APPLICABILITE ET REPRODUCTIBILITE DES SCORES DE TRI

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Le modèle français

L’objectif premier d’une échelle de triage est de classer les patients dans une des catégories définies, ce qui permet d’évaluer l’urgence de sa prise en charge. Dans les recommandations de la SFMU, deux grilles sont proposées : la Manchester Triage Scale (MTS) et la Classification Clinique des Malades des Urgences (CCMU). La MTS (Tableau 4), a été élaborée en 1996 au Royaume-Uni. Elle permettrait de déceler les patients sévères(7). Elle possède une bonne sensibilité sous réserve d’une bonne utilisation, incluant la formation des personnels. Cependant, elle est peu spécifique mais également défaillante pour la détection des patients se dégradant au sein du SAU.

Une nouvelle échelle de tri : la FRENCH

En parallèle, les experts ayant élaboré les recommandations de la SFMU concernant le triage des patients aux urgences ont proposé la construction d’une échelle de triage spécifique, prenant en compte les spécificités de l’adulte et de l’enfant. Elle est finalement la deuxième version de la CIMU publiée en 2009 sous le nom de FRench Emergency Nurses Classification in-Hospital triage (Annexe 2), avec l’acronyme FRENCH(9). Bien qu’actuellement peu répandue dans nos SAU, c’est cette classification qui a été retenue par nos experts, qui prônent pour son utilisation uniforme sur le plan national après avoir été validée suite à l’étude de Taboulet et Al (10). La commission de l’évaluation et de la qualité de la SFMU a créé en 2016, cette échelle de tri avec cinq niveaux de priorité croissante (le niveau de tri 5 étant le moins urgent et le niveau de tri 1 le plus urgent) établis à partir des motifs de recours aux soins  fréquemment rencontrés en médecine d’urgence. Pour le niveau de tri 3, deux catégories A et B, ont été mises en place pour distinguer et prioriser les patients adressés par un médecin ou ayant au moins une comorbidité en rapport avec le motif de recours aux soins, qui seront classés dans la catégorie 3A contrairement aux autres patients qui seront classés dans la catégorie 3B. Finalement, l’échelle de tri FRENCH (Tableau 6) a donc six niveaux de priorité. À chaque niveau de tri correspond plusieurs motifs de recours aux soins, des modulateurs de tri basés sur différents paramètres (tels que la douleur, la cétonémie, l’analyse d’un électrocardiogramme (ECG) etc…), ainsi qu’une répartition des circuits patients et un délai maximum d’attente avant la prise en charge médicale, après évaluation par l’IOA. Une première évaluation de la FRENCH a montré qu’elle facilitait le repérage de l’urgence de façon fiable et reproductible et donc qu’elle répondait aux objectifs du triage mais de nouvelles évaluations sont nécessaires dans d’autres structures d’urgences pour confirmer sa performance.

Calcul du score NEWS2

Le score NEWS2 (Tableau 7) est calculable à partir des paramètres vitaux de chaque patient, recueillis par l’IOA à l’arrivée aux urgences. Il s’agit de sept items qui sont : la pression artérielle systolique (PAS) en millimètres de mercure (mmHg), la fréquence cardiaque (FC) en battements par minutes (bpm), la fréquence respiratoire (FR) en cycles par minute (cycle/min), la température corporelle (T°C) en degré Celsius (°C), la saturation veineuse pulsée en oxygène (SpO2) en pourcentage (%), l’état de conscience selon l’échelle ACVPU (Alert Confusion Voice Pain Unconscious), l’administration ou non d’oxygène (O2) en litres (L). A chaque valeur mesurée, un certain nombre de points (0 à 3) est attribué pour chaque item et l’addition des points accordés pour chacun d’eux, donne la valeur finale du score NEWS2 (13) comprise entre 0 et 20.

Pourquoi utiliser ce score ?

