Analyse des perturbations et de la dégradation avec CLASLITE

Analyse des perturbations et de la dégradation avec CLASLITE

Un enjeu économique et social

Les forêts tropicales contiennent une ressource ligneuse fortement utilisée. Cette ressource renouvelable représente un secteur important de l’économie des pays tropicaux. Le secteur forestier contribue annuellement à hauteur de 600 milliards de dollars soit pratiquement 1 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. 279 millions d’hectares de forêts sont exploités principalement pour produire de la matière ligneuse et 124 millions d’hectares sont affectés à une multiplicité d’usages (estimation établie en 2011 par (FAO 2011a; Blaser et al. 2011)). La fonction de production affecte 30 % de la superficie totale des forêts tropicales. A partir des années 2000, la surface de production décroit légèrement sur l’ensemble des forêts tropicales dans le monde mais elle double au Brésil (en passant de 15 à 34 millions d’ha) entre les deux dernières décennies.

La récolte de bois dans l’ensemble des forêts tropicales est estimée à 700 millions de m3 par an, soit 21 % des prélèvements mondiaux (FAO 2011a; OIBT 2011). La production de bois d’oeuvre tropicaux, issus de forêts naturelles et de plantations, ne représente qu’un tiers de cette production, les deux tiers restants étant des combustibles ligneux. Cette économie est souvent basée sur une exploitation « minière » de la forêt sans souci de renouvellement ou de protection. 60 millions de personnes environ vivent au sein des forêts tropicales humides (GNFT 2012) et 1,6 milliard de personnes ont une activité qui en dépend à des degrés divers à travers la vente de bois d’oeuvre, de bois de chauffe, de plantes médicinales et de cueillette de denrées comestibles.

Un enjeu environnemental

Parmi l’ensemble des services écosystémiques rendus par les forêts tropicales, les rôles qu’elles jouent dans le maintien de la biodiversité et dans le cycle du carbone sont fondamentaux. Les forêts tropicales constituent avec les récifs coralliens les milieux les plus riches en biodiversité de la planète. La biodiversité est une des caractéristiques fondamentales et emblématiques des forêts tropicales humides. Les forêts tropicales regroupent près de 50 % des espèces sur seulement 7 % de la surface du globe. Sur la base des données disponibles, les forêts les plus riches en espèces d’arbres se trouvent dans l’archipel indonésien et au sein du bassin amazonien. A l’échelle de ces régions (Steege et al. 2013) comme à l’échelle locale, la richesse spécifique atteint des niveaux remarquables, comme dans les forêts amazoniennes d’Equateur avec 250 espèces d’arbres à l’hectare (Valencia et al. 2004). La richesse spécifique élevée en arbres est fortement liée à la grande complexité des forêts : elle est à la fois cause et conséquence, par l’intermédiaire des nombreuses interactions entre le peuplement arborescent et toutes les autres composantes de l’écosystème (flore, faune, microorganismes et champignons). Mais, le grand nombre d’espèces rares (Steege et al. 2013) pose d’épineux problèmes de conservation. Les forêts tropicales jouent également un rôle primordial dans la régulation du climat, elles emmagasinent de vastes quantités de carbone, tout en produisant une quantité significative d’oxygène. Elles stockent près de la moitié de la biomasse terrestre (Houghton 2005) et sont responsables de plus du tiers de la productivité primaire de la planète (Pan et al. 2011).

Déforestation et dégradation en Amazonie

Le biome amazonien constitue un enjeu majeur pour la conservation des forêts. Cette région est la plus grande forêt tropicale au monde (le quart de la surface mondiale en forêt tropicale, soit 5,5 millions de km² sur un total mondial de 20 millions de km²) mais elle est soumise depuis plusieurs décennies à de profondes transformations. Depuis les années 1960, l’Amazonie brésilienne a subi une déforestation à grande échelle pour l’élevage bovin, l’agriculture, les mines et l’urbanisation (Ewers et Laurance 2006; Garcia, Soares-Filho, et Sawyer 2007; Velasco Gomez et al. 2015). La déforestation a lieu principalement le long des marges orientales et méridionales de la forêt amazonienne, appelées fronts pionniers, frontières agricoles ou arc de déforestation (A. S. L. Rodrigues et al. 2009). Le processus de déforestation s’est ralenti depuis peu (Figure 2) grâce à un renforcement des politiques publiques et à l’engagement des filières du soja et de viande bovine sous la pression des organisations internationales et du gouvernement. Depuis 2004, année de pic de déforestation, le taux de déforestation a été fortement réduit (Drigo 2013; H. K. Gibbs et al. 2015; Holly K. Gibbs et al. 2016; D. Nepstad et al. 2014; Tritsch et Arvor 2016) bien que la reprise de la déforestation en 2015 et 2016 (Fearnside 2017; Daugeard et Letourneau 2018) soulève des inquiétudes avec un possible recul de la volonté de l’état brésilien à protéger les forêts.

Bien que difficile à évaluer, la dégradation de la forêt amazonienne brésilienne est estimée responsable de 20 % des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) de cette région (Gregory P. Asner et al. 2005a). Or, comme le montrent (J. Souza et al. 2013), malgré la diminution de la déforestation en Amazonie brésilienne, la dégradation y a augmenté entre 2000 et 2010 (bases de données PRODES et DEGRAD, INPE). Paragominas, un territoire amazonien emblématique d’un front pionnier consolidé La municipalité de Paragominas constitue notre espace d’étude. Elle couvre 19 342 km² en Amazonie orientale. Il s’agit d’un front pionnier consolidé où le devenir des parcelles de forêt est particulièrement crucial pour la gestion durable de ce type de territoire. En effet, la déforestation y a été fortement ralentie, mais les forêts qui y subsistent sont fortement dégradées et les services écosystémiques qu’elles produisent en sont menacés. Après une phase de déforestation incontrôlée des années 1960 aux années 2000 (Bendahan et al. 2013; M. G. Piketty et al. 2015), qui a conduit l’Etat fédéral à inscrire la municipalité sur une liste noire, les décideurs locaux avec la majeure partie des agriculteurs ont décidé de s’engager dans le respect des lois environnementales et de modifier le modèle de développement du territoire.

En 2008, Paragominas a lancé son label de « Município Verde », pionnier dans l’Etat du Pará. Il s’agit de stopper la déforestation et de cadastrer les propriétés agricoles en respect du zonage imposé par le Code Forestier (Réserve Légale et APP – Aires de Protection Permanente). Les résultats rapidement obtenus dans ces deux domaines ont permis à la municipalité d’être considérée comme un modèle en Amazonie, d’autant que la réduction de la déforestation n’a pas réduit pour autant la croissance de la production agricole (Laurent, Arvor, et al. 2017a; Plassin et al. 2017).

Choix méthodologiques

Ce travail est fondé principalement sur l’analyse d’images satellites. Les méthodes proposées sont mises en oeuvre sur la municipalité de Paragominas, afin de valider leur pertinence et de mettre en évidence leurs limites. Différents capteurs sont utiles pour évaluer les perturbations du couvert forestier, sa structure voire sa phénologie. Certains ont la capacité de pénétrer la canopée et les nuages qui posent problème une grande partie de l’année en zone tropicale humide, grâce aux grandes longueurs d’onde comme la Radar. Mais nous avons écarté ces données car elles ne sont pas adaptées au suivi fréquent de grandes surfaces et leur disponibilité est limitée par leur coût d’achat (Mitchell, Rosenqvist, et Mora 2017a). Notre travail s’est appuyé sur des données gratuites, aisément disponibles, offrant des séries temporelles le plus continues possibles. Nous avons ainsi retenu les capteurs Landsat et MODIS et avons réalisé des traitements sur la période 2000-2015 sur l’ensemble de la municipalité de Paragominas.

Landsat est certes sensible à la couverture nuageuse, mais l’existence d’une saison sèche bien marquée en Amazonie orientale et dans l’aire d’étude en particulier, permet d’obtenir une cartographie annuelle d’une surface étendue de plusieurs milliers de km². Sa résolution spatiale à 30 m permet d’identifier des perturbations issues de coupes sélectives ainsi que d’autres types de perturbation sur de petites surfaces. Les images traitées au moyen de la plateforme CLASlite nous ont servi à cartographier annuellement l’ampleur des perturbations, à identifier les principaux types de perturbation et, en les associant sur des séries temporelles, à caractériser la trajectoire des parcelles en matière de restauration de l’activité photosynthétique. L’agrégation des cartes annuelles nous a également permis de constituer un indicateur de dégradation résultant du cumul de processus de perturbations sur plusieurs années.

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Table des matières

Résumé
Abstract
Liste des sigles et abréviation
Introduction générale
Un enjeu économique et social
Un enjeu environnemental
Des écosystèmes menacés par la déforestation et la dégradation
Déforestation et dégradation en Amazonie
Objectifs
Choix méthodologiques
Plan de la thèse
Chapitre 1. La dégradation forestière, définitions et état de l’art sur son évaluation
1.1. Les perturbations à l’origine de la dégradation
1.2. Conséquences et devenir des forêts dégradées
1.3. Ampleur du phénomène
1.4. Besoin d’indicateur
1.5. Evaluation de la dégradation forestière par télédétection
1.5.1. Les approches indirectes
1.5.2. Méthode Barbier d’identification de l’ouverture du couvert forestier
1.5.3. Les approches directes
1.5.3.1. Les approches ponctuelles
1.5.3.1.1. CLASlite
1.5.3.1.2. La méthode de NDFI (Normalized Difference Fraction Index)
1.5.3.1.3. Les méthodes de classification
1.5.3.1.4. Création d’une structure tridimensionnelle grâce au Lidar
1.5.3.1.5. DETER et DEGRAD
1.5.3.2. Les approches temporelles
1.5.3.2.1. BFAST (Breaks For Additive Seasonal and Trend)
1.5.3.2.2. BFAST Monitor
1.5.3.2.3. Greenbrown (land surface phenology and trend analysis)
1.5.2.2.4 LandTrendr (Landsat-based detection of Trends in Disturbance and Recovery)
1.5.4. Combinaisons d’approches ponctuelles et temporelles 69
2.1. Paragominas, un ancien front pionnier consolidé
2.2. Paragominas « Municipalité Verte »
2.3. Contexte naturel
2.3.1. Climat
2.3.2. Géologie et géomorphologie
2.3.3. Sol
2.3.4. Hydrographie
2.4. La situation des forêts à Paragominas
2.4.1. Les différentes perturbations sur les écosystèmes forestiers
2.4.1.1. L’exploitation sélective avec plans d’aménagement forestier
2.4.1.2. L’exploitation forestière illégale
2.4.1.3. L’extraction de charbon de bois à Paragominas
2.4.1.4. Les feux
2.4.2. Les conséquences des perturbations sur le peuplement résiduel
2.4.3. L’état actuel du couvert forestier
2.5. Conclusion
Chapitre 3. Analyse des perturbations et de la dégradation avec CLASLITE
3.1. Introduction
3.2. Données
3.2.1. Identification des types de perturbation forestière
3.2.2. Les images Landsat
3.3. Le progiciel CLASlite
3.4. Méthodologie
3.4.1. Calibrage radiométrique
3.4.2. Identification des nuages et remplacement par des données de la même année
3.4.3. Calcul de la carte de couverture fractionnelle
3.5. Masque des forêts primaires
3.5.1. Création du masque de forêts primaires avec CLASlite
3.5.2. Création du masque avec PALSAR-2 / PALSAR
3.5.3. Comparaison entre les deux masques
3.6. Evaluation des perturbations du couvert forestier à Paragominas avec le progiciel CLASlite en mode automatique
3.7. Variance pluriannuelle de la couverture fractionnelle NPV
3.8. Résultats
3.8.1. Masque des nuages
3.8.2. Masque Landsat – CLASlite des forêts primaires
3.8.3. Cartes de couverture fractionnelle annuelle
3.8.4. Trajectoires de dégradation des forêts
3.8.5. Indicateur d’agrégation pluriannuelle des perturbations : variance de NPV
3.8.5.1. Validation de l’indicateur d’agrégation pluriannuelle par des observations de terrain
3.8.5.2. L’organisation spatiale des types de perturbation
3.8.5.3. L’indice de fraction de différence normalisé (NDFI
3.8.5.4. Distribution de la dégradation forestière à l’échelle municipale
3.8.5.5. Evolution de la perturbation du couvert forestier à l’échelle municipale
3.9. Discussion
3.10. Conclusion
Chapitre 4. La sensibilité à la sécheresse de la forêt comme indicateur spatialisé de dégradation
Introduction
4.1. Les données
4.1.1. Points d’observation du niveau de dégradation sur le terrain
4.1.2. Le choix de la période d’étude en saison sèche
4.1.3. Les données d’activité photosynthétique et pluviométriques
4.2. Analyse
4.2.1. Traitements
4.3. Résultats
4.3.1. Validation du coefficient avec les points d’observation
4.3.2. Cartographie à l’échelle de la municipalité
4.4. Discussion
4.5. Conclusion
Chapitre 5. Analyse territoriale de la dégradation des forêts à Paragominas
5.1. Convergence des résultats des deux indicateurs à l’échelle municipale
5.2. Facteurs explicatifs de la distribution territoriale de la dégradation des forêts
5.2.1. Relation entre la dégradation et la taille des propriétés
5.2.2. Relation entre la dégradation et la distance aux routes principales
5.2.3. Relation entre la dégradation et la distance aux villes et aux villages
5.3. Conclusion
Conclusion Générale
Bibliographie
Annexes

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