L’amphidromie, un cycle biologique complexe

Au commencement une éruption volcanique fait émerger de l’océan une terre basaltique dépourvue de toute forme de vie. Ainsi commence l’histoire d’une île océanique, volcanique. Avec le temps, cette terre sera colonisée par une multitude d’organismes végétaux et animaux, venus d’ailleurs, progressivement apportés par les courants, le vent, les oiseaux, les objets flottants (Kano et al., 2013), etc. La faune et la flore y sont généralement pauvres, mais l’endémisme est souvent relativement important en raison de l’isolement (Lasserre, 2011). Cet auteur, comme Yu & Lei (2001) et d’autres avant eux (Wallace, 1902), distingue deux grandes catégories d’îles : les îles continentales (ex. : Madagascar, Nouvelle Guinée) et les îles océaniques (ex. : Japon, Caraïbes, Polynésie, Comores). Les premières sont plus anciennes car elles ont eu un lien avec le bloc continental, dont elles se sont détachées par des mouvements tectoniques ou par des transgressions marines. Elles sont subdivisées en îles dépendantes et indépendantes (Germanaz, 2005). La deuxième catégorie est contituée d’îles volcaniques et d’îles madréporiques (coralliennes), parmi lesquelles les atolls et les récifs. Doumenge (1984) propose une autre typologie pour classer les îles tropicales, basée sur la masse de l’île, le volume émergé et l’ensemble des caractéristiques lithologiques. Il distingue :

• les îles proprement océaniques : reliefs émergés de la dorsale océanique ou liées à de grandes fractures .

• les îles liées aux systèmes de bordures des plaques : plus variées et plus anciennes .

• le système « fosse-arc » : donne des reliefs émergés sur la crête anticlinale bordant la dépression subsidente et est caractéristique des contacts des cuvettes océaniques de l’ouest du Pacifique .

• le système plus complexe des cordillères : permet la constitution des « Grandes Terres » insulaires.

Une autre typologie, tenant compte de l’influence de l’action climatique et océanique et de la géomorphologie, est également proposée par le même auteur. Il distingue :

• les îles volcaniques simples, dont la jeunesse et l’isolement expliquent la pauvreté des peuplements animaux et végétaux
• les îles volcaniques complexes (plusieurs volcans), dont la complexité du relief avec des éléments anciens très érodés, permet un peuplement plus dense et varié en fonction des micro-climats.

Les îles sont des objets géographiques, à la fois géologiques et biologiques. Elles sont caractérisées par la diversité de leur morphologie et la diversité de leurs espèces et populations, ces dernières étant le produit de processus graduels de différenciation (Gombaud, 2007). Mais le caractère premier d’une île est d’être unique, singulier et de ne ressembler en apparence à aucune autre (Bonnemaison, 1990 ; Doumenge, 1984). L’île est un milieu complexe, unique et changeant ; il n’y a pas deux îles qui ont la même dimension, ni la même écologie, ni un peuplement identique (Chevrier, 2007).

Plusieurs définitions ont donc été données de l’île, mais aucune n’est totalement satisfaisante. La plus simple étant qu’une île est une terre entourée d’eau. Mais quelles en sont les limites ? Certains estiment stérile le débat sur la définition de l’île, tout en souscrivant à l’intérêt d’une classification cohérente des îles (Germanaz, 2005), une manière indirecte d’en approcher la définition. Quant à François Taglioni (2006), il soutient qu’on ne peut pas enfermer l’objet géographique « île » dans une définition restrictive, car il n’a pas de limitation universelle. Il estime, en revanche, que la thématique n’est pas l’île mais bien plutôt l’insularité, l’«îléité», l’insularisme et les concepts afférents d’isolement, de contiguïté, de connexité, de discontinuité, d’enclavement et de « périphéricité ».