Ce score a pour avantage d’être a priori facile d’utilisation, rapide, objectif, reproductible, sensible, ré-évaluable à chaque étape du parcours de soin du patient, utilisable par tout personnel médical ou paramédical. Plusieurs études ont étudié ce score afin de le comparer à d’autres scores et de vérifier son efficacité à différents niveaux de la prise en charge des patients. En pré-hospitalier, le NEWS2 a montré sa capacité à prédire la mortalité précoce hospitalière (quarante-huit heures après l’événement index)(15) motivant son utilisation en routine en pré-hospitalier puis au triage aux urgences pour détecter les patients à haut risque de décès. De plus, une valeur de NEWS2 supérieur à 5 en soins primaires aurait un impact sur la prise en charge secondaire du patient(16). En effet, cette valeur de NEWS2 serait corrélée à l’augmentation de la  l’admission en réanimation, du nombre de sepsis diagnostiqués, de la mortalité (à J2 et J30) et à la réduction du temps de trajet vers les structures d’urgence ainsi que le délai de prise en charge médicale. Chez les patients insuffisants respiratoires, l’utilisation de l’échelle 2 de SpO2 uniquement chez les patients hypercapniques pourrait s’avérer compliquée à l’accueil des SAU. Mais, selon l’étude d’Echevarria et Al. réalisée en 2019 sur 2645 patients(17), l’utilisation de l’échelle 2 de SpO2 pourrait être élargie de manière sécuritaire à tous les patients présentant une BPCO et/ou insuffisants respiratoires chroniques présentant ou non une hypercapnie, ce qui simplifierai son utilisation à l’accueil des urgences. Chez les patients atteints d’une pneumopathie à SARS CoV2, un score NEWS2 supérieur ou égal à 6 à l’admission aux urgences est plus discriminant que le Quick Sequential Organ Failure Assesment score (qSOFA), le Syndrome de Réponse Inflammatoire Systémique (SIRS) et le score CRB-65 (prenant en compte la confusion, la FR, la PAS et l’âge) supérieurs ou égaux à 2 pour prédire la sévérité de la maladie à COVID-19(18) et la mortalité intra-hospitalière(19). De plus, le score NEWS2 à l’admission hospitalière est un bon facteur prédictif de l’admission en réanimation des patients atteints du COVID 19(20). Ensuite, le NEWS2 est supérieur au qSOFA pour la détection du sepsis avec dysfonction d’organe, du risque de décès dû à une infection et de l’admission en soins critiques suite à une infection chez les patients arrivant aux urgences qu’ils soient septiques ou non(21). Il serait également plus performant pour prédire la mortalité à J10 et J30 que le qSOFA et SIRS chez les patients admis aux urgences avec une suspicion de sepsis(22). De ce fait, Mellhammar et Al.(23) ont essayé de créer une meilleure échelle de stratification du risque appelée RETTS (Rapid Emergency Triage and Treatment System for sepsis) en utilisant une approche statistique mais celle-ci s’est avérée inférieure au NEWS2 pour la discrimination du sepsis. En France, trois études ont étudiées le NEWS aux urgences mais, à ce jour, aucune étude en France n’a été réalisée concernant le NEWS2. A Nice, deux études ont été réalisées concernant le NEWS et le sepsis. La première démontre que le NEWS améliore la qualité du triage infirmier aux urgences chez les patients septiques(24). La deuxième a étudié les scores qSOFA, SIRS, NEWS et RETTS qui n’ont pas montré des indices de performance combinés suffisants pour diagnostiquer à eux seuls les patients infectés dès l’accueil des urgences(25). Cependant, le score NEWS apparait meilleur que le qSOFA et aussi performant que le SIRS en évitant la faible spécificité de celui-ci. Le RETTS a quant à lui une sensibilité intéressante mais au prix d’une piètre spécificité. La dernière étude française qui a été réalisée à Clermont Ferrand démontre que le NEWS est un bon score prédictif de la gravité d’un patient hospitalisé à l’Hospitalisation de Très Courte Durée (HTCD) mais son niveau de preuve reste faible(26). Sa principale limite est qu’il ne peut pas être utilisé dans trois circonstances : chez les patients de moins de seize ans, les femmes enceintes et les blessés médullaires défini comme les patients présentant une tétraplégique ou paraplégie (dysfonctionnement de la réponse réflexe avec variabilité de la fréquence cardiaque, température corporelle, pression artérielle conduisant à un score pouvant être erroné). De plus, il ne prend pas en compte les antécédents médicaux du patient ce qui peut être important pour son orientation ainsi que pour l’évaluation de sa gravité pour certains motifs de recours comme notamment la douleur thoracique.

Population étudiée

L’échantillon d’étude était constitué des patients se présentant aux urgences adultes du DMU de l’AP-HM, quel que soit le motif de recours. Les critères d’inclusion étaient :
– Tout patient se présentant au SAU adultes du DMU de l’AP-HM,
– Quel que soit le motif de recours,
– Lors de créneaux d’inclusion préétablis.
Les critères d’exclusion étaient :
– un âge inférieur à dix-huit ans,
– une grossesse en cours,
– la présence de blessure médullaire définie comme une tétraplégie ou une paraplégie.
– les patients sortis contre avis médical ou sans avis médical
– des données manquantes concernant les constantes vitales
– le refus d’inclusion exprimé par le patient Le critère de jugement principal de cette étude était de comparer les aires sous la courbe des courbes ROC (AUC-ROC) des scores NEWS2, FRENCH et CIMU pour prédire l’orientation des patients au sein du SAU vers la SAUV.

Recueil de données

Modalités de recueil

L’inclusion des patients s’est déroulée sur les sites Nord et Timone de manière perlée entre le 23 février et le 22 août 2021 selon les critères d’inclusions précédemment cités. Elle était réalisée par deux investigateurs dédiés. Les investigateurs étaient présents de façon alternée sur l’un des deux sites selon un planning préétabli, aussi bien en heures ouvrées, que lors des heures de permanence de soins (week-end, jours fériés, de 19h à 8h30 en jours ouvrés), durant des tranches horaires de deux heures en continu. Les données étaient collectées de manière anonyme à l’accueil des SAU auprès de l’IOA et étaient retranscrites sur une grille de recueil (Annexe 3) remplie par les investigateurs à partir des informations délivrées par l’IOA, le patient, ou le transporteur (ambulance, pompiers, Service d’Aide Médicale d’Urgence (SAMU), famille). Concernant les données non immédiatement disponibles, leur recueil se faisait a posteriori dans les dossiers patients des logiciels Axigate et Terminal Urgence.

Données relevant de la prise en charge du patient

 Le délai de prise en charge médicale correspondant au temps écoulé entre l’heure d’enregistrement à l’accueil du SAU par l’agent administratif et l’heure du premier contact médical.  La durée moyenne de séjour (DMS) au SAU correspondant au temps écoulé entre l’heure d’enregistrement à l’accueil du SAU par l’agent administratif et l’heure de sortie du SAU (l’Unité d’Hospitalisation de Très Courte Durée (UHTCD) étant considérée comme un mode de sortie).
 L’éventuel transfert du circuit ambulatoire ou couché vers la SAUV ainsi que la raison de ce transfert parmi : la dégradation clinique du patient, une potentielle erreur de tri initiale ou la réalisation d’un geste thérapeutique nécessitant une surveillance scopée (la réduction d’une luxation gléno-humérale sous sédation vigile par exemple).
 Le diagnostic finalement retenu ainsi que sa gravité selon la classification CCMU (Classification Clinique des Malades aux Urgences).
 Le mode de sortie du SAU : retour à domicile (RAD), hospitalisation à l’UHTCD, hospitalisation en secteur conventionnel (HC) qu’il soit chirurgical ou médical, hospitalisation en soins intensifs ou continus (SI/SC), hospitalisation en réanimation ou décès au sein du SAU.
 Le statut vivant, décédé ou inconnu à J7 et le type d’hospitalisation, si le patient était hospitalisé à J7.

Caractéristiques générales de la population

L’échantillon étudié (Tableau 9) comportait presque autant de femmes (n = 628) que d’hommes (n = 715), avec p = 0,56. L’âge moyen était de 48 ans avec un minimum de 18 ans et un maximum de 99 ans. 1030 patients ont été inclus sur le site Nord et 313 sur le site Timone, avec une majorité de patients inclus sur des créneaux de recueil du soir (n = 647, 48,2%) de manière égalitaire entre heures ouvrées et permanence de soins (respectivement, n = 666 ; 49,6% et n = 677 ; 50,4%). La majorité des patients provenait de leur domicile (n = 1144 ; 85,2%) cependant un peu moins de la moitié s’était rendu au SAU par leurs propres moyens (n = 660 ; 49,1%). Les motifs de recours étaient majoritairement d’ordre médical pour l’ensemble de la population (n = 941 ; 70,1%). Cependant, les motifs de recours des patients admis au circuit ambulatoire relevaient d’avantage de la traumatologie (n = 215 ; 48,4%) que de la médecine (n = 203 ; 45,7%). La majorité des patients sont sortis du SAU vers un retour à domicile (n = 1030 ; 76,7%).

Sous-groupe des patients hospitalisés en HC ou à l’UHTCD

Parmi les patients hospitalisés en HC (n = 222 ; 71,4% des patients hospitalisés) ou à l’UHTCD (n = 63 ; 20,3% des patients hospitalisés), soit au total 285 patients (21,22% de la population totale, 91,6% des hospitalisations), 9 avaient été transférés à J7 en soins intensifs ou continus ou en réanimation soit 3,2% des patients hospitalisés en HC ou à l’UHTCD.

Hospitalisations à la suite de la prise en charge au SAU 

311 patients ont été hospitalisés à la suite de leur prise en charge au sein du SAU auxquels ont été inclus les patients décédés aux urgences (n = 2) soit 313 patients, ce qui correspond à 23,31% de la population. Les AUC-ROC des scores NEWS2, FRENCH et CIMU (Figure 9) étaient respectivement de 0,74 [IC 95% ; 0,71 ; 0,77] (p<0,001) ; 0,66 [IC 95% ; 0,63 ; 0,69] (p<0,001) et 0,65 [IC 95% ; 0,62 ; 0,68] (p<0,001). La comparaison des AUC-ROC du score NEWS2 versus FRENCH et NEWS2 versus CIMU montrait une différence significative (p<0,001) en faveur du score NEWS2. En revanche, la comparaison des AUC-ROC de la FRENCH versus CIMU ne montrait pas de différence significative avec p = 0,585. Le score NEWS2 supérieur ou égal à 3 semblait être discriminant pour la prédiction d’hospitalisation des patients dès l’accueil au SAU avec une sensibilité de 55,27%, une spécificité de 80,1% et une valeur prédictive négative de 85,49%. Le score FRENCH inférieur ou égal à 3B semblait être discriminant pour ce même objectif avec une sensibilité de 84,66%, une spécificité de 40,87% et une valeur prédictive négative de 89,77%. Le score CIMU inférieur ou égal à 3 semblait être discriminant pour ce même objectif avec une sensibilité de 71,57%, une spécificité de 53,98% et une valeur prédictive négative de 86,2%.

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Table des matières

A – INTRODUCTION
I – LE TRIAGE
1) Pourquoi trier ?
2) En quoi consiste le triage ?
3) Comment trier ?
II – DES OUTILS DE TRIAGE VALIDES
1) Les échelles de tri internationales
2) Le modèle français
3) Une nouvelle échelle de tri : la FRENCH
III – LE SCORE NEWS2
1) Historique
2) Calcul du score NEWS2
3) Pourquoi utiliser ce score ?
4) Problématique
B – MATERIEL ET METHODE
I – TYPE D’ETUDE
II – POPULATION ETUDIEE
III – RECUEIL DE DONNEES
1) Modalités de recueil
2) Type de données recueillies
a/ Données démographiques
b/ Données à l’admission
c/ Données relevant de la prise en charge du patient
3) Analyse statistique
a/ Epidémiologie descriptive
b/ Epidémiologie analytique
4) Logiciels utilisés
5) Aspects éthiques et réglementaires
a/ Anonymisation des données
b/ Obligations éthiques
C – RESULTATS
I – INCLUSION DES PATIENTS
II – CARACTERISTIQUES GENERALES DE LA POPULATION
1) Caractéristiques cliniques de la population
2) Sous-groupe des patients hospitalisés
3) Sous-groupe des patients hospitalisés en HC ou à l’UHTCD
III – COMPARAISON DES SCORES DE TRI
1) Pour l’admission à la SAUV
2) Pour l’admission au circuit ambulatoire
3) Hospitalisations à la suite de la prise en charge au SAU
D – DISCUSSION
– 2 – I – APPLICABILITE ET REPRODUCTIBILITE DES SCORES DE TRI
II – RESULTATS DE L’ETUDE
III – POINTS FORTS ET LIMITES
IV – PERSPECTIVES D’APPLICATIONS PRATIQUES DE CETTE ETUDE
E – CONCLUSION
F – REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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