Analyse territoriale des soins sans consentement dans la ville de Marseille

La psychiatrie

   L’étymologie grecque du mot psychiatrie est la suivante : psukhé, qui veut dire âme et iatros qui signifie le médecin. Cette définition de médecine de l’âme reste liée au fantasme dupouvoir du psychiatre. Mais l’âme, en terme physique, n’en reste pas moins mal délimitée. L’âme n’est pas identifiée au sens clinique du terme, bien qu’un lien avec le système nerveux central puisse être mis en avant. La pathologie de l’âme, la maladie qui est affiliée à la psychiatrie, est la folie. Elle n’est pas une atteinte d’un organe spécifique. Il existe des atteintes physiques ou biologiques dont les signes cliniques miment des pathologies psychiatriques, mais il n’existe pas à ce jour de taux analogique de la folie qui confirmerait la présence de cettemaladie. Le comportement et le regard d’autrui sont les marqueurs de la folie. Celle-ci est liée au regard d’autrui car c’est en comparaison avec autrui que l’on  présente un comportement incohérent et désordonné.La psychiatrie est ainsi axée sur les soins, de ce que l’on nomme, les maladies mentales.En effet, comme l’a précisé Canguilhem, on soigne d’une maladie et non de la santé. La psychiatrie ne traite donc pas de la santé mentale. La nuance est nécessaire pour atténuer l’omnipotence du psychiatre dans l’évaluation de la normalité. La psychiatrie vient prendre en charge la maladie, et l’analogie avec la prise en charge du diabète est souvent utilisée. Cette analogie est utile, dans le sens où il est demandé au patient diabétique de participer à ces soins : repérer les phases d’hypo ou d’hyper glycémies, comme il est demandé au patient psychotique de prêter attention à la recrudescence des phases d’hallucination ou de repli, et de rééquilibrer la situation ; dans un cas par l’insuline, de l’autre par l’appel à son psychiatre traitant. L’autonomie, définie comme la capacité de participer à la prise en charge, est différente dans ces deux pathologies mais l’accompagnement médical est toujours nécessaire. La psychiatrie existe en tant que discipline médicale depuis Phillipe Pinel (1745-1826), médecin aliéniste, considéré comme le père fondateur de la psychiatrie. Cette discipline a évolué, comme l’état politique français, en changeant de nom mais également en changeant son vocabulaire. Nous pourrions faire un parallèle entre les différentes évolutions politiques françaises et les différents courants de la psychiatrie qui se sont succédé. On nomme, par exemple, la psychiatrie post-moderne comme la psychiatrie communautaire. Il s’agit d’un reflet de l’évolution nécessaire de la psychiatrie, ainsi que son adaptation en fonction de l’environnement politique. En médecine, il est souvent explicité qu’il n’y a jamais de retour à un état antérieur possible. On ne peut pas donc pas être « comme avant », même s’il s’agit d’une formulation souvent utilisée par les patients. Comme « avant » le traumatisme, ou comme « avant » les événements qui ont mené à la rencontre médecin-patient. La rencontre avec le psychiatre, et donc avec la psychiatrie, représente une scission pour le patient. Cette scission temporelle marque l’entrée de la maladie. Le cortège de la maladie, accompagné des mots, tels que les antécédents de prise en charge, les traitements, les allergies, les hospitalisations, font écho à la fragilité humaine. Quelle est la part des soins, concernant la fragilité humaine et la folie ? Lors d’une mise en place d’une mesure de soins sans consentement, il est fréquent que ses proches tentent, une ultime fois, de raisonner le patient par cette phrase « C’est pour ton bien ». La certitude du bienfondé de la décision de soin est fragile, voire inexistante pour le patient pour qui ce « bien » n’est que théorique, et dépend du sens commun. Nous pouvons citer en contre-exemple : le cas du plancher de Jeannot, où la décision d’absence de soins a été prise. Le plancher de Jeannot est un plancher entaillé de mots gravés par Jeannot. Un individu qui s’est donné la mort à 30 ans après avoir passé du temps reclus, à graver de ses mains sur le sol de sa maison, les mots qui lui pesaient. Il fut laissé sans soins par inquiétude de ses proches, qui vivaient dans l’espoir que cet état se dissiperait. Cet exemple interpelle en raison du jeune âge du sujet au moment du décès, mais également par la marque de souffrance laissée. Se replier, inscrire à même le sol les mots qui traversaient son esprit dans le but de soulager sa conscience semble être une part de perdition de la raison. Ce plancher montre effectivement l’intérêt de soins spécialisés psychiatriques, même lorsque les personnes ne sont pas en demande. Il appartient au psychiatre d’évaluer la limite entre une souffrance tolérable accessible à des soins ambulatoires, et celle qui atteint un degré particulier de gravité et d’urgence, et qui nécessite une hospitalisation en Psychiatrie. Dans ce cas, le psychiatre ne dicte pas les normes. Il a, au contraire, la volonté et la vocation de pouvoir soulager l’individu de ses maux et non de lui imposer un seuil de souffrance à ne pas dépasser. Les êtres humains peuvent être soumis à leur passions et à leurs sens. Cela nous permet une transition entre l’homme et l’animal.

Les lois précédentes

   L’évolution des lois concernant les patients bénéficiant de soins psychiatriques marque une progression concernant l’intégration des patients dans le système de santé puis dans la communauté. Nous verrons comment l’essor et l’évolution des lois, sont liés à une meilleure intégration des patients en vue d’une diminution de la stigmatisation. En effet, la psychiatrie est une spécialité qui a un champ d’action en lien avec la liberté. Ce champ d’action est lié à un regard extérieur. En effet, plus on approche de l’étude de la psychiatrie, plus l’on s’aperçoit que le champ d’étude de la psychiatrie est celui de la recherche de compréhension du comportement. Nous aborderons ainsi dans les prochaines lignes : la loi de 1838, loi de reconnaissance des patients en souffrance, la circulaire de sectorisation des soins de 1960, la loi Evin de 1990 pour terminer sur la loi du 5 juillet 2011. La loi de 1838, loi dite « des aliénés » était la première loi qui explicitait les champs d’action de la psychiatrie d’un point de vue légal. Elle marquait ainsi une première approche des patients atteints de folie : les aliénés. Ces personnes aux comportements explicitement différents, n’étaient plus à exclure et un soin était envisageable dans leur prise en charge. Cesaliénés bénéficiaient enfin d’interventions médicales. Ces personnes qui étaient auparavant exclues dans des navires ou en dehors de la ville, expérimentaient une première démarche de soins. L’exclusion persistait néanmoins : les asiles étaient situés à distance des centre villes et des villes. Cela correspondait au point de vue des aliénistes, affirmant que le calme étant nécessaire pour les soins. Cette loi était, ainsi, une première reconnaissance médicale de la folie. Comme cité par son auteur, Esquirol : « Cette loi ne doit pas être contre, mais pour les aliénés : il ne suffit pas qu’elle rassure la société contre le désordre que ces malades peuvent provoquer et qu’elle pourvoie à la conservation de leur fortune, mais elle doit veiller à ce que l’aliéné étant un malade soit traité de sa maladie » La folie est enfin reconnue comme une maladie qui nécessite des soins et un environnement adapté à ces soins. L’environnement étant fondamental aux soins psychiatriques, une division des soins par région était donc à maintenir. Le mouvement de désinstitutionalisation de la psychiatrie après la seconde Guerre Mondiale permet l’aboutissement de la loi concernant la sectorisation psychiatrique en 1960. La circulaire du 15 mars 1960 visait à améliorer la prise en charge des patients au plus proche de leur environnement. Il s’agissait de favoriser les soins de proximité et donc une intégration même à la communauté. A partir de cette circulaire, l’impact et la création des établissements psychiatriques a eu un essor majeur.28 Cela représentait l’acceptation sociétale et la création de structures de soins, dans la mesure du possible, au détour d’une validation législative. La législation ayant une valeur de reconnaissance de l’existence et de la nécessité d’une prise en charge dans ce cadre. La loi de 1990, dite loi Evin, est une reformulation des hospitalisations sans consentement. Elle est nommée par ailleurs : « loi relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison des troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation. » Un premier ajustement est d’ailleurs nécessaire avant de mentionner les lois contemporaines. Les lois jusqu’au XXème siècle encadraient les hospitalisations d’office et les hospitalisations à la demande d’un tiers. La notion de soins concernait effectivement l’espace : l’hôpital, premier lieu d’asile pour des patients souffrant de troubles. Ces troubles peuvent être définis comme des difficultés d’interactions, de compréhension de l’entourage, de l’environnement, de la société au point qu’un temps d’exclusion semblait nécessaire. La loi Evin a pour objectif de sortir de l’hospitalo-centrisme. L’isolement thérapeutique ne devient plus la règle. La sectorisation et la valorisation de l’autonomie sont des notions qui s’immiscent dans les soins psychiatriques. Le terme d’exclusion s’apparente dans ce cadre à la place des lois régissant l’hospitalisation. L’évolution des lois, objectivant la place des malades entre l’éloignement des villes dans un premier temps vers le soin dans le milieu d’origine, ne pourra être mentionnée qu’une fois que la notion de réhabilitation sera inscrite dans les esprits : esprit de la société et esprit des soignants. Une étude a effectivement mentionné que c’est en France que les mots danger et fous sont le plus reliés. Puisque nous abordons les notions de fou et de dangerosité, nous ne pouvons omettre les causes de l’évolution de la loi de 1990 : La Cour européenne des Droits de l’Homme et la stigmatisation. L’urgence de la réforme a été appuyée par la Cour européenne des Droits de l’Homme qui jugeait la loi précédente comme anticonstitutionnelle. En effet, le médecin psychiatre était le seul en charge de la décision de la liberté du patient. Spécificité, de nouveau, du seul domaine de la psychiatrie. Dans le droit commun, tout citoyen privé de sa liberté d’aller et venir, avait accès au juge des libertés et de la détention alors que du côté de la psychiatrie le juge administratif était en charge de la forme, seulement, de l’hospitalisation sans consentement. Concernant la stigmatisation, on peut citer la médiatisation du drame qui a eu lieu en 2000 à Grenoble. Un patient soigné en psychiatrie avait poignardé au hasard un passant dans la rue, et causé sa mort, ce qui a appuyé cette image de violence et de dangerosité de la psychiatrie. Avec le concours également du discours d’Antony prononcé par le Président de la République. Ce discours insistant sur un système plus restrictif que libertaire concernant les patients soignés en psychiatrie, insistant d’autant plus sur l’amalgame entre malade mental et criminel.

Médecin et Juge

   Le domaine médical et le domaine juridique possèdent une forte influence sociétale. En effet, toute société doit pouvoir s’appuyer sur ses lois, qui prodiguent une meilleure cohésion sociale et sur son système de santé pour préserver ses citoyens. Nous ne parlerons, ni de l’éducation, ni du système militaire qui constituent également les autres piliers de la société. L’influence des deux professions, est liée à leur ancienneté mais aussi à leur domaine de savoir qui n’est pas commun. Il nécessite un apprentissage supplémentaire. Cet apprentissage entraîne une meilleure compréhension des règles et mène donc à des compétences supplémentaires. Cela s’entend comme un semblant de pouvoir, défini comme la capacité à comprendre, lié à la connaissance. Le vrai pouvoir est donc la capacité de décision fondée sur une capacité d’apprentissage. Ces professions font partie de celles où la personne se laisse guider dans le parcours de vie, parcours médical ou parcours juridique. Une appréciation est donnée dans le cadre médical comme un jugement dans le cadre juridique. Il ne s’agit pas d’un jugement de personnalité concernant le médecin, mais un jugement de la maladie. Cette maladie altère le comportement et la pensée du patient mais avec l’espérance que cela ne soit pas définitif. Ce sont deux professions auxquelles tout individu espère l’évitement de la rencontre. Le premier représente la nécessité de soins face à la maladie, le second représente la faute commise. Deux situations auxquelles personne ne peut échapper. Maladie et jugement font partie de l’ensemble de l’histoire de l’humanité. Ces représentants, médecins et juges, ne sont pas opposés. Ils appartiennent simplement à des domaines différents. La conduite du médecin est encadrée par des lois. Il y a ainsi le Code de Déontologie, car tout savoir que le médecin possède doit être encadré par la loi. Même étant représentant de la société, le juge ne peut déroger à la maladie et aura besoin de l’assistance du médecin. On aborde ainsi le positionnement de ces professionnels. La position du psychiatre a évolué durant ces dernières décennies. Le paternalisme médical a cédé la place à la vision de l’autonomie du patient. Quant au juge, lui non plus, n’est pas au-dessus des lois, mais il veille à leur respect et leur application. Il a le devoir de sanction. Ce que ne possède pas le médecin, car ce dernier ne pourra pas sanctionner une maladie, même si le patient ne prend pas régulièrement ces traitements. La modification législative, dans le contexte d’urgence, a été vécue avec appréhension par les soignants. L’ajout de certificats augmentait ainsi un temps administratif et diminuait le temps de soins. De même, le médecin était placé en situation de jugement concernant son travail face au juge. Par ailleurs, le juge pouvait lui aussi représenter une source d’appréhension pour les patients. Certains patients, non stabilisés, pouvaient voir en la personne du juge, une nouvelle source de persécution. Pourtant, les objectifs de réassurance et de contrôle sont essentiels dans la procédure. Le citoyen est entendu. Ce qui conforte la priorité constitutionnelle de cette mesure. Les soins sans consentement répondent alors à une conformité législative applicable à tous les citoyens. L’individu est responsabilisé à tous les niveaux de la société, que cela soit en tant qu’individu de la collectivité mais aussi en tant que qu’individu nécessitant des soins. Dès lors, malgré l’appréhension et la difficulté administrative supplémentaire de la nouvelle procédure, la passerelle entre Psychiatrie et Justice est nécessaire pour marquer le rapprochement des citoyens qui nécessitent des soins avec le reste des citoyens. Le médecin juge de la nécessité des soins, et dans cette procédure, le juge assiste le patient dans le contrôle et le respect de sa liberté. Cette diminution des clivages possède un élément de réassurance concernant l’intérêt égal pour autrui. C’est un premier pas pour diminuer ces disparités. La réflexion est nécessaire pour diminuer les phénomènes d’exclusion car la réflexion sur le sujet représente un intérêt à autrui. « La médecine et le droit peuvent et doivent ainsi s’accorder sur le respect de l’humain, chacun dans son domaine » Ainsi, dans le cadre des soins sans consentement, le domaine médical est soumis au contrôle du domaine judiciaire. Ce qui semble juste et nécessaire car : « il est essentiel que le système de santé ne soit pas à la fois juge et partie dans la restriction et l’atteinte aux droits ». L’intervention du juge, permet une triangulation des soins. Cette triangulation est un atout majeur puisque cela permet d’éviter une attitude omnipotente du médecin. Décharger de la restriction d’aller et venir, le médecin communique alors son inquiétude et la nécessité de soins dont les patients doivent bénéficier. Il s’agit d’une urgence, et non d’une simple évaluation standard. Le juge est là pour démontrer au patient la légalité de la procédure, mais surtout pour assurer à ce dernier que les soins ne sont pas dans le but de desservir son état mais bien de servir ses intérêts généraux. Le patient, objet des soins sans consentement, est ainsi traité comme tout citoyen, porteur de droit, dont la privation de liberté doit être argumentée et soumise au regard du Juge dont le patronyme Juge des Libertés et de la Détention, peut impressionner tant ce patronyme semble lié à l’incarcération. L’alliance de la médecine et de la justice répond finalement à la devise de la France concernant la liberté, l’égalité et la fraternité car : « La liberté constitue légalement un principe fondamental. »

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Table des matières

CHAPITRE I : PREAMBULE
I.1 INTRODUCTION
I.2 LA PSYCHIATRIE
I.2.1 Humanité, Animalité et Folie
I.2.2 Déviance et pathologie
I.2.3 L’hospitalité
I.3 LES ENJEUX ETHIQUES
CHAPITRE II : LES LOIS ET LES EVOLUTIONS
II.1 LES LOIS PRECEDENTES
II.1.1 Les politiques de santé mentale
II.2 D’UN POINT DE VUE MONDIAL
II.3 MEDECIN ET JUGE
II.3.1 Les certificats
II.3.2 Le consentement
II.3.3 L’évaluation du consentement
CHAPITRE III : ANALYSE LOCALE DES SOINS SANS CONSENTEMENT
III.1 LIEU D’ETUDE : MARSEILLE
III.2 MATERIELS ET METHODES
III.3 RESULTATS
III.3.1 Observations en valeurs absolues
III.3.2 Observation statistique
III.4 DISCUSSION
CONCLUSION
ANNEXES
ANNEXE DES TABLEAUX EN VALEURS ABSOLUES
ANNEXE DES TABLEAUX STATISTIQUES
ABREVIATIONS
BIBLIOGRAPHIE

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