Analyse comparatives des personnages romanesques selon la grille de Philippe HAMON

Etude du personnage de « Yazid » dans « RUE DARWIN

Le nom : Yazid est le personnage principal de cette chronique, le choix de ce prénom est peut-être dû à son appartenance à une société arabe et musulmane, car en Algérie beaucoup d’homme se prénomment ainsi. Nous avons effectué des recherches pour trouver la provenance et la signification de ce prénom : d’origine arabe et islamique, il provient du verbe Zâda « augmenter, accroître, dépasser, aller au-delà, ajouter.» Le prénom « Yazid » a une connotation plutôt culturelle et sociale vu que notre personnage est d’une société algérienne et musulmane. Dans une signification populaire de ce prénom : c’est un homme sensible, émotif et peut apparaître froid, distant, réservé et trop intériorisé : « Et voila que toute ma vie de sédentaire taciturne et solitaire n’aura été que mystères et rebondissements, murmures et silences pesants… ». Cela justifiera peut-être la personnalité de notre protagoniste qui prend des allures surréalistes, car il est décrit comme étant l’homme qui a tout vu et même, tout vécu du début à la fin de l’histoire. C’est un personnage omniprésent.
 Les dénominations : Yaz est Le surnom qu’on a attribué à Yazid. Toute sa famille l’appelait ainsi. D’une part, il se peut que ce soit une référence par rapport à son nom (Yazid), une explication qui nous paraît assez logique. D’autre part, nous avons essayé d’approfondir l’analyse de ce particule (Yaz) ; c’est est un nom turc qui veut dire (été), il est défini comme suit : « Saison chaude de l’année, du solstice de juin (21 ou 22 juin) à l’équinoxe de septembre (22 ou 23 septembre).» C’est aussi un nom de famille très répandue à Izmir, en Turquie. Il se peut donc, que ce pseudonyme qu’on a donné à Yazid vient de là-bas, car sa grandmère avait des biens un peu partout dans le monde y compris en Turquie. Il nous semble aussi que sa Djéda était la première à l’appeler ainsi. Ce sont là les éventuelles justifications de cette appellation.
Le corps : Yaz, un vieux célibataire, « macrobien » et qui souffre d’aboulie. Il est froid et indifférent comme un mort. C’est un homme « émacié » et « voûté » qui souffre de sa solitude et de son instabilité morale et sociale.
 L’habit : Yazid, est un homme plus que simple, il est vêtu de vieux habits tout en gris et tout en flou.
 La psychologie : Les traits et signes psychologiques de Yazid les plus répandus de ce récit sont : En premier lieu, nous avons remarqué que Yaz est un personnage qui a vécu dans une grande solitude. Tout au long de sa vie, il a su supporter toutes ses souffrances et privations de ses droits. Il doutait de son origine, que son entourage taisait. Il ne se met guère en avant et ce qui justifiera son comportement, ayant compris depuis le début que c’était un enfant illégitime ; pour lui, c’est comme s’il n’avait pas ce droit à poser des questions concernant la vérité sur ses origines, parce que la société algérienne qui est la sienne, c’est tout simplement tabou. « J’avais le cœur barbouillé, je ne savais que penser, que faire. Il était ainsi, j’étais de deux famille, deux mondes que tout séparait, et la vérité qui pouvait les réconcilier en moi était inaccessible, personne ne la savait, ou ceux qui la savaient ne la diraient pas, elle les aurait détruits. Jusqu’à la fin, je resterai au milieu du gué. » En second lieu, Yazid est un personnage amorphe. Il est célibataire, n’a pas d’enfants ni de vie privée. Il vit avec sa mère et se voue corps et âme à son bienêtre « les premiers temps, j’ai eu du mal à remplir mes journées à moi seul. M’occuper de maman avait finit par être ma seule activité » Il n’a pas d’ambition ; c’est un personnage introverti, cela expliquera peut-être son histoire qui est devenue un objet de supercherie et de mensonge. Il est l’ainé d’une fratrie de plusieurs enfants. Il est bien différent de ses frères et sœurs qui ont beaucoup d’ambition, lui, n’a jamais été tenté par quoi que ce soit. Il s’est contenté de vivre le rôle que les femmes, Djéda, Karima (sa mère adoptive) et Farroudja (la mère biologique) ont décidé pour lui.En définitive, Yaz est un intellectuel, il a fait des études d’ingéniorat car à cette époque de l’indépendance, le pays avait bien besoin. En dehors  de ce domaine professionnel, Yazid avait une vision assez spécifique de la vie qui se résume selon lui en plusieurs couches sanglantes, il voyait en ce monde que l’horreur des guerres qu’a subit son pays, la barbarie humaine, les tueries, les massacres répétés par les intégristes sur les populations civiles, innocentes et sans défense. Il est en parfaite contradiction avec le système politique de son pays, car les gouverneurs utilisent l’islam comme un moyen de guerre et non une religion sacrée. Pour eux tout ceux qu’ils massacrent, c’est au nom de l’islam. Il s’est laissé porter par les événements, il révèle l’Histoire de son pays qui ne cesse de sombrer dans la médiocrité et dans l’obscurité : « Je fis ainsi cette découverte que la guerre n’est connue que par la paix qu’elle engendre, comme l’arbre se reconnaît à son fruit. La guerre qui n’apporte pas une paix meilleure n’est pas une guerre, c’est une violence faite à l’humanité et à Dieu, appelée à recommencer encore et encore avec des buts plus sombres et des moyens plus lâches, ceci pour punir ceux qui l’ont déclenchée de n’avoir pas su la conduire et la terminer comme doit s’achever une guerre… la finalité des guerres n’est pas de chialer en se frappant la poitrine et de se répandre en procès au pied du totem, mais de construire une paix meilleure pour tous et de la vivre ensemble. »
 Le biographique : Yazid Kadri, dit Yaz, né en 1949, il venait du bled de Bordj Dakir, au sudouest d’Alger, au cœur de l’Ouarsenis. Yazid est d’une famille au grand pouvoir hors norme qui s’étalait dans plusieurs territoires d’Algérie. Sa grand-mère était la chef d’une tribu (clan des Kadri) très honorable et dont elle a hérité après le décès de son père. Yaz venait juste d’avoir cinq ans quand il a perdu son père (Kader) dans un accident de voiture sur la route de Miliana en 1954. Après la mort de ce dernier, Yazid rentrait avec sa grand-mère à la rue Darwin. Karima sa mère, a été chassée de la maison familiale par Djéda, qui l’a privée ainsi de son enfant pendant des années puisqu’elle l’a gardé à ses côtés. Et ce n’est que vers 1957 qu’il rejoignit sa mère, à Belcourt, au Champ de Manœuvre. Il avait laissé derrière lui le monde de Djéda et le milieu du phalanstère à la rue Darwin. Une fois chez sa mère Yaz retrouve sa vie normale,avait des copains, mais faisait tout par suivisme. Il allait à l’école, avait des occupations. A son arrivée à Alger, il découvre la grande ville et la guerre, il participe à la bataille d’Alger à sa façon, et c’est à partir de là qu’il a pris la connaissance de la colonisation et tous ses massacres endurés par ses concitoyens.C’est en 1964 que la grand-mère de Yaz meurt dans des conditions mystérieuses. Et c’est toute une vie plein de mystères qui est partie avec elle, et tous les biens que Yaz a hérités d’elle lui ont été confisqués par les autorités. Tout a été nationalisé. Par la suite, Yazid a connu des hauts et des bas dans sa vie, il sombre dans la solitude et dans l’anxiété. Durant toute sa vie il voit des gens proche de lui partir l’un après l’autre que ce soit emporté par la mort, ou simplement disparus ou émigrés. Après tant de sacrifice et de bienveillance pour sa mère (Karima), cette dernière a fini par le quitter aussi en 2002, victime d’un cancer de sang. Yazréussit à réaliser le rêve de sa mère qui est celui de rassembler toute sa chair autour d’elle afin de les voir tous ensemble comme au beau vieux temps à Alger, une famille soudée qui nage dans le bonheur malgré la pauvreté. Puis, s’ensuit la perte de sa mère biologique après qu’il lui a rendu visite dans la Quiba. Celle-ci lui a tout dévoilé sur son origine et surtout sur le choix de son silence auparavant.

Etude du fonctionnement des personnages :

  Nous allons maintenant appréhender le statut du personnage sous un autre angle. Dans l’exemple que nous avons choisi, qui, à notre avis semble correspondre aux attentes de cette démarche, celui du changement de rôle du personnage principal en antihéros, et du personnage secondaire (qui à la base est un être émergeant), qui devient le héros de l’histoire. Pour pouvoir déterminer ce statut et savoir qui est le personnage principal et lequel secondaire, nous allons nous référer au dernier axe sémantique que Philippe Hamon a proposé, dans sa théorie « analyse sémiologique du personnage ». Au terme de ses recherches, Philippe Hamon proposa six paramètres, simples et maniables pour distinguer et hiérarchiser les personnages, il s’agit notamment :
 De la qualification différentielle qui s’intéresse à la quantité des qualifications assignées à chaque personnage et aux aspects de leur manifestation ;
 De la distribution différentielle s’attache à déterminer les aspects quantitatifs tels que la fréquence et la durée des apparitions des personnages ;
 L’autonomie différentielle renvoie au type de combinaison des personnages entre eux ;
 De la fonction différentielle porte sur le faire des personnages : leur rôle dans l’action, plus ou moins important, porteur de réussite ou non ;
 De la pré-désignation conventionnelle combine le faire et l’être des personnages ;
 Enfin, Le commentaire explicite porte quant à lui, sur le discours que le narrateur à propos d’un personnage. Il indique le statut du personnage ou la manière de le catégoriser.

Yazid, le personnage principal

L’importance hiérarchique :
1) La qualification : Selon l’enchaînement linéaire des actions du récit, on peut classer les caractères et les qualifications accordées au personnage de Yazid à une seule classe plus ou moins. Au début du récit, Yazid apparaît comme une personne instable, anxieuse, fragile ; un homme malheureux, esseulé, sans femme ni enfants, personne pour lui faire reprendre confiance en lui-même, qui pourrait lui montrer le droit chemin, pour qu’il puisse accomplir quelque chose digne de son nom. Il n’y avait que sa mère qui lui donnait cette sérénité, mais elle n’était pas en bonne position car elle était souffrante la plupart des temps ; le seul domaine où Yaz se sentait sûr de lui, c’est dans le rôle de garde-malade, toujours à la disposition de sa maman. C’est les seuls moments où il pense avoir fait quelque chose de positifdans sa vie et il reprenait confiance en lui. Ceci à part, c’est un homme qui vit dans sa solitude, qui se préoccupe de sa mémoire qui lui joue des tours, se complaisait dans une vie simple, quand bien même médiocre.
2) La distribution : On dénombrera cinq apparitions essentielles du personnage de Yazid. D’abord il fit sa première apparition à Paris, au chevet de sa vieille maman à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, avec ses frères et ses sœurs venus des quatre coins du monde, la fin était proche, ils ont passé de pires moments et sont saisis d’une immense angoisse. Mais, Yaz était comblé de bonheur car il a pu réaliser le vœu de sa mère, celui de rassembler tous ses enfants auprès d’elle. Quant à sa deuxième apparition, c’est à Alger, il est de retour chez lui et très vite il s’est avisé avec amertume : sans sa mère qui occupait tout son temps, il avait du mal à remplir ses journées. Puis, le personnage fera sa troisième apparition dans le quartier le plus populaire d’Alger ; Belcourt, car ayant reçu, dès le début du récit un appel venant de l’au-delà, croyant que c’était un message de sa mère disant : « Va, retourne à la rue Darwin !.»5 Aussitôt, Yazid replongedans son passé et des souvenirs le bouleversent complètement. Ensuite, il apparaîtra une quatrième fois dans les rues de Paris, au Lutetia, au 45 boulevard Raspail, cherchant un palace où Daoud, son frère de circonstance effectuait un stage d’hôtellerie, mais il arrive trop tard, il apprend la mort de ce dernier. Enfin, c’est dans la Quiba que Yaz va faire sa dernière apparition, chez la fidèle amie de sa mère Karima. Cette dernière, avant de rendre l’âme ordonnait à son fils d’aller rendre visite à leur chère Farroudja. Le personnage découvre enfin la vérité sur son origine, auprès de la seule survivante de ces années d’antan.
3) L’autonomie : Malgré l’entourage de sa famille nombreuse, Yaz se sentait infiniment seul « j’ai vécu ma vie, seulement ma vie, d’une manière quasi autiste. » Il se voyait toujours mourir seul, de la pire mort qui soit. Yazid est un personnage autonome, il vit en retrait de son entourage s’autosuffisant et s’occupant de sa mère malade. La seule cause qu’il regrette le plus, c’est l’amour d’une femme qui lui ferait pousser des ailes pour pouvoir affronter le monde avec courage. L’amour gratuit et généreux d’une femme unique, c’est, comme il dit (la vraie possession de la vie pour ne pas se sentir seul), mais cela relève de l’utopie. Quant à la réalité, le seul amour réciproque qu’il avait dans sa vie était celui de sa mère adoptive Karima. Très jeune déjà, il avait opté pour le célibat et la vraie solitude.
4) La fonctionnalité : Yazid accomplit au moins deux actions d’une grande importance dans le récit.D’abord, il va faire le nécessaire pour réaliser le rêve de sa mère, Yaz fera tout son possible pour réunir sa fratrie autour de leur mère, acte réalisé avec succès, cela se passait en 2002, à Paris, à l’Hôpital de la Salpêtrière. Ensuite, la deuxième action qu’il effectue, de tout son cœur est celle de la recherche de son frère de circonstance Daoud à la rue Darwin avec les autres pupilles. Yazid est très proche de lui, sans savoir que c’est un frère de sang. Il sentait que toutes les réponses à ses questions qu’il s’était posées depuis toujours passait par Daoud mais c’était bien trop tard, un ami de ce dernier « Jean » lui apprend son décès.Lors de leur rencontre, ce dernier fut frappé par la ressemblance qu’il y avait entre Daoud et Yazid et aussitôt, il le surprend avec sa remarque : « vous êtes son frère,… un sosie.»7 Une phrase qui l’a éclairé et bien aidé dans sa quête.Maintenant Yaz savait tout ce que Jean savait, il le regardait comme on regardeun miracle, c’est comme si on l’avait mis sur sa route au bon endroit et au bon moment, surtout il avait les réponses à ses questions.
5) La pré-désignation conventionnelle : Le personnage de Yazid apparaît dans le rôle d’un homme instable, velléitaire, c’est un personnage passif qui ne fait aucun effort pour changer sa destiné. Certes, c’est un personnage principal et toute l’histoire tourne autour de lui mais il ne se préoccupe pas de sa vie parce qu’il a été un enfant tourmenté par les complots qui ont été effectués par ses proches derrière son dos, il ne faisait qu’accepter sa condition d’homme issu de deux mondes paradoxaux, de deux histoires inachevées. Tant de fois, il s’est approché de sa vérité mais il manquait de force et de détermination, car il avait vécu trop longtemps dans le silence et l’apathie pour s’enhardir d’un coup.
6) Le commentaire explicite du narrateur : Le narrateur du récit intervient dans le cadre de l’évaluation du personnage par rapport aux actions entreprises par ce dernier. Yazid est lui-même le narrateur, et c’est avec sa vision et ses propos qu’on va l’évaluer en tant que personnage principal. Yazid a une fonction bien précise dans le récit ; c’est la quête identitaire. Depuis le début du récit, il s’est montré comme étant un homme calme, sage, mais aussi instable, pas sûr de lui. Il ne se sent pas en sécurité dans la vie incertaine qu’il menait, tout simplement il a perdu le goût de vivre car il a été victime de cette vie même. Il nous narre sa vie de manière pessimiste : « J’ai ri de mon optimisme, à mon âge et dans ma situation, le sillon est tracé, je me voyais mal mourir avec d’autres idées que celles qui m’avaient accompagné jusque là. »

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : Analyse comparatives des personnages romanesques selon la grille de Philippe HAMON
I. Préambules théoriques
II. Etude du personnage principal « Yazid » et l’autre secondaire « Lalla Sadia » dans « rue Darwin » selon la théorie de Philippe Hamon et celle de Greimas
III. Détermination de statut des deux personnages étudiés
CHAPITRE 2 : Une nouvelle image des personnages romanesques; du héros à l’antihéros et de l’antihéros au héros dans « RUE DARWIN » de BoualemSansal
I. Préambule théorique
II. Etude du fonctionnement des personnages
III. L’étude du côté traditionnel et moderne des personnages de Boualem Sansal
CONCLUSION

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *