Analyses multi-omiques sur cellules uniques

Analyses multi-omiques sur cellules uniques 

Enjeux de l’analyse multi-omique de cellules uniques

Analyse multi-omique
Diverses molécules composant les systèmes vivants agissent de manières interdépendantes pour accomplir les fonctions d’un organisme. Elles interagissent selon le dogme central : l’ADN fournit le code pour l’ARN, qui est traduit en protéines qui remplissent les tâches biologiques [1]. L’analyse d’un seul aspect de ce système ne fournit qu’une compréhension partielle des fonctions et structures biologiques. Cependant, grâce à de nouveaux outils, il est désormais possible d’acquérir suffisamment de données de différents types moléculaires pour adresser des questions complexes. L’intérêt d’intégrer les informations des différents omiques (ou « modes », tels que le génome, épigénome, transcriptome, protéome et même interactome …) est d’accéder simultanément aux différents niveaux de l’information biologique pour arriver à une compréhension plus détaillée et systématique des principes fondamentaux des systèmes vivants.

Par exemple dans un système biologique complexe comme une tumeur cancéreuse, les altérations aux niveaux de l’ADN, l’ARN, les protéines et le métabolite construisent des réseaux couplés de molécules dysfonctionnelles. Une étude à un niveau individuel est alors insuffisante pour clarifier la pathogénèse du cancer. L’intégration de données multi-omiques joue un rôle pivot dans l’élucidation des mécanismes moléculaires de la tumorogénèse et la découverte de nouveaux biomarqueurs et cibles de traitement [2].

Analyse de cellules uniques 

Malgré l’intérêt évident de mettre en œuvre les différents modes précédemment cités, lorsque ces analyses s’effectuent à l’échelle d’un tissu ou d’une biopsie, les informations extraites restent parcellaires et ne permettent pas de refléter l’hétérogénéité de ces échantillons cellulaires complexes. En effet, l’analyse en volume d’un tissu qui présente une hétérogénéité cellulaire fournit théoriquement un signal moyenné sur l’ensemble des cellules. Les nouvelles techniques d’analyses de cellules uniques, passées en revues dans [3], [4] et [5], donnent accès à une résolution cellulaire et permettent d’acquérir les informations sur les sous populations cellulaires présentes dans un échantillon pour une meilleure connaissance de l’hétérogénéité cellulaire (Figure 1). Par exemple, le séquençage de l’ADN de cellules uniques a permis d’étudier l’hétérogénéité cellulaire en termes de mutation d’ADN dans une tumeur [6]. La comparaison de l’hétérogénéité génomique entre des tumeurs primaires et des tumeurs métastatiques a mené à une meilleure compréhension de la formation des métastases [7] et à la compréhension des changements génétiques dans la tumeur qui conduit à la résistance aux traitements [8]. De plus, les développements récents des méthodes pour l’étude de l’épigénome de cellules uniques commencent à permettre d’adresser des questions fondamentales d’épigénétique [9], comme la contribution des caractéristiques de la chromatine à l’évolution et l’hétérogénéité d’une tumeur [10]. Depuis la première présentation en 2009 [11], l’étude du transcriptome de cellules uniques a connu de nombreux développements technologiques [12] et de nombreux systèmes sont actuellement commercialisés [13]. Ces développements ont ouvert la voie à d’autres types d’analyses sur cellules uniques, comme le sécrétome [14] et l’analyse des lipides [15].

Ces avancées ont permis de découvrir l’hétérogénéité dans des échantillons qui semblaient constitués de populations uniformes de cellules [16] et dans des tissus complexes comme des tumeurs, et ces découvertes ont modifié les schémas de classification cellulaire existants. Cependant, une classification cellulaire correcte est compliquée par des difficultés associées à la caractérisation des propriétés de cellules uniques [17] [18]. En effet, la résolution de la mesure sur une unique cellule est limitée par les erreurs techniques dans le traitement de la cellule (appelé « bruit technique »), qui peuvent être dues par exemple à des erreurs dans la transcription inverse de l’ARNm, ou à une amplification non linéaire durant des cycles de PCR (Polymerase Chain Reaction). De même, l’information contenue dans la mesure sur une cellule unique peut être limitée par le « bruit intrinsèque », qui est dû au caractère dynamique de la cellule et au fait qu’elle n’a pas la même composition moléculaire à différents stades du cycle cellulaire ou au cours de la transcription d’un gène par exemple. Une stratégie pour surmonter ces limitations est d’augmenter le nombre de cellules analysées. En effet, même si une mesure cellulaire est soumise à des erreurs systématiques (bruit technique) et aléatoires (bruit intrinsèque), un débit important ainsi que la compréhension des limitations fondamentales de l’essai biologique utilisé permettent de rendre plus fiable l’étude de la distribution d’une variable dans une population. Une autre approche, qui peut être complémentaire à la première, est d’augmenter le nombre de variables mesurées sur une cellule unique. Par exemple, l’expression de plusieurs gènes qui co-varient dans la cellule peut être un meilleur indicateur que l’étude d’un seul gène. Cela est notamment rendu possible ces dernières années grâce au coût réduit et à une meilleure accessibilité du séquençage nouvelle génération (NGS) qui permet d’étudier plusieurs variables à la fois. Par exemple, l’équipe Mechta-Grigoriou à l’Institut Curie a identifié quatre souspopulations de fibroblastes associés au cancer (CAF) qui ont des rôles différents en combinant les méthodes de cytométrie, immunohistochimie et séquençage d’ARN sur cellules uniques [19].

Assurer qu’un échantillon contient seulement une cellule reste un défi technologique. La première étape est de générer une suspension de cellules uniques, qui varie considérablement entre les types de tissus et doit être optimisée pour pouvoir analyser une population de cellules viables et non biaisée [4]. Ensuite, il y a différentes approches pour isoler les cellules uniques à partir d’une suspension [20]. L’isolation manuelle est une solution adaptée lorsqu’un faible nombre de cellules doit être analysé, tout comme la microdissection laser qui permet d’étudier les cellules dans leur contexte topologique. La cytométrie de flux (FACS) est plus adaptée pour un nombre de cellules important et permet de trier des cellules phénotypiquement distinctes avec une isolation à haut débit. Les technologies microfluidiques ont aussi été largement appliquées pour l’analyse de cellules uniques, notamment grâce aux dispositifs récemment commercialisés qui ont démocratisé leur utilisation (Fluidigm C1 [21], Drop-seq [22], InDrop [23]) et ont permis des avancées majeurs dans de nombreux domaines de la biologie comme l’étude des cellules souches [24], l’oncologie [25] ou la neurologie [26]. Une fois isolées, les cellules uniques sont lysées si l’analyte d’intérêt se trouve à l’intérieur de la cellule et différentes techniques sont utilisées pour la détection. Les acides nucléiques sont le plus souvent amplifiés avec les méthodes d’amplification de génome ou transcriptome entiers (whole genome amplification WGA, whole transcriptome amplification WTA), qui peuvent chacune apporter des erreurs techniques (décrites dans [20]). Après l’amplification, les acides nucléiques sont utilisés pour construire des librairies pour le NGS. Pour d’autres types d’analytes, comme les protéines, des méthodes telles que la détection par immunoessai fluorescent peuvent être utilisées [14]. Un grand défi de l’analyse multi-omique est d’utiliser des protocoles de détections pour les différents analytes qui soient compatibles entre eux ou d’isoler les molécules d’intérêt les unes des autres pour pouvoir les traiter séparément.

Nous nous intéresserons pour la suite particulièrement aux méthodes qui permettent d’étudier le génome et le transcriptome de cellules uniques puisque c’est une des catégories de l’analyse multi-omique de cellules uniques qui a connu le plus de développements et c’est dans cette lignée que s’inscrivent les travaux décrits dans le deuxième chapitre de cette thèse.

Analyses des génomes et transcriptomes de cellules uniques 

Intérêt de l’analyse des génomes et transcriptomes

Le séquençage génomique de cellules uniques permet de révéler et de caractériser l’hétérogénéité génétique intercellulaire dans différents types de tissus, sains ou pathologiques. Mais même si les différences génétiques sont la source la plus évidente de variabilité cellulaire, le processus stochastique de l’expression des gènes peut causer une hétérogénéité à l’intérieur d’une population de cellules homogène. Pour révéler la variabilité cellulaire liée à l’expression génétique, il faut considérer aussi le séquençage du transcriptome. Un des défis actuels est de découvrir les relations de causes à effets entre les variations génomiques et les profils de transcription cellulaires. Une autre combinaison multi-omique prometteuse est de relier l’épigénétique aux variations transcriptomiques de cellules uniques, dont plusieurs méthodes sont citées dans [4].

Un avantage considérable du séquençage du génome et transcriptome d’une même cellule est que la corrélation génotype-phénotype peut être déterminée de manière non ambiguë [3] [4]. Ainsi, la variabilité génomique d’une population de cellules peut être associée à une variabilité de transcription sans être biaisée par l’hétérogénéité cellulaire, ce qui permet l’étude de potentiels mécanismes moléculaires responsables des phénotypes différents entre les cellules uniques. De plus, le séquençage simultané du génome et du transcriptome de cellules uniques peut permettre de reconstruire des arbres de lignée cellulaire. En effet, le profil génomique permet de reconstruire la lignée cellulaire (phylogénie) sur la base des mutations héritées et le profil transcriptomique de ces mêmes cellules fournit des informations sur le phénotype et les fonctions cellulaires. Enfin, le séquençage simultané du génome et du transcriptome d’une même cellule permet de détecter les mutations avec une plus grande précision, puisque les mutations trouvées sur l’ADN ou l’ARN peuvent se vérifier deux à deux. Nous donnons ensuite des exemples d’applications de l’analyse du génome et transcriptome de cellules uniques, après avoir passé en revue les principales techniques utilisées actuellement pour y parvenir. Nous ne décrivons pas ici les techniques de séquençages mais nous nous concentrons sur les étapes en amont .

Stratégies

Le développement des premières technologies de NGS en 2005 a ouvert la voie aux premiers séquençages du transcriptome de cellules uniques en 2009 [11] et du génome de cellule unique en 2011 [27]. Le nombre d’études de séquençage sur cellules a alors connu une augmentation considérable et elles ont impacté divers domaines de la biologie [20]. C’est en 2015 qu’apparaissent les premières analyses multi-omiques de cellules uniques. Une première approche pour l’analyse simultanée du génome et du transcriptome de cellules uniques est celle de « DNA- and RNA- Sequencing » (DR-Seq), implémentée par Dey et al en 2015 [28]. La méthode consiste en l’isolation des cellules capturées manuellement dans des puits, leur lyse complète suivie de la transcription inverse de l’ARN messager (ARNm) pour synthétiser l’ADN complémentaire (ADNc) en y ajoutant un promoteur spécifique à la T7 ARN polymérase utilisé lors de la seconde étape. La première amplification se fait simultanément pour l’ADNc et l’ADN génomique (ADNg) dans la même solution, qui est ensuite séparée en deux moitiés qui sont traitées de manières différentes. Dans la première moitié l’ADNg subit une nouvelle série d’amplifications pour la préparation de librairie pour le NGS. Dans la deuxième moitié l’ADNc est transcrit grâce au promoteur spécifique à la T7 ARN polymérase (avec la technique de transcription in vitro) puis amplifié pour la préparation de librairie pour le NGS. Cette méthode ne cherche pas à séparer physiquement l’ADNg et l’ARNm initialement présents dans la cellule, contrairement aux deux autres stratégies présentées ensuite, ce qui présente l’avantage de limiter la perte de matériel lors d’étapes de transfert avant l’amplification mais impose que l’ADNg et l’ADNc subissent le même protocole tant que la solution n’est pas séparée en deux. Grâce à cette méthode qui permet d’analyser une trentaine de cellules les auteurs ont montré que les gènes avec une grande variabilité cellulaire en nombre de transcrits ont en général un plus bas nombre de copies génomiques.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 – METHODES BIOANALYTIQUES ET MINIATURISATION
I. Analyses multi-omiques sur cellules uniques
1. Enjeux de l’analyse multi-omique de cellules uniques
2. Analyses des génomes et transcriptomes de cellules uniques
3. Analyses multi-omiques en microfluidique
II. Etude des génomes ou transcriptomes de cellules uniques en microfluidique de gouttes
1. Microfluidique de gouttes pour l’analyse de cellules uniques
2. Analyses génomiques de cellules uniques en microfluidique de gouttes
3. Analyses transcriptomiques de cellules uniques en microfluidique de gouttes
III. Analyses protéiques en microfluidique de gouttes
1. Méthodes pour l’analyse protéique en gouttes
2. Microfluidique de gouttes pour la spectrométrie de masse
3. Préparation d’échantillons sur puce
IV. Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 2 – DEVELOPPEMENT D’UN SYSTEME DE MICROFLUIDIQUE DE GOUTTES POUR LA SEPARATION DES GENOMES ET TRANSCRIPTOMES DE CELLULES UNIQUES
I. Principe et avantages des pinces magnétiques
1. Utilisation de support solide en biologie analytique
2. Utilisation de support solide magnétique en microfluidique de gouttes
II. Conception de l’expérience en gouttes
1. Principe général
2. La séparation physique
3. Caractérisation des performances de la méthode
4. Autres choix expérimentaux
III. Résultats des expériences d’extraction spécifique d’ARNm et d’ADNg
1. Séparation ARN/ADN à partir d’un mélange d’ARN et d’ADN purifiés
2. Séparation à partir de lysat cellulaire
3. Séparation à partir de quelques cellules entières
IV. Conclusion et perspectives
BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 3 – PREPARATION D’ECHANTILLONS EN GOUTTES POUR LA SPECTROMETRIE DE MASSE MALDI-TOF
I. Couplage de la spectrométrie de masse MALDI-TOF et de la microfluidique de gouttes…
1. Principe de la spectrométrie de masse MALDI-TOF
2. Avantage d’un couplage avec la microfluidique de gouttes
II. Développement du protocole expérimental
1. Le processus microfluidique
2. Dépôt des gouttes sur la plaque et effet de concentration
3. Fonctionnalisation des billes
III. Résultats et discussion
1. Optimisation du protocole de digestion enzymatique en gouttes
2. Digestion et détection d’échantillons peu concentrés
3. Digestion et détection avec un temps de digestion réduit
IV. Conclusion et perspectives
1. La digestion
2. La cristallisation
BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION

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