Analyse de l’2volution du rapport image-texte dans la littérature technique et scientifique,de la fin du XVI eme au début du XIX eme siècle

Présentation formelle et du contenu de notre corpus de sources

Notre travail est centré sur l’étude particulière et la plus exhaustive possible de nos sources, dans leur aspect matériel comme dans les évolutions qui les caractérisent, sur la période chronologique couverte par notre corpus. L’introduction a été l’occasion d’une présentation brève de notre fonds. Il nous appartient dans ce premier chapitre, afin de familiariser le lecteur avec nos ouvrages, d’aller plus avant dans l’analyse de nos sources, tant dans leurs particularités formelles que dans leurs contenus, par la description de leurs caractéristiques en termes bibliographique, thématique, matériel et typographique.

Description bibliographique de nos sources

Comme nous l’avons évoqué plus haut en introduction, notre sélection de sources se compose de soixante et onze volumes physiques. Ces soixante et onze volumes physiques comprennent cinquante six titres différents, parfois en plusieurs exemplaires, parus entre l’année 1588 et l’année 1811 . Ainsi, l’Histoire du Canal du Languedoc, rédigée sur les Pièces authentiques conservées à la Bibliothèque Impériale et aux Archives du Canal , en 1805, par les descendants de Pierre-Paul Riquet de Bonrepos est en double exemplaire dans nos sources. De même, trois autres titres divisés en plusieurs tomes physiques présentent des doublons d’exemplaires. C’est le cas du Traité élémentaire d’hydrodynamique de l’Abbé Bossut dont les deux tomes publiés en 1771 à Paris chez Claude-Antoine Jombert fils aîné, sont réédités, également en deux tomes distincts et toujours chez Claude-Antoine Jombert fils aîné en 1775. Notre corpus de sources possède aussi plusieurs exemplaires des quatre tomes des deux parties de l’Architecture hydraulique de Bélidor, qui a visiblement connu de multiples rééditions et s’est trouvée publiée chez plusieurs libraires différents. Nos sources comptent ainsi deux exemplaires du premier tome de la première partie de l’Architecture hydraulique de Bélidor, parus tous deux en 1782 chez Jombert jeune d’une part et chez Cellot, successeur de Charles-Antoine Jombert, d’autre part. De même on trouve deux exemplaires du deuxième tome de la première partie de cet ouvrage, publié pour le premier, en 1782, chez Didot fils aîné avec Jombert jeune et pour le second, en 1789, chez Charles-Antoine Jombert. Enfin, nous avons deux exemplaires du premier tome de la seconde partie que Cellot en 1782 et Barrois l’Aîné en 1788 vendent dans leurs librairies respectives. En revanche, nos sources ne présentent qu’un exemplaire du second tome de la deuxième partie de l’Architecture hydraulique de Bélidor que l’on trouve en 1790 chez Barrois et Didot. Notre corpus comprend aussi deux éditions des deux tomes du Traité théorique et expérimental d’hydrodynamique de l’Abbé Bossut, publiés par l’Imprimerie Royale en 1786 et de nouveau en 1787. A propos des rééditions des ouvrages de Pierre-Paul Riquet de Bonrepos, de Bélidor et de l’Abbé Bossut, nous avons pu constater que le contenu, comme la présentation des ouvrages ainsi que leurs illustrations, sont identiques d’une édition à l’autre. Par ailleurs, trois de nos titres sont en plusieurs volumes physiques : la Nouvelle architecture hydraulique de Prony est divisée en deux tomes, le premier publié en 1790 et le second en 1796 chez Didot fils aîné ; la Description des travaux hydrauliques de Cessart est également composée de deux tomes, parus en 1806puis 1808 chez Baudoin, imprimeur de l’Institut de France ; enfin, l’ouvrage de Mengotti, Saggio sull’acque correnti del conte senatore Mengotti, est, lui, paru en trois tomes à un an d’intervallechacun de 1810 à 1812.

Description thématique de nos ouvrages

Si la thématique générale de nos sources est celle de la discipline hydraulique, nos documents ne sont relatifs qu’à des sous-thématiques variées de cette discipline. Le sujet général d’« hydraulique », comme les sujets particuliers des ouvrages étudiés, ne sont pas désignés comme tels arbitrairement mais se fient à l’indexation dont nos documents ont fait l’objet, au sein des différents catalogues où ils sont déclarés : le catalogue RUGBIS, le catalogue SUDOC de l’ensemble des Bibliothèques Universitaires françaises et le catalogue de la Bibliothèque du Congrès américaine . Les thèmes énoncés par la suite, et associés à chacun des documents de nos sources, sont donc ceux qui apparaissent sur les notices bibliographiques, rubrique « sujet », de nos ouvrages dans ces catalogues. Ils ont été fixés par le personnel responsable de ces documents dans les différentes bibliothèques concernées et servent de mots-clés au même titre que la date,le nom d’auteur ou le titre de l’ouvrage, dans une recherche bibliographique via ces catalogues. Sur la base de la thématique générale de nos sources, l’hydraulique, nous pouvons séparer nos documents en trois groupes sous-thématiques d’après les mots-clefs des catalogues précédemment cités. Certains ouvrages, mêlant plusieurs sujets conjointement, peuvent appartenir à plusieurs de ces groupes à la fois. Les documents du premier groupe se rapportent au « génie mécanique », c’est-à-dire aux machines en général, hydrauliques ou non, et à leur fonctionnement mécanique. Le second groupe rassemble les documents qui relèvent du « génie hydraulique », orientés, eux, vers l’architecture hydraulique que notre Dictionnaire de l’architecture civile et hydraulique , de Charles Augustin d’Aviler, définit en 1755 comme :
L’art de bâtir dans l’eau, et d’en rendre l’usage plus aisé et plus commode. Elle a pour objet principal la construction des ponts, chaussées, quais, digues, aqueducs, écluses, moulins, etc. On y traite encore du cours naturel et artificiel de l’eau, tant pour rendre les eaux navigables, que pourles conduire aux différens endroits où elles sont nécessaires.

Aspect matériel et architecture de nos sources

Formats et état de conservation de nos sources

Aujourd’hui, si les formats des livres sont énoncés en centimètres, le chiffre retenu étant celui de sa hauteur verticale, ils étaient auparavant qualifiés en fonction du nombre de plis imposé à la feuille imprimée. Une feuille pliée une fois produisait deux feuillets, c’est à-dire deux pages recto-verso, tel que nous l’exprimerions de nos jours. Le format d’un document était alors désigné sous les termes d’in-folio (une feuille pliée en deux produisant quatre feuillets), in-quarto (une feuille pliée en quatre et produisant huit feuillets), in-octavo (une feuille pliée en huit et contenant seize feuillets), etc. Il apparaît relativement complexe de se retrouver dans la correspondance entre cette première façon de déterminer le format d’un ouvrage et celle actuelle de mesure des dimensions d’un document en centimètres. D’autant plus que les imprimeurs ne choisissaient pas nécessairement des feuilles à imprimer de même dimension pour des ouvrages relevant néanmoins d’un même format. Nous pouvons donc établir des fourchettes en centimètres qui correspondraient à la désignation des formats en termes bibliophiliques, mais cette table de correspondance ne pourrait être qu’approximative . Les notices bibliographiques, associées aux ouvrages qui constituent nos sources, affichent toutes la dimension en centimètres des documents et pour certaines la correspondance en terme bibliophiliques.
Nous remarquons que les formats in-quarto (entre 25et 30 cm) et in-octavo (entre 20 et 25 cm) sont les plus répandus. L’ouvrage de Ramelli et les deux volumes physiques correspondant aux deux tomes du Theatri machinarum hydraulicarum de Leupold sont reconnus comme des in-folio (entre 30 et 40 cm). Le Traité du mouvement des eaux et des autres corps fluides. Nouvelle édition corrigée et augmentée des règles pour les jets d’eau. de Mariotte ainsi que l’ouvrage sur les Canaux navigables de Linguet sont eux désignés comme des in-duodécimo (16 à 20 cm) par les catalogueurs. Le reste de nos sources oscillent entre 21 et 23 centimètres d’une part et 26 et 38 centimètres d’autre part. Nos sources présentent par conséquent une diversité de formats, où dominent majoritairement les grands et lourds volumes (in-folio, in-quarto et in-octavo) destinés à être consultés en bibliothèque, sur un pupitre. Une minorité de nos ouvrages, de format plus petit (inférieurs aux in-octavo), similaire aux livres de poche d’aujourd’hui, étaient sans doute colportés ou transportés selon l’envie ou les besoins de leurs propriétaires. La commodité du format, qui permettait le passage de mains en mains des ouvrages, répandait ainsi auprès d’un plus grand nombre de lecteurs la notoriété de l’auteur, d’un ouvrage et de ses illustrations.
Les reliures de nos documents ont majoritairement été restaurées. Leur état de conservation est variable. Les livres de Weidler, Girard et Castelli sont, à cet égard, conservés dans des enveloppes en raison de la fragilité de leur reliure. Les feuillets des livres ont également été restaurés. Ces derniers ont parfois, visiblement, été massicotés ou recoupés, probablement à cause de l’effritement de leur pourtour, au détriment du corps du texte qui s’en trouve déséquilibré sur la page comme l’illustre l’ouvrage du Père François qui a perdu sa marge supérieure. Dans d’autres documents les feuillets sont apparemment, d’origine, de taille variable. Nos ouvrages sont imprimés sur un papier vergé, nous y distinguons, hormis pour quelques-uns, les marques des pontuseaux et vergeures laissées par le tamis dans lequel a été fabriqué le papier. D’un ouvrage à l’autre la couleur des feuillets varie du blanc duveteux au marron ou vert d’eau. De même, à l’intérieur d’un même ouvrage, d’une page à l’autre, le grain du papier est aléatoire dans sa rugosité, son épaisseur et sa porosité. Nous remarquons, par ailleurs, des marques de restauration, grossières et malheureuses : chez Strada, dans la seconde partie de l’ouvrage, les pages sont rafistolées avec des morceaux de documents divers dont nous pouvons lire des passages ; chez Leupold, au dos de la page de titre, un trou a été colmaté avec de la cire rouge ; chez Smeaton les pages sont restaurées avec du scotch. Enfin, nos sources nous donnent l’occasion d’observer, à plusieurs reprises , la méthode adoptée par les restaurateurs pour solidifier les planches. Ces dernières sont découpées dans le sens de la hauteur, sur le côté auparavant attaché à la reliure. Ce même côté est proprement amputé et recollé à une bande de papier artificielle, reliée avec le reste du volume. La marge des planches, adjacente à la reliure, est réduite, cependant nous pouvons toujours les déplier de sorte que les pages de texte, une fois rabattues sur celles des illustrations n’en chevauchent pas toujours les figures. Dans ces livres, avant ou après les pages ainsi reprises dans la reliure, les restaurateurs ont laissé les tranches de pages découpées pour montrer au lecteur l’emplacement d’origine de ces pages restaurées. Les volumes de Ramelli et de Bélidor ont été rongés par les insectes, mais les trouble-fête n’ont entamé que le pourtour des volumes, le corps du texte et les illustrations demeurant intacts. Nous déplorons, enfin, plusieurs pages manquantes, déchirées, trouées par endroits, tachées et brunies. L’encre des ouvrages du Père Jean François et d’un tome de Bélidor transparaît d’une page à l’autre.
Hormis ces quelques constats, l’état de conservation de nos sources est globalement très bon.

Vie présente et future de nos sources : la mise en valeur de notre fonds

Nous pourrions croire que la vie active de nos sources s’est terminée à leur arrivée à la Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble et à leur mise en dépôt dans les armoires de la réserve de cette même bibliothèque où sont précautionneusement conservés les ouvrages précieux de ses collections. Il n’en est rien. En effet, nos sources connaissent aujourd’hui, comme nous allons le voir, un regain d’intérêt motivé par les obligations de la BU Sciences en tant que pôle associé de la Bibliothèque Nationale de France. Par ailleurs, et les trois sont liés, nous l’avons vu en introduction, ce mémoire est en partie la conséquence de deux emplois occupés à la Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble, un stage de trois mois d’une part et un emploi de contractuelle de deux mois d’autre part. Le premier a représenté le travail préliminaire du second. Il a consisté au dépouillement et aux recherches en vue de la mise en valeur du fonds, en anticipation du lancement du premier projet de numérisation de l’établissement, effectué lors du second emploi. Ce projet de numérisation est aujourd’hui poursuivi par le personnel de la bibliothèque. Il a pour finalité d’optimiser la préservation et la visibilité à plus large échelle du fonds auxquelles appartiennent nos sources. Ce chapitre est consacré à un bref retour sur les expériences professionnelles à l’origine de ce mémoire, afin de mettre en lumière l’intérêt tout particulier récemment accordé à nos ouvrages parmi les autres documents conservés par la BU Sciences et d’évoquer les enjeux de la mise en valeur d’un fonds par sa numérisation, en bibliothèque.
Mise en valeur phase 1 : Dépouillement et mesure de la richesse de nos sources par l’évaluation de leur unicité.
Nous l’avons vu, dans la réserve de la BU Sciences nos documents sont rangés avec d’autres par discipline. Une fois le choix de la discipline effectué, à partir des critères historique et d’intérêt patrimonial et scientifique précédemment évoqués, il a fallu dépouiller le fonds en question composé de plus d’une centaine d’ouvrages de physique et techniques. Ces documents ont été recensés au fil de leur arrivée à la bibliothèque dans un registre d’inventaire où figurent le titre, l’auteur, la date de publication des ouvrages ainsi que la cote qui leur est attribuée à la bibliothèque. A partir de cette liste, nous avons isolé les ouvrages directement liés à notre thématique d’étude, d’autres ayant trait aux mathématiques et à l’optique ont été mis de côté. Les ouvrages alors sélectionnés ont été étudiés un à un dans tout ce qui pouvait les caractériser : auteur, titre, date de publication, langue, éditeurs, législation et réglementation, format, nombre de page, reliure, état de conservation, apparence du papier, composantes des ouvrages, illustrations, ex-libris, marginalia , caractères imprimés en bas des pages (signatures, etc.), pagination, thématiques. Nous avons consigné ces observations propres à chacun des ouvrages ayant trait à l’hydraulique, dans un fichier Excel pour faciliter leur étude comparée par la suite et dont les deux précédents chapitres font état. De la centaine de documents ainsi observés au cours de notre stage, nous n’avons conservé, pour ce mémoire, que nos quarante trois sources à partir d’un choix uniquement fondé sur les dates de publication de nos ouvrages comme nous l’avons justifié en introduction.

Un fonds ancré dans le nouvel esprit scientifique moderne

Notre fonds s’inscrit dans un contexte scientifique particulier, celui du renouveau de la pensée scientifique et de la considération des techniques par la science à l’époque moderne. Entre la fin du XVI ème siècle et le début du XIX ème siècle notre corpus fait en effet état de traits culturels caractéristiques d’une nouvelle conception de l’association des sciences et des techniques, comme de leur finalité, qui s’affirme en Europe à partir du XVII ème siècle. La littérature technique dédiée aux arts mécaniques, longtemps dénigrée par les tenants des arts libéraux à la tête de la culture officielle et académique, développe à partir du XV ème siècle avec les livres de machines, suivis au XVI ème siècle des traités d’ingénieurs et de techniciens, dans la lignée desquels s’inscrivent nos sources, une nouvelle façon de penser et de concevoir le savoir technique dont découle le savoir scientifique. Ces écrits donnent une importance significative à l’observation de la nature et se distinguent par une vision mécanique de ses phénomènes . Ils promeuvent l’association de la technique et de la science et affirment que la participation de chaque individu au progrès de la connaissance est d’utilité publique. S’ils influencent peu à peu les savants partisans d’une science élitiste et abstraite dans leur méthode de travail, cette influence est réciproque et marquée par une importance croissante des expériences ainsi qu’une systématisation des mesures apportées par les techniciens aux scientifiques qui eux entraînent « la mathématisation des sciences physiques » . Ces nouvelles pratiques et lignes de pensées sont autant de fils conducteurs relevés dans le contenu des pages liminaires de nos sources qui nous révèlent qu’elles sont ancrées dans le renouveau de la conception scientifique à l’époque moderne.

L’hydraulique ou la science de l’écoulement des eau x : histoire d’une nature en mouvement

Nous avons défini, en introduction, l’hydraulique comme étant une discipline relative à la circulation, l’écoulement, la distribution et le contrôle de l’eau. Elle constitue donc un champ d’étude privilégié pour observer, analyser et expliquer les phénomènes mécaniques naturels liés aux mouvements des eaux etdes fluides en règle générale. Dans une série d’ouvrages directement liés à la discipline hydraulique, Switzer, l’Abbé Bossut, Frisi, le Chevalier du Buat, Lecreulx et Smeaton dressent ainsi dans leurs pages liminaires la genèse des théories sur « la science du mouvement des eaux », selon l’expression de l’Abbé Bossut dans son Traité élémentaire d’hydrodynamique paru en 1771 à Paris chez Claude-Antoine Jombert, esquissant une certaine épistémologie de la discipline hydraulique à travers l’avancée des découvertes en matière de mécanique des fluides. Nos auteurs y citent et s’y réclament des philosophes et savants grecs et romains inventeurs de machines hydrauliques et initiateurs des premières découvertes mécaniques théoriques en la matière, dans la chronologie qu’ils effectuent des découvertes des lois sur le mouvement des corps solides et liquides. Cette chronologie leur permet de situer leur objet d’étude dans la continuité de ces savants anciens comme plus récents et ainsi de justifier l’écriture de leur ouvrage pour ce qu’elle apporte au progrès de la connaissance en matière hydraulique. Les pages suivantes font état de l’histoire des découvertes en mécanique des fluides telle que la perçoivent et l’écrivent les auteurs précités, comparant chacune de leurs versions.
Science et technique se confrontent dans nos source s, la théorie y est mise à l’épreuve par l’expérience et l’observation.
L’hydraulique relève, comme l’énonce Mollet dans son Hydraulique physique, des « sciences physiques et mathématiques ». Ramelli et Strada ajoutent que les mathématiques descendent de la mécanique. L’hydraulique appartient par conséquent à la physique et à la mécanique. Or, en matière d’hydraulique, la physique, selon Silberschlag, apporte un éclairage certain à la mécanique en la renseignant sur les propriétés des corps pour mieux servir l’hydraulique dans tous ses usages, depuis ses machines à l’art de bâtir dans l’eau en passant par la compréhension des forces auxquelles sont soumis les ouvrages hydrauliques. Nos auteurs tentent ainsi de réconcilier science et technique, notamment mécanique dans nos sources. Ramelli et Strada, les premiers de notre corpus entendent démontrer l’importance des mathématiques, en appui à la pratique.
Ces deux auteurs de théâtres de machines, s’intéressent, l’un dans ses « préface » et « aux bénins lecteurs », l’autre dans l’ « avis au lecteur » de son premier livre, à l’histoire de la mécanique et particulièrement des mathématiques, art mécanique, qui permettent l’invention, la réalisation et le fonctionnement de leurs machines et instruments. Avec de nombreuses citations de célèbres philosophes, nos deux auteurs s’attachent tous deux à affirmer l’importance capitale de la maîtrise et de l’intelligence des mathématiques pour le genre humain, en temps de guerre comme de paix. Ramelli, à la manière des auteurs cités dans l’histoire des théories sur le mouvement des eaux, s’attache à faire le récit de l’invention et de l’utilisation des mathématiques par l’homme. Il indique, dans sa préface que, depuis Adam au sortir du jardin d’Eden et ces « hommes anciens des premiers temps », elles sont utilisées par l’homme dans toutes ses activités depuis l’astronomie, la navigation, l’agriculture, en passant par les transports, la géographie, le commerce, l’architecture qui permet aux hommes de s’abriter sous un toit, de construire villes et maisons, d’en assurer la défense (Strada, « au lecteur »). Selon Ramelli, les mathématiques se sont développées, après le Déluge, au temps des Chaldéens et du grand Patriarche Abraham. Ces derniers en transmettent la connaissance aux Egyptiens, puis aux Grecs par l’intermédiaire, entre autres, de Thalès Milesius et de Pithagoras Samius, « lesquels desirans de l’apprendre, s’exposèrent à naviguer les grandes mers, et à voyager aux régions lointaines, mesme tout l’Egypte. » (Ramelli). Les connaissances mathématiques sont alors augmentées par les écrits de « ces hommes admirables au monde », Ramelli les énumère : Anaxagoras, Enodipe, Zenodotus, Brito, Antiphon, Hippocrates, Theodorus, Platon, Architas, Aristarchus, Pappus, Archimedes, etc. Dans l’histoire des mathématiques telle que l’effectue Ramelli et partiellement Strada, interviennent alors plusieurs lieux communs et toposrécurrents dans nos sources, dont les détails sontaugmentés ici par nos auteurs.
Ainsi les mathématiques sont brillamment illustréespar Archimedes, habitant de Syracuse, qui chez Ramelli se rend célèbre pour avoir, seul, tiré hors de l’eau « un très gros navire » et « derechef retirer en la mer la royalle navire Alexandrine ». De même, il aurait élaboré « un globe céleste », soit une « divine sphere d’un simple verre » autour de laquelle se trouverait « sept cours d’étoiles errantes, ou avec un inenarrable artifice on voyait leur distance, et combien elles sont hautes et basses » et cela grâce à la « seule faculté des mathématiques ». Chez Strada, le même Archimède de Syracuse est célèbre pour la défense qu’il organise de sa ville, contre les Romains et particulièrement contre le Capitaine Marcellus Romain, permise par sa science en matière de mathématiques. Tandis que chez Ramelli, dans le même épisode, c’est le Capitaine Marcellus Romain qui est mis en avant. Ce dernier est finalement parvenu à prendre Syracuse, en dépit de la défense imaginée par Archimède, grâce à des machines de guerres, dont la conception fait appel aux mathématiques là aussi. Fort de sa confiance enl’art mathématique, Marcellus aurait affirmé « Donne moi lieu où je puisse demeurer et j’ébranlerai la terre. ». Un troisième topos est relaté, avec l’anecdote d’Architas Tarentinus,selon laquelle les mathématiques lui auraient permis de construire une colombe en bois, volante et agissante comme si elle eût été en vie. Ramelli et Strada ne poussent pas plus loin l’histoire des mathématiques. Ils justifient tous deux la production et publication de leurs ouvrages par la volonté qui les anime de participer au bien commun. Grâce à des planches représentant machines et instruments du quotidien anciens et nouveaux, Ramelli entend partager ses propres expériences de soldat et ses observations héritées de ses lectures mathématiques au cours de sa vie, de même qu’Octave de Strada veut transmettre l’œuvre de son grand-père doué d’une « intelligence générale des forces mouvantes » et de l’ « expérience de machines utiles pour tout ».

Un savoir coopératif et collaboratif d’utilité publ ique. Prosopographie des auteurs de nos sources

Une des nouveautés de l’époque moderne en termes deconception et de finalité du savoir, qui contraste avec la pratique traditionnelle, consiste, dans la logique de progrès continuel des connaissances, à percevoir la contribution de chacun individuellement ou en groupes à repousser les bornes du savoir connu comme étant d’utilité publique.
La plupart de nos auteurs, justifient en effet la rédaction de leurs ouvrages par leur motivation à apporter leur pierre à l’édifice de la connaissance, au progrès des Etats en vertu de l’ « utilité publique » comme Du Buat et l’éditeur allemand de Silberschlag.
Octave de Strada transcrit en ces termes une penséede Cicéron selon laquelle « l’hommen’est nay pour soy mesme, mais que les parens, la patrie et les amys en demandent chascun sa deûe portion » signifiant que chaque individu est redevable du monde qui l’a vu naître, et qu’il se doit de contribuer à son amélioration dans le mesure de ses moyens. Darles de
Linière souhaite ainsi soulager le travail des hommes et augmenter la productivité des pompes par son invention qui en améliore le rendement, diminue les pertes d’eau et les frottements. Smeaton affirme lui aussi l’utilité industrielle novatrice de ses roues planes.
De même, nos ouvrages consacrés aux canaux et aux digues portent sur des « sujets qui intéressent la société » (Bélidor en 1782). Nous retrouvons cette idée chez Ducrest en 1803 et déjà, au tout début de notre corpus, chez Ramelli qui espère améliorer le quotidien des hommes par l’utilité de ses machines en tant de paix et de guerre. En ce sens, nos sources témoignent de l’implication progressive des sciences et des techniques dans la résolution de problèmes pratiques quotidiens. Silberschlag et Bourdet apportent ainsi, avec leurs écrits, le concours de leur théorie à la résolutiondes problèmes d’inondations qui ont sévi en Europe entre les années 1760 et 1770. Silberschlag est un auteur allemand, ici traduit en français par un officier réformé, auteur de la première préface du livre, dans lequel il annonce que l’ouvrage de Silberschlag est rédigé pour dispenser des conseils théoriques et pratiques, simples, peu coûteux et à la portée de tous, nécessaires pour remédier aux inondations que subissent les terres. Le traducteur nous indique aussi que cet ouvrage a connu un accueil favorable à Leibnitz, Pussendorf, Haller, et Gesner. Il espère qu’il en sera de même en France. Une seconde préface de l’éditeur allemand nous apprend que le numéro 73 de Nouvelles Economiques a proposé un prix à qui soumettrait un ouvrage sur la manière de bâtir dans les eaux courantes pour en prévenir les ravages, au nom et au profit du bien commun. Le prix en question a été accordé à l’unanimité à Silberschlag pour le document que nous étudions. Peu ou pas d’écrits précèdent celui de Silberschlag, en raison de la nouveauté du sujet qui lui vaut le mépris des théoriciens, d’après l’éditeur allemand. Par ailleurs, ce dernier affirme que la production d’un ouvrage sur les eaux implique la collaboration entre l’autorité qui met à disposition les moyens nécessaires à la réalisation, la mesure des théories par l’expérience pour juger de l’effet des travaux et l’homme qui détient la connaissance parfaite de tous les détails d’une construction. Enfin, dans son introduction, Silberschlag signale qu’il se consacrera à l’art de bâtir dans les fleuves. Cet art en appelle, selon lui, à l’hydrostatique, l’aérométrie, la mécanique, la géométrie et la physique. Il ne détaillera pas dansson ouvrage les machines hydrauliques utilisées pour la construction dans les eaux, car il n’est pas mécanicien et qu’il y a déjà selon lui suffisamment de documents sur la question. L’auteur assure, comme nous l’avons déjà cité plus haut, qu’il « manque à la mécanique d’être éclairée par la Physique pour avoir des connaissances sur les propriétés des corps », ce qui permet de déterminer quel matériau utiliser pour une machine plutôt qu’un autre selon les éléments et les forces auxquels elle sera soumise. C’est aussi un des auteurs de nos sources à affirmer la relation étroite qui lie théorie et pratique particulièrement en hydraulique. Le traité de Bourdet va en ce sens également, mais à la différence de Silberschlag, il se trouve davantage du côté de la pratique que de la théorie. En effet dans sa préface, l’auteur remercie l’Abbé Bossut et Viallet (dans nos sources) pour leur ouvrage surles Recherches sur la construction la plus avantageuse des digues en 1764, mais leur reproche le caractère savant et donc élitiste de leurs démonstrations algébriques. Bourdet présente ainsi son ouvrage comme traitant d’une partie de l’hydraulique qu’il a voulu intelligible, à la portée de tous. Il y développe les moyens et les proportions nécessaires à la construction des différents ouvrages permettant de résoudre les problèmes d’inondation des terres. Aussi, comme Silberschlag, Bourdet mentionne la collaboration indispensable entre l’autorité, et l’ « homme éclairé et ?habile » apte à mener à bien les travaux nécessaires.

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Table des matières
PARTIE 1 – UN FONDS ILLUSTRE VIVANT
CHAPITRE 1 – PRESENTATION FORMELLE ET DU CONTENU DE NOTRE CORPUS DE SOURCES
Description bibliographique de nos sources
Description thématique de nos ouvrages
Description des illustrations de nos sources
Aspect matériel et architecture de nos sources
CHAPITRE 2 – ELEMENTS DE LA VIE PASSEE DE NOTRE FONDS
« Avec approbation et privilège du roi » ou ce que nos sources révèlent du « régime du livre » (Jeanne Duportal) sur leur période chronologique
Prosopographie des éditeurs de nos sources
Aperçu de l’histoire de nos sources à travers leursex-libris, indication de donation et marginalia
CHAPITRE 3 – VIE PRESENTE ET FUTURE DE NOS SOURCES:LA MISE EN VALEUR DE NOTRE FONDS
Mise en valeur phase 1 : Dépouillement et mesure dela richesse de nos sources par l’évaluation de leur unicité
Mise en valeur phase 2 : Numériser pour préserver et rendre visible un fonds à grande échelle
PARTIE 2 – UN FONDS RICHE DONT LE CONTENU ET LES ILLUSTRATIONS SONT AU CŒUR DE L’HISTOIRE
DE L’HYDRAULIQUE DE LA FIN DU XVI EME AU DEBUT DU XIX EME SIECLE
CHAPITRE 4 – BREVE HISTOIRE DE L’ENERGIE HYDRAULIQUE
CHAPITRE 5 – UN FONDS ANCRE DANS LE NOUVEL ESPRIT SCIENTIFIQUE MODERNE
L’hydraulique ou la science de l’écoulement des eaux : histoire d’une nature en mouvement.
Science et technique se confrontent dans nos sources, la théorie y est mise à l’épreuve par l’expérience et l’observation
Un savoir nouveau et progressiste
Un savoir coopératif et collaboratif d’utilité publique. Prosopographie des auteurs de nos sources
CHAPITRE 6 – MESURER LA RICHESSE DE NOTRE FONDS
Renommée contemporaine de nos auteurs
Nuances
PARTIE 3 – ANALYSE DE L’EVOLUTION DU RAPPORT IMAGE-TEXTE DANS LA LITTERATURE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE,DE LA FIN DU XVI EME AU DEBUT DU XIX EME SIECLE,SUR LA BASE DE L’ETUDE DE NOS SOURCES
CHAPITRE 7 – AU SEUIL DU LIVRE,EVOLUTION DU FRONTISPICE,PORTE D’ENTREE ALLEGORIQUE ET SYMBOLIQUE DE L’OUVRAGE,DANS NOS SOURCES A FRONTISPICE.
Description et analyse de nos frontispices
Constats sur l’évolution des frontispices et de la présentation du livre à frontispice dans notre corpus de sources
CHAPITRE 8 – LES PLANCHES TECHNIQUES,DE LA PRECISION AU REALISME DE L’OBJET REPRESENTE
EVOLUTION DE LA PLACE ET PROPORTION DES ILLUSTRATIONS TECHNIQUES DANS NOS OUVRAGES
1724 – 1811 : la multiplication des figures sur la planche
1768 – 1811 : les prémices du dessin industriel
Place et proportion des illustrations dans nos sources
CHAPITRE 9 – EVOLUTION DU RAPPORT IMAGE-TEXTE AU SEIN DE NOTRE CORPUS
Procédé de la gravure sur cuivre
Prosopographie des graveurs et dessinateurs de nos ouvrages
Trois rapports image-texte différents

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