Alternance et mélange codiques au cours des interactions didactiques 

Les langues vivantes étrangères à l’école

La nécessité de la pratique et de l’apprentissage des langues vivantes étrangères est officiellement inscrite dans les programmes de l’école primaire, le cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL)8 et le socle commun. Le Bulletin Officiel (B.O.) n°3 du 19 Juin 2008 préconise l’usage et l’apprentissage des LVE à l’école dès le CE19. Une première sensibilisation à une langue vivante est conduite dès le CP10, mais certains enseignants l’entreprennent dès l’école maternelle. Les langues et leurs principales spécificités sont mises en avant à travers la compétence 2 du socle commun, « La pratique d’une langue vivante étrangère ». Leur apprentissage ouvre les élèves à d’autres cultures et au monde :
La communication en langue étrangère suppose la capacité de comprendre, de s’exprimer et d’interpréter des pensées, des sentiments et des faits, à l’oral comme à l’écrit, dans diverses situations.
Elle implique également la connaissance et la compréhension des cultures dont la langue est le vecteur: elle permet de dépasser la vision que véhiculent les stéréotypes. (SCCC, 2006 : 8)
Rappelons que huit langues sont citées dans le B.O. hors-série n° 8 du 30 août 2007 : l’allemand, l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, l’italien, le portugais et le russe.
L’intervention de ces langues en classe sous-entend les notions de « plurilinguisme » et de « diversité culturelle » , très importantes pour le développement et l’épanouissement des élèves. Le préambule commun du B.O. n°6 du 25 août 2005 explicite entre autres les apports bénéfiques que l’apprentissage de ces langues peut avoir sur la construction des élèves : […] l’apprentissage des langues vivantes joue un rôle crucial dans l’enrichissement intellectuel et humain de l’élève en l’ouvrant à la diversité des langues mais aussi à la complémentarité des points de vue pour l’amener à la construction de valeurs universellement reconnues. (2005 : 4)
Pour concevoir les programmes, le CECRL, base commune européenne pour l’enseignement des langues vivantes étrangères, a été mis en place en 2001 (Eduscol, 2015).
C’est un document de référence européen répondant à un désir de mieux construire le plurilinguisme à l’école. Il décrit les compétences en langues étrangères en six niveaux : le niveau A1 étant celui que les élèves doivent avoir atteint à l’issue de l’école primaire.
Le cadre européen commun de référence pour les langues est accompagné d’un Portfolio Européen des Langues (PEL)11, rédigé par le Conseil de l’Europe en 1997. Le PEL vise principalement à aider et motiver les apprenants vis-à-vis de leurs résultats et dans le respect de la diversité linguistique et culturelle. C’est un outil d’auto-évaluation des compétences en langues étrangères à acquérir. Outre le portfolio standard pour lycéens et adultes, deux versions ont été adaptées à l’enseignement à l’école primaire: « Mon premier Portfolio européen des langues » pour les enfants de six à dix ans ; et «Mon premier portfolio » pour les enfants de huit à 11 ans. Ces deux versions ont été conçues avec les trois parties communes à tout portfolio : passeport, biographie langagière et dossier.
Les langues, en tant que discipline, sont bien présentes dans le système éducatif français. Leur inscription dans les instructions officielles explique leur caractère programmé.
Toutefois, leur apprentissage constitue un outil propice à la construction du plurilinguisme.

Les langues vivantes régionales à l’école

« Pendant trois bons siècles, la langue française a mené une guerre sans merci contre la langue créole qu’elle s’acharnât à désigner sous les vocables péjoratifs de « jargon des Nègres », de « patois », de « baragouin » et plus récemment de « petit-nègre ». (Confiant, 1993)
Confiant illustre le contexte initial dans lequel se trouvaient la langue nationale et la langue vernaculaire : situation d’opposition et non de coexistence comme aujourd’hui. En effet, la langue créole a longtemps été interdite et dévalorisée à l’école. Cependant, le statut du créole s’est vu rétabli avec la création du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire « créole » en 2001. Le B.O. n°9 du 27 septembre 2007 permettra plus tard l’enseignement des langues régionales à l’école primaire. Alors que la langue officielle du système éducatif est le français; le créole, langue régionale, peut aujourd’hui être utilisé à l’école. Eduscol (2015)13 expose les modalités d’organisation des langues régionales à l’école: · inclus dans le cadre général des horaires de l’école, le plus répandu ; · dans des classes bilingues français-langue régionale.
Dans les classes bilingues, l’enseignement commence souvent à l’école maternelle. Il repose sur la parité horaire en français et en langue régionale, l’horaire de français étant maintenu intégralement à l’école élémentaire. La langue régionale est aussi une langue d’enseignement dans plusieurs domaines d’apprentissage. […] Le breton, le basque, le catalan, le corse, le créole, le gallo, l’occitan – langue d’oc, les langues régionales d’Alsace, les langues régionales des pays mosellans, le tahitien, les langues mélanésiennes (ajïé, drehu, nengone, paici) font partie du dispositif.
Considérer la langue régionale comme une « langue d’enseignement » met en évidence l’importance et le degré d’intégration accordées à cette dernière. Elle peut désormais être dispensée au même titre que le français, dans un souci de « parité ». En outre, selon le B.O. n°33 du 13 septembre 2001, la prise en compte des langues régionales à l’école « favorise la continuité entre l’environnement familial et social et le système éducatif, contribuant à l’intégration de chacun dans le tissu social de proximité ».
Après de nombreuses années de rejet, l’école accorde de plus en plus d’importance au créole, langue régionale, le considérant comme une langue à part entière, utile pour construire des savoirs et essentielle pour conserver l’identité culturelle des élèves en Guadeloupe.

Du bilinguisme à l’alternance codique

Après un tour d’horizon des contextes d’émergence des langues en Guadeloupe et de la place des langues dans le système éducatif français, ce troisième chapitre sera consacré aux définitions des mots-clés et concepts théoriques sur lesquels s’appuyera mon objet d’étude.

Bilinguisme et diglossie

Le contexte des Antilles, abordé dans le premier chapitre, a permis d’introduire la notion de « bilinguisme ». Celle-ci est souvent confrontée à la notion de « diglossie ». Le bilinguisme est le fait, pour un individu, de parler deux langues: la langue maternelle et une langue étrangère. Alors que la diglossie désigne le fait que, dans un pays, deux langues, le plus souvent deux systèmes linguistiques, coexistent : une langue à usage officielle et une langue à usage personnelle. Lüdi et Py (2003 : 15) expliquent les conditions pour prétendre à une situation de diglossie dans la société par « […] l’existence d’un réseau communicatif dans lequel deux langues assument des fonctions et des rôles sociaux distincts ».
Ces deux notions, malgré des études controversées, semblent liées à une situation de cause à effet. Dans les Antilles françaises, le français est la langue officielle de l’école, et le créole, la langue vernaculaire, parlée au sein de la communauté antillaise (Alin, 2010). Ce contexte entraîne une situation de « diglossie » traduite par un usage courant de deux codes linguistiques aux statuts différents et un bilinguisme dans la population.
Rappelons qu’en Guadeloupe, nous évoluons dans un environnement où deux langues sont naturellement en contact : le français et le créole. Qu’en est-il du bilinguisme des enfants présents dans nos classes à l’école primaire ? Anciaux (2003 : 39) nous montre que le bilinguisme développé par l’enfant dépendra de la ou des cultures auxquelles il sera confronté : « […] l’enfant construit un bilinguisme coordonné s’il est confronté aux deux cultures et un bilinguisme composé s’il est en contact avec deux langues mais une seule culture. » Par ailleurs, Dalgalian (2000) précise que ce sont principalement les interactions orales qui régissent le caractère bilingue du répertoire langagier d’un enfant :
Le bilingue n’est donc pas un locuteur parfait. Si ce n’est les fondements de l’oral, parfaitement maitrisés dans deux codes. C’est en somme l’oral, celui de la vie quotidienne, qui, sous réserve d’un environnement favorable, fait d’un enfant un vrai bilingue. (Dalgalian, 2000 : 19)
Un point global ayant été fait sur les notions de bilinguisme et de diglossie, nous tenterons à présent d’éclaicir la notion de « plurilinguisme » pour étayer notre réflexion sur l’intervention de plusieurs langues au sein des écoles primaires de la Guadeloupe.

Plurilinguisme

Des contextes abordés dans la première partie découle la notion de « plurilinguisme ».
On parle aussi de « compétence plurilingue » et d’ « éducation plurilingue ». Le plurilinguisme fait l’objet de nombreuses études depuis des décennies qui ont contribué à lui attribuer une meilleure reconnaissance notamment à l’école.
Selon le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (2003 : 195), le plurilinguisme est la « capacité d’un individu d’employer à bon escient plusieurs variétés linguistiques ». Par cette définition, comprenons que le plurilinguisme est le fait, pour un individu, de comprendre et parler plusieurs langues de façon appropriée. Comme le souligne Anciaux (2013 : 61), il « concerne l’individu et se définit comme le répertoire des langues parlées et de leurs variétés par un locuteur ». Le plurilinguisme reflète donc la capacité d’un individu à communiquer dans d’autres langues que sa langue maternelle «et ceci indépendamment des modalités d’acquisition, du niveau de compétence acquis et de la distance entre les langues. » (Lüdi, 2011 : 54).
La question du plurilinguisme face à la multiplicité des langues et des cultures est bien présente dans notre société et en particulier à l’école. En ce sens, le Conseil de l’Europe définit le plurilinguisme comme une « compétence plurilingue et pluriculturelle » : […] la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. On considérera qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences distinctes, mais bien existence d’une compétence complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser. (Conseil de l’Europe, 2001 : 129)
Le plurilinguisme est également connu sous le nom d’ « éducation plurilingue ». Beacco (2008) donne une définition de cette expression et explicite le rôle de l’école comme un lieu d’ouverture à d’autres langues, d’enrichissement du répertoire langagier de chaque individu et d’amener tout un chacun à apprécier et apprendre de nouvelles langues :
L’éducation plurilingue repose sur le principe que chacun est capable de s’approprier les langues dont il a besoin pour sa vie personnelle, professionnelle ou esthétique / culturelle, au moment où il le souhaite. Le rôle de l’École consiste à développer le potentiel langagier dont chacun dispose, comme elle s’emploie à développer les capacités cognitives, créatives ou physiques. Son rôle est de faire aimer les langues, toutes les langues, pour que les individus cherchent à en apprendre tout au cours de leur vie (Beacco, 2008).
La notion de plurilinguisme est de plus en plus reconnue. Trois dimensions clés pour notre sujet lui sont rattachées par Verdelhan-Bourgade (2007) : linguistique, sociolinguistique et psycholinguistique, renvoyant respectivement aux contacts des langues, à l’alternance codique et aux émotions, à l’affectivité. Cette définition et l’importance du plurilinguisme à l’école placent cette notion au coeur de notre sujet. Il est indéniable que le plurilinguisme constitue l’avenir de l’éducation, l’ouverture sur le monde et la diversité culturelle.

Alternances et mélanges codiques

Formes d’alternances et mélanges codiques

«L’alternance codique, c’est-à-dire les passages dynamiques d’une langue à l’autre, est l’une des manifestations les plus significatives du parler bilingue. » (Causa, 2007).
« Passages dynamiques d’une langue à une autre », l’alternance des langues est dite « alternance codique », « parler bilingue » ou encore « code-switching ». Au départ, l’alternance codique (AC) est définie par Gumperz (1989) comme « la juxtaposition à l’intérieur d’un même échange verbal de passages où le discours appartient à deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents ». Autrement dit, l’AC est le passage d’une langue à une autre à l’intérieur d’un même discours.
Hamers et Blanc (1983) et Lüdi et Py (2003) rejoignent cette idée et qualifient ce passage d’une langue à une autre comme une « stratégie de communication » dite bilingue à l’intérieur d’un même échange verbal. Causa (2007) précisera même qu’il ne faut pas considérer l’alternance codique comme une mauvaise maîtrise de l’une des langues concernées ; sinon comme une « compétence bilingue » : « celle-ci entendue comme une compétence originale, spécifique et complexe et non comme l’addition de deux compétences linguistiques séparées. » L’AC définie ci-dessus peut intervenir sous différentes formes distinguées par Anciaux (2010 : 1, 2) :
On différencie l’ « alternance intralocuteur », lorsqu’un individu passe d’une langue à l’autre en parlant, de l’ « alternance interlocuteur », lorsqu’un individu parle dans une langue et qu’un autre lui répond dans une autre langue. Ensuite, on distingue l’ « alternance intraphrase », aussi appelé « mélange codique » ou « code mixing », quand deux langues sont présentes à l’intérieur d’une même phrase. Cette alternance prend la forme d’un emprunt linguistique en insérant des éléments linguistiques d’une langue dans le système phonologique, lexical, morphosyntaxique et/ou sémantique d’une autre langue. Quant à l’ « alternance interphrase », elle se caractérise par la succession des langues d’une phrase à l’autre en respectant les spécificités de chaque système linguistique. Enfin, on discrimine l’ « alternance traductive », quand une phrase est produite dans une langue puis dans une autre en utilisant des équivalents sémantiques et syntaxiques, de l’«alternance continue », qui se caractérise par le passage d’une langue à l’autre sans couper le fil de la conversation ou l’avancée du discours.
Si l’AC désigne la juxtaposition de deux langues à l’intérieur d’un même échange verbal (Gumperz, 1989), il ne faut cependant pas la confondre avec le mélange codique.

Mélange codique (ou code-mixing)

A la différence de l’alternance codique, le mélange codique (MC), « code-mixing » ou « parler mixte » désigne « tout type d’interaction entre deux ou plusieurs codes linguistiques différents dans une situation de contact de langues » (Blanc, 1997 : 207). Les locuteurs mélangent donc des éléments d’une langue et d’une autre dans une même phrase. Anciaux (2013 : 34) explique :
Le mélange des langues constitue des productions verbales où les deux langues ne se succèdent pas, mais où des locuteurs mêlent les éléments et les règles de deux ou de plusieurs langues dans une même phrase, un même énoncé ou une conversation. Parfois, on peut repérer à quel niveau se situe le mélange permettant l’attribution de tels aspects d’un élément à une langue et de tels autres à une autre langue, d’autres fois la distinction entre les langues est impossible.
Le mélange codique se distingue donc de l’alternance codique dans la mesure où les passages d’une langue à une autre ne sont plus clairement identifiables mais superposés, indissociables; tandis que les codes linguistiques sont repérables lors de l’alternance codique puisque les locuteurs s’expriment dans une langue ou dans l’autre:
Ainsi, à la différence de l’alternance codique où les deux systèmes linguistiques sont repérables en des points distincts de l’énoncé, le mélange codique se caractérise par la superposition de certains aspects de deux systèmes linguistiques dans le même temps (syntaxe, lexique, phonologie, prosodie). (Anciaux, 2013:35)
Si l’alternance codique renvoie au passage identifié d’une langue à une autre dans un discours bilingue, le mélange codique, quant à lui, ne permet plus de distinguer les deux langues du fait de la superposition de certains de leurs aspects grammaticaux.

Interlecte et fusion de langues

Si l’on parle d’alternance et de mélange codiques, il existe aussi d’autres phénomènes dans l’acte de parole des locuteurs. Anciaux (2013 : 34) émet donc l’existence de « productions verbales bilingues ou plurilingues qui ne peuvent être assignables à aucune langue en particulier ou au contraire aux deux langues, où les limites entre chaque langue sont difficilement perceptibles, voire impossibles. » Autrement dit, les propos du locuteur semblent correspondre à un système linguistique intermédiaire difficilement identifiable et ne renvoyant pas à une langue connue : deux langues pouvant être employées en même temps. Il s’agit de l’ « interlecte »15 défini par Prudent (1981 : 31) comme : […] l’ensemble des paroles qui ne peuvent être prédites par une grammaire de l’acrolecte ou du basilecte. Soit parce que les deux systèmes sont cumulatifs en un point de l’énoncé (codeswitching, emprunt non intégré à la morphologie du système emprunteur), soit parce que ni l’un ni l’autre ne répondent à la nouvelle forme.
D’autre part, Auer (1999) essaye de caractériser les alternances et dégage trois types discursifs: l’alternance des langues (ou code switching), le mélange des langues (ou language mixing) et la fusion des langues (ou fused lects). L’alternance des langues désigne l’utilisation de plusieurs langues perçues et significatives pour les locuteurs. Dans le mélange des codes, la signification n’est plus locale pour les locuteurs. Quant à la fusion des langues, elle correspond aux variétés qui se sont stabilisées.
L’alternance codique, le mélange codique, l’interlecte et la fusion des langues dans leur ensemble semblent s’associer à la notion de plurilinguisme ou plutôt relever d’une « forme de bi-plurilinguisme naissant, une compétence langagière spécifique et complexe relevant d’un macro-système » (Anciaux, 2013 : 36).

Fonctions des alternances et mélanges codiques

Si les alternances et les mélanges codiques apparaissent sous différentes formes, il reste à déterminer les fonctions qu’ils remplissent. Coste, Moore et Zarate (2009 : 19) en dressent une liste non-exhaustive. Ainsi, ils pourraient permettre :
– de résoudre une difficulté d’accès au lexique ;
– de sélectionner un destinataire au sein d’un groupe d’auditeurs, d’exclure un participant ;
– de porter un commentaire sur ce que l’on vient de dire, de prendre de la distance ;
– de citer le discours de l’autre dans la langue utilisée (ou de s’auto-citer) ;
– de changer de thème de discussion, de passer d’une information à une évaluation, etc.;
– de tirer parti du potentiel connotatif de certains mots ;
– de marquer emblématiquement son appartenance à une communauté bilingue, etc.
Si l’on s’en tient aux propositions déclinées par Coste, Moore et Zarate (2009), les fonctions de l’alternance et du mélange codiques découleraient d’un manque de vocabulaire, d’une appartenance à un groupe ou encore d’une situation sociale ou conversationnelle particulière. Anciaux (2013) rejoint cette idée et rajoute que ces fonctions répondent à un souci de structurer leur discours, à un manque de maîtrise de la langue concernée. Il établit finalement qu’elles dépendent des locuteurs et des normes qu’ils tentent de respecter:
[…] l’alternance et le mélange codiques remplissent des fonctions (1) compensatoires, (2) identitaires et (3) pragmatiques selon les locuteurs répondant plus ou moins (4) aux normes sociolinguistiques et communicationnelles des situations d’échanges verbaux de populations biplurilingues en dehors du système scolaire (Anciaux, 2013 : 43).
En ce qui concerne l’alternance conversationnelle, Gumperz (1989) désigne six fonctions des passages d’une langue à une autre: la fonction de citation, la fonction de désignations d’un interlocuteur, la fonction d’interjection, la fonction de réitération, la fonction de modalisation d’un passage et la fonction de personnification/objectivation. Ces fonctions renvoient à une « stratégie communicative » et aux interactions quotidiennes (Anciaux, 2013).
Hors du cadre scolaire, les alternances et mélanges codiques contribuent à marquer une appartenance à une communauté, à pallier un manque de vocabulaire, à enrichir le lexique ou à structurer un discours face à d’autres locuteurs. Dans la partie qui suit, nous aborderons les fonctions plus spécifiques au cadre scolaire.

L’alternance codique à l’école

Fonctions de l’alternance et du mélange codiques dans le cadre scolaire

A l’école, l’alternance et le mélange des langues peuvent avoir une connotation négative et sont souvent considérés comme une « impureté », un « mélange impur », une «forme d’incapacité ou d’incompétence langagière », « comme une non-maîtrise, voire comme une trahison des langues du terroir ou comme l’inaptitude à parler la langue officielle. » (Castellotti, 2001; Causa, 2002; Queffelec, 2010). Cependant, mon travail vise à montrer qu’alternances et mélanges codiques sont une « richesse » et une stratégie dans le cadre scolaire, « une compétence à développer, une manifestation possible au langage, une ressource à mobiliser dans l’interaction à des fins d’apprentissage et de communication » et ce, tant dans les disciplines linguistiques (langue vivante étrangère, langue vivante régionale) que dans les disciplines non linguistiques comme l’histoire, la géographie, les sciences et autres (Castellotti, 2001; Causa 2002).
Pour étayer ces propos, intéressons-nous à la « tri-focalisation de l’alternance et du mélange codiques au cours des interactions didactiques en contexte multilingue » exposée par Anciaux (2013 : 264) :
L’usage d’alternances et de mélanges codiques par les différents acteurs du système éducatif est susceptible de répondre à trois objectifs de manière séparée ou coordonnée :
– Premièrement, les passages d’une langue à une autre peuvent servir l’acquisition de connaissances et de compétences disciplinaires (liées aux disciplines non linguistiques).
– Deuxièmement, les changements linguistiques sont susceptibles de viser plus spécifiquement l’acquisition de connaissances et de compétences linguistiques (liées aux disciplines linguistiques).
– Troisièmement, l’alternance et le mélange codiques pourraient servir plus particulièrement la communication et la relation pédagogique sans forcément viser l’acquisition de savoirs scolaires.
Ils seraient utiles à l’organisation matérielle et humaine de la classe, à la mobilisation de processus attentionnels et motivationnels, à la gestion de l’affectivité ou encore de la sécurité, et ce quels que soient la discipline, le niveau scolaire, et la nature du contexte sociolinguistique considéré.
Cette tri-focalisation met en avant trois objectifs clés des alternances et mélanges codiques dans l’enseignement liés à des aspects disciplinaires, linguistiques et pédagogiques.
Elle semble confirmer les observations et constats que j’ai pu faire lors de mes observations et qui ont conduit à l’intérêt que je porte à mon objet d’étude. Ainsi, les fonctions des alternances et mélanges codiques à l’école portent principalement sur la construction des savoirs, le développement des compétences linguistiques et la gestion de la classe.

Rôle des enseignants dans les alternances et mélanges codiques

Alternance codique: spontanée ou programmée?

Lorsque nous observons une séance de langue vivante étrangère ou régionale, force est de constater que l’intervention du créole, de l’anglais ou encore de l’espagnol est principalement programmée, prévue. Cependant, tous les passages d’une langue à une autre le sont-ils au sein des interactions en classe ? Dans cette optique, Duverger (2007) distingue trois types d’alternance codique au sein de la classe :
– la macro-alternance (prévue) ;
– la micro-alternance (spontanée) ;
– la meso-alternance ou alternance séquentielle (prévue).
La macro-alternance est « programmée, prévue à l’avance, c’est le fait de choisir, dans un enseignement bilingue, les sujets, les thèmes qui vont être majoritairement traités en langue 1, ou bien en langue 2… » (Duverger, 2007 : 26). Elle est donc le résultat d’un cours pensé et structuré en amont par l’enseignant dans un souci de structuration des apprentissages.
La micro-alternance, quant à elle, désigne « le fait que durant le cours dispensé et structuré majoritairement en l’une des deux langues, on aura recours, ponctuellement et de manière non programmée, à l’usage de l’autre langue » (Duverger, 2007 : 29). Elle est donc spontanée, naturelle et désigne des « passages ponctuels et non programmés d’une langue à l’autre pendant les cours et leçons » (Causa, 2007).
Et enfin, la meso-alternance ou alternance séquentielle laisse déjà entrevoir de par le terme « séquentielle » qu’il s’agit de passages d’une langue à une autre prévus et programmés par l’enseignant en séquences d’apprentissage. Cette alternance est donc « raisonnée, réfléchie, volontaire » et est pensée dans le but de favoriser des processus d’apprentissage chez les élèves (Duverger, 2007).
Il résulte de cette étude que l’alternance et le mélange codiques peuvent être prévus à l’avance comme c’est le cas dans l’enseignement bilingue et l’enseignement des langues vivantes étrangères et régionales ; ou spontanés lors de toute autre situation d’apprentissage.

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Table des matières

REMERCIEMENTS 
LISTE DES ABRÉVIATIONS 
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : CONTEXTE DE L’ÉTUDE, ENQUÊTES ANTÉRIEURES ET CADRE THÉORIQUE
I. Les langues en contexte
II. Les langues dans le système éducatif français
III. Du bilinguisme à l’alternance codique
IV. Les langues en classe : rôle didactique
V. Alternance et mélange codiques au cours des interactions didactiques
DEUXIÈME PARTIE : PROBLÉMATIQUE, HYPOTHÈSES ET MÉTHODOLOGIE 
I. Problématique et hypothèses
II. Méthodologie
TROISIÈME PARTIE : PRÉSENTATION ET DISCUSSION DES RÉSULTATS 
I. Résultats des questionnaires
II. Résultats des séances d’observation
III. Résultats des entretiens d’explicitation
CONCLUSION 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
ANNEXES 
TABLE DES ANNEXES 
TABLES DES FIGURES
TABLE DES TABLEAUX 
TABLE DES GRAPHIQUES 
TABLE DES MATIÈRES 

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