Analyse a priori de la situation : l’impact de la pratique des jeux coopératifs sur les relations entre élèves et la coopération 

Le jeu à l’école

En France, les jeux ont du mal à se faire une place au sein de l’école. On peut penser que par leur caractère incertain ou par le plaisir qu’ils apportent, ils vont à l’encontre des objectifs fixés par les programmes et du travail assigné à l’élève. Voyons tout de suite quelle place occupe le jeu dans les programmes scolaires et quelle relation il entretient avec les apprentissages dit « scolaires ».

Le jeu dans le programme de l’école maternelle et les textes officiels

Dans le programme de l’école maternelle de 2015, le rôle du jeu est cité comme faisant partie d’une des spécificités de l’école maternelle. On le présente à la fois comme un des besoins de l’enfant, comme un matériel de l’école et comme une des modalités possibles de l’apprentissage (MEN, 2015). Une partie du programme s’intitule d’ailleurs “apprendre en jouant”. Il y est proposé d’utiliser le jeu dans tous les domaines d’apprentissage, sous forme libre ou structurée. On y repère quatre dimensions développées dans le document d’accompagnement des programmes de l’école maternelle de 2015 « jouer et apprendre » :
– Une dimension culturelle où « la pratique du jeu à l’école permet à tous les enfants de disposer de représentations initiales partagées à partir desquelles pourront s’ancrer des apprentissages » et ou « une pratique appropriée du jeu à l’école favorise(rait) une réduction des écarts et l’égalité des chances. »
– Une dimension « sensée ». L’enfant donne du sens à ses actes au travers du jeu en établissant des liens avec ce qu’il vit et ce qu’il a déjà vécu et construit ainsi ses premiers savoirs.
– Une dimension sociale. Le jeu permettant d’établir des liens avec les autres et « d’apprécier les aspects positifs de (leurs) différences ».
– Une dimension affective. « Par le plaisir suscité, le jeu associe « la richesse des expériences vécues » à des émotions positives » (MEN, 2015).
Ainsi le jeu peut être vu comme une des bases sur laquelle peut s’asseoir et se construire des apprentissages. Le programme recommande ainsi aux professeurs des écoles de donner aux enfants du temps pour jouer librement ou de manière réglée mais recommande aussi aux professeurs d’utiliser le jeu comme supports d’apprentissage (jeux phonologiques…).
La notion de plaisir en rapport avec le jeu se retrouve régulièrement dans les documents publiés par le MEN. Les recommandations pédagogiques du BO n°22 du 29 mai 2019 intitulées « l’école maternelle, école du langage » indiquent par exemple qu’ « en moyenne et grande sections, tout énoncé peut devenir prétexte à des jeux vocaux et des jeux de langage (…). Dans toutes ces activités, le plaisir de jouer avec les mots doit demeurer un vecteur de motivation. » (BOEN, 2019)

La relation jeu et apprentissage

Bien que le jeu soit reconnu dans le programme de la maternelle comme une activité centrale du cycle 1, les professeurs des écoles ne l’utilisent pas de façon systématique. Dans un article publié en 2006, Evelyne Vauthier, alors inspectrice de l’éducation nationale, explique cette situation par le fait que « les enseignants ont encore du mal à se l’approprier, figé dans un besoin de donner du sens et de parler d’objectifs d’apprentissage dans les situations proposées ». Elle ajoute que « le jeu semble avoir du mal à se faire une place dans une école qui s’est donnée pour mission de former l’enfant à devenir un élève rigoureux, concentré, tenace et à devenir un citoyen » (Vauthier, 2006).
Pourtant, le jeu peut aider aux apprentissages à la fois du côté de l’élève et du côté du professeur. Elle souligne ainsi que « le jeu motive l’élève, facilite sa concentration, son recours à la mémoire » et le rend « actif ». Elle ajoute que l’élève va endosser un rôle et une forme de responsabilité qui vont l’amener à se dépasser dans toutes les compétences attendues à l’école : langage, concentration, communication, verbalisation, réflexion, etc. Par ailleurs, elle précise que le jeu contribue à diminuer la crainte de l’échec ou de l’erreur. Elle indique enfin que le jeu facilite les relations entre élèves et le respect de chacun en provoquant de facto des relations entre pairs (Vauthier, 2006). Du côté de l’enseignant, elle indique que le jeu peut être une aide aux apprentissages en ce qu’il peut notamment permettre de faire de la différenciation pédagogique « en faisant varier règles et exigences ». Elle observe que le jeu peut être d’une grande efficacité pour les enseignants qui savent « tirer parti intelligemment de la motivation suscitée chez leurs élèves par une pratique inhabituelle » mais note cependant que l’efficacité du jeu est sûrement dû au cadre précis dans lequel il opère, où les objectifs sont définis clairement et où une analyse succède immédiatement à la situation proposée (Vauthier, 2006).
Appuyant ces propos, en 2007, trois auteurs, Louise Sauvé, Lise Renaud et Mathieu Gauvin ont fait paraître une analyse des écrits sur les impacts du jeu sur l’apprentissage, synthétisant un grand nombre de publications récentes. Il ressort des résultats plusieurs points affirmant que le jeu a bien un effet sur les apprentissages. Ainsi, selon leurs propos, le jeu favoriserait :
« – le développement d’habiletés de coopération, de communication et de relations humaines;
– la motivation à l’apprentissage en soutenant notamment la confiance en soi, l’engagement, le désir d’accomplir une tâche et en entraînant du plaisir ;
– le développement d’habiletés en résolution de problèmes ;
– la structuration et le renforcement de connaissances ;
– l’intégration de l’information en développant notamment la capacité à établir des liens et à transposer des connaissances » (Sauvé, Renaud, Gauvin, 2007).
Si cette étude nous permet d’affirmer l’impact positif du jeu sur les apprentissages, il reste que les professeurs ont encore du mal à l’intégrer à leur pratique. Pour Gilles Brougère, il existe dans le monde deux types d’enseignants. Ceux qui voient le jeu comme “l’activité centrale par laquelle l’enfant apprend”, et ceux, notamment en France, qui considèrent le jeu comme “un complément nécessaire du fait de l’âge des enfants mais qui doit disparaître au plus tôt” de l’enseignement (Brougère, 2006). Il constate que les enseignants qui cherchent à utiliser le jeu dans leur pratique sont souvent pris dans leurs contradictions vis à vis de leursobjectifs et tendent plutôt à transformer le jeu en exercice.
Ainsi, on voit que si l’apport du jeu dans les apprentissages est aujourd’hui bien établi, l’utilisation du jeu à l’école n’est pas encore systématique et interroge sur la manière de l’utiliser. Aussi, en tant qu’enseignantes intéressées par la pratique de la coopération à l’école, nous avons souhaité nous pencher plus particulièrement sur la pratique des jeux coopératifs en classe et sur son impact auprès des élèves. Cela nous a amené à nous questionner sur la pratique de la coopération dans le cadre scolaire et à rechercher quelques appuis théoriques sur cette notion.

La coopération dans le contexte scolaire

Coopérer en classe : éléments de définition

Sylvain Connac, chercheur en sciences de l’éducation et spécialiste de la coopération, définitle fait de coopérer comme « toutes les situations où enfants et adultes, réunis en communautéde recherche, mettent à disposition de tous les richesses individuelles, échangent leurs connaissances et développent en même temps des attitudes métacognitives (Connac, 2009, p.53). La coopération réside ici d’abord dans le faire ensemble et l’agir ensemble : l’individu est au service du collectif dans une perspective constructive. Dans la cadre scolaire, cela renvoie à des pratiques visant à « apprendre ensemble », en collectif de pairs. Pour aller plus loin dans la définition, nous proposons de passer par une comparaison de trois notions : la coopération, la collaboration et la compétition. Cette mise en perspective s’appuie largement sur celle proposée par S. Connac dans son ouvrage « La coopération, ça s’apprend » (Connac, 2009, p.11 à 19)

La coopération

La coopération peut se définir comme une modalité de travail (aide, tutorat, travail de groupe) qui vise à insuffler des valeurs de solidarité, d’entraide et de partage au sein du groupe classe.
Ces pratiques mettent les élèves en situation, tour à tour, de transmetteur et de récepteur de savoirs. Quand un élève enseigne à un autre élève, les deux parties sont pleinement actives sur le plan intellectuel. Il s’agit de considérer tout l’intérêt que la tâche d’enseigner représente pour une élève : « La coopération est l’offre faite aux élèves d’apprendre en interagissant avec leurs pairs, d’un côté en tant que récepteur des informations et surtout d’un autre en adoptant la posture enseignante » (Connac, 2015, p.57).
S. Connac insiste sur le fait qu’un élève en situation de transmetteur apprend tout autant, voire davantage, que l’élève récepteur. En effet, l’élève qui enseigne est amené à reformuler, adapter son niveau de compréhension à une autre personne, développer son empathie. En développant ces compétences, ce même élève bénéficie de nombreux retours positifs : estime de soi valorisée, connaissances renforcées. S. Connac précise en effet qu’on associe généralement quatre caractéristiques à la coopération : la générosité réciproque (don de soi), l’interdépendance (on a mutuellement besoin de l’autre pour agir), le partage d’une même situation ainsi que des actions combinées sous forme d’interférences positives (facilitation de l’activité du partenaire) (2020, p.16).
Dans cette perspective, qu’est-ce qui distingue une situation coopérative d’une situation collaborative ?

La compétition

Enfin, la compétition se caractérise par un rapport d’adversité à autrui ; il s’agit d’empêcher l’adversaire d’atteindre le but que l’on se fixe à soi même. Cette adversité est source de motivation et de dépassement de soi. Elle provoque également une forte cohésion au sein de son groupe « équipe ». Cette motivation par la confrontation constitue l’intérêt principal de la compétition. Ainsi, S. Connac précise que, contrairement aux apparences, la compétition ne s’appréhende pas comme le contraire de la coopération ; celui-ci serait plutôt à aller chercher du côté de l’égoïsme ou de l’individualisme (2020, p.18).
La compétition se définit parallèlement par son « coût » : elle se révèle fatigante pour les individus puisqu’elle valorise une minorité au détriment de la majorité. En désignant un ou quelques vainqueur(s), la compétition décourage la majorité des participants à qui l’on attribue le titre de « perdants ».
Ce préalable notionnel nous permet d’appréhender plus précisément les apports de la coopération dans le cadre scolaire. La mise en rapport de ces trois notions a effectivement permis de distinguer les « avantages et inconvénients » de chacune. Si nous nous intéressons particulièrement à la coopération, c’est parce que celle-ci nous semble vectrice de valeurs fondamentales à l’école : solidarité, entraide, valorisation du collectif. Ce sont ces valeurs qui sont à la genèse de l’entrée de la coopération en pédagogie.

Contextualiser les pédagogies coopératives : un focus sur la pédagogie Freinet

Les pratiques coopératives à l’école apparaissent dans le cadre des pédagogies alternatives au début du XXème siècle en Europe. Face au désastre de la première guerre mondiale, ce mouvement cherche à tirer toutes les leçons de la responsabilité de l’école dans l’embrigadement des peuples dans le nationalisme de guerre. Elles dénoncent alors les valeurs traditionnelles de l’école : obéissance, soumission, verticalité des rapports entre l’adulte et l’enfant. En opposition à celles-ci, ces pédagogies fondent leurs pratiques sur des valeurs émancipatrices telles que la liberté, l’autonomie et l’adhésion des enfants aux apprentissages. On parle de mouvement car ces initiatives naissent dans différents pays d’Europe à la même période : Decroly en Belgique, Montessori en Italie (celle-ci occupe une place à part car ne se réclamant pas de la coopération), Neil en Angleterre, Freinet en France pour ne citer que les plus emblématiques.
Bien que la coopération soit présente dans divers courants pédagogiques, nous faisons ici le choix de nous appuyer sur celle initiée par Célestin Freinet pour contextualiser cette notion.
Comme pour les pédagogies alternatives, celle de Freinet commence par une critique de l’école classique et cherche à poser un regard nouveau sur l’enfant. Celui-ci est considéré comme un être à part entière, doté d’une intelligence propre et porteur d’un besoin spontané d’apprendre. L’apprentissage se fait au moyen de la connaissance et de la pratique ; ces deux dimensions étant considérées comme complémentaires et de même importance. «Ce qui importe, c’est la vie, c’est le désir persistant de l’enfant de travailler pour se perfectionner. Avec cet élan, on surmonte tous les obstacles.» . L’apprentissage, selon Freinet, est d’abord un élan de vie chez l’enfant qui lui permet d’accroître sa puissance, et donc de grandir. Pour l’éducateur, le postulat premier est de considérer ce besoin naturel pour penser les apprentissages. On comprend combien cette conception des choses remet en question la centralité du rôle de l’enseignant dans l’école traditionnelle. Ici, le rôle de l’éducateur consiste à mettre en œuvre une méthode naturelle permettant de répondre aux désirs spontanés d’apprentissage des élèves. La méthode naturelle s’illustre notamment à travers le tâtonnement expérimental qui consiste à apprendre par la recherche . Par un mouvement d’essais – erreurs, l’enfant tâtonne par l’expérimentation, se trompe, tente à nouveau, trouve des réponses. La réussite est ainsi pensée comme un processus d’apprentissage qui intègre pleinement l’erreur. La pédagogie liée à la méthode naturelle joue sur plusieurs paramètres (NOIRY, 2018, p.26) :
– l’environnement : il s’agit de construire et d’aménager le milieu d’apprentissages de manière stimulante pour les élèves. Agir sur l’environnement permet de stimuler les désirs d’apprentissages des enfants ;
– l’organisation communautaire du travail : la classe est pensée comme un collectif de travail où sont valorisées les relations entre pairs ;
– des techniques d’apprentissages en lien avec la vie quotidienne : il s’agit d’apprendre via des pratiques relevant de la vie courante. En mobilisant des activités issues de la « vraie vie », l’apprentissage passe par un médium concret qui est porteur de sens et de motivation : texte libre, conférence, correspondance, journal etc.
La pédagogie Freinet, enfin, est liée à une vision politique plus large portée par le penseur et militant. D’après le pédagogue, le changement vers une société meilleure, en l’occurrence socialiste, n’adviendra que si l’on parvient à transformer l’école en amont. C’est donc dans le lien entre éducation et politique que se comprend la cohérence de l’œuvre de Freinet : «
L’engagement syndical de Freinet est incontournable, il est le revers de son engagement pédagogique et l’on ne trouvera, jusqu’à ses derniers jours, aucune opposition, aucune contradiction malgré les controverses avec la Fédération de l’enseignement, entre ces deux facettes de sa pratique » (Chabrun, 2005, p. 10). Cette visée politique se fonde notamment sur la pratique de la coopération en classe. En établissant des rapports égalitaires et complémentaires (via la coopération), Freinet postule que les enfants s’éduquent mutuellement à la démocratie, véritable finalité, d’où la place centrale de la coopération dans l’ensemble.

Pourquoi et comment mettre en place la coopération dans sa classe ?

La coopération pour un meilleur apprentissage de tous

Selon Sylvain Connac, les finalités pédagogiques de la coopération peuvent être de deux natures. D’une part, la coopération apparaît comme un moyen de rendre les apprentissages plus opérants auprès de tous les élèves. En instituant des rapports égalitaires entre pairs, celleci a des effets d’accessibilité et de diffusion du savoir efficaces pour le plus grand nombre.
D’autre part, la coopération peut aussi être mobilisée dans une finalité de vivre-ensemble : celle-ci défend des valeurs de solidarité et de fraternité dans les rapports entre pairs (Connac, 2020, p.38). « La première (étude) de ce genre, réalisée en 1981 par Johnson et ses collègues, fait la synthèse des résultats de 122 études portant sur les effets comparés des apprentissages coopératifs, compétitifs et individualistes sur la réussite des élèves (Johnson etal., 1981). Les résultats sont sans appel: quelle que soit la discipline, l’âge des élèves et la tâche demandée, l’approche coopérative est la plus efficace des trois. » (Reverdy, 2016, p.17). La coopération apparaît donc plus efficiente que d’autres modalités d’apprentissage. Coopérer amène les élèves à se confronter à autrui via des situations d’échanges qui nécessitent de verbaliser leur point de vue. Cette verbalisation implique en amont une structuration de sa pensée, et donc un travail d’appropriation et de clarification à haute valeur ajoutée sur le plan intellectuel. Ainsi, la confrontation à autrui provoque un conflit sociocognitif qui va faire émerger le désir de préciser sa pensée et la nécessité de se décentrer. Par la confrontation des représentations sur un même problème, le travail coopératif fait donc naître un questionnement autour des savoirs en jeu par les élèves. In fine, l’objectif pédagogique vise à produire un mouvement de construction/déconstruction des notions. Ce processus, suscité par la situation sociale (interaction), se révèle très riche d’un point de vue intellectuel.

Le nécessaire apprentissage de la coopération

Si la coopération se révèle efficace, ses effets bénéfiques ne sont pas pour autant immédiats. Coopérer est effectivement loin d’être naturel chez les élèves et les apports mentionnés précédemment ne peuvent être escomptés sans un travail de préparation. C’est pourquoi, sans formation préalable, on assiste à certaines dérives propres à tout travail de groupe scolaire. On entend ici par dérives, les biais que comportent toute modalité collective de travail : dérive attentionnelle (perte de l’attention, dispersion), dérive affective (les relations humaines, affects prennent le dessus sur le débat d’idées et le freine), dérive productiviste (renvoie à l’aspect scolaire : la tâche prend le dessus sur l’objectif), dérive différenciatrice (répartition intéressée du travail : les élèves considérés meilleurs assurent l’essentiel de la tâche demandée) (Ben Hamouda, 2019).

La place du jeu coopératif à l’école

Si la coopération en tant que telle n’est pas un objectif du programme de l’école maternelle, on la retrouve cependant dès le cycle 2 dans le programme d’EMC. « Apprendre à coopérer »y est un objectif tout comme « coopérer en vue d’un objectif commun ». Au cycle 3, onretrouve nominativement la coopération toujours dans le programme d’EMC sous l’objectif « savoir travailler en respectant les règles de la coopération ». Aussi, doit-on tout au long de la scolarité des enfants mettre en place des situations permettant de travailler la coopération qui contribue à former le citoyen. Le jeu coopératif semble être un outil intéressant pour cela, puisqu’on l’a vu, le jeu semble avoir de nombreux apports sur le plan pédagogique –notamment sur le langage et le savoir-être en société – et que le proposer sous une forme coopérative permet par ailleurs de contribuer à l’acquisition de ces objectifs. Pour Sylvain Connac, « les jeux coopératifs présentent la coopération comme une autre façon de penser et de vivre les interactions humaines, dans le but d’améliorer la qualité des relations, essentiellement compétitives et individualistes » et « ainsi, l’école devient un lieu où l’on enseigne à se comprendre. » (Connac, 2017,p.102). Pour lui, pratiquer les jeux coopératifs en classe est avant tout un facteur d’amélioration des relations sociales. Dans son livre Lacoopération entre élèves il propose un schéma récapitulatif autour des jeux coopératifsque nous reproduisons ci-dessous (Connac, 2017, p.103).

ANALYSE A PRIORI DE LA SITUATION : L’IMPACT DE LA PRATIQUE DES JEUX COOPÉRATIFS SUR LES RELATIONS ENTRE ÉLÈVES ET LA COOPÉRATION

Émergence d’une problématique : le jeu coopératif à l’école

Définition de la problématique

Comme mentionné dans la première partie, la coopération peut être mobilisée en vue de deux finalités distinctes : soit pour construire du collectif et agir sur la qualité des relations entre élèves, soit pour acquérir des apprentissages. Intéressées par les liens entre coopération et apprentissage, notre cheminement nous a finalement amené à nous centrer sur la dimension “citoyenne” et à nous questionner sur l’impact favorable de la coopération sur la qualité des relations entre élèves.
Nous nous sommes dans un premier temps intéressées aux défis coopératifs comme outils pour l’amélioration du climat de classe et des relations entre élèves pour une meilleure coopération. Face à la question de savoir si le défi était un jeu, nous avons contourné le problème en l’utilisant comme situation de pré-test et de post-test et nous nous sommes alors plutôt intéressées aux jeux coopératifs de plateau en nous demandant quel pouvait être l’impact d’une pratique régulière des jeux coopératifs de plateau sur les relations entre pairs ou en situation d’activité de groupe.
Aussi, nous avons retenu la question de recherche suivante : la pratique régulière de jeux coopératifs permet-elle de modifier le comportement des élèves de GS en situation d’activité de groupe ?

Hypothèses de recherche

Nous cherchons donc à savoir quel est l’impact de la pratique régulière de jeux coopératifs sur les comportements des élèves. Aussi, face à cette question, nous émettons deux hypothèses : Hypothèse 1 : La pratique régulière de jeux coopératifs a un impact favorable sur la capacité à faire ensemble des élèves. Nous émettons ainsi l’hypothèse que le comportement des élèves évolue de manière à ce que nous observions, à la fin de l’expérimentation, une seule construction de groupe, la participation de tous au défi, un rééquilibrage de la prise de parole de chaque enfant et enfin la verbalisation du projet collectif par les enfants. Hypothèse 2 : La pratique régulière de jeux coopératifs a un impact favorable sur le savoirêtre des enfants, c’est-à-dire sur leur comportement langagier, physique et civique entre eux. Nous émettons ainsi l’hypothèse que le comportement des élèves évolue vers plus d’écoute, de respect mais aussi plus d’interactions positives et moins d’échanges agressifs entre eux.

Méthodologie de recherche

Contexte et population

Nos deux écoles se situent en milieu rural sans difficultés particulières et nos deux classes sont des doubles niveaux à cheval sur le cycle 1 et le cycle 2. Dans chacune de ces classes nous allons effectuer notre expérimentation avec les élèves de grande section en faisant des groupes de 4 enfants ce qui facilite d’une part la mise en place des jeux et qui permet, a priori, d’obtenir le moins de biais possible au niveau des élèves.
La première classe, que l’on appellera Classe A, se situe au Poët-Laval. C’est un double niveau GS-CP de 23 élèves dont 11 en GS. La PE choisit d’écarter de l’expérimentation un élève ayant des difficultés comportementales et qui tape notamment souvent ses camarades, une élève ayant des difficultés d’ordre cognitif et pour qui la compréhension des consignes tout comme la verbalisation des procédures pouvaient être des obstacles, un élève pris au hasard du fait de son absence lors de la première semaine d’expérimentation. Les GS choisis pour l’expérimentation sont donc des élèves qui ne présentent pas de difficultés particulières de comportement ou vis-à-vis des apprentissages. Ils sont répartis de façon aléatoire dans deux groupes comportant chacun 1 fille et 3 garçons.
La seconde classe, que l’on appellera Classe B, se situe à Sauzet. C’est une classe de GSCE1 composée de 26 élèves dont 16 élèves de CE1 et 10 élèves de GS. En raison de difficultés de comportement, un élève n’est pas inclus. Une autre élève qui a du mal à parler en présence d’un groupe est écartée. Le premier groupe se compose d’un garçon et de trois filles, le deuxième groupe se compose de deux garçons et deux filles. La répartition des élèves se fait dans un souci d’hétérogénéité et de mixité afin que les deux groupes soientcomparables.

Protocole de l’expérimentation

Nous choisissons de travailler dans une perspective comparative en mobilisant deux groupes d’élèves afin d’évaluer l’impact de la pratique exclusive des jeux compétitifs (déjà très présents à l’école) avec celui de la pratique régulière de jeux coopératifs. Un premier groupe aura une pratique régulière d’un jeu coopératif ; un deuxième aura la même pratique régulière d’un jeu compétitif. Les séances pré-test et post-test vont permettre d’objectiver l’impact de la pratique régulière d’un type de jeu. Lors de ces deux séances, une situation similaire mais non identique, un défi, est proposée aux enfants des deux groupes.

Choix effectués

Séance pré et post : le choix du défi coopératif

Les séances pré-test et post-test ont été construites autour de la réalisation d’un défi coopératif en groupe. Le dispositif du défi vise à mettre les élèves en situation de coopération : cet outil place les élèves en situation de recherche où le cadre de l’action implique de coopérer. Ainsi, la situation de défi nous semble pertinente dans la mesure où elle induit une forme de coopération sans pour autant être trop directive.
Nous proposons une situation similaire mais non identique lors de ces deux séances afin d’objectiver l’évolution des comportements des élèves dans une même situation donnée. Le défi retenu consiste à réaliser un jeu de construction à plusieurs d’après la consigne suivante : “Vous allez réaliser un défi en groupe. Ce défi est de construire le plus grand château ensemble. Pour réussir ce défi, il faut que tout le monde participe et que vous réalisiez une seule construction”. L’objectif de la situation est donc de réaliser collectivement une construction. Les élèves disposent d’un espace donné et d’une durée de 15 minutes pour la réalisation du défi. Ils sont en autonomie et l’enseignante est en retrait. Après la réalisation du défi, les élèves participants répondent à un questionnaire. Il s’agit d’un bilan permettant de relever les éventuelles difficultés et/ou réussites du travail en groupe.

Séances de pratique des jeux

Entre la séance pré-test et la séance post-test, nous programmons 5 séances d’environ 20 minutes pour chaque groupe. Ces séances visent à ancrer la pratique d’un jeu coopératif pour deux groupes et celle d’un jeu compétitif pour les deux autres groupes. Lors des jeux, nous avons commencé par expliquer les règles et nous mettre d’accord sur les différentes variantes connues des enfants. Les enfants ont joué sans que nous n’intervenions sauf pour non-respect des règles, bruits ou excitation. A l’issue des jeux, nous ne sommes pas revenues sur la situation avec les enfants. Pour les groupes 1 de chacune des classes, nous choisissons de travailler avec le jeu du verger. C’est un jeu coopératif classique et facile de compréhension qui se rapproche d’un jeu traditionnel en inversant la logique compétitive en une logique coopérative. Pour les groupes 2 de chacune des classes, nous optons pour le jeu traditionnel de plateau des petits chevaux. Ce jeu, avec ses règles traditionnelles, nous semble être pertinent en tant qu’il est opposé aux jeux de coopérations : il y a un gagnant unique, il y a une possibilité d’élimination de l’adversaire (retour à l’écurie).

Récolte des données

Nous avons opté pour deux modalités de recueil des données : une grille d’observation des situations de défi ainsi qu’un questionnaire destiné aux élèves.

Retour sur les modalités de recueil de données

Nous souhaitons revenir sur les conditions de mise en place des recueils de données. Dans un premier temps, nous avons tenté d’observer les situations de défi avec la grille d’observation (annexe 1). Cette tentative s’est révélée improductive dans la mesure où nous ne sommes pas parvenues à adopter une posture extérieure (de chercheuse) durant toute la durée de la séance de défi. Ce point nous semble significatif quant aux difficultés de double posture d’enseignante et de chercheuse que demande cet exercice. Recueillir des données par le biais d’observations rigoureuses en classe tout en étant présente aux yeux des élèves comme enseignante s’est montré très inconfortable, voire impraticable. Suite à ce constat, nous avons décidé de mobiliser des outils numériques pour enregistrer (1 séance) puis filmer (3 séances de jeu + séance post-test). C’est finalement par ce moyen que nous avons pu récolter un maximum de données exploitables. Nous avons complété ce dispositif par la prise de notes d’observation régulière pendant et après les séances.
Par ailleurs, nous aimerions souligner que quelques différences dans la mise en œuvre dans chaque classe ont été constatées. La présence de la PE et la verbalisation lors de la pratique des jeux n’a pas été la même dans chaque groupe, le choix du matériel au post-test non plus ainsi que la mise en commun à l’issu des défis.

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Table des matières
INTRODUCTION 
PARTIE 1 : APPORTS THÉORIQUES SUR LE JEU COOPÉRATIF ET LA COOPÉRATION A L’ÉCOLE MATERNELLE 
1.1. Le jeu à l’école maternelle et sa place dans les apprentissages
1.1.1. Le jeu et l’enfant
1.1.1.1 Définitions du jeu
1.1.1.2. Le besoin du jeu chez l’enfant
1.1.2. Le jeu à l’école
1.1.2.1. Le jeu dans le programme de l’école maternelle et les textes officiels
1.1.2.2. La relation jeu et apprentissage
1.2. La coopération dans le contexte scolaire
1.2.1. Coopérer en classe : éléments de définition
1.2.1.1. La coopération
1.2.1.2. La collaboration
1.2.1.3. La compétition
1.2.2. Contextualiser les pédagogies coopératives : un focus sur la pédagogie Freinet
1.2.3. Pourquoi et comment mettre en place la coopération dans sa classe ?
1.2.3.1. La coopération pour un meilleur apprentissage de tous
1.2.3.2. Le nécessaire apprentissage de la coopération
1.2.3.3. L’apprentissage de la coopération pour l’amélioration du climat scolaire
1.2.4. Les jeux coopératifs
1.2.4.1 Distinguer jeu coopératif et jeu compétitif
1.2.4.2. La place du jeu coopératif à l’école
PARTIE 2 : ANALYSE A PRIORI DE LA SITUATION : L’IMPACT DE LA PRATIQUE DES JEUX COOPÉRATIFS SUR LES RELATIONS ENTRE ÉLÈVES ET LA COOPÉRATION 
2.1. Émergence d’une problématique : le jeu coopératif à l’école
2.1.1. Définition de la problématique
2.1.2. Hypothèses de recherche
2.2. Méthodologie de recherche
2.2.1. Contexte et population
2.2.2. Protocole de l’expérimentation
2.2.2.1. Déroulé de la séquence
2.2.2.2 Choix effectués
2.3. Récolte des données
2.3.1. Retour sur les modalités de recueil de données
2.3.2. Grille d’observation
2.3.3. Le questionnaire des enfants
PARTIE 3 : ANALYSE DES DONNEES DE L’EXPERIMENTATION 
3.1 Présentation des résultats
3.1.1. Les résultats de la grille d’observation
3.1.1.1. Choix du traitement des données
3.1.1.2. Comparaison des résultats du post-test et du pré-test
3.1.2. Résultats des questionnaires élèves
3.2. Confrontation des résultats aux hypothèses
3.2.1. Confrontation à l’hypothèse 1
3.2.2. Confrontation à l’hypothèse 2
PARTIE 4 : DISCUSSION, BILAN REFLEXIF, ENSEIGNEMENTS 
4.1. Interroger nos postures
4.2. La coopération, un projet pédagogique global
Conclusion 
Bibliographie 
ANNEXES 
ANNEXE n°1 : Séquence
ANNEXE n°2 : Règles des jeux
ANNEXE n°3 : Grille d’observation
ANNEXE n°4 : Résultats grille d’observation – CLASSE A (à noter que NO = non observé)
ANNEXE n°5 : Résultats grille d’observation – CLASSE B
ANNEXE n°6 : Questionnaire – fiche d’auto-positionnement

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