Application de la densitométrie en dendrochronologie

La densité du bois, une caractéristique physique de l’arbre

La dendrochronologie, utiliser les arbres comme archives

Comme expliqué en section 1.1.2, toute variation des conditions de croissance a des conséquences sur la croissance radiale et la densité du bois et réciproquement toute variation des conditions de croissance est visible par observation des cernes du bois (Dutilleul et al. 1998; Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 2010). Dans cette optique, la dendrochronologie est un domaine qui propose d’utiliser les caractéristiques des cernes du bois comme archives des variations des conditions de croissances (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 2010). Elle repose sur la mesure des largeurs des cernes annuels de croissance, éventuellement de leur densité et leur datation précise. En dendroécologie, 1’étude de la croissance radiale par rapport à différents facteurs – conditions climatiques (Leonelli et al. 2008; Tardif et Conciatori, 2006), traitements sylvicoles (Barbour et al. 1994; Koga et al. 2007; Zhang et al. 2006), génome (Beaulieu et Bousquet, 201 0) – peut être une fin pour permettre de guider les aménagistes à choisir leurs traitements sylvicoles (Yu et al. 2001). Elle peut aussi servir d’outil pour les reconstructions à l’échelle du paysage ou du peuplement: évolution du climat et de ses anomalies (Graumlich et Brubaker, 1986; Ols et al. 2016), cycles d’épidémies d’insectes (Huang et al. 2008; Sutton et Tardif, 2007) ou de feu (Bergeron et Charron, 1994), voire les variations de la pollution atmosphérique (Innes et Cook, 1989; McLaughlin, 1998) et la datation d’objets anciens en archéologie (Lebourgeois et Merian, 2012; Stokes et Smiley, 1996). À chaque type d’étude correspond ses techniques de dendrochronologie qui sont recensées dans le Tableau 1.1.

Application de la densitométrie en dendrochronologie

Tout comme les variations de la largeur de cemes, les variations microdensitométriques de la densité du bois constituent une archive des conditions et des évènements passés subis par l’arbre (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 201 0; Pol ge et Keller, 1969). La densitométrie en plus de foumir les largeurs de cemes pem1et de connaître les variations microscopiques radiales de la densité du bois (variations intracemes et intercemes).
Tableau 1.1 Les domaines d’études de la dendrochronologie -tiré de Le bourgeois et Mérian (2012), Payette et Filion (2010)
L’analyse microdensitométrique consiste à déterminer les valeurs de densité des cernes du bois sur un profil radial de l’arbre et d’analyser les variations intra et intercernes. Initiée par Polge (1966), la méthode de microdensitométrie par clichés radiographiques a été améliorée et son utilisation s’est répandue (Payette et Filion, 2010). De même que pour les méthodes précédentes, des carottes de bois sont prélevées sur un arbre à l’aide d’une sonde de Pressier (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 201 0). Elles sont ensuite débarrassées de leurs extractibles (Grabner et al. 2005) -terpènes, phénols, matières grasses, sucres (Kebbi- Benkeder et al. 2016)- à l’aide de bains de solvants organiques et d’eau (Savva et al. 2010). Cette étape permet d’améliorer la lisibilité du profil densitométrique par l’appareil, car les extractibles présents dans le bois peuvent fausser les valeurs de la densité du bois (Grabner et al. 2005). En pratique, un échantillon est placé sur un support mobile qui le déplace sur une rampe à raison d’un pas fixe. À chaque pas un faisceau laser de rayons X traverse l’échantillon. Le taux d’absorption de rayon X par l’échantillon (rayon réfracté/rayon incident) traduit la densité du bois, plus le bois est dense plus il absorbe de rayons (voir section 1.1.1.2). La mesure de cette donnée sur l’ensemble de l’échantillon permet d’obtenir un graphique représentant les variations de la densité du bois le long d’une carotte pour une résolution au mieux de 0,02 mm (Quintek Measurement Systems, Inc., 1999, Figure 1.5). Les cernes annuels des carottes de bois sont dénombrés avec le logiciel QMS Tree Ring System (Quintek Measurement Systems, Inc., 1999). Les limites de cernes sont figurées par un triangle jaune sur la Figure 1.5. La carotte de bois photographiée est superposée à son profil radial microdensitomètrique. L’étape suivante la délimitation des portions du bois initial et du bois final des cernes qui permettra d’évaluer les effets de l’environnement, des traitements sylvicoles sur la croissance cambiale (voir sections 1.2.2.2 et 1.1.3.1). Un algorithme rédigé sur matlab par Koubaa et al. (2002) permet de calculer automatiquement les proportions de bois initial et de bois final.
Néanmoins, la délimitation du point de tran.”>ition entre bois initial et bois final est déterminée d’ après une valeur fixe : soit une valeur de densité moyenne des échantillons calculée par l’opérateur (représentée par la ligne en tiret et les étoiles en bleu sur la Figure 1.6. L’ utilisation de cette méthode induit un biais à cause des variations du profil de densité intercerne (Payette et Filion. 20 10~ Polge et Keller, 1969). La méthode de calcul du point de transition proposée par Koubaa et al. (2002) est la plus recommandée car elle reflète mieux la variabilité intercernes (Payette et Filion, 2010). En assimilant les variations radiales intracernes de densité à une courbe polynomiale, il est possible de calculer la largeur des bois initial et final des cernes annuels via une analyse de fonction. en partant du principe que le point de transition bois initial/ bois final correspond à un point d’inflexion du polynôme (Koubaa et al. 2002). Le point de transition calculé par Koubaa et al. rouge sur la Figure 1.6.

 Avantages de la microdensitométrie

Décomposition des variations radiales de la densité du bois

La densité des cernes est une résultante des conditions environnementales, du site, de 1’âge cambial, de 1′ origine clonale, et des perturbations internes et externes au peuplement (Bowyer et al. 2005; Payette et Filion, 2010; Zobel et Buijtenen, 1989). Comme chaque cerne représente une année de vie de l’arbre, il est possible de la considérer comme variable en fonction du temps, c’est le principe de base de la dendrochronologie (voir section 1.1.3). L’application d’une décomposition de Fourier sur le signal brut de la variation radiale de la densité (soit en fonction du temps), permet de discerner les différentes fréquences de variations temporelles de la densité du bois: saison, année, décennie, siècle. Les études de dendrochronologie appliquée à la densitométrie permettent d’identifier les facteurs associés aux fréquences. Un exemple de la décomposition du profil de densité radial est proposé à la Figure 1. 7. La variation macroscopique liée à l’âge du cambium par exemple présente la fréquence temporelle la plus basse (Figure 1.7a), car le pas de variations correspond à plusieurs décennies (Le bourgeois et Merian, 20 12; Payette et Filion, 201 0) (Figure 1.7a). En parallèle, le fonctionnement cyclique du cambium lié aux saisons induit une variation annuelle de la densité entre le bois initial et le bois final (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 2010) (Figure 1.7b). Les variations des conditions météorologiques liées aux changements climatiques sont un facteur de basse fréquence, qui va influencer les variations macroscopiques de la densité du bois (Figure 1.7c) sur plusieurs années (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 2010). En somme, les variations microscopiques radiales de la densité du bois résultent de ces trois effets (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 2010) (Figure 1.7d).

Identification des variations de la densité du bois en lien avec les conditions de croissance

De manière générale, lorsqu’un évènement induit une détérioration des conditions de croissance, la largeur du cerne diminue (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 201 0). Les modifications de la densité en revanche sont reliées à la nature de 1’évènement appliqué au cambium d’une part et à 1’essence d’autre part. Les études de dendrochronologie ont permis d’identifier le climat, le site, les interventions sylvicoles, la défoliation par les insectes, l’origine clonale et l’âge cambial comme autant de facteurs qui peuvent affecter simultanément la croissance radiale et la densité du bois (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 2010; Zobel et Buijtenen, 1989). Ces facteurs ont été classés selon cinq pôles : variabilité individuelle, conditions environnementales, perturbations internes au peuplement, perturbations externes au peuplement et variabilité non expliquée (Lebourgeois et Merian, 2012; Payette et Filion, 2010; Zobel et Buijtenen, 1989). Les effets de ces pôles sur la largeur des cernes et leur densité sont illustrés à la Figure 1. 8. Cette figure n’est pas exhaustive et ne sert qu’à illustrer le fonctionnement du cambium sous l’effet du génotype (Beaulieu et Bousquet, 2010; Bowyer et al. 2005; Zobel et Buijtenen, 1989), du climat, des épidémies d’insectes et des pratiques sylvicoles (Bowyer et al. 2005; Koga et al. 2007; Zobel et Buijtenen, 1989).
Le premier pôle représentant la variabilité individuelle comprend l’origine clonale souvent associée à l’origine géographique (Zobel et Buijtenen, 1989) et l’âge cambial (Lebourgeois et Merian, 2012; Zobel et Buijtenen, 1989). Par exemple, Kriebel et al. (1976) montrent que pour le chêne rouge, il existe une interaction entre la croissance en diamètre et la provenance des glands. Lorsque des semences nordiques sont implantées au sud de 1’aire de répartition du chêne rouge, les semis ont une croissance en hauteur et en diamètre plus lente que s’ils étaient implantés dans leur zone de provenance. Il est important de noter que des interactions fortes existent entre 1’origine clonale et 1’emplacement géographique pour la croissance en diamètre (Beaulieu et Bousquet, 2010; Zobel et Buijtenen, 1989). En effet, la croissance en diamètre peut se détériorer lorsque des provenances ne sont pas implantées dans leur région d’origine (Beaulieu et al. 1996; Housset et al. 2018; Kriebel, et. al., 1976).
Le second pôle représente les conditions environnementales : climat, station, sol et emplacement géographique (Lebourgeois et Merian, 2012; Zobel et Buijtenen, 1989). Soit l’évènement: une période de sécheresse- exemple d’impact climatique. L’excès de chaleur et le manque d’eau (1 sur la Figure 1. 8) induisent un déficit hydrique; la contrainte à laquelle doivent répondre les arbres est le risque de cavitation dans l’appareil vasculaire (Eilmann et al. 2011; Trouy, 2015)- trachéides pour les résineux et vaisseaux pour les feuillus. Le cambium du pin sylvestre (Pinus sylvestris) atténue ce risque par la production d’un moins grand nombre de trachéides optimisant la conduction des flux de sèves: les cellules formées en période de déficit hydrique estival de juin à juillet présentent un lumen plus grand et des parois plus fines que celles formées en condition optimale d’apport en eau (Eilmann et al. 2011; Martin-Benito et al. 2013), ce qui amoindrit la densité moyenne du cerne (Toïgo et al. 2015). Chez le peuplier hybride (Populus nigra L. x P. maximowiczii Henry, clone Kamabuchi) et les chênes (Quercus ), les vaisseaux produits dans le bois initial en condition de sécheresse présentent un lumen plus étroit avec des parois cellulaires plus épaisses qu’à l’accoutumée (Arend et Fromm, 2007; Eilmann et al. 2011), ce qui induit une augmentation de la densité du bois (Toïgo et al. 2015). Pour l’influence du site, dans des expériences de fertilisation du sol pour le chêne et le pin maritime (Pinus pinaster), Polge (1975, 1969) montre que la fertilisation du sol induit une augmentation de la largeur des cernes pour les deux essences, mais une augmentation de la proportion du bois final et une densité des cernes plus élevée pour le chêne (Polge, 1975) et une augmentation de la proportion du bois initial et une densité des cernes plus faible pour le pin maritime (Pol ge, 1969).
Le troisième pôle, les perturbations internes au peuplement, se réfère à 1’évolution du peuplement: densité de tiges/ha, compétition entre les tiges, interventions sylvicoles, ouvertures provoquées par la sénescence des arbres (Lebourgeois et Merian, 2012). Les interventions sylvicoles, telles que les éclaircies qui diminuent le nombre de tiges à l’hectare et qui sont assimilées à des perturbations internes au peuplement (Lebourgeois et Merian, 2012), permettent aux arbres résiduels de profiter de plus de ressources et de croître plus rapidement formant ainsi des cernes plus larges (3 sur la Figure 1.8). L’augmentation de l’accroissement radial associé aux éclaircies peut avoir des conséquences sur la densité des cernes, mais cet effet varie selon les espèces, diminution de la densité pour certains résineux, augmentation de la densité pour les chênes etc (voir section 1.1.2.2).
Le quatrième pôle est associé aux perturbations externes au peuplement telles que les incendies, tempêtes et autres épidémies de ravageurs (Lebourgeois et Merian, 2012). Dans le cas d’une défoliation causée par une épidémie d’insectes considérée comme une perturbation externe au peuplement (Lebourgeois et Merian, 2012), l’appareil photosynthétique est affecté et ne produit plus les composés nécessaires à la construction des parois cellulaires. Les cernes formés lors de ces événements sont pâles et de faible densité (2 sur la Figure 1.8).
Le cinquième et dernier pôle consitute la variabilité non expliquée par les quatre autres pôles (Le bourgeois et Merian, 2012).

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Table des matières

CHAPITRE I INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 La densité du bois, une caractéristique physique de  l’arbre
1.1.1 Densité et masse volumique deux variables souvent confondues
1.1.2 La densité moyenne de l’arbre est une résultante des variations macro et microscopiques de la densité
1.1.3 La dendrochronologie, utiliser les arbres comme archives
1.1.4 Le résistographe, un outil potentiel de microdensitométrie ?
1.2 Cadre du projet
1.2.1 But
1.2.2 Objectifs et hypothèses
CHAPITRE II Méthodologie
2.1 Aire d’étude
2.1.1 Plan d’ échantillonnage
2.1.2 Description des essences sélectionnées
2.2 Protocole expérimental..
2.2.1 Prélèvement des carottes et sondage au résistographe
2.2.2 Conditionnement des carottes de bois
2.3 Traitement des données
2.3.1 Exemples de profils
2.3.2 Analyses à l’ échelle macroscopique: calibration de la résistance (mesurée par le résistographe) par la masse volumique du bois (mesurée par le densitomètre à rayon x)
2.3.3 Analyses à l’échelle microscopique validation du résistographe en microdensitométrie
CHAPITRE III RÉSULTATS ET DISCUSSION
3.1 Caractéristiques générales des échantillons prélevés : masse volumique et âge des arbres
3.1.1 Les masses volumiques mesurées sont proches des valeurs trouvées dans la littérature
3.1.2 Variation de l’âge des arbres par essence
3.2 Analyses à l’échelle macroscopique- calibration du résistographe
3.3 Validation du potentiel du résistographe en microdensitométrieanalyses à 1 ‘échelle microscopique
3.3.1 Frêne noir.
3.3.2 Peuplier faux-tremble
3.3 .3 Pin gris
3.3 .4 Sapin baumier
3.3.5 Toutes essences confondues
3.4 Synthèse des résultats
3.4.1 Objectif 1 calibration du résistographe (échelle macroscopique)
3.4.2 Objectif 2: Potentiel du résistographe en microdensitométrie
3. 5 Discussion
3.5.1 Calibration du résistographe : origine des écarts de mesure pour la masse volumique moyenne entre résistographe et densitomètre
3.5.2 Masse volumique moyenne du cerne
3.5.3 Largeurs et masses volumiques moyennes du bois initial et du bois final
CHAPITRE IV CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

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