Analyse de la paronomase chez celine au niveau macrotextuel 

Théorisation de la paronomase

Il s’agira, dans ce chapitre de comprendre et de préciser la définition de la paronomase. Pour cela, nous ferons un historique succinct des différentes définitions de cette figure en nous intéressant à sa classification parmi les autres figures et l’avis émis par l’auteur de chaque définition. Cela devra nous amener à formuler des compléments à notre première définition, en utilisant les outils modernes mis à notre disposition par les sciences neuronales. Enfin, nous nous intéresserons à ce que Céline disait de son style pour ce qui concerne son usage de la paronomase. Ainsi, nous pourrons éventuellement vérifier si notre définition peut s’appliquer à sa conception de la paronomase.

Première définition de la paronomase

Nous retiendrons la définition suivante – qui est un condensé des définitions disponibles dans les dictionnaires : « La paronomase est une figure qui consiste en un rapprochement de mots de sens différents mais de sonorités proches. » Il est important d’insister sur la nécessaire différence de sens des paronymes afin de mettre en évidence sa relation avec l’homonymie au détriment de la synonymie. Cependant, il n’est pas exclu de trouver des paronymes de sens proches, comme par exemple « apprendre n’est pas comprendre ».
Ceci étant dit, il reste que la définition commune de la paronomase est déjà floue sur les modalités de ce « rapprochement » entre mots différant de sens mais proches par les sonorités. Nous nous y intéresserons plus particulièrement plus loin dans ce chapitre mais pour l’heure, nous devons souligner quelques remarques qui me semblent nécessaire pour compléter la définition précédente.
Premièrement, la proximité sonore entre les paronymes n’est pas nécessairement la répétition exacte de phonèmes. Ceux-ci peuvent être dans un ordre différent d’un paronyme à l’autre ou être eux-mêmes proches dans leur articulation (comme [s], [z] et [ʒ]). Nous prendrons en exemple « ajoute » et « azote ».
Deuxièmement, le nombre de syllabes peut être différent entre les paronymes et s’il est le même, il peut être un critère de rapprochement entre ces paronymes. Ce serait le cas pour « azote » et « ajoute » qui est plus proche que de « journalier » ; même si d’autres procédés entrent en compte dans cette perception, notamment le fait que le [a] se trouve en première position.
Enfin, la paronomase est une figure microstructurale qui ne s’installe pas uniquement dans la relation entre des mots épithètes mais peut s’établir à l’échelle d’une phrase : « Elle étouffe d’effort… elle suffoque » (Guignol, 3, p. 172). Dans cet exemple, les sons [f], [e], [ɔ] et [u] – par extension puis que [ɔ] et [u] sont proches par le point d’articulation – tendent à être mis en relation par le lecteur, malgré la ponctuation. Nous appellerons alors « paronymes » les mots qui contiennent en euxmêmes la paronomase la plus simple ; c’est-à-dire la répétition dans un deuxième mot des mêmes phonèmes contenus dans un premier. Pour les autres cas de paronomase, nous préférerons parler d’ « effet paronomastique », ou utiliserons d’autres périphrases.

La paronomase parmi les figures : première distinction, à partir des définitions disponibles

Puisqu’il s’agit d’un type particulier de répétition, sa définition est floue car dans certains contextes, la paronomase peut être confondue avec l’allitération (par exemple « Où l’air bleu baigne un fouillis de fleurs »), l’assonance (« C’était à Megara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar ») et l’isolexisme (« Je dis durement des vérités dures »), sans pour autant s’y assimiler : dans les deux premiers cas, nous comprendrons aisément que la répétition d’un seul son n’est pas forcément suffisante pour remarquer que deux mots se ressemblent, et dans le troisième, la proximité sémantique essentielle dans l’isolexisme le différencie nécessairement de la paronomase.
Les ouvrages les plus classiques tendent à apparenter la paronomase et l’antanaclase . Cette dernière est une figure qui consiste à rapprocher, dans une même phrase, deux sens différents d’un même mot, comme « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point […] » où la première occurrence renvoie à la notion de motivation et la seconde à celle de siège de l’esprit logique. C’est discutable dans la mesure où cette association des deux figures semble transgresser la nécessité de différence sémantique entre les paronymes ; cela floute un peu plus les frontières de la paronomase.
En corrélation de ces deux remarques sur la différence entre la paronomase et les isolexisme et antanaclase, nous devons parler du polyptote et le différencier de la paronomase de la même façon que les deux figures précédentes. En effet, la paronomase repose sur une ressemblance sonore et une différence sémantique, ce qui exclue naturellement les figures qui jouent sur l’homonymie et les différentes utilisations possibles d’un même mot.

Les différents types de paronomase

Il existe peu de variations de la paronomase. Les plus évidentes sont l’apophonie, qui « désigne une légère modification du timbre suite à la fermeture de la syllabe » (comme par exemple « Il pleure dans mon cœur / Comme il pleut sur la ville » qui oppose [plœRə] et [plø]) , et le « jeu de mots », qui cherche un effet comique dans le sens des paronymes – prenons par exemple le calembour de la rubrique « Conflit de canard » du Canard Enchaîné qui est une paronomase in absentia avec « confit de canard ». D’autres dérivés de la paronomase ont été mentionnés par le passé mais n’ont pas fait école, comme par exemple l’« antiparonomase » ; qui peut se définir comme une paronomase reposant sur une antithèse comme « Ton bras est invaincu, mais non pas invincible » . Cet exemple est également la preuve que selon certaines conceptions, la paronomase peut effectivement jouer avec des mots d’une proximité sémantique relative, comme nous le disions au premier paragraphe de cette section. Ajoutons – cette fois par souci de clarté, car c’est un aspect de la paronomase trop souvent absent des dictionnaires sans doute parce qu’il est évident – que la rime est une paronomase, tout comme l’homéotéleute et l’homéoarchton – dans la mesure où plusieurs phonèmes sont répétés. Par exemple, Patrick Bacry, dans la rubrique des Figures de style et autres procédés stylistiques consacrée aux figures qui utilisent le lexique et les sonorités, joint paronomase et homéotéleute dans un même article et utilise des exemples poétiques de Ronsard et Apollinaire pour illustrer la première figure.

Constat d’un problème de la conception de la paronomase en français moderne

Nous avons vu que la paronomase est une figure vaste dont les limites sont mal définies et facilement franchissables : de la paronomase à la rime, l’isolexisme l’antanaclase, entre autres, il n’y a qu’un pas. Nous comprenons alors son importance pour la littérature. Cependant, nous savons que c’est une figure négligée comme le montre l’exemple de l’antiparonomase : bien qu’il s’agisse d’un procédé habile, il a été oublié. Il y a une raison historique à cela.
Dans les faits, la rhétorique classique considérait la paronomase comme une faute plutôt qu’une figure, pendant la seconde moitié du XIXème siècle, ainsi que le note Pierre Fontanier.

Prose et poésie : deux emplois de la paronomase

Dans un article sur la traduction du poème « Le Voyage » de Baudelaire par Cecil Day Lewis , Michel Julliard évoque la para-rhyme ; que nous pouvons définir comme des rimes dont les sons vocaliques varient. Il s’agit « non pas [de] rimes classiques mais des rimes d’un genre nouveau, approximatives, qui font jouer le timbre des voyelles et des diphtongues tout en augmentant le nombre de rimes possibles et faisant peser moins de contraintes sur la syntaxe et le lexique du poème». Il rapproche alors les rimes et les para-rhymes de la paronomase : « il y a paronomase à l’échelle du vers ». Rimes et paronomases sont liées et dans l’optique de cet article, la rime est bien un type de paronomase. Cependant, Michel Julliard ajoute plus loin, à propos des allitérations, que « le rapport phonique renforce le rapport sémantique et symbolise le contact à la manière de la paronomase». C’est là que peut se situer la différence entre la paronomase en vers et celle en prose : la première amène nécessairement de la signification au texte – mais également du rythme – tandis que la seconde non ; c’est peut-être de là que vient le rejet classique de la paronomase. Dans le contexte d’un vers où chaque phonème a une place et un rôle, la paronomase est une figure qui peut être prisée, mais dans un roman, l’attention portée au rythme et au sens est souvent différente, et moindre. Un emploi judicieux de la paronomase confèrerait à la prose des aspects de la versification ; et l’on comprend mieux ce que Céline désigne par sa « petite musique ».
Le rapprochement avec la para-rhyme est intéressant car il induit qu’un rapprochement phonétique est possible entre les paronymes : ceux-ci n’ont pas à avoir les mêmes sons vocaliques et, par extension, les sons répétés n ’ont pas à se trouver selon le même schéma d’apparition. Si nous prenons l’exemple « des mansardes, à dégouliner en cascades par chez la concierge » (Voyage 5, p. 211), nous voyons évidemment que les phonèmes [ɑ], [s] et [d] permettent de lier les deux mots malgré le fait qu’ils n’apparaissent pas dans le même ordre ; il en va de même pour lerapprochement phonétique entre [a] et la nasale [ɑ]. Nous pouvons ajouter maintenant que la proximité des sons consonantiques peut créer la paronomase. Prenons par exemple « du genre platement pratique » (Voyage 6, p. 430) : la proximité entre [R] et [l] permet la paronomase et à Céline d’insister sur ce segment afin de le mettre en valeur.
Qu’il soit question d’harmonie, de rythme ou de sens, il est toujours possible de tirer, en prose, la même utilisation de la paronomase qu’en poésie. La différence entre les deux manières d’écrire réside dans le principe que la paronomase semble, en quelque sorte, inhérente à la poésie car elle répond à ses besoins structurels. Nous pouvons alors dire qu’en prose, la paronomase est un accessoire d’embellissement du discours mais qu’un usage plus poétique de cette figure s’accompagne d’un effet de sens, comme le montre le dernier exemple.

Norme et usages de la paronomase aujourd’hui : un constat simple

Cependant, cette conception plus récente de la paronomase de Michel Julliard ne contredit pas totalement le problème posé par la définition de Fontanier. Si la paronomase peut être considérée comme un outil efficace d’embellissement du discours, son usage doit être circonstancié. Il est désormais évident que la paronomase est une figure courante, commune mais qui peut aisément glisser vers le vulgaire, la lourdeur. Un emploi excessif de la paronomase pourrait vite conduire à la
cacophonie , tandis qu’un emploi maladroit créerait un kakemphaton . Pour illustrer : il existe deux sortes de cacophonies : la première consiste en une succession de sons difficiles à prononcer (les « virelangues » reposent sur ce principe), la seconde en une accumulation de mêmes sons ; ce qui peut alors s’apparenter à une paronomase excessive. Prenons en exemple la scène XI de La Cantatrice chauve de Ionesco: « Mme Martin : Cactus, Coccyx ! Coccus ! Cocardard ! Cochon ! ». Nous avons un jeu de répétitions phoniques, dont des paronomases et des homéoarchtons,dont le but n’est pas de produire un discours clair mais de manifester l’emportement du personnage, et de le tourner en dérision grâce à l’accumulation de répétitions.
Ainsi, rejoignant partiellement Fontanier, il serait alors de bon usage de restreindre le recours à la paronomase, afin d’avoir une langue la plus intelligible possible. Mais dans l’optique d’une langue artistique, l’usage récurent de cette figure peut devenir une marque de style.
Aujourd’hui, la paronomase n’est pas considérée comme une figure de première importance en prose et est préférée dans des usages publicitaires ou comiques. Nous allons maintenant nous intéresser à l’évolution des usages et définitions de la paronomase afin de mieux comprendre la façon dont nous l’abordons aujourd’hui.

Histoire de la paronomase

Origines

Bien que nous puissions suggérer que la paronomase est un procédé quin’émane pas d’une réflexion proprement rhétorique – car il semble naturel de jouer à rapprocher des mots qui se ressemblent, et l’usage publicitaire de la paronomase nous montre à quel point cette figure attire l’attention –, nous pouvons d’ores et déjà deviner ses origines grecques : pará- (παρά), qui signifie « à côté de », et – onomádzein (ὀνομάζειν), qui signifie « nommer ». Il s’agit donc d’« un nom à côté d’un autre ».
Dans La Rhétorique et son histoire, Anthelme-Edouard Chaignet rapporte que la paronomase est née à un moment où les rhéteurs grecs, toujours en quête d’harmonie, ont évolué vers des phrases construites avec de plus en plus de symétrie : « dans l’intérieur même des colons on se plaisait à opposer l’un à l’autre et pour ainsi dire face à face et front à front des mots de même dimension, de même son final, de même catégorie grammaticale, ce qu’on appelait παρονομασία [paronomasía] […]». Il cite notamment les noms de Platon et d’Antiphon comme utilisateurs de la paronomase ce qui nous permet de dater l’identification de ce procédé rhétorique au cinquième siècle avant le Christ.
Nous pouvons cependant déjà remarquer l’usage de la paronomase dans la Torah, car elle serait peut-être antérieure à Antiphon (entre 800 et 300 av. J.-C.).
L’exemple le plus évident en est « וה ֹ֔ בָו ּ֙וה ֹ֙ ת » [tōhū wā bhōhū] (Génèse 1 :2) que l’on rend en français par « tohu-va-bohu » et qui signifie littéralement « désert et vide » pour désigner l’état de chaos avant la Création ; cette expression est parfois nominalisée. Si nous mentionnons ce fait ici, c’est également pour montrer que dans ce cas-là, la paronomase est une figure de pensée : les deux mots similaires apportent une idée différente. Outre son importance dans la culture occidentale, cette paronomase dépasse le simple plaisir esthétique.
Nous pouvons alors la classer comme un trope. C’est un terme qui « a été utilisé depuis l’Antiquité, pour désigner les figures qui semblent faire qu’un mot change de sens ». Cependant, si nous nous référons aux quelques exemples d’emplois publicitaires de la paronomase, celle-ci y est un non-trope car elle ne modifie pas le sens initial des mots : « Le calcaire, c’est son affaire. » (Antikal) est une formule efficace dans la mesure où elle attire effectivement l’attention mais n’induit pas de sens supplémentaire à l’énoncé. Nous pourrions alors la classer – en se fondant sur la définition exposée en introduction – comme une figure « affectant le lexique » mais surtout comme une figure « affectant les sonorités » dans la mesure où si le critère phonétique est primordial dans la mise en place de cette figure, elle peut tout à fait s’appuyer sur une force sémantique. Prenons : « […] tel […] fait des Essais qui ne saurait faire des effets ». Nous voyons que les paronymes donnent un certain effet comique à la phrase : grâce à leur mise en valeur par la paronomase qui rapproche [esɛː] et [efɛː], nous pouvons saisir l’ironie avec laquelle Montaigne parle de lui-même.
Dans les deux cas, trope ou non-trope, il s’agit d’une figure. Il est évident qu’il s’agit de l’un des « moyens qui, d’un discours, d’un texte à un autre, peuvent être mis en œuvre pour produire un effet particulier sur celui à qui l’on s’adresse (lecteur, auditeur, interlocuteur) ». En d’autres termes, du moment que la paronomase affecte le style de manière ostensible, elle est une figure.
Afin d’établir une classification précise et pertinente, il faut que nous retracions l’historique des définitions de la paronomase.

Premières classifications

En latin déjà, au premier siècle avant Jésus-Christ, l’emploi de la paronomase est déconseillé. Cicéron écrit : « […] les paronomases ne doivent être que très rarement employées quand on parle sur des sujets réels, parce qu’elles annoncent toujours de la recherche et tous les efforts du travail ». Il la considère bien comme une figure mais en souligne l’inefficacité rhétorique et la cantonne àla poésie et à la fiction : « De telles prétentions semblent plutôt faites pour l’agrément que pour la vérité. […] Et non seulement l’orateur y perd de son crédit, mais encore il blesse l’auditoire, en ne lui offrant que des jeux d’esprit, des grâces frivoles […]».
Cette analyse est légitimée par sa définition de la paronomase qu’il ne considère que par des paires de noms, homonymes (on y reconnaîtra l’antanaclase ou l’isolexisme ) ou qui varient principalement d’une lettre et parfois de plusieurs. Cet usage restreint et ostentatoire de la paronomase serait effectivement redondant et lourd, mais Cicéron souligne que « si nous les répandons ça et là dans tout un discours avec une sage réserve, elles donneront au style de la variété et de l’éclat ».
La définition de Cicéron a sans doute dû servir de fondation à la conception classique de la rhétorique. Nous la retrouvons chez Quintilien, deux siècles plus tard, qui la classe comme « figure de mot » : les figures de mot sont à opposer aux figures de pensée ou tropes , les premières affecte les mots, les secondes la pensée et sont plus valorisées. Il est d’ailleurs très critique quant à cette figure, dans un premier temps du moins : « […] tout cela est froid, même en plaisantant, et j’admire qu’on ait réduit ces futilités en préceptes ». Nous retrouvons le registre infantilisant que nous avons déjà croisé chez Cicéron, mais Quintilien pare sa définition d’une splendide paronomase employée par son père (« Non exigo, ut immoriaris legationi, immorare. [Je n’exige pas que tu y meures, mais que tu y demeures.] » et rappelle aussi l’usage qu’en faisaient les anciens rhéteurs, notamment Cicéron qui « a su relever ces faibles beautés et en remplir le vide par la solidité des pensées ». Ambivalence mais fermeté donc, car il fait bien la distinction entre des paronomases relevant le sens du discours et d’autres qui n’apportent rien au propos qu’une forme. Quintilien distingue quatre paronomases. D’abord les mots « semblables ou presque semblables », puis ceux qui ont la même terminaison de ceux qui ont la même désinence, et l’isocolon (ἰσόκωλον). Ce dernier désigne le cas où les deux membres d’une période sont parfaitement égaux et partagent une fin semblable voire identique.

Classifications en langue française

S’il apparait que les rhéteurs utilisaient abondamment la paronomase, c’était peut-être parce que, dans leur langue, cette figure était un outil efficace pour persuader un auditoire. Elle avait une dimension perlocutoire qu’elle semble perdre en français. Quant à la classification de la paronomase à l’époque latine, elle est sans doute plus péjorative car cette langue considère davantage cette figure à l’écrit ou, en tout cas, dans des contextes plus proches de la littérature que du judiciaire ou du politique.
Il nous reste maintenant à comprendre comment cette figure est passée d’un outil rhétorique à esthétique au XVIIème siècle, puis à une faute au XIXème pour devenir une part importante de « la langue sauvage de Louis-Ferdinand Céline » au siècle suivant, et à savoir si on peut parler de « figure » à son propos. Il s’agira également de la classer parmi les autres figures si cela est possible.

Avis selon lesquels l’usage de la paronomase est à éviter

Au XVIème siècle, la Pléiade impose l’alexandrin, la linguistique se développe notamment grâce à Pierre de la Ramée, et la rhétorique classique est une part essentielle de l’enseignement. La langue française en quête de légitimité cherche à se conforter dans les figures rhétoriques. Par exemple, Antoine Fouquelin rattache « la paronomase à la rime riche ». Parmi les figures de diction, Fouquelin distingue les figures de répétitions qui suivent un ordre de celles qui sont irrégulières, dont la paronomase – ce qui contrevient à l’isocolon de Quintilien .Il joint la paronomase au polyptote , ce qui est logique lorsque, comme le fait Fouquelin, on pense en termes syntaxiques, mais qui est contraire à la nécessaire différence sémantique des paronymes. La définition de cette figure semble plus positive et Alex Gordon ajoute que, dans l’analyse de Pierre de la Ramée, les figures de répétitions « assurent l’harmonie du style et plaisent à l’oreille. Selon Omer Talon, elles agissent sur les passions, rendant l’auditeur tour à tour languissant, gai, ou triste. » Bien que la paronomase ne soit pas prise en compte parmi les figures de pensée ou tropes, elle profite d’une définition plus positive à cette époque en retrouvant le caractère persuasif que lui prêtaient les rhéteurs grecs.

Considérations plus optimistes de la paronomase

Au contraire du Classicisme, le Baroque considère la paronomase en termes mélioratifs. Voici ce qu’en dit Baltasar Gracián dans Arts et Figures de l’Esprit, en rappelant l’usage biblique de la paronomase que nous avons mentionné plus tôt : « Que cette heureuse figure de l’esprit soit couronnée de majesté par le Nom sacré et adoré de dieu [« dios », en espagnol] qui, divisé, nous dit ceci : dI-OS [« Je vous ai donné »] la vie, la fortune, les enfants, la santé, la terre, le ciel, l’être, la grâce, moimême : je vous ai tout donné ». Dans son article Benito Pelegrín associe la paronomase à tous les arts baroques, qui s’appuieraient sur l’effet de renvoi à un élément de qualité similaire précédent – le rapport à la musique est intéressant dans notre étude de la « petite musique » car c’est un art qui repose sur la répétition des sons. Il écrit notamment, et cela confirme notre analyse jusqu’ici : « Le texte baroque tend à une charmeuse musication par assimilation phonique de mots aux contours imprécis par voisinage, par appétence de l’autre, tandis que le texte classique, pour des raisons de clarté, de méfiance envers l’ambiguïté, fuit les jeux de sons, même les allitérations ». Nous retrouvons en effet ce procédé dans le sonnet baroque, entre autres, comme celui-ci de Marbeuf.

Synthèse

Pour ce qui est des différentes conceptions de la paronomase, maintenant que nous savons où elles résident et comment elles se mettent en place, il ne nous reste qu’à résumer – encore plus succinctement car nous pouvons les deviner – les étapes qui ont mené la paronomase à la figure méconnue qu’elle est aujourd’hui.
Premièrement, chez les Romantiques qui ne se privaient pas de l’utiliser : les Allemands bien sûr , mais chez les Français également, comme Hugo qui l’affectionnait , Vigny, quelques fois … En contrepartie, les écrivains réalistes et assimilés, ainsi que ceux qui aspirent à un style plus « classique », tendent à éviter toute forme de répétition comme le préconisait Flaubert . Certains parmi eux réclament un détachement total de l’héritage rhétorique, donc la fin de la paronomase .Ajoutons également qu’au XIXème les figures de style sont considérées comme disgracieuses parce que voyantes par les auteurs soucieux d’un emploi « classique » du français : « La foule aime le style voyant. Il m’eût été loisible de ne pas me retrancher ces pendeloques et ces clinquants qui réussissent chez d’autres et provoquent l’enthousiasme des médiocres connaisseurs, c’est-à-dire de la majorité ». La définition de la paronomase par Fontanier se trouve dans cette veine et servira de patron pour les définitions à venir – par exemple, il y a de nombreuses similitudes entre les ouvrages de Fontanier et Patrick Bacry que nous avons utilisés jusqu’ici, comme l’identification de trois tropes seulement – ce qui est un trait propre à l’organisation classique des figures depuis l’identification de trois tropes par Beauzée dans l’Encyclopédie en 1765.

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Table des matières
REMERCIEMENTS 
SOMMAIRE 
LISTE DES ABREVIATIONS 
CHAPITRE INTRODUCTIF 
1. AVANT-PROPOS
2. INTRODUCTION
3. PROBLEMATISATION ET PLAN
CHAPITRE 1 : THEORISATION DE LA PARONOMASE 
1. PREMIERE DEFINITION DE LA PARONOMASE
2. LA PARONOMASE PARMI LES FIGURES : PREMIERE DISTINCTION, A PARTIR DES DEFINITIONS DISPONIBLES
3. LES DIFFERENTS TYPES DE PARONOMASE
4. CONSTAT D’UN PROBLEME DE LA CONCEPTION DE LA PARONOMASE EN FRANÇAIS MODERNE
5. PROSE ET POESIE : DEUX EMPLOIS DE LA PARONOMASE
6. NORME ET USAGES DE LA PARONOMASE AUJOURD’HUI : UN CONSTAT SIMPLE
7. HISTOIRE DE LA PARONOMASE
7.1. ORIGINES
7.2. PREMIERES CLASSIFICATIONS
7.3. CLASSIFICATIONS EN LANGUE FRANÇAISE
7.4. AVIS SELON LESQUELS L’USAGE DE LA PARONOMASE EST A EVITER
7.5. CONSIDERATIONS PLUS OPTIMISTES DE LA PARONOMASE
7.6. SYNTHESE
8. LES APPORTS DE LA LINGUISTIQUE A LA DEFINITION DE LA PARONOMASE
9. DEFINITION APPROFONDIE DE LA PARONOMASE
9.1. DETOUR PAR LA LINGUISTIQUE : LIRE C’EST ENTENDRE ET LIRE C’EST ANTICIPER
9.2. DEFINITION EXPERIMENTALE DE LA PARONOMASE
10. INTENTIONS STYLISTIQUES DE CELINE
11. CONCLUSION SUR CE CHAPITRE THEORIQUE
CHAPITRE 2 : ANALYSE DE LA PARONOMASE CHEZ CELINE AU NIVEAU MACROTEXTUEL 
1. METHODE DE SELECTION DES EXTRAITS
2. PARONOMASE ENTRE LA NARRATION ET LA DESCRIPTION
2.1. LA DESCRIPTION
2.2. LA METALEPSE
2.3. LA NARRATION
3. LA VEHEMENTE ELOQUENCE DE CELINE ET LA PARONOMASE
4. LES DIFFICULTES APPARENTES D’UNE ANALYSE MACRO-TEXTUELLE DE LA PARONOMASE DANS LES ROMANS DE CELINE
5. LA PARONOMASE COMME UNE POSTURE D’AUTEUR ET UN OUTIL RHETORIQUE
5.1. DANS LE VOYAGE
5.2. DANS GUIGNOL
5.3. DANS LE CHATEAU
5.4. CONCLUSION SUR LES POSTURES LITTERAIRES DE CELINE
6. INTRODUCTIONS ET CONCLUSIONS
7. CAS PARTICULIER : LES ACCUMULATIONS
8. STRATEGIES D’EVITEMENT DE LA PARONOMASE
8.1. GUIGNOL, UNE CURIOSITE STYLISTIQUE
8.2. LE CHATEAU ET SES REPETITIONS : UN CANTONNEMENT DE LA PARONOMASE
9. CONCLUSION SUR L’USAGE MACRO-TEXTUEL DE LA PARONOMASE DANS LES ROMANS
CELINIENS
CHAPITRE 3 : LA PARONOMASE AU NIVEAU MICRO-TEXTUEL 
1. LES TYPES DE PARONOMASES TROUVES DANS LES ROMANS
1.1. PARONOMASES SIMPLES
1.2. HOMEOTELEUTES ET HOMEOARCHTONS
1.3. EXTRA-PARONYMES
1.4. PAIRES MINIMALES ET PROXIMITE GRAPHIQUE
1.5. ANTIPARONOMASES
1.6. CONCLUSION SUR LES TYPES DE PARONOMASES UTILISEES PAR CELINE
2. DISPOSITIONS DES PARONYMES PAR RAPPORT A LA PHRASE
3. SYNTAXE DE LA PARONOMASE CHEZ CELINE
3.1. CHUTES DE CLAUSES, CHUTES DE PERIODES ET FINS DE PARAGRAPHES
3.2. CONSTRUCTIONS PARTICULIERES DES CHUTES DE CLAUSES
3.3. COMBINAISONS
3.4. IN ABSENTIA
4. CONCLUSION
CHAPITRE 4 : STYLISTIQUE DE LA PARONOMASE CHEZ CELINE AU NIVEAU MICROTEXTUEL 
1. RYTHME ET HARMONISATION AVEC LA PARONOMASE
1.1. COMPRENDRE LE TEXTE
1.2. HARMONISATION PHONETIQUE DE LA PARONOMASE
1.3. HARMONIE PHONETIQUE, RYTHME ET PETITE MUSIQUE
2. SIGNIFICATION SEMANTIQUE SIMPLE PAR LA PARONOMASE
2.1. COMIQUE
2.2. POLITIQUE
2.3. PHILOSOPHIQUE
2.4. ANATOMIQUE
2.5. REPUGNANCE
2.6. VIOLENCE VERBALE
2.7. LYRISME
2.8. ANTITHETIQUE
2.9. CONCLUSION
3. USAGE RHETORIQUE DE LA PARONOMASE
3.1. INSISTANCE ET ACCUMULATION
3.2. L’INVECTIVE
3.3. LA SATIRE
3.4. LA PHRASE SENTENCIEUSE
3.5. CONCLUSION
4. LES DIFFICULTES D’ANALYSE DE L’USAGE FREQUENT DE LA PARONOMASE
4.1. PARONOMASES INVOLONTAIRES ET CACOPHONIE
4.2. LES EXCES DE PARONOMASE
4.3. AMBIGUÏTE
5. CONCLUSION SUR CE CHAPITRE
CONCLUSION GENERALE SUR LA PARONOMASE DANS TROIS ROMANS DE LOUISFERDINAND CELINE 
BIBLIOGRAPHIE 
1. CORPUS ETUDIE
2. SUR LA PARONOMASE
3. SUR LE STYLE DE CELINE
4. OUTILS THEORIQUES
5. AUTRES ŒUVRES LITTERAIRES MENTIONNEES
6. AUTRES OUVRAGES CRITIQUES MENTIONNES
TABLE DES MATIERES

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