Les îles et archipels seront donc colonisés progressivement par les espèces, au fil du temps, et servent de laboratoires écologiques et évolutifs, en fonction des migrations ou des barrières à la dispersion. Comme le soulignent Duda & Lee (2009), les îles océaniques représentent d’excellents systèmes pour étudier le lien entre l’isolement géographique et la divergence des populations. Les îles et archipels permettent ainsi de rendre compte de phénomènes biologiques complexes, grâce à la mise en rapport des observations avec les données historiques, géologiques et les variations climatiques, et ils ont de tout temps fasciné les hommes, et en particulier les chercheurs.

Dans la vaste province biogéographique de l’Indo-Pacifique, qui va de la côte est-africaine à la côte ouest-américaine, la biodiversité serait maximale dans la région du « Triangle du corail » (Malaisie-Indonésie-Philippines) et diminuerait de part et d’autre, vers le Pacifique est et vers l’Océan Indien occidental (Carpenter et al., 2011 ; Postaire et al., 2014). Cette diminution en périphérie serait compensée par l’émergence d’espèces endémiques qui revêtent un fort intérêt en matière de biodiversité. Cette situation est bien illustrée par l’étude réalisée par Roberts et al. (2002), sur 1700 espèces de poissons récifaux, 804 espèces de coraux, 662 espèces d’escargots et 69 espèces de langoustes .

Cette région est essentiellement constituée par un vaste archipel entre le continent asiatique et l’Australie, appelé Archipel Indo-Australien (AIA) ou Archipel Malais ou Insulinde , contenant quatre des 25 points chauds (hotspots) de la biodiversité mondiale (de Bruyn et al. 2012 ; Lohman et al., 2011). Elle a joué un rôle déterminant, au cours des temps géologiques, dans la dissémination et l’évolution des taxons dans les deux océans. Notons, cependant, que l’AIA n’aurait pas toujours été le haut lieu de la biodiversité marine qu’il est aujourd’hui, selon une étude d’évaluation de l’impact des événements géologiques anciens dans la répartition actuelle des coraux et des poissons tropicaux, publiée récemment (Leprieur et al., 2016). Ces auteurs ont montré que la biodiversité marine tropicale s’est déplacée de la Téthys, où elle était maximale à l’Éocène, vers la péninsule arabique et l’océan Indien occidental au cours de l’Oligocène, pour enfin s’installer au niveau du Triangle de Corail au Miocène, à la faveur des mouvements tectoniques des plaques continentales ayant conduit à la fermeture de l’océan Téthys.

De nombreuses études ont été réalisées pour essayer de trouver une explication à cette concentration remarquable de biodiversité, à la jonction des deux océans Indien et Pacifique (Keyse et al., 2014). Mais, ces études menées sur plusieurs groupes taxinomiques n’ont pas permis de privilégier l’une ou l’autre des trois théories proposées pour expliquer la forte diversité de cette région du Triangle du corail : centre d’origine, centre d’accumulation ou centre de recouvrement (Ladd, 1960 ; Planes & Galzin, 1997 ; Lord, 2009 ; de Bruyn et al., 2012). Il y a, cependant, une étude récente menée par Cowman & Bellwood (2013) sur plusieurs lignées de poissons récifaux, dans cinq grandes régions biogéographiques des trois océans, qui tend à montrer que les trois hypothèses ont eu cours au sein du Triangle du corail, et donc à confirmer leur non exclusivité mutuelle évoquée par Carpenter et al. (2011). Une quatrième hypothèse a même été évoquée, le ‘centre de survivance’, pour expliquer le fait que des taxons subsistent dans l’AIA, indépendamment de leurs lieux d’origine d’où ils ont pu disparaître. L’AIA aurait donc, successivement puis simultanément, agi comme centre d’accumulation et de recouvrement, à partir du Paléocène/Eocène, centre de survivance, dès l’Éocène/Oligocène, centre d’origine et de dispersion, amplifiée dès le Miocène .

L’AIA aurait donc servi de réfuge pendant des périodes d’extinction dans les habitats ancestraux adjacents, et les lignées qui y ont survécu seraient devenues les forces motrices de la biodiversité actuelle dans l’Indo-Pacifique, grâce à l’aptitude des récifs coralliens à permettre à la fois des taux élevés de diversification et à réduire la vulnérabilité aux extinctions pour les lignées associées (Cowman & Bellwood, 2013). Tout en ayant une préférence pour le centre de survivance, Frey & Vermeij (2008) concèdent, en effet, qu’aucune de ces hypothèses ne peut, seule, expliquer la diversité biologique au sein de l’AIA, qui a pu lui-même servir de barrière à la dispersion entre le Pacifique et l’océan Indien. Une autre étude, réalisée par Postaire et al. (2014), sur l’origine et la diversification des espèces du genre Nerita (gastéropodes de la famille des Neritidae) dans le Sud-ouest de l’Océan Indien, soutient plus l’hypothèse de centre d’origine pour l’AIA que celle de centre de recouvrement. Cette étude souligne également l’importance du rôle joué par les facteurs climatiques et géologiques dans cette diversification depuis le paléocène supérieur, à savoir les fluctuations intermittentes du niveau de la mer et les évènements tectoniques.

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Table des matières

INTRODUCTION
1.- Île et insularité
1.1- L’île, entitée complexe et multifacette
1.2- Province biogéographique Indo-Pacifique et biodiversité
1.2.1- Où il est question de biogéographie des îles
1.2.2- de phylogéographie
1.2.3- de courants marins … et de dispersion
2.- Contexte et problématique
2.1.- Le contexte de l’étude
2.2.- Problématique et objectifs
CHAPITRE 1- MATÉRIELS ET MÉTHODES
1.- Modèles de l’étude
1.1- Modèle géographique
1.2- Modèle biologique
1.2.1- Groupe biologique
1.2.2- Echantillonnage
2.- Analyses moléculaires
2.1- Choix des gènes
2.2- Extraction des ADN totaux
2.2.1- Digestion enzymatique
2.2.2- Extraction
2.3- Amplification par PCR et séquençage
2.3.1- Les amorces
2.3.2- L’amplification
2.4- Nettoyage et alignement des séquences
2.4.1- Vérification et nettoyage
2.4.2- Alignement des séquences
2.5- Analyse des données
2.5.1- Reconstruction phylogénétique à partir de données moléculaires
2.5.2- Les méthodes probabilistes
2.5.3- La méthode bayésienne
2.5.3.1- Le théorème de Bayes
2.5.3.2- L’inférence bayésienne de la phylogénie
2.5.4- L’outil « Automatic Barcode Gap Discovery » (ABGD)
2.5.5- Structuration géographique des populations
2.5.5.1- Génétique des populations
2.5.5.2- Analyse de la structure spatiale des populations
3.- Analyses sclérochronologiques des structures calcifiées
3.1- L’opercule comme outil
3.2- Marquage vital
3.2.1- Marquage au chlorure de manganèse (MnCl2)
3.2.2- Marquage à l’alizarine
3.3- Préparation des opercules
3.4- Microanalyses chimiques par couplage ablation laser femtoseconde–ICP-MS
3.4.1- Généralités
3.4.2- Analyses microchimiques
3.5- Analyse des données
3.5.1- Observation par cathodoluminescence
3.5.2- Observation par microscopie de fluorescence
3.5.3- Observation par spectroscopie infrarouge
3.5.4- Observation par spectroscopie Raman
4.- Analyses morphométriques
CHAPITRE 2- NERITIDAE D’EAU DOUCE, QUEL CYCLE DE VIE ?
1.- L’amphidromie, un cycle biologique complexe
2.- L’amphidromie chez les nérites dulçaquicoles
2.1- Type larvaire et développement
2.2- État des connaissances sur l’amphidromie des nérites
2.2.1- Introduction
2.2.2- Taxinomy and distribution
2.2.3- Reproduction
2.2.4- Larval dispersal
2.2.5- Phylogeography and barriers to dispersal
2.2.6- Recruitment and upstream migration
2.2.7- Conservation
CONCLUSION

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