Adapter l’enseignement à une économie en crise

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

Domaines de l’éducation et de la pédagogie

Si la multiplicité des définitions existantes dès les années 2000 n’a pas permis de dresser une définition référente de ce concept, il demeure qu’un consensus s’est rapidement opéré parmi les auteurs concernant, à défaut d’une définition complète et entière, plusieurs points ou caractères centraux de la notion, ainsi que le rappellent P. Parmentier et L. Paquay : « Même s’il existe de nombreuses compréhensions de la notion de compétence, les chercheurs ont maintenant cerné clairement les attributs clés qui composent le concept. 10 » Voici quelques définitions du concept de « compétence » issues de sources diverses mais toutes liées plus ou moins directement aux champs de l’éducation ou de la formation :
En 1989, Phillipe Meirieu déclarait : « Savoir identifié, mettant en jeu une ou des capacités dans un champ notionnel ou disciplinaire déterminé. Plus précisément, on peut nommer compétence la capacité d’associer une classe de problèmes précisément identifiée avec un programme de traitement déterminé. 11 »
Selon Guy le Boterf en 1994, « la compétence est de l’ordre du savoir-mobiliser. 12 »
Selon P. Perrenoud en 1999, « une compétence permet de faire face à une situation complexe, de construire une réponse adaptée sans la puiser dans un répertoire de réponses préprogrammées. 13 »
D’après l’auteur canadien Jacques Tardif « une compétence est un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations. 14 »
D’après Marc Romainville, « une compétence est un ensemble intégré et fonctionnel de savoirs, savoir faire, savoir être et savoir devenir qui permettront, face à une catégorie de situations, de s’adapter, de résoudre des problèmes et de réaliser des projets. 15 »
« En référence à divers travaux récent (Le Boterf, Perrenoud, Rey, Roegiers, Wittorsky, etc), une compétence peut être ainsi définie comme :
1) « un ensemble de ressources cognitives, affectives, motrices, conatives… (ou des « combinaisons », « orchestrations » de savoirs, savoir-faire, aptitudes, schèmes d’action, routines, …)
2) mobilisées (ou mises en oeuvre de façon intégrée et dynamique)
3) pour faire face à une famille de situations-problèmes (réaliser des tâches complexes, significatives, fonctionnelles, résoudre des problèmes authentiques, réaliser un projet). » (Paquay, 2001). 16 »
Soit, énoncé de façon plus concise, la compétence est définie au sein de l’APC comme « une capacité de mobiliser diverses ressources cognitives pour faire face à des situations singulières. 17 »
« Au sens le plus ordinaire du mot, une compétence est la capacité à accomplir un certain type de tâches. Ainsi le mot s’applique indifféremment à des activités générales (comme celle, pour le médecin, de « savoir guérir les malades ») ou au contraire il renvoie à des actions de détail (« savoir effectuer une palpation du foie d’un patient »). 18 »
« Dans le domaine de l’éducation, plusieurs auteurs ramènent les compétences de l’élève à « une capacité de mobiliser diverses ressources cognitives pour faire face à des situations singulières. 19 »
Il est intéressant de remarquer que la totalité des définitions présentées ici définissent la compétence comme la capacité de faire face à une situation vue comme problématique et face à laquelle le sujet mobilise tout ou partie de ce qu’il est, soit dans certains cas, uniquement son savoir et ses connaissances, soit dans d’autres cas, l’ensemble des aspects principaux de sa personne, savoirs, savoirfaire, savoir-être, savoir-agir et savoir-devenir, afin de répondre à cette situationproblème en la résolvant. On remarque également que toutes les définitions ne mettent pas en avant l’idée de l’adaptation du sujet face à la situation-problème : si la définition de Marc Romainville en rend clairement compte, les autres passent dessus et n’abordent pas cette question où se contentent de la locution “faire face”. Cependant, cet aspect de l’adaptation du sujet ne peut pas ne pas être intrinsèque à la définition de la compétence dès lors qu’il existe une situation dite “problématique” (problème, situation-problème). En effet, le CNRTL rappelle clairement que le premier sens donné au mot “problème” dans le langage courant est celui d’une « question d’ordre théorique ou pratique qui implique des difficultés à résoudre ou dont la solution reste incertaine. 20 » Il y a donc “problème” dès lors que la solution reste incertaine ou que la résolution implique des difficultés. Ceci étant bien compris, un problème déjà rencontré par un sujet et résolu par lui ne peut plus à l’avenir être considéré comme un problème si la situation se représente de façon identique puisque la solution est connue et que la manière de l’appliquer n’a pas différé : exemple, les outils mis à disposition de l’élève (calculette, livre, règle, compas, diapason, etc.) n’ont pas changé. Là ou il y a « problème », il y a nécessairement « adaptation » de la part de celui qui est chargé de résoudre.
Pour la suite, prenons en tant que définition référente la proposition que donnent P. Parmentier et L. Paquay :
« …une compétence peut être ainsi définie comme :
1) « un ensemble de ressources cognitives, affectives, motrices, conatives… (ou des « combinaisons », « orchestrations » de savoirs, savoir-faire, aptitudes, schèmes
d’action, routines, …)
2) mobilisées (ou mises en oeuvre de façon intégrée et dynamique)
3) pour faire face à une famille de situations-problèmes (réaliser des tâches complexes, significatives, fonctionnelles, résoudre des problèmes authentiques, réaliser un projet). »

Selon le ministère de l’Education nationale

Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche déclare dans les documents d’accompagnement en émanant que « d’une façon générale, la compétence se définit par le potentiel d’action d’une personne.
Elle s’exerce sur des situations ou « objets » plus ou moins complexes, mobilise des ressources appropriées et se développe en s’adossant à des situations repérées et connues. Sa mise en oeuvre suppose toujours de mobiliser des connaissances, mais aussi des capacités (savoir-faire) et des attitudes (savoir-être). Une compétence cible est donc identifiée par le professeur lors de l’élaboration d’une séquence à partir d’un diagnostic des besoins des élèves et en fonction des attendus de fin de cycle. En prélude aux mises en situation, elle leur est présentée et expliquée afin qu’ils en comprennent la nécessité et l’exigence. Son usage et la maîtrise qui l’accompagne sont ensuite systématiquement observés pendant les activités qui s’y prêtent et cette observation devient le support d’une évaluation précise des acquisitions effectuées. 25 »
L’acception de la « compétence » que le ministère de l’Education nationale fournit à ses enseignants est en tout point similaire à celles des nombreux auteurs et chercheurs liés aux champs de l’éducation et de la formation que nous avons précédemment cités. En comparant avec notre définition référente, nous retrouvons bien la même structure en trois temps. Effectivement, la « mise en oeuvre » d’une compétence suppose…
1) …« des connaissances, mais aussi des capacités (savoir-faire) et des attitudes (savoir-être) » en tant que ces trois données constituent « des ressources appropriées »…
2) …que le sujet « mobilise » en vue de…
3) …réaliser une « action » puisqu’il s’agit avant tout de l’expression d’un « potentiel d’action », s’exerçant « sur des situations ou « objets » plus ou moins complexes » et se développant « en s’adossant à des situations repérées et connues. »
Cette définition du ministère diffère de notre référence en cela que la notion de problème n’est pas présente en tant que telle, ou tout du moins pas de la même façon. Elle est ici remplacée par l’idée « de situations ou « objets » plus ou moins complexes. » Cela tient sans doute au fait que cette définition donnée par les documents d’accompagnement d’éduscol qui, si elle se veut relativement générale (« d’une façon générale, la compétence se définit… ») présente tout de même cette notion dans le cadre de la discipline « éducation musicale » et peut-être n’est-il pas impertinent de penser que le mot même de « problème » n’est pas le terme le mieux approprié à la discipline, moins approprié en tout cas que ne l’est la locution « situations ou « objets » plus ou moins complexes. »

Le rapport enseignant / apprenant

Dans l’APC, le rapport entre l’enseignant et l’élève est entièrement modifié.
Cela vient avant tout du fait que la figure même de l’enseignant change radicalement.
Etant donné que le rapport aux connaissances et savoirs n’est plus qu’instrumental, la manière dont l’élève se situe vis-à-vis de ces savoirs et connaissances n’est plus du tout la même. « L’élève est responsable de ses apprentissages et il lui appartient de construire lui-même ses propres connaissances. Pour ce faire, il aura à sa disposition des instruments que lui fournira son facilitateur 29. Il faut dire que le rôle du maître est sensiblement modifié si on le compare à celui qu’il est appelé à jouer dans le contexte de l’école dite traditionnelle. L’enseignant facilitant évitera d’enseigner, il incitera les apprenants à construire leurs connaissances qui, elles, ne devront pas être trop exigeantes pour l’élève, d’où l’allègement des curriculums. Il laissera une bonne partie de ses tâches au groupe-classe qui sera invité à procéder à son organisation. […] À vrai dire, dans une telle perspective, l’enseignant doit éviter le plus possible la transmission de connaissances et même dissimuler à l’apprenant qu’il est soumis à une évaluation. 30 » Ainsi que nous le verrons dans la seconde partie de ce mémoire, une pédagogie récente, nommée « l’école inversée », cristallise ce changement de rapport entre les enseignants et les élèves.

Exigence et bénéfices

« Pour beaucoup d’enseignants, cette évolution rend l’acte d’enseigner plus exigeant encore, d’autant que les bénéfices attendus sont souvent peu visibles à court terme. Formulés en termes de compétences, les objectifs sont plus complexes à atteindre et requièrent, dès lors, plus de temps et d’énergie, tant pour l’enseignant et pour l’apprenant. Les contenus-matières, eux-mêmes, ne sont plus considérés comme une fin en soi, mais comme une ressource que l’apprenant doit s’approprier pour développer des compétences. Le rôle de l’enseignant n’est d’ailleurs plus de transmettre ces contenus-matières comme tels, mais de concevoir et de gérer des séquences d’apprentissage dans lesquelles les apprenants sont confrontés à des situations nouvelles et motivantes qui les amènent à interagir pour chercher et traiter l’information nécessaire, pour y faire face adéquatement et/ou leur donner sens. 32 » Surcharge de travail pour les enseignants et les apprenants et bénéfices peu visibles à court terme : ce changement de pédagogie impacte bien l’ensemble des pratiques et les classes dans leur entièreté. Les bénéfices seraient donc visibles à long termes avec un coût « de temps et d’énergie » réellement majoré. Peutêtre cette expression des promesses attendues grâce à cette pédagogie est-elle ici mal défendue ? Une chose est certaine, il eût été particulièrement troublant de ne pas lire qu’un accroissement de la charge de travail ne puisse se traduire par au minimum quelques bénéfices pour les « apprenants ».

Une évolution historique de l’école

L’introduction de la pédagogie par compétences, dite en France « approche par compétences » (APC), pour être correctement comprise, doit aussi faire l’objet d’une étude historique afin de mettre en exergue le contexte ayant favorisé son émergence et par là même les raisons la justifiant. « Rarement une idéologie aura suscité autant de réactions dans les secteurs publics, civiques aussi bien qu’éducatifs. Il est vrai que ses protagonistes sont présents sur tous les fronts et reçoivent un large appui des pouvoirs publics dans de nombreux cas. Les raisons qui sous-tendent un tel engouement ne peuvent pas nous laisser indifférents si l’on veut comprendre les tenants et les aboutissants d’un telle force de frappe. L’importance de retracer l’origine de l’APC et de mettre en perspective son impact sur les entreprises de formation et d’éducation apparaît évidente. […] Curieusement, les pouvoirs politiques adhèrent à l’APC comme modèle éducatif unique sans prendre en considération l’impact d’une telle orientation sur les pratiques actuelles. Comment alors ignorer le fait qu’en Europe aussi bien qu’en Amérique du Nord les programmes de formation se fondent sur des socles de compétences attendues en ostracisant le plus souvent toute autre approche ? 34 »
Pour cette partie, outre l’utilisation d’ouvrages traitant de façon plus ou moins diverses de l’histoire contemporaine et de l’article mené par l’universitaire québécois Gerald Boutin, c’est l’analyse et le travail de fond mené depuis plus de vingt ans par le professeur et essayiste belgo-luxembourgeois Nico Hirtt qui a été retenu comme base. Nico Hirtt, auteur de nombreux articles, ouvrages et conférence sur l’école contemporaine est notamment un des membres fondateurs de l’« Appel Pour une Ecole Démocratique » (APED). Il est aussi une personnalité dont le travail est reconnu et respecté puisqu’il s’est retrouvé à intervenir dans le cadre de plusieurs rencontres internationales, notamment au Forum Mondial de l’Education à Porto Alegre (Brésil), aux Forums Sociaux européens de Florence, Paris, Londres et Athènes et lors de nombreux autres colloques et rencontres internationales (Montreal, Dublin, Pékin, Madrid, Bogota. . .)

L’apparition de l’école Ferry

Au lendemain de la commune de Paris, après que celle-ci a été violemment réprimée par Adolphe Thiers lors de la « Semaine sanglante » du 21 au 28 mai 1871, l’Etat traverse quelques années de régime flou : ce n’est pas encore la troisième république et ce n’est plus le second empire. Adolphe Thiers, figurant au premier plan politique de cette période, ne dispose pas en tant que telle du titre de Président de la république mais de celui de Détenteur de l’exécutif. Et en effet, l’avenir est incertain. Le 8 février 1871, l’élection au suffrage universel (masculin) des députés aboutit à un parlement très majoritairement royaliste où se bousculent légitimistes et orléanistes tandis que quelques républicains n’hésitent pas à se faire entendre. Jean Macé, instituteur venu s’installer à Paris avec la perte de l’Alsace- Lorraine, lance une pétition réclamant un enseignement primaire d’Etat gratuit et obligatoire ; Léon Gambetta, figure de la résistance de Sedan, déclare à la tribune de l’assemblée : « Je désire de toute la puissance de mon âme, non seulement qu’on sépare les églises de l’Etat, mais qu’on sépare les écoles de l’Eglise. »
Le 23 mai 1873, le détenteur de l’exécutif Adolphe Thiers est interpellé à l’assemblée et rapidement limogé. Il laisse sa place au maréchal Patrice de Mac- Mahon, un royaliste dont le rôle est d’opérer la transition vers une nouvelle monarchie dont on ne sait encore qui d’un bourbon ou d’un orléaniste prendra place en son sommet. Mais quelles qu’en fussent les raisons, l’union ne put s’opérer entre ces deux courants monarchistes et le 30 janvier 1875 l’amendement Wallon fut voté. Cet amendement modifia le régime organique, il mit en place une assemblée nationale bicamérale, soit composée de deux chambres, en adjoignant à un parlement régi par le suffrage universel masculin un sénat régi par le suffrage censitaire.
Le paradoxe de trouver à la tête d’une république un président monarchiste mit quelques années à se résoudre. Malgré plusieurs tentatives pour déstabiliser la république tel que le coup dit du « 16 mai » 1877, date ou le président Mac- Mahon annonça la dissolution de la chambre des députés (le parlement) dans l’espoir de reconquérir une majorité royaliste disparue depuis 1876, c’est le 30 janvier 1879, suite au changement de majorité du sénat pourtant plus conservateur que le parlement, que le président Mac-Mahon déposa sa démission. Le nouveau Président Jules Grévy fut élu et l’année 1879 devint celle de la république des républicains, celle où un président républicain prit place à la tête d’une assemblée nationale républicaine. Avec ce nouveau gouvernement, ce fut Jules Ferry qui obtint le portefeuille du ministère de l’instruction publique. Les lois fondant le système éducatif français et son école moderne apparurent alors rapidement. Citons parmi celles-ci la loiPaul Bert du 9 août 1879 laissant trois ans à chaque département pour se munir d’une école d’instituteur ; la loi Camille Sée de décembre 1880 instaurant un enseignement secondaire de jeunes filles ; bien entendu, les deux grandes lois Ferry, la première de juin 1881 instaurant la gratuité de l’école primaire d’Etat, la seconde, de mars 1882, son caractère obligatoire de six à treize ans et son enseignement laïc ; la loi René Goblet d’octobre 1886 ayant pour but d’écarter des écoles publiques tout personnel religieux ; etc. Quels qu’aient pu être les arguments et raisons ayant permis la promulgation de telles lois, si celles-ci font partie de notre histoire et de notre mythe d’Etat, peut-être est-il néanmoins bon de se rappeler ces quelques citations pour éclairer au moins une part des enjeux en présence à cette époque : « Il faut donner des compagnes républicaines aux hommes républicains » déclara Camille Sée à propos de sa loi sur l’enseignement secondaire de jeunes filles ; « Les écoles congréganistes, par la gratuité [des écoles publiques], perdront beaucoup de leur prestige » annonça Paul Bert, rapporteur de la première grande loi Ferry ; et « Nous attribuons à l’Etat le seul rôle qu’il puisse avoir en matière d’enseignement et d’éducation. Il s’en occupe pour maintenir une certaine morale d’Etat, certaines doctrines d’Etat qui importent à sa conservation 35 » déclara Jules Ferry à propos de sa politique éducative.

Adapter l’enseignement à une économie en crise

« Toute réforme scolaire obéit à des visées politiques qu’on aurait tort de ne pas prendre en considération. À cet égard, plusieurs critiques dénoncent le fait que les écoles dépendent davantage de l’économie que de l’État : il s’agit alors de développer les compétences attendues par une société de rendement et de performance. 48 »
Dès lors, explique Nico Hirtt, dans un contexte de crise économique et d’importantes mutations technologiques, la vie industrielle devint désormais le lieu  de luttes concurrentielles plus acerbes, d’une « incroyable instabilité » et d’un « rythme de changements effréné. » Christophe Lautray, Directeur Général (DG) et gérant de l’entreprise Fenwick-Linde, composante du groupe mondialisé KION (propriété de KKR et Goldman Sachs) illustrait bien cette réalité par les propos qu’il tenait en 2009 lors d’une interview pour le documentaire aux multiples récompenses « La Mise à mort du travail » : « On est obligé, en permanence, de s’améliorer. Il n’y a effectivement absolument pas de limite. Il n’y a pas de limite dans le temps non plus, c’est-à-dire qu’on ne peut pas être sûr. L’incertitude, aujourd’hui, fait partie d’une donnée de management, on est sur des environnements extrêmement volatiles, on sait que la situation peut évoluer pratiquement d’un mois sur l’autre. 49 » En 1989, le lobby patronal la Table Ronde des industriels Européens (ERT) publia son premier rapport sur l’éducation et y déclara : « Le développement technique et industriel des entreprises européennes exige clairement une rénovation accélérée des systèmes d’enseignement et de leurs programmes. […] l’éducation et la formation sont considérées comme des investissements stratégiques vitaux pour la réussite future des entreprises. 50 » De nombreux rapports de l’ERT des années 1990 prirent à la suite comme objet de définir plus clairement les recommandations patronales quant à « la manière d’adapter globalement les systèmes d’éducation et de formation permanente aux défis économiques et sociaux. 51 » L’Organisme de Coopération et de Développement Economique (OCDE), la commission européenne et plusieurs gouvernements reprirent à leur tour ces « recommandations » dans leurs publications. Il fut désormais suggéré aux écoles et à l’ensemble des systèmes scolaires, d’une part, de ne plus enseigner des savoirs et des connaissances mais des compétences de base limitées qui permettraient aux futurs salariés de s’adapter facilement aux changements de postes et d’environnements de travail, et d’autre part, d’inculquer à ces mêmes jeunes les « savoir-être 52 » et « comportements qui feront d’eux des travailleurs disciplinés et des citoyens respectueux des institutions en place 53 » : ainsi que le recommanda le conseil européen réuni à Amsterdam en 1997, l’objectif est « d’accorder la priorité au développement des compétences professionnelles et sociales pour une meilleure adaptation des travailleurs aux évolutions du marché de travail. » Il importe que les salariés soient « adaptables », « autonomes » et « souples sur le plan des relations sociales » afin que chacun puisse s’assurer la meilleure « employabilité », selon les conclusions de la présidence du conseil : « Le Conseil européen attache une importance capitale à la création, dans les Etats membres, des conditions qui permettront de promouvoir l’existence d’une maind’oeuvre qualifiée et susceptible de s’adapter ainsi que de marchés du travail aptes à réagir rapidement à l’évolution de l’économie. Cela nécessite une intervention active des Etats membres sur le marché du travail en vue d’aider les travailleurs à développer leur employabilité. Une telle action est importante si l’Union européenne veut maintenir sa compétitivité dans le monde et lutter efficacement contre le fléau du chômage. 54 »

L’abandon des connaissances

« L’influence de l’APC dans le domaine de l’éducation et de la formation est considérable. À l’heure actuelle, les programmes d’études sont rédigés la plupart du temps en termes de compétences attendues dans presque tous les pays occidentaux.
À vrai dire, ces programmes mettent l’accent sur la démonstration du savoir plutôt que sur le savoir lui-même. Cette façon de procéder interpelle un nombre grandissant de critiques qui craignent à juste titre de voir les connaissances céder  ’avènement d’une société axée uniquement ou presque sur la performance 77. » Edith Cresson, femme d’Etat française notamment Commissaire européenne à la Recherche, aux Sciences et Technologies de 1997 à 1999 donne déjà un premier élément de réponse : « Le savoir est devenu, dans nos sociétés et nos économies en évolution rapide, un produit périssable. Ce que nous apprenons aujourd’hui sera dépassé voire superflu demain. Il faut renouveler et mettre à jour nos connaissances en permanence, afin de suivre – ou même d’accélérer – le rythme du changement, au lieu d’être submergé par lui. 78 » En effet, l’accélération croissante du progrès scientifique et technique, la hausse des luttes concurrentielles, de la compétitivité et de la précarisation des emplois, font que, dans le domaine professionnel, « les connaissances et qualifications dispensées par l’école deviennent très vite obsolètes » explique Nico Hirtt. Qu’il s’agisse de la Commission européenne, de l’OCDE, des lobby patronaux, ou des acteurs politiques nationaux, tous adoptent la même ligne de conduite. La cellule Eurydice de la commission européenne déclare même de façon extrêmement limpide : « Les connaissances évoluent à un rythme tel que les écoles sont contraintes de se borner à doter les élèves des bases qui leur permettront de développer par eux-mêmes leurs connaissances dans les domaines qui les intéressent – il est en effet impossible de “tout” leur enseigner dans un monde où la somme de connaissances et d’information augmente de manière exponentielle. 79 » De même, Claude Allègre annonce que : « Avec cette explosion des connaissances, la méthode qui consiste à accroître les programmes, à augmenter les années d’étude sans cesse, ne fonctionne plus. Le millefeuille de l’érudition est saturé, il s’effondre, se répand, sous son propre poids. 80 »

La formation tout au long de la vie

« Au sein des sociétés de la connaissance, le rôle principal revient aux individus eux-mêmes. Le facteur déterminant est cette capacité qu’a l’être humain de créer et d’exploiter des connaissances de manière efficace et intelligente, dans un environnement en perpétuelle évolution. Pour tirer le meilleur parti de cette aptitude, les individus doivent avoir la volonté et les moyens de prendre en mains leur destin ou, autrement dit, de devenir des citoyens actifs. Il n’est pas de meilleur tremplin pour relever le défi du changement que l’éducation et la formation tout au long de la vie. 88 » Avec l’apparition des compétences dans le domaine des systèmes éducatifs est conjointement apparue l’idée de « la formation tout au long de la vie ». Le contexte économique et politique étant ce qu’il est, la mise en place d’une pédagogie par compétence à l’école ne pourrait être l’unique viatique cher aux futurs travailleurs pour perpétuellement s’adapