Analyses moléculaires

Analyses moléculaires

Influence de l’apiculture sur la diversité génétique insulaire

Les résultats des analyses nucléaires montrent que la diversité génétique d’Apis mellifera à La Réunion est en en moyenne forte (12,8 allèles/locus) pour les loci étudiés. Cette observation est d’autant plus intéressante que le nombre d’allèles moyen pour six loci : B124, A113, A24, A28, A7 et A8 est de 13,3 allèles c’est à dire supérieur à ce qui a été observé sur les îles Baléares (entre 2,8 et 7,7), sur les îles Macaronésiennes (Madère : 4,2 allèles moyen /locus ; Açores : 4,33 allèles moyen /locus) ou encore sur les îles Canaries (de 3,9 à 7,2 allèles en moyenne/locus) abritant également plusieurs lignées maternelles (De la Rùa et al. 2001b, 2003, 2006). En théorie la diversité génétique des îles est plus faible que celle d’une région continentale équivalente (Frankham 1997). Ce genre de phénomène peut résulter de « goulet d’étranglement » qui suggère que la diversité génétique observée sur des populations insulaire ne représente qu’un échantillon de la diversité génétique de la zone continentale d’origine de ces populations d’où des individus colonisateurs (naturels ou introduits) sont provenus. Au vu des autres observations effectuées en milieu insulaire pour Apis mellifera, il aurait pu être supposé que la diversité génétique sur l’île serait plus faible. Toutefois, en étudiant en détail les fréquences alléliques de certains locus chez les colonies d’abeilles à La Réunion, il apparait certains allèles caractéristiques de lignée évolutive Africaine comme les allèles 100-101, 102-103 et 104-105 pour le locus A24 et de lignée Européenne (M) avec les allèles 232 et 234 pour le locus A113 (De la Rùa et al. 2002a). D’autres allèles diagnostiques des lignées C et M ont été retrouvés sur l’ensemble des colonies comme l’allèle 128 du locus A7 ou encore 125 du locus AP36 (Garnery et al. 1998). D’autres parts, des allèles observés chez des populations d’Apis mellifera carnica de Slovénie (c.-à-d. leur aire de répartition naturelle) en forte fréquence sont également retrouvés chez les colonies réunionnaises avec des fréquences non négligeables comme l’allèle 147 du locus A88 (Annexe 6) (Susnik et al. 2004). En étudiant plus en détails, les allèles par individu des colonies réunionnaise, il ressort que de nombreux individus de lignée maternelle Apis mellifera unicolor possèdent des allèles diagnostiques de lignée M et que tous les individus de lignée Européenne C (77 colonies) Apis mellifera carnica ont des allèles caractéristiques de lignée Africaine. Il apparait donc qu’au niveau nucléaire les colonies  d’Apis mellifera à La Réunion possèdent des allèles de lignées évolutives différentes. Cette observation permet d’émettre l’hypothèse que la diversité génétique observée résulte d’un apport d’allèles au pool génétique global par la cohabitation de plusieurs lignées évolutives hautement divergentes qui se seraient hybridées comme dans les populations d’Italie et de Sicile (Franck et al. 2000) ou encore comme à Chypre (Kandemir et al. 2006). Ce genre de phénomène est notamment très observé aux Etats-Unis où la diversité génétique en zone apicole est plus forte que dans les régions d’origine des sous-espèces introduites (Magnus et al. 2010, Haupur et al. 2012).
Cette observation pourrait être un premier élément indicateur de métissage avec l’apparition d’une asymétrie génétique où le patrimoine mitochondrial est différent du patrimoine nucléaire suite aux croisements sur plusieurs générations de reines et de mâles issues de colonies de lignées évolutives différentes.
En ce qui concerne la diversité génétique à l’échelle des apiculteurs, elle n’est pas répartie de façon homogène puisque la diversité moyenne par apiculteur est plus faible que la diversité globale observée et ce malgré de grands effectifs de ruchers comme pour l’apiculteur 19. Cela signifie que les apiculteurs ne partagent pas un pool génétique commun unique mais ont un patrimoine génétique propre. En ce qui concerne les colonies sauvages, l’étude des fréquences alléliques n’a pas révélé d’allèles privés et indique l’existence de flux de gènes entre les colonies du milieu naturel et des zones exploitées.
Les analyses ont montré que les taux d’hétérozygotie observés sont en moyenne comparables (He =0,46) aux autres populations insulaires d’Apis mellifera, mais plus faibles que des régions continentales comme au Maroc (Ho = 0,80), en Guinée (Ho = 0,82) (Franck et al. 2000) ou en Europe chez des populations italiennes (Ho = 0,64) ou grecques (Ho = 0,79) (Muñoz et al. 2009). Le faible degré d’hétérozygotie global sur l’île est surtout influencé par les loci A8, AP36, AP289, AX, AP28 et AP81. Les tests d’équilibre d’Hardy-Weinberg sur les ruchers des apiculteurs ont montré des valeurs de FIS positives et significatives indiquant un écart au modèle. Cette déviance pourrait être due à plusieurs facteurs, notamment l’estimateur FIS est très sensible aux erreurs de codage, aux migrations et à l’échantillonnage mais aussi au régime de reproduction.Les erreurs de codage peuvent être indiquées par de fortes fréquences d’allèles, or ce n’est pas le cas ici. En ce qui concerne l’effort d’échantillonnage, celui-ci a permis d’échantillonner au mieux la diversité génétique de l’île (évolution du nombre d’allèles moyens en fonction du nombre de colonie = annexe 8). Les fortes valeurs significatives de FIS par apiculteur (entre 0,043 chez l’apiculteur 10 et 0,268 chez l’apiculteur 29) suggèrent qu’il existe une sous-structuration de l’ensemble des colonies d’abeilles en groupes génétiques comme sur les îles Baléares (De la Rùa et al. 2003).
Cet effet a pu être mis en relief par les valeurs de FST montrant des différenciations génétiques significatives entre apiculteurs voire ruchers surtout chez les apiculteurs 12 et 17. Aussi le fait que chaque apiculteur possède un pool de colonies différent génétiquement par rapport aux autres est un argument allant dans le sens d’une structuration génétique. Comme il a été précisé plus haut, l’absence de panmixie peut fortement influencer le FIS. Au travers des valeurs de FST et de FIS, il est possible d’avancer que les pratiques  apicoles appliquées sur l’île ont tendance à favoriser les croisements entre individus apparentés entre certaines colonies, induisant une consanguinité. La conséquence des croisements consanguins est la maximisation de la différenciation entre apiculteurs. Le modèle bayésien établi par Structure suggère qu’il existe bel et bien une sous-structuration en trois groupes génétiques qui pourrait être due à l’origine de plusieurs aires de croisements (accouplements) sur l’île ou par l’influence des conduites apicoles (De la Rùa et al. 2003). Etant donné que les zones de congrégation de mâles ne sont pas connues à La Réunion, cette dernière hypothèse ne peut pas être écartée. Elle rejoint la définition de population chez Apis mellifera que Garnery et al. 1992 ont établi comme « l’ensemble des colonies partageant la même aire de congrégation de mâles ». La présence des trois populations ou groupes génétiques n’est selon les AMOVA réalisées ni expliquée par des groupes de lignées maternelles ni par la répartition géographique des colonies. Cette sous-structuration n’exclut pas les échanges entre populations génétiques, la sortie Structure et les ACP ont permis de voir qu’il existe un flux de gènes entre ces populations. Le fait est que la structuration n’est pas liée à la diversité mitochondriale suggère que les colonies échantillonnées sont issues d’hybridations. Ce phénomène a déjà été largement décrit chez Apis mellifera aux Etats-Unis entre la sous-espèce Africaine Apis mellifera scutellata et Européennes Apis mellifera mellifera, Apis mellifera ligustica, Apis mellifera caucasia et Apis mellifera carnica (Pinto et al. 2005, 2007, Magnus et al. 2010). Suite à ces croisements entre sous-espèces, favorisés par les introductions humaines, des descendants hybrides apparaissent ayant à la fois des gènes Africains et Européens (Pinto et al. 2005). Des études en Argentine, Brésil et Uruguay ont permis de montrer que ces hybridations peuvent être asymétriques dans le sens où le patrimoine génétique d’une sous-espèce va dominer sur d’autres (Collet et al. 2006). Les conséquences des hybridations peuvent apparaitre très vite comme au Mexique où trois ans après la mise en contact de sous-espèces Africaines et Européennes, les flux géniques ont conduit à l’apparition de gènes Africains dans les colonies de lignées Européennes et en 10 ans ont résulté en un changement radical du patrimoine génétique des abeilles mexicaines (Clarke et al. 2002). Dans d’autres cas, les hybridations entres lignées évolutives a pu mener à la formation de nouvelles sous-espèces comme Apis mellifera sicula de Sicile et Apis mellifera ligustica d’Italie qui sont les descendantes de plusieurs lignées évolutives avec un patrimoine génétique mitochondrial à la fois composé de lignées Européennes (M et C) et Africaines (A) (Franck et al. 2000).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1. INTRODUCTION
1.1 Origine et évolution d’Apis mellifera
1.2 Diversité génétique et structure des populations d’Apis mellifera
1.3. Problématique et objectifs de l’étude
2. MATÉRIELS ET MÉTHODES 
2.1. Matériel biologique : Apis mellifera à La Réunion
2.2. Sites et méthodes d’échantillonnage des colonies
2.3. Analyses moléculaires
2.3.1. Extraction de l’ADN
2.3.2. Amplification de l’ADN mitochondrial et RFLP
2.3.3. Amplification de l’ADN et génotypage des microsatellites
2.3.3.1. Amplification de l’ADN par PCR des microsatellites
2.3.2.2. Génotypage et lecture des profils
2.3. Analyses statistiques de génétique
2.3.1. Définition des groupes pour les analyses
2.3.2. Analyses préliminaires : fréquences alléliques, allèles nuls, déséquilibre de liaison
2.3.3. Indices de diversité et F-stats
2.3.4. Tests sur la structuration des données microsatellites
3. RÉSULTATS 
3.1. Diversité des lignées maternelles
3.2. Diversité génétique nucléaire
3.3 Structuration des populations
4. DISCUSSIONS
4.1. Diversité des sous-espèces d’Apis mellifera à La Réunion
4.2. Influence de l’apiculture sur la diversité génétique insulaire
5. CONCLUSION & PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LEXIQUE
ANNEXES

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *