x
III.4.3 Mouvement perpendiculaire au réseau
III.4.4 Discussion
IV. Imagerie passive par corrélations de bruit
IV.1 Fonction de Green et corrélations
IV.2 Imagerie passive de diffuseurs
IV.2.1 Lien avec le théorème optique
IV.2.2 Résultats expérimentaux
IV.2.3 Temps de convergence
IV.3 Imagerie fréquentielle
IV.3.1 Approche théorique
IV.3.2 Résultats expérimentaux
IV.4 Conclusion et perspectives
Conclusion générale  
Bibliographie

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