Antibiothérapie prescrite par les médecins généralistes

Incidence et prévalence :

L’infection urinaire représente la deuxième cause d’infections bactériennes communautaires après celles de l’arbre respiratoire [3,20] et l’infection la plus fréquente chez la femme enceinte à cause des modifications anatomiques, hormonales et physico-chimiques de l’urine au cours de la grossesse [20,21]. Elle est responsable de 1 à 3% des consultations en Grande-Bretagne [22], de 250000 nouveaux cas par an en Australie [17]. Aux Etats-Unis, l’incidence annuelle est estimée à 1,8 millions d’épisodes [1]. Sa prévalence est hautement dépendante de l’âge, du sexe et de l’existence ou non d’une anomalie urologique sous-jacente [4,22], mais elle dépend aussi de l’existence ou non d’un corps étranger, d’un antécédent récent de chirurgie urologique ou encore d’une maladie modifiant le statut immunitaire tel que le diabète. En effet elle est plus fréquente chez la femme avec une répartition inégale tout au long de sa vie : il existe un pic de fréquence au début de l’activité sexuelle, au moment de la grossesse et en période post-ménopause (Figure 15) [20]. La prévalence de la bactériurie asymptomatique est de 1 à 3 % chez la femme jeune qu’elle soit enceinte ou pas, contre 0,1 % chez l’homme. La courte distance féminine urètre-anus explique en partie cette différence de fréquence [20,23]. Elle passe chez la population âgée à 10% chez la femme et 5% chez l’homme (Figure 15) [16,24]. Chez le diabétique, la prévalence de l’infection urinaire est estimée à 10% [25]. La cystite bactérienne aigue est la plus fréquente des infections urinaires chez la femme, elle représente environ les deux tiers des infections urinaires communautaires. Les études ont montré qu’une femme sur deux développerait une cystite au cours de sa vie et que 20 à 30% de ces femmes ayant eu une cystite aigue, présenteraient au moins une récidive au cours de leur vie. Ces chiffres seraient même plus important, compte-tenu des automédications [3,19,26].

Facteurs de risque de complication : Comme nous l’avions vu dans le chapitre classification, les cystites compliquées sont celles survenant chez des patients ayant au moins un facteur de risque de complication [15,16,50], qu’il faudra savoir rechercher à l’interrogatoire et à l’examen clinique [51]. Les principaux facteurs de complication d’une cystite selon les médecins de notre étude correspondaient à ceux de la littérature, comme c’est le cas pour le diabète (82,6%), l’âge supérieur à 65 ans (78,3%), les antécédents urologiques (76,1%), l’immunodépression (71,7%), les anomalies fonctionnelles (69,6%), la grossesse (50%), une comorbidité (50%), une pathologie sous-jacente (37%) et la ménopause (23,9%). L’âge qui garde encore une grande place pour distinguer cette pathologie est très discuté actuellement [16,45], puisque dans les dernière recommandations de L’Afssaps on invite plus à voir l’âge physiologique que l’âge civil et invitent à considérer et à traiter toute cystite chez la femme de plus de 65 ans n’ayant aucune comorbidité ni autres facteurs de complication comme une cystite simple [16]. En comparant les facteurs cités par nos médecins par rapport à la littérature, il s’est avéré que la fréquence de ces facteurs est très variable d’une étude à l’autre, sans prédominance particulière (Tableau XXV) [14,45,52,53]. Un nombre des médecins évalués considéraient à tort certains symptômes comme l’hématurie, la fièvre et les lombalgies comme des facteurs de risque de complication.

Nombre de récidive : Comme déjà précisé plus haut dans le chapitre classification, la définition retenue dans notre étude est celle des recommandations de l’Afssaps de 2008, soit 4 épisodes par ans. Cette définition a été adoptée par 57% des médecins évalués dans notre étude. Vingt-quatre pourcent retenaient la cystite récidivante à partir de 2 épisodes seulement par an, ceci à pour conséquence d’engendrer des coûts supplémentaires dus au traitement prophylactique et aux éventuelles investigations complémentaires qui pourrait être épargnés, sans oublier les contraintes que peuvent subir les patients à cause de telles investigations ou de traitements prolongés. Cependant, 15% ne retenaient le diagnostic de cystite récidivante qu’à partir de 6 épisodes par ans, ce qui peut retarder la prise en charge adéquate d’une telle pathologie qui peut être parfois très handicapante. D’après l’étude de Haab et al., seulement 2,3% des patientes présentaient une cystite récidivante de plus de 4 épisodes par an [7].

Ce chiffre parait faible comparé à d’autres publications où ce taux atteignait 23,1 % [54]. Deux explications ont été avancées par l’étude de Haab et al. à ce taux faible de cystites récidivantes. D’une part, il s’agissait d’une étude réalisée en médecine générale, alors que la plupart des autres études ont été réalisées à partir de centres spécialisés. Les patientes atteintes de cystites bactériennes récidivantes sont habituellement prises en charge en milieu urologique et on peut penser que la plupart ont un recours direct au spécialiste en cas de nouvel épisode. La deuxième hypothèse est l’automédication, encore plus fréquente dans cette population qui connaît parfaitement cette symptomatologie. On peut donc retenir de cet observatoire que finalement les médecins généralistes sont relativement peu exposés à la prise en charge des cystites récidivantes [45,47,55].

L’examen clinique : Un examen clinique, gynéco-pelvien en particulier, est recommandé par l’Afssaps [4] et par plusieurs auteurs dont Dason et al. [19] et Neal DE Jr [56], à la recherche de facteurs de complications ou de récidive tels que les anomalies structurelles et fonctionnelles du tractus urinaire accessible à l’examen clinique comme : un prolapsus génito-urinaire, une incontinence, une fistule vésico-génitale, ou d’autres comorbidités. Il aurait également pour intérêt d’éliminer une pyélonéphrite aiguë de présentation fruste (fébricule, lombalgies sourdes) ou une IST (leucorrhées) [4]. En pratique, cet examen est le plus souvent négatif comme en témoignent les études de Haab et al. (75% des cas) et de Fantino et al. (86,6% des cas) [45,57]. Dans notre étude un examen clinique complet a été réalisé par 65,9% des médecins, contre seulement 18,1% pour l’examen gynéco-pelvien seul. Ces taux sont comparables à ceux de l’étude de Fantino et al. [57], où un examen local a été réalisé dans 55% des cas et il avait retrouvé principalement des leucorrhées (18,8%), une vulvite (17,2%), un cystocèle (11%) et une mycose (9,5%). Alors que le toucher vaginal a été réalisé dans 48,8% des cas et avait permit de mettre en évidence une douleur dans 27,8%, une grossesse dans 7% des cas et un prolapsus dans 7% des cas également. Il s’avère donc qu’un examen au moins gynéco-pelvien est important, mais malheureusement pas toujours effectué par nos médecins et ceci peut être du à la charge importante de travail, au taux élevé de négativité d’un tel examen ou encore au temps réduit alloué à chaque patient ce qui le rend un luxe que les médecins des centres de santé en particulier ne se permettent pas vu le flux important de malades.

Indication et utilisation en pratique courante :

L’utilisation d’une bandelette urinaire (leucocytes et nitrites) peut suffire en cas de symptômes et signes évoquant une cystite simple, son utilisation est recommandée mais non systématique. En cas de bandelette négative et en présence de symptômes et signes évocateurs d’une cystite aiguë, le diagnostic de cystite aiguë doit être remis en question et un bilan complémentaire est nécessaire. En cas de doute diagnostique clinique (symptômes et signes atypiques), de présence de facteurs de complications (tels que précédemment définis), un examen aux bandelettes urinaires ne peut suffire à lui seul et un ECBU est alors recommandé [4,6]. Dans notre étude, le taux d’utilisation de la BU était de 60,9% en cas de cystite simple, de 67,4% en cas de cystite compliquée et de 80,4% en cas de cystite gravidique. L’utilisation élevée de la BU en cas de cystite gravidique par rapport aux autres types de cystite, se rapprochait de celle de l’étude de Llor et al. qui était de 83,6% [47], et pourrait être expliquée par le fait que la BU soit un examen de routine chez la femme enceinte qui doit être réalisé, tous les mois à partir du 4ème mois de grossesse, même en dehors de toute symptomatologie pour le dépistage d’une bactériurie asymptomatique [7,8]. Quant aux taux d’utilisation de cet examen en cas de cystite simple et compliquée dans notre étude il reste insuffisant, malgré sa supériorité évidente par rapport à l’étude de Haab et al. [45] où un tel examen a été pratiqué seulement chez 21% des femmes ayant une cystite simple et chez 31% des femmes ayant une cystite compliquée. Ces taux pourraient être expliqués par des difficultés à la réalisation de la BU dues aux facteurs suivants [62,63] :

Examen cytobactériologique des urines :

L’ECBU est l’examen microbiologique le plus souvent demandé au laboratoire de bactériologie. Il représente l’examen clé pour diagnostiquer une infection urinaire, adapter sa thérapeutique et suivre son efficacité. Son interprétation se heurte à de nombreux pièges et doit s’appuyer sur une méthodologie rigoureuse pour une meilleure interprétation [64,66]. L’objectif de l’ECBU est de mettre en évidence des signes d’inflammation de l’arbre urinaire (traduits par la leucocyturie), d’identifier, de quantifier le ou les micro-organismes pathogènes et de déterminer leur phénotype de résistance aux antibiotiques et de confirmer ainsi une éventuelle infection urinaire suspectée cliniquement et ou à l’aide de bandelettes urinaires [64]. Il est important de recueillir des urines vésicales normalement stériles en évitant la contamination par la flore commensale de l’urètre et de la région périnéale. La qualité du prélèvement est donc très importante pour pouvoir interpréter les résultats (Annexe II) [8].

Indication : L’ECBU est indiqué systématiquement dans toutes les situations d’IU en particulier chez la femme enceinte, à l’exception des cystites aiguës simples d’évolution non récidivante favorable où un examen à la bandelette urinaire suffit [7,22]. Dans notre étude, 39,1% des médecins ont demandé un ECBU en excès devant la suspicion de cystite simple là où la symptomatologie et la bandelette urinaire aurait suffit [4,67]. Ce taux un peu plus élevé que celui d’autres études étrangères comme celle de Haab et al. en France (33%) [45] et celle de Llor et al. en Espagne (32,8%) [47] peut être du à plusieurs facteurs dont la non connaissance des recommandations de prise en charge de la cystite, au doute quand à la fiabilité de la clinique et de la bandelette seuls, ou encore le fait d’utiliser l’ECBU comme alternative aux bandelettes urinaires lorsque la réalisation de celles-ci n’est pas possible pour les raisons déjà cités dans le chapitre relatif à la question. Ceci dit nous avons remarqué que ces taux contrastaient visiblement avec ceux de l’étude de McIsaac et al. au Canada [46], où le taux de prescription de l’ECBU en cas de cystite simple était de 77%, probablement en raison de la facilité des praticiens canadiens à avoir recours à des investigations complémentaires sans contrainte financière, mais cette pratique ne concorde tout de même pas avec les recommandations canadiennes qui sont semblables aux recommandations Françaises et Européennes [4,31,68].

Devant l’existence de facteurs suggérant une cystite compliquée, un ECBU a été demandé par 84,8% des médecins de notre étude, un taux qui est plus élevé par rapport aux taux de prescription de cet examen en cas de suspicion de cystite simple comme déjà indiqué et en cas de suspicion de cystite chez la femme enceinte où ce taux était de 73,9%. Le premier écart qui semble logique est probablement du à la conscience des médecins quant à l’importance d’un tel examen en cas de cystite compliquée par rapport à une cystite simple. Le deuxième écart est plutôt surprenant, surtout quand on sait que la grossesse est un facteur de complication et que donc le taux de demande d’un ECBU doit être le même dans ces deux entités, d’autant plus que dans les études de Llor et al. et Haab et al. ces deux entités ont été évalués sous le même titre de cystite compliquée (Tableau XXVIII). D’autre part l’ECBU était plus demandé par les médecins de notre étude par rapport à ceux des études de Llor et al. et Haab et al., probablement du fait que notre étude a été réalisée en ville alors que les deux autres concernaient le milieu urbain et rural.

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Table des matières

INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODE
I. Type d’étude
II. Population cible et échantillonnage
III. Variables étudiées
IV. Collecte des données
1- Elaboration du questionnaire
2- Distribution et récupération du questionnaire
V. Saisie et analyse des données
VI. Biais de l’étude
VII. Considérations éthiques
VIII. Difficultés rencontrées
RESULTATS
I. Taux de participation
II. Profil des médecins évalués
1- Le genre
2- L’âge
3- Le lieu de formation
4- Lieu d’exercice
5- Les années d’exercice
III. Diagnostic et formes cliniques
1- Symptômes de la cystite bactérienne aigue
2- La cystite compliquée
3- La cystite récidivante
4- Les facteurs de récidive
5- L’examen clinique effectué
6- Les examens complémentaires demandés
7- Interprétation des bandelettes urinaires
8- Interprétation de l’ECBU
IV. Traitement, surveillance et prévention
1- Antibiothérapie prescrite par les médecins généralistes
2- Place de la bi-antibiothérapie
3- Voies d’administration
4- Posologies et durées des traitements
5- Conduite thérapeutique
6- Indication des mesures hygiéno-diététiques
7- Evaluation de l’efficacité thérapeutique
8- Prévention de la cystite récidivante
DISCUSSION
I. Données générales
1- Définition
2- Classification
II. Epidémiologie
1- Incidence et prévalence
2- Épidémiologie bactérienne
3- Résistance des entérobactéries uropathogènes aux antibiotiques
III. Diagnostic positif
1- Interrogatoire
2- L’examen clinique
3- Examen aux bandelettes urinaires
4- Examen cytobactériologique des urines
5- Imagerie et autres investigations complémentaires
IV. Traitement antibiotique
1- Traitement de la cystite simple
2- Traitement de la cystite compliquée
3- Traitement de la cystite gravidique
V. Place des mesures hygiéno-diététiques dans le traitement
VI. Surveillance, suivi et évolution
VII. Traitement et prévention des récidives
VIII. Synthèse récapitulative de notre étude
IX. Les limites de l’étude
X. Explications et solutions proposées
Conclusion
RÉSUMÉS
ANNEXES
I. Annexe I (Questionnaire)
II. Annexe II (Arbres décisionnels)
1- Cystite simple
2- Cystite compliquée
3- Cystite récidivante
4- Cystite gravidique :
5- Bactériurie asymptomatique
III. Annexe III (Outils diagnostics) :
1- Bandelettes urinaires :
2- Examen cytobactériologique des urines (ECBU) :
TABLEAUX ET FIGURES
BIBLIOGRAPHIE

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