Analyse des signes hexadiques de l’entretien d’autoconfrontation avec Philippe

Résultats et interprétation

Nous allons aborder ici le traitement des données récoltées suite aux entretiens d’autoconfrontation réalisés avec Philippe et Jane. A partir de ceux-ci, les préoccupations de l’enseignant ont été extraites sur la base de l’analyse des signes hexadiques. Il a ainsi été possible d’établir trois catégories de préoccupations : celles relevant du domaine technique, d’autres ayant trait avec la gestion de classe, et les dernières possédant une forte composante pédagogique.

Déroulement de la leçon de Philippe

C’est durant cette leçon que chaque élève a eu l’occasion pour la première fois d’avoir un iPad entre les mains. Un certain enthousiasme était palpable dans la classe ; plusieurs enfants ont de la difficulté à écouter la leçon en laissant l’iPad fermé.
Philippe commence (cf. Annexe 7.1. “Découpage de la leçon de Philippe”) par faire venir les élèves autour de lui pour donner le thème de la leçon qui va être abordé et qui traitera des homophones. Après avoir donné la définition, Philippe propose ensuite aux élèves de charger l’application Socrative Student afin de mettre en pratique les homophones. Chaque élève peut ainsi écrire sur sa propre tablette les homophones et le tableau blanc interactif (TBI) regroupe en direct l’ensemble des propositions. L’enseignant a ainsi directement accès à toutes les réponses et peut faire un corrigé collectif afin de vérifier que les connaissances ont correctement été acquises. La deuxième partie de la leçon aborde les “petits trucs” permettant de savoir reconnaître un homophone, suivi d’une mise en pratique sur l’iPad via trois applications, et finalement une évaluation sur support papier terminera la leçon lorsque les élèves décident qu’ils sont prêts. Le point fort de cette pratique est que chaque élève progresse à son propre rythme et qu’il peut par conséquent investir chaque notion suivant son propre niveau de compréhension. Philippe achève cette leçon en réunissant les élèves et en leur demandant leur impression relative à l’utilisation de l’iPad durant le cours.

Analyse des préoccupations de Philippe

Préoccupations techniques

Les difficultés techniques peuvent être organisées en différents niveaux suivant qu’il s’agisse de problèmes de type hardware ou software.
La première préoccupation de l’enseignant est de s’assurer que les applications qu’il a choisi d’utiliser soient bien installées sur l’iPad. Ceci s’effectue grâce à un système MDM (mobile device management) qui pousse les applications souhaitées par l’enseignant sur chaque tablette. Les Signes hexadiques 3 (p. 53), 4 (p. 54) et 5 (p. 54) concernent le fait que tous les iPads ne sont pas correctement équipés avec l’application Socrative Student.
A l’heure actuelle, Philippe propose de vérifier la veille que le chargement des applications souhaitées sur les iPads a correctement été effectué (interprétant I du Signe hexadique 3) car pour le moment l’équipe est en phase de développement et le système MDM encore en période de test (interprétants I du Signe hexadique 4 et du Signe hexadique 5).
Quand une nouvelle application est installée, l’enseignant se soucie de la difficulté à maîtriser celle-ci par lui-même et par les élèves. En effet, il est important que l’enseignant ait acquis suffisamment de maîtrise de l’application au préalable afin d’en repérer les éventuels obstacles lorsqu’il s’agira de la présenter aux élèves (cf. autoconfrontation avec Philippe, 8:15). Ceux-ci sont liés à l’usage d’une application nouvelle présentée en classe (Socrative Student) ainsi qu’au fait qu’à l’heure actuelle l’utilisation de la tablette ellemême est nouvelle pour l’enseignant et les élèves. Afin de pallier ces problèmes, Philippe suggère la bonne connaissance au préalable des applications présentées en classe (cf. autoconfrontation avec Philippe, 8:15).

Préoccupations relatives à la gestion de classe

Lors de l’introduction des iPads dans la classe au début de la leçon, un des principaux soucis de l’enseignant est d’éviter qu’un certain désordre ne s’installe (cf. Signe hexadique 1, p. 53). Depuis notre visite, cette difficulté a été résolue par l’équipe du Lauthac par la mise en place d’un meuble adéquat de rangement avec pochettes de protection nominative, ce qui permet un démarrage de leçon plus harmonieux.
Quand l’enseignant commence la phase introductive du cours (explications concernant le fonctionnement des applications et le déroulement de la leçon), il craint de susciter un certain ennui chez les élèves (cf. Signe hexadique 8, p. 55). En effet, cette période explicative est actuellement très chronophage car l’accumulation des détails devant être approfondis rallonge le temps durant lequel les élèves sont inactifs (référentiel S). Philippe pense que cette étape favorise en réalité une bonne intégration des automatismes à acquérir afin d’assurer un fonctionnement satisfaisant sur le long terme (interprétant I).
L’enseignant est préoccupé par le fait que l’iPad puisse être une source de distraction (cf. Signe hexadique 2, p. 53). Ce signe a été détaillé dans le Chapitre 3.4 “Analyse des signes hexadiques”, p. 20. Philippe en avait conclu qu’il fallait faire le deuil de l’élève monotâche.
L’homogénéité de l’avancement des élèves du groupe classe est également une préoccupation de l’enseignant (Signe hexadique 9, p. 56). En effet, une des difficultés pour le maître est d’avoir une classe qui avance de manière synchrone (activité potentielle).
La gestion du groupe peut s’avérer délicate car certains élèves ont de la peine à attendre la fin des explications de l’enseignant avant de commencer à utiliser l’iPad. Selon Philippe, il y a un travail d’apprentissage à faire par les élèves sur la gestion de l’iPad afin qu’ils écoutent les consignes et ne prennent pas trop d’avance sur les explications de l’enseignant (interprétant I).
L’enseignant est soucieux de contrôler l’activité des élèves (cf. Signe hexadique 12, p. 57), en particulier ceux présentant des troubles de la concentration. En effet, étant donné que l’iPad est un système ouvert, les élèves ont la possibilité d’aller chercher de nouvelles applications et par conséquent de faire tout autre chose que ce qui est demandé (représentamen R). Afin de les mobiliser, Philippe passe dans les rangs (référentiel S).

Préoccupations pédagogiques

Le fait de travailler sur support électronique implique une diminution drastique des traces écrites (exercices, devoirs, évaluations, …), ce qui peut être une source de préoccupation pour l’enseignant (cf. autoconfrontation avec Philippe, 40:07). En effet, il doit justifier cette diminution auprès des parents, qui peuvent s’en inquièter lorsqu’ils souhaitent aider leurs enfants. Au moment de notre intervention au Lauthac, les élèves n’avaient pas la possibilité de ramener leur iPad à la maison, toutefois cette option est prévue dans un futur proche, ce qui minimisera ce problème. Cependant, Philippe s’interroge sur la manière d’expliquer aux parents qu’il existe d’autres formes d’apprentissage liées à l’utilisation des tablettes numériques (cf. autoconfrontation avec Philippe, 40:07).

Déroulement de la leçon de Jane

Jane travaille avec ses élèves par thématiques ; elle aborde six sujets durant l’année. Quand nous avons assisté à sa leçon, d’une durée de 120 minutes, elle entamait un nouveau thème avec sa classe : l’espace. Comme à son habitude au début de chaque sujet, Jane demande à ses élèves de créer une carte conceptuelle (représentation graphique de concepts liés entre eux) sur le thème en question. Cette activité permet aux élèves de mettre de l’ordre dans leurs idées et de jouer le rôle d’évaluation diagnostique pour l’enseignant.
La leçon s’est déroulée en quatre temps (cf. Annexe 7.4. “Déroulement de la leçon de Jane”).
L’enseignante a commencé par faire visionner une dizaine d’images sur le thème de l’espace et les élèves devaient écrire, sur une ardoise effaçable, les trois premières choses qui leur venaient à l’esprit pour chacune d’entre elles. Dans un deuxième temps, les élèves ont dû, à partir des idées précedemment évoquées, réaliser une carte conceptuelle sur l’iPad (grâce à l’application Popplet) où ils indiquaient ce qu’ils savaient déjà et ce qu’ils avaient envie de découvrir sur le thème en question. Une fois les cartes conceptuelles réalisées, trois élèves ont eu l’occasion de partager leur travail avec leurs camarades. En fin de leçon, chaque élève a sélectionné sa question préférée et a effectué une recherche sur Internet afin de trouver une réponse possible.

Analyse des préoccupations de Jane

Préoccupations techniques

La connexion de l’iPad au tableau blanc interactif peut être une source de préoccupation(cf. Signe hexadique 15, p. 80). L’avantage de la tablette est qu’elle offre la possibilité de partager ce qui apparaît sur son écran, ce qui permet à la fois à l’enseignant de donner une explication à toute la classe (engagement E), et également à l’élève de rendre visible son travail pour ses camarades. Cette mise en commun se fait sur le TBI, sans fil, via l’Apple TV (appareil qui permet la communication sans fil entre une tablette et le TBI). Par le passé, Jane a rencontré des problèmes techniques à ce niveau-là (référentiel S), ce qui l’a parfois empêché de connecter son iPad au TBI (cf. autoconfrontation avec Jane, 9:50). Le support technique a résolu le problème aujourd’hui, même si la connexion peut prendre un certain temps à s’établir (cf. autoconfrontation avec Jane, 9:19). Une connexion fiable et rapide est donc indispensable.
L’absence de dispositif de pointage sur l’iPad est problématique (cf. Signe hexadique 18, p. 81). Quand l’enseignante donne une explication avec sa tablette (par exemple sur l’utilisation d’une application) alors que celle-ci est connectée au TBI, l’élève ne peut par conséquent pas voir sur quelles régions de l’écran l’enseignante appuie pour faire fonctionner l’application (représentamen R). L’élève ne peut donc pas comprendre la succession des étapes qui ont permis à l’enseignante de parvenir au résultat escompté. Jane a pu contourner ce problème en pointant du doigt les éléments importants directement sur le TBI (unité élémentaire U). Cependant, cela implique de devoir constamment stopper ses manipulations sur l’iPad pour aller pointer du doigt sur l’écran du TBI (cf. autoconfrontation avec Jane, 15:00).
L’utilisation d’Internet peut être source d’inquiétude pour l’enseignante (cf. autoconfrontation avec Jane, 50:30). Internet est très facile d’accès sur l’iPad. Puisque le travail sur tablette se fait de manière individuelle et que l’enseignante ne peut pas voir tout ce que ses élèves y font, comment s’assurer qu’ils ne consultent pas de sites qui ne leur sont pas destinés ? Afin d’éviter ce problème, l’école du Lauthac a mis en place un filtre (cf. autoconfrontation avec Jane, 50:30) et un certain nombre de règles, parmi lesquelles : les élèves ne peuvent aller sur Internet qu’avec l’autorisation de l’enseignant (cf. autoconfrontation avec Jane, 50:48).

Préoccupations relatives à la gestion de classe

L’iPad peut être source de distraction pour les élèves (cf. Signe hexadique 13, Signe hexadique 17, Signe hexadique 20). Quand ils travaillent avec la tablette, les élèves peuvent être tellement absorbés par celle-ci qu’ils n’écoutent pas l’enseignante (représentamen R). Un moyen qu’utilise Jane pour faire en sorte que les élèves soient attentifs est de leur demander de retourner leur tablette et de la poser sur leur bureau (interprétant I). Elle l’a demandé à trois reprises durant sa leçon, aux moments où elle s’apprêtait à donner une explication et où elle avait donc besoin que ses élèves soient bien “présents” (engagement E) : en début de leçon (cf. Signe hexadique 13, p. 80), au moment où elle a expliqué le fonctionnement de l’application Popplet (cf. Signe hexadique 17, p. 81) et à la fin de l’activité (cf. Signe hexadique 20, p. 82).
Jane nous a indiqué que le respect de la discipline en classe peut potentiellement lui causer des soucis. Dans les faits, elle a remarqué que le travail sur tablette n’engendre pas de problèmes de discipline particulier. Au contraire, elle a pu observer que les élèves sont tellement absorbés par leur iPad, tellement focalisés sur ce qu’ils font, qu’ils n’ont pas de problèmes de comportement (cf. autoconfrontation avec Jane, 21:00). Les élèves sont plus intéressés et moins distraits (cf. autoconfrontation avec Jane, 22:21).La pertinence de l’utilisation de l’iPad en classe est une préoccupation importante de l’enseignant (cf. Signe hexadique 14, p. 80). Quel est l’impact de l’utilisation d’un support numérique sur la production des élèves ? Au moment de l’activité de brainstorming, Jane a demandé aux élèves d’utiliser une ardoise effaçable, et non pas une tablette numérique (unité élémentaire U), car elle a remarqué que l’utilisation de l’iPad pouvait freiner la génération spontanée d’idées (représentamen R) et que les élèves étaient trop préoccupés par des aspects esthétiques (référentiel S). En revanche, elle a constaté que la réalisation d’une carte conceptuelle sur iPad a conduit à des résultats plus achevés et de meilleure qualité (Figure 6.b) que sur un support papier (Figure 6.a) (cf. autoconfrontation avec Jane, 30:45). En effet, la tablette offre une plus grande flexibilité ; il est plus aisé d’organiser les différents éléments, de corriger, d’effacer, de recommencer (cf. autoconfrontation avec Jane, 22:42 et 53:06). Une réflexion sur le choix de l’outil à utiliser en fonction de l’activité proposée aux élèves est nécessaire au préalable.

Référentiel de réussite

Il est intéressant de constater que chacune des préoccupations des enseignants du Lauthac, quand ils enseignent dans un environnement 1 : 1, a généré des implications pratiques permettant de faire face à la situation rencontrée. Les conditions dans lesquelles les TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement) sont utilisées dans cette école permettent-elles de les intégrer avec succès ? Christian Barrette (2011) a identifié les conditions qui permettent une intégration réussie des TICE. Avant d’aller plus loin, il est intéressant de comprendre la démarche qui a été sous-jacente à la construction du référentiel de Barrette afin de faire émerger les enjeux ainsi que les difficultés rencontrées lors de l’utilisation des TICE. Dans les années 1990, au Québec, certains enseignants ont conçu et mis en place un enseignement comprenant l’utilisation de l’ordinateur car ils étaient convaincus que cela règlerait les problèmes de motivation que rencontraient les élèves. Ils pensaient que l’informatique allait amener l’impulsion nécessaire pour que les élèves viennent en classe avec plaisir et qu’ils aient envie d’apprendre. Dans ces années-là, plusieurs études portant sur la motivation des élèves ou encore l’amélioration des résultats scolaires versus les TICE ont été publiées et aucune d’entre elles n’a montré de corrélation directe. Pire, certaines études montraient des effets négatifs (Barrette, 2011). Suite à ces conclusions contradictoires, il a été montré, grâce à une méta-analyse menée sur un ensemble de publications comparant les résultats d’un groupe d’élèves utilisant les TICE avec un groupe contrôle, qu’il n’était pas possible de déceler de différence significative. Cependant, la réalité montrait qu’il y avait eu des succès dans l’utilisation des TICE. Certains chercheurs, dont notamment Barrette, ont décidé de s’intéresser principalement à ces études particulières (échantillon de 32 études) et d’en faire une métasynthèse. Barrette a pu faire ressortir les conditions cadres sous la forme d’une grille d’analyse permettant d’assurer un impact positif de l’utilisation des TICE sur l’apprentissage des élèves. Afin de valider son modèle, il s’est par la suite adressé à des enseignants ayant une expérience de plus de dix ans d’enseignement avec les TICE, afin de construire avec eux une carte conceptuelle sur la bonne utilisation de l’outil informatique.

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Table des matières

Liste des figures 
Liste des tableaux 
Remerciements 
1. Introduction
2. Cadre théorique
2.1. Cours d’action
2.2. Signes hexadiques
3. Méthode
3.1. Procédure de collecte des données et matériel
3.2. Participants
3.3. Entretien d’autoconfrontation
3.4. Analyse des signes hexadiques
4. Résultats et interprétation 
4.1. Déroulement de la leçon de Philippe
4.2. Analyse des préoccupations de Philippe
4.3. Déroulement de la leçon de Jane
4.4. Analyse des préoccupations de Jane
4.5. Synthèse des préoccupations et des implications pratiques
4.6. Référentiel de réussite
5. Conclusion 
6. Références bibliographiques
7. Annexes
7.1. Découpage de la leçon de Philippe
7.2. Verbatim de l’entretien d’autoconfrontation avec Philippe
7.3. Analyse des signes hexadiques de l’entretien d’autoconfrontation avec Philippe
7.4. Découpage de la leçon de Jane
7.5. Verbatim de l’entretien d’autoconfrontation avec Jane
7.6. Analyse des signes hexadiques de l’entretien d’autoconfrontation avec Jane
7.7. Mode d’emploi capture vidéo

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