Analyse des collections et solutions envisagées

Raisons extérieures à la bibliothèque

Plus le temps passe et moins les garçons renouvellent leur carte à la bibliothèque. Poissenot (1997, p.56) pointe le fait que plus le public et le personnel sont féminins, moins ceux-ci auront envie de se réinscrire, ce qui constitue un effet « boule de neige ». Ceux qui préfèrent les mathématiques et le sport reviennent moins que ceux qui aiment le français et l’histoire-géographie. Les goûts scientifiques et sportifs sont plus représentés chez les garçons (Poissenot 1997, p.62). Plus les jeunes s’inscrivent tard à la bibliothèque, moins ils renouvellent leur abonnement. Ceux-là ne sont souvent pas de grands lecteurs, préfèrent les BD et n’ont pas de parents inscrits, ce qui explique qu’ils finissent par ne plus venir (Poissenot 1997, p.74). Ceux qui fréquentent rarement l’institution, qui ne demandent pas conseil aux bibliothécaires, estimeront qu’elle ne leur est pas « utile » et ne se réinscriront pas (Poissenot 1997, pp.75-76). Le « cadre de sociabilité », à savoir la personne qui accompagne le jeune lors de ses venues, est important dans le fait de se réinscrire ou non. Claude Poissenot (1997, p.118) relève que si le type de visite (maternelle, amicale, fraternelle ou solitaire) n’évolue pas, le jeune aura tendance à ne pas revenir à la bibliothèque. Les raisons observées pour les 11-13 ans pour ne plus fréquenter l’institution sont les suivantes : manque de temps, d’intérêt, n’y pense plus, désintérêt pour la lecture (Repaire et Touitou 2010, p.11). Quand les adolescents décrochent à 14-15 ans, les raisons sont différentes (Repaire et Touitou 2010, p.12) : « J’ai grandi », « J’ai Internet », « C’est pas pour les jeunes de mon âge », « Je préfère faire d’autres choses », « Je n’en ai pas besoin », « Le CDI ça suffit ».

Qu’y font-ils ? Les 11-14 ans ont des usages principalement dévolus aux loisirs selon Repaire et Touitou (2010, p.8). Ils empruntent des documents et lisent sur place, mais ne participent que peu aux animations, notamment parce qu’ils ne connaissent pas leur existence. Perez, Soldini et Vitale (2003, p.87) constatent eux aussi, dans leur étude sur les jeunes des cités, que la majorité vient quand même pour lire et emprunter, sans que cela signifie qu’elle le fait d’une façon appréciée par les bibliothécaires. Ces usages principaux sont confirmés par les résultats de notre enquête auprès des 10-15 ans (cf. chapitre 3.2.2.3, p.26). Les jeunes, notamment des cités, aiment lire en groupe à haute voix, ce qui va à l’encontre de la pratique de la lecture silencieuse et dominante que prône l’institution, mais cela les aide à se concentrer (Charlot 2003, p.16).

Le travail à plusieurs rassure les adolescents et est nécessaire aux jeunes de milieu populaire qui peuvent ainsi trouver un soutien impossible à obtenir auprès de leur famille (Hedjerassi 2003, p.33). La bibliothèque est un espace qui n’est pas l’école ou la maison. C’est un lieu que les jeunes choisissent de fréquenter, où ils cherchent à s’affirmer, ce qui peut entraîner des usages en conflit avec le règlement (Hedjerassi 2003, p.29). Ces problèmes sont également constatés aux BVL. Néanmoins, ces usages difficiles ont principalement lieu à Entre-Bois plutôt qu’à la BJ. Les groupes de jeunes ont tendance à être non-mixtes jusqu’à 15 ans (Hedjerassi 2003, p.55). Les filles sont plus intéressées par le travail scolaire. « Les filles s’inscrivent pour emprunter parce qu’elles sont en moyenne plus grandes lectrices, tandis que la lecture sur place, collective ou solitaire, essentiellement de bandes dessinées ou de journaux et de magazines, caractériserait plutôt les garçons. » (Hedjerassi 2003, p.57) Ce constat n’est pas apparu dans les résultats de notre enquête : il n’existe pas de différence sexuée dans les usages de la BJ.

Relations avec les bibliothécaires

Grâce aux réponses des jeunes, Virginie Repaire et Céline Touitou ont pu en déduire la définition du métier selon les 11-18 ans : « bibliothécaire, plutôt une femme (pas forcément âgée), aimant particulièrement la lecture et ayant de solides connaissances notamment littéraires, effectuant un travail ennuyeux, le plus souvent assis, dans un lieu très calme et silencieux. » (Repaire et Touitou 2010, p.24) Du point de vue des bibliothécaires, c’est un public considéré comme problématique. Donc, ils ne cherchent pas forcément à aller à la rencontre des non-usagers, par peur que ce soit du « mauvais » public (Singly 1997, p.6). Christine Péclard et Catherine Ejarque constatent que si ce public pose problème, il est qualifié d’« adolescent », alors que s’il s’agit de jeunes venant étudier, ils sont nommés « élèves » (2015, p.273).

Utilisation de la bibliothèque Lors de nos lectures, nous avons constaté que les différents classements employés en bibliothéconomie pouvaient être des obstacles pour les jeunes. Les lecteurs de tout âge ont des difficultés avec l’utilisation d’une classification par grandes classes. Les enfants, habitués par Internet à la recherche par mots-clés, ont même de la peine avec l’ordre alphabétique ce qui rend ce classement peu utile pour eux (Howard 2011, p.322 ; Van Riel 2012, p.192). Une de nos hypothèses était donc que les jeunes ne maîtrisent ni le système de codes couleur, ni les cotes CDU, ni le classement par auteur. Ce n’était pas entièrement l’avis des bibliothécaires. Pour eux, la CDU n’était pas acquise à 86 %, les codes couleur pour les âges les divisaient (43/57) et ils pensaient que le classement par auteur était connu et assimilé à 86 % (cf. annexe 3, figure 1, p.67). Or, avec les réponses des jeunes, notre hypothèse s’est révélée exacte. Nous noterons quand même que, si la majorité ne les maîtrise pas, ce sont les cotes CDU qui souffrent le plus, suivies par les codes couleur et finalement le classement alphabétique des romans (cf. annexe 3, figures 2-7, pp.68- 70), selon l’ordre dans lequel les bibliothécaires estimaient qu’ils étaient maîtrisés. « Est-ce que l’architecture de la bibliothèque est susceptible de fonctionner même sans signalétique ? Cette dernière compense souvent une organisation complexe… trop complexe ! » (Legendre 2015, p.288) Au vu de ces résultats, il faut repenser la signalétique en profondeur afin de la rendre plus claire pour les usagers. La CDU peut rester un système caché pour l’organisation des documents, mais une réflexion sur la façon de se rapprocher des librairies mérite d’être menée (Van Riel 2012, p.192). Une solution possible est le classement des romans par centre d’intérêt qui augmenterait leur lecture et attirerait les petits lecteurs à la bibliothèque. Les institutions ayant mis ce système en place ont vu leur nombre de prêts s’accroître considérablement (Rossel 2013, pp.60-61).

Expression des besoins

Quand nous demandons aux jeunes ce qu’ils apprécient à la BJ, ce sont principalement les avantages des bibliothèques face aux librairies (choix large et varié, emprunt gratuit, possibilité de lire sur place) et les types de documents (BD, romans et mangas) qui sont cités (cf. annexe 3, figure 8, p.71). Il est intéressant de noter une différence sexuée pour les documents : les garçons aiment principalement les BD, DVD et mangas, alors que les filles préfèrent les romans, devant les BD et les mangas qu’elles mettent à égalité. Et lorsque nous posons la question inverse, nous constatons la bonne opinion qu’ont les jeunes de la bibliothèque. En effet, 2/5 ne trouvent rien à redire. Quant aux défauts relevés, il s’agit principalement du bruit, des horaires, des amendes et de la durée de prêt, considérée comme trop courte (cf. annexe 3, figure 9, p.72). Le silence a été apprécié et le bruit jugé comme un handicap. Dans une autre enquête, le calme avait été prisé par certains, notamment pour se concentrer et d’autres l’avaient trouvé trop « froid », « strict » (Repaire et Touitou 2010, p.20). Ce n’était néanmoins pas une contrainte pour la majorité des jeunes interrogés par Repaire et Touitou (2010, p.21). En 2001, lors de la création d’un espace pour les adolescents à la bibliothèque publique de Phoenix, les jeunes ont demandé de la nourriture et des boissons, beaucoup d’ordinateurs, de quoi écouter de la musique, un système pour projeter des vidéos, des CD, des magazines, des vidéos et bien sûr des livres (Rankin 2012, p.169). Nous nous sommes basés en partie sur ces résultats pour interroger les jeunes sur ce qu’ils voulaient à la bibliothèque.

Nous pensions qu’ils désiraient des collections et des services plus numériques. Cependant, à part des postes informatiques, cela n’est pas demandé aux bibliothécaires (cf. annexe 3, figure 10, p.73). Par contre, quand nous le leur proposons, une bonne partie est intéressée, notamment par les ordinateurs (35 personnes) et les jeux vidéo (22 personnes). Et comme les jeunes de Phoenix, pouvoir boire et manger les attirent (21 personnes) (cf. annexe 3, figure 11, p.74). Il y a néanmoins une frange des personnes interrogées qui a exprimé qu’à son sens, une bibliothèque était un lieu pour les livres et rien d’autre. Cela pourrait nous refroidir à l’idée d’introduire de nouvelles collections ou de nouveaux services, mais un bibliothécaire a mentionné lors de l’entretien que c’était aussi l’opinion des lecteurs de Chauderon quand il leur a été demandé s’ils voulaient des DVD et c’est maintenant une des collections qui a le plus de succès. Cette vision réductrice de l’institution n’est pas spécifique aux BVL. Selon l’enquête de Virginie Repaire et Céline Touitou (2010, pp.19-22), la bibliothèque est considérée par la plupart des jeunes interrogés comme une « maison du livre : un lieu calme et sérieux, légitimement codé » (2010, p.19). Elle est donc irrémédiablement associée aux livres, plus particulièrement aux romans. Ils n’arrivent pas à y imaginer d’autres collections. Une étude sur la perception qu’ont les élèves d’un lycée technique de la bibliothèque a démontré qu’il s’agit d’un lieu uniquement pour les livres : ils ne la voient pas comme un centre technologique (Agosto et al. 2015, pp.8-9).

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Table des matières

<Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
1. Introduction
2. État des lieux
2.1 Les Bibliothèques de la Ville de Lausanne
2.1.1 La Bibliothèque Jeunesse
2.1.2 Le public
2.2 Analyse de l’environnement
2.2.1 Réseaux, autres bibliothèques et institutions
2.2.1.1 Bibliothèques scolaires et gymnasiales
2.2.1.1.1 Bibliothèques gymnasiales
2.2.1.1.2 Bibliothèques scolaires
2.2.1.2 BCU
2.2.2 Environnement culturel et associatif
2.2.3 Bilan
2.3 Analyse des collections et solutions envisagées
2.3.1 Volumétrie
2.3.2 Répartition fiction/documentaires
2.3.3 Analyse segmentée de la collection
2.3.3.1 Littérature pour enfants
2.3.3.2 Littérature pour jeunes
2.3.3.3 Documentaires pour enfants
2.3.3.4 Documentaires pour jeunes et adultes
2.3.3.5 Langues étrangères
2.3.3.6 Non-livres
2.3.4 Conclusion
3. Analyse des besoins
3.1 État de l’art et lien avec la BJ
3.1.1 Les 10-15 ans
3.1.1.1 Le groupe
3.1.1.2 Leurs habitudes de lecture
3.1.2 Les 10-15 ans et la bibliothèque
3.1.2.1 Pourquoi viennent-ils ?
3.1.2.2 Pourquoi ne viennent-ils pas ?
3.1.2.3 Pourquoi ne viennent-ils plus ?
3.1.2.3.1 Raisons liées à la bibliothèque
3.1.2.3.2 Raisons extérieures à la bibliothèque
3.1.2.4 Qu’y font-ils ?
3.1.2.5 Relations avec les bibliothécaires
3.2 Enquêtes
3.2.1 Méthodologie
3.2.1.1 Hypothèses
3.2.1.2 Objectifs
3.2.1.3 Réalisation des enquêtes
3.2.1.4 Profil démographique
3.2.2 Analyse des résultats et solutions envisagées
3.2.2.1 Utilisation de la bibliothèque
3.2.2.2 Expression des besoins
3.2.2.3 Accompagnement
3.2.2.4 Sélection
3.2.2.5 Collection JP
3.3 Conclusion
4. Analyse SWOT
4.1 Tableau
4.2 Commentaires
5. Politique documentaire
5.1 Plan directeur
5.1.1 Missions des BVL
5.1.2 Objectifs
5.1.2.1 Positionner la bibliothèque comme un lieu privilégié de rencontres et d’échanges autour de la culture missions 1, 2, 3
5.1.2.2 Faire de la bibliothèque le lieu privilégié des enfants et des jeunes pour la détente et les rencontres autour de la lecture, de l’information et du partage des connaissances missions 1, 4, 5
5.1.2.3 Positionner la bibliothèque comme un lieu d’accès aux ressources et outils numériques et multimédias mission 2
5.1.2.4 Positionner la bibliothèque comme lieu et outil de formation missions 1,2, 4
5.2 Politique de sélection
5.2.1 Protocole général de sélection
5.2.1.1 Organisation
5.2.1.2 Sources de sélection
5.2.1.3 Critères de sélection
5.2.1.3.1 Contexte éditorial
5.2.1.3.2 Types de documents et de supports
5.2.1.3.3 Niveaux du document
5.2.1.3.4 Langues
5.2.1.3.5 Critères physiques
5.2.1.3.6 Nombre d’exemplaires
5.2.1.4 Critères d’exclusion
5.2.1.4.1 Critères physiques
5.2.1.4.2 Types de documents et de supports
5.2.2 Protocole de sélection pour les jeux vidéo
5.2.2.1 Sources de sélection
5.2.2.2 Critères de sélection
5.2.2.2.1 Contexte éditorial
5.2.2.2.2 Types de documents et de supports
5.2.2.2.3 Niveaux du document
5.2.2.2.4 Langues
5.2.2.2.5 Critères physiques
5.2.2.2.6 Prix du document
5.2.2.2.7 Nombre d’exemplaires
5.2.2.3 Critères d’exclusion
5.2.2.3.1 Niveaux du document
5.2.3 Protocole de sélection pour les sites web et vidéos de référence
5.2.3.1 Sources de sélection
5.2.3.2 Critères de sélection
5.2.3.2.1 Qualité et organisation des contenus
5.2.3.2.2 Contexte éditorial
5.2.3.2.3 Types de documents et de supports
5.2.3.2.4 Niveaux du document
5.2.3.2.5 Langues
5.2.3.3 Critères d’exclusion
5.2.3.3.1 Qualité et organisation des contenus
5.2.3.3.2 Niveaux du document
5.2.4 Protocole de sélection pour les livres numériques
5.2.4.1 Sources de sélection
5.2.4.2 Critères de sélection
5.2.4.2.1 Contexte éditorial
5.2.4.2.2 Types de documents et de supports
5.2.5 Politique de gestion des propositions d’achat
5.2.5.1 Critères de refus ou d’acceptation des propositions d’achat
5.2.5.2 Informations données aux usagers
5.2.6 Politique de gestion des dons
5.3 Évaluation de la politique d’acquisition
5.3.1 Fournisseurs
5.3.2 Budget
5.3.3 Spécificités de la Jeunesse
5.3.4 Conclusion
5.4 Évaluation de la politique de désherbage
5.4.1 Fréquence du désherbage
5.4.1.1 Ponctuel
5.4.1.2 Planifié
5.4.2 Critères de désherbage
5.4.3 Processus clair
5.4.4 Ce qu’il advient des documents désherbés
5.4.4.1 Dons aux associations
5.4.4.2 Vente
5.4.4.3 Mise au pilon
5.4.5 Conclusion
6. Conclusion
6.1 Résultats obtenus
6.2 Recommandations
6.3 Regard critique et axes non traités
6.4 Les prochaines étapes de la politique documentaire
6.5 Leçons tirées de ce travail
Bibliographie
Annexe 1 : Guide d’entretien avec les bibliothécaires
Annexe 2 : Questionnaire auprès des 10-15 ans
Annexe 3 : Tableaux et graphiques des enquêtes
Annexe 4 : Missions et objectifs du service Bibliothèques & Archives de la
Ville de Lausanne

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