Adoption et acquisition de compétences nécessaires à l’entrée dans les apprentissages

L’éveil cognitif des jeunes enfants

   Avant le langage, les nouveau-nés pensent déjà. Non pas comme les adultes, qui pensent avec des mots et des phrases. Les bébés pensent grâce à leurs sens (et en particulier le toucher), à leur faculté de reconnaissance et de distinction avancée. Les stimulations extérieures sont perçues et analysées par les nourrissons, même si ces processus sont inconscients. Les bébés ressentent du plaisir et du mécontentement. J. W. Astington (2007) évoque l’intérêt des tout petits pour les stimuli sociaux : la voix, le visage, les mouvements humains. Nous pouvons donc inférer que cela est en rapport direct avec leur désir de contact et leurs initiatives communicationnelles précoces. En ce qui concerne les stimuli, les bébés manifestent une préférence pour la nouveauté (A. Florin, 2003) : ils possèdent une curiosité qui les motive à étudier leur milieu par tous les sens possibles : le toucher, qui permet la rencontre avec l’autre (G. Soulier, 2010), précède les autres sens. Tous les sens sont solidaires dans la constitution d’un monde signifiant en interaction constante avec les nouveau-nés et, d’après B. Golse (2011), ils permettent l’intégration des perceptions ressenties et éprouvées par les enfants. Il est vraisemblable que les bébés sont des explorateurs captivés par les sollicitations de leur environnement, et qu’au cours de leur développement ils sont animés par le besoin d’agir sur les objets et personnes qu’ils rencontrent. En cela, nous pouvons déduire que les enfants, dès leurs premiers mois, sont sensibles à leur entourage et s’appuient sur lui pour grandir et s’épanouir.

Origines de la communication orale chez le petit humain

– les dons de la nature :J-A. Rondal (2011) et B. de Boysson-Bardies (1996) s’accordent à dire que les bébés ont des prédispositions génétiques et des aptitudes initiales qui leur permettront d’entrer dans le langage. En effet, dès leur croissance intra-utérine, ils vivent une préparation sensorielle, perceptive et cognitive. Ils sont capables de percevoir le rythme et la mélodie de la langue, reconnaissent les voix les plus fréquemment entendues. Dès les premiers mois, ils discriminent différentes langues par leurs phonétique et prosodie. La création d’un répertoire phonique et l’aptitude musicale sont des habiletés spécifiques de l’espèce humaine. Le cerveau des bébés possède des structures et des mécanismes neurologiques particuliers, les rendant aptes à traiter les messages langagiers reçus. Les structures organiques et les dispositifs neurophysiologiques nécessaires aux apprentissages et au fonctionnement langagier sont donc présents en début de vie, puis des réseaux neuronaux se mettent en place face aux stimuli apportés aux enfants dès les premières interactions. Les nourrissons témoignent également d’un grand intérêt pour la langue parlée et très tôt, ils entrent dans un univers communicatif. Les échanges non verbaux (regards, mimiques, gazouillis) les établissent rapidement comme interlocuteurs. J. Bruner (1987) avance que les bébés sont sociaux par leur réaction à la voix, aux mimiques des visages, aux actions et aux gestes humains. D’après lui, leurs activités sont pour une bonne part centrées sur la communication car l’intégration sociale leur est gratifiante.
– les apports de l’entourage :Les prédispositions des nouveaux nés à traiter leur environnement linguistique et leur sensibilité et intérêt pour la langue et la communication ne peuvent aboutir sans un bain de langage, indispensable à l’évolution de leurs capacités. Pour que les enfants deviennent interlocuteurs et que la communication existe, que naissent le langage et la parole, l’interaction avec les pairs est essentielle. B. de Boysson-Bardies (1996) évoque deux aspects principaux : la manière de s’adresser aux bébés et la mise en place d’un cadre interactif. Au premier aspect correspondent le motherese* et le parler bébé*, qui focalisent l’attention des petits et motivent l’échange. Le deuxième aspect tient compte des moments d’attention partagée, de l’interprétation des actes, gestes et verbalisations des bébés par leurs parents, qui entraînent progressivement des ajustements mutuels. J. Bruner (1987) constate que les parents modifient au fil du temps leurs réponses aux cris des enfants, leur accordant des significations de plus en plus variées : par conséquent, les cris se façonnent à leur tour pour aboutir à des demandes de plus en plus fines et diverses. Par l’adaptation du contenu et rythme de leur parole, ainsi que par leur prise en compte minutieuse de toutes les tentatives de transmission de message des enfants, les membres de leur entourage les intègrent dans un milieu langagier qui leur donne la possibilité de se développer en tant qu’interlocuteurs, personnes capables d’écouter, de comprendre et de transmettre. B. Cyrulnik (1995) nous dit que l’inné et l’acquis sont indissociables dans la construction du langage et avance que des pré requis affectifs sont indispensables à l’accès à la parole. Les enfants non investis par leurs parents ou placés en orphelinats, moins sollicités verbalement par les adultes, n’ont pas l’opportunité de s’approprier une langue et de développer un langage de manière optimale. Leurs facultés innées de communication ne sont pas renforcées par les pairs et certains enfants restent sans langage jusqu’à leur adoption. Les parents adoptifs auront donc sans trop le savoir le rôle de primo « interlocuteurs privilégiés » et transmettront leur langue à leurs enfants, ainsi que les préceptes langagiers.

Evolution de la compréhension

– compréhension de mots :Pour extraire le sens des mots, les bébés doivent extraire les unités de sens du discours puis mémoriser les formes des mots pour les reconnaître et pouvoir les utiliser. Les indices prosodiques dans le traitement de la parole et le contexte sont des aides précieuses à cette extraction d’unités de sens (B. de Boysson-Bardies, 1996). A 9 mois, les bébés reconnaissent certains mots en contexte en s’appuyant sur la prosodie et les mimiques. Les mots les plus fréquemment rencontrés sont les formes phonologiques qui présentent le plus d’intérêt pour les jeunes apprentis. Ces derniers découvrent que les mots véhiculent un sens, ils cherchent alors à comprendre la signification du message que les adultes leur adressent. Puis, entre 10 et 12 mois, certains mots sont reconnus hors contexte. Selon les enfants, le développement lexical peut se faire par la voie phonologique, c’est à dire que les sons et la mélodie sont intégrés avant les mots, ou par la voie sémantique, les mots sont alors utilisés pour faire référence à des choses ou pour exprimer ses émotions. Peu après 16 mois, les enfants forment des catégories de mots par rapport aux objets du monde. Vers 2 ans, les enfants ont bien perçus la valeur des mots dans la communication, de fait, leur développement en est stimulé. Entre 2 et 3 ans, le nombre de mots compris augmente quotidiennement (J-P. Rossi, 2008).
– compréhension morpho syntaxique :Si les mots de la langue sont porteurs de sens, ils sont également porteurs de syntaxe. J-A. Rondal (2011) accorde de l’importance à la fréquence à laquelle les parents s’adressent à leurs enfants et à la longueur moyenne de leurs énoncés. Dans l’apprentissage de la morphosyntaxe,il s’agit d’un apprentissage implicite des régulations combinatoires : les parents adaptent leur discours et reprennent les productions des enfants. Ils se placent dans la zone proximale de développement « soit un intervalle de progrès possible par modélisation de la valeur à ajouter au niveau atteint par l’enfant jusque là. » Le lexique est adapté, le contenu et la longueur des messages correspondent aux capacités réceptives des enfants. Tout cela s’effectue naturellement, sans grande conscience de l’adulte qui pourtant permet ainsi à son enfant d’accéder à la signification. J. Bruner (1987) met en avant l’intérêt de scénarios transactionnels familiers et routiniers ayant une forme grammaticale simple afin d’être bien extraite par les enfants. Ces scénarios mis en place par les parents et leurs enfants lors de moments de jeux autour du langage, de verbalisation au moment d’accomplir les gestes familiers, contribuent à faire passer les bébés dans un monde linguistique structuré. Dans la première année, la compréhension des énoncés est limitée au découpage acoustique de ceux-ci et à l’intériorisation de leur forme. Puis, entre 1 et 2 ans, la chaîne parlée est segmentée et les enfants interprètent ses différents morceaux. Enfin, de 2 à 3 ans, les enfants développent une analyse syntaxique complexe. La reconnaissance de  mots permet un traitement des éléments lexicaux de la phrase, l’apport du contexte favorise la compréhension. Les adultes appuient sur les termes principaux, par cette mélodie ils facilitent l’accès au sens et donnent un modèle de combinaison des différents termes de la phrase. Si c’est au départ les situations qui donnent l’accès à la compréhension de la parole, les mots et les phrases viennent ensuite annoncer ou éclairer les situations. Grâce au langage, les enfants vont mieux percevoir les événements et pourront poser des questions sur tous les objets qui seront source d’interrogations. Ils se construiront ainsi une représentation du monde qui s’affinera avec l’évolution du langage.

Les étapes essentielles du développement psychomoteur

  En développant leur motilité, les enfants découvrent leur environnement ainsi que les actions qu’ils sont en mesure d’effectuer sur celui-ci. Ils prennent conscience de leur position dans l’espace et de leur schéma corporel. Selon M. Tubiana (2006), on ne peut dissocier le développement psychomoteur du développement cognitif et intellectuel. E. Bonneville (2006) insiste sur l’importance d’une continuité dans le développement psychomoteur pour assurer le maintien et l’avancement des processus de pensée et notamment la construction des notions de permanence et d’immuabilité. Lorsque les enfants ont une intégrité neuronale, motrice et sensorielle, B. Colombié décrit un développement psychomoteur en quatre stades :
– le stade impulsif : entre la naissance et 3 mois, la motricité est réflexe car elle obéit à des impulsions incontrôlables et végétatives. Les membres sont hypertoniques tandis qu’on observe une hypotonie axiale. En revanche, les sens sont exaltés dès la naissance : les enfants reconnaissent les voix, les odeurs (en particulier celles de la mère), ont des préférences gustatives. Ils sont très sensibles aux caresses ou aux changements de position.
– le stade émotionnel : les actions des enfants sont avant tout un message, une demande d’attention et d’affection destinée à leur entourage. Ils gazouillent et sourient en réponse à des stimulations, commencent à suivre des yeux ce que font leurs proches. Vers trois mois ils redressent la tête et observent leurs mains. Vers six mois, ils manipulent,attrapent des objets, jouent avec leurs mains, prennent appui sur elles. Ils les mettent en bouche, attrapent leurs pieds, s’effleurent le visage : ils touchent et sont touchés, par cette exploration sensorielle se met en place le schéma corporel.
– le stade sensorimoteur : les enfants peuvent coordonner et répéter des actions simples sur des objets. Cela leur permet de découvrir les propriétés des objets et les conséquences de nouvelles actions découvertes inopinément. La position assise (développée entre 5 et 9 mois) puis les premiers déplacements (à quatre pattes, debout en prenant appui aux meubles vers 10 mois) donnent aux enfants l’occasion d’explorer leur environnement. Ils ont une nouvelle vision du monde.
– le stade projectif : le développement de l’imitation génère le début de formation d’image mentale* qui est la base de l’activité psychologique et intellectuelle. Grâce à l’intégration de mouvements, les enfants ont des représentations mentales* qui progressivement leur donnent accès à la symbolisation. Ces différents stades d’évolution psychomotrice sont essentiels à l’acquisition de la langue orale de par les échanges qu’ils suscitent entre les nourrissons et leurs parents. J-W Wallet et V. Sarri (2010) suggèrent que les enfants en difficultés psychomotrices liées à des désavantages éducatifs et émotifs voient par la suite le retentissement de ces difficultés surleur scolarité et leur vie relationnelle. L’exploration du corps entraîne sa connaissance et la conscience de ses limites, se détachant progressivement du monde et d’autrui. Dans des environnements familiaux défaillants, les enfants développent parfois une instabilité psychomotrice qui entrave leur progression cognitive et intellectuelle (E. Bonneville, 2006). C’est suite aux expériences sensorielles, de manipulation et d’action que les enfants pourront, entre autres, construire l’espace et créer des rapports topologiques.

La scolarité des enfants adoptés

   Dans une enquête sur le lien entre adoption précoce et difficultés scolaires menée par M-O. Lafosse-Marin en 2001, il apparaît que les enfants adoptés à moins de 6 mois ont plus de soucis que les enfants adoptés entre 7 mois et 3 ans. Des difficultés d’adaptation seraient en corrélation avec un vécu traumatique et de grandes carences affectives. L’entrée dans les apprentissages, selon la chercheuse (et mère adoptive), pourrait affecter les enfants adoptés. Ceux-ci éprouveraient une grande angoisse face à ce cap à franchir que représente le passage à l’école. D. Fichcott et J. Vaugelade (2006) considèrent que l’adoption est favorable à la scolarité. S’appuyant sur une étude menée par l’association EFA, ils déclarent que les enfants adoptés ont le même taux de réussite au baccalauréat que la moyenne nationale. L’adoption permettrait aux enfants d’être plus sécurisés affectivement et de se développer aussi favorablement que les enfants biologiques des familles adoptives. Cela peut cependant leur demander plus de temps, mais leur donne l’occasion de suivre une scolarité normale. Une autre recherche soulève que les enfants adoptés à 1 an ou plus et ayant vécu plus de 75% en institution avant leur adoption ont plus de difficultés scolaires que les enfants adoptés à 1 an ou moins et n’ayant pas ou peu vécu en institution (M.M. Loman & al., 2009). Les performances aux tests de compréhension orale et de quotient intellectuel seraient proportionnelles au temps passé en institution, les enfants y étant peu stimulés. Mais les conclusions de Loman & al. rejoignent celles de Fichcott et Vaugelade : les enfants adoptés (à l’orphelinat ou non) ont des scores dans la moyenne nationale, tous milieux sociaux confondus.

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Table des matières

INTRODUCTION
ASSISES THEORIQUES
1. Le développement de l’enfant entre 0-3 ans : les étapes essentielles pour se construire
1.1. L’éveil cognitif des jeunes enfants
1.2. Le développement du langage
1.2.1 Origines de la communication orale chez le petit humain
1.2.2 Langage, parole et rapport au monde
1.2.3 Evolution de la compréhension
1.3. L’élaboration des repères spatio-temporels
1.3.1 Les étapes essentielles du développement psychomoteur
1.3.2 La structuration de l’espace
1.3.3 La boucle temporelle
1.4. La cognition logique et mathématique du jeune enfant
1.4.1 Le nombre
1.4.2 La catégorisation
1.5. La construction de l’identité
2. Quand l’adoption change le destin
2.1. Les différents parcours de l’enfant adopté
2.1.1 D’où viennent les enfants adoptés en France ?
2.1.2 Que vivent les enfants avant leur adoption ?
2.1.3 Des questions qui resteront sans réponse
2.2. Besoins et préoccupations de l’enfant ayant vécu l’abandon
2.2.1 Besoins communs à tous
2.2.2 Les réponses de l’environnement
2.3. L’évolution après l’adoption
3. La scolarité des enfants adoptés
3.1. Apprendre à l’école
3.1.1 L’aspect cognitif
3.1.2 L’aspect affectif
3.2. De multiples exigences
3.2.1 Les programmes scolaires
3.2.2 Lien avec le développement entre 0 et 3 ans
3.2.3 Le désir parental
3.3. Comment prévenir de potentielles difficultés
METHODOLOGIE
1. Population de l’expérimentation
1.1. Choix de la population
1.2. Contact avec la population
2. Protocole d’expérimentation
2.1. Questionnaire d’anamnèse
2.2. Choix des épreuves
2.3. Modifications apportées après un pré-test
2.4. Recueil des données
3. Mode de traitement des données
3.1. Données du questionnaire
3.2. Données du PECSN
3.3. Données des épreuves piagétiennes
4. Précautions méthodologiques
4.1. Limites dues à la population
4.2. Limites dues aux conditions et au matériel
ANALYSE ET DISCUSSION
1. Données issues du questionnaire aux parents adoptants
1.1. Informations générales
1.1.1 Âge des enfants
1.1.2 Pays de naissance des enfants adoptés
1.1.3 Milieu de vie avant l’adoption
1.1.4 Langue antérieure
1.2. Santé des enfants adoptés
1.2.1 Lors de l’adoption
1.2.2 Evolution de la santé des enfants
1.2.3 Suivis éventuels
1.3. Informations sur leur scolarité
1.3.1 L’entrée à l’école
1.3.2 Le parcours scolaire
2. Données issues du protocole d’évaluation de la compréhension syntaxique et narrative (PECSN ou Kikou 3-8)
2.1. Recueil des scores
2.2. Recueil des temps
3. Données issues des épreuves piagétiennes de logique
3.1. Epreuve de classification
3.2. Epreuve d’intersection
3.3. Epreuve de sériation
3.4. Epreuve de conservation
4. Analyse des comportements durant la passation des épreuves
5. Discussion
CONCLUSION
GLOSSAIRE
REPERES BIBLIOGRAPHIQUES
TABLE DES ANNEXE

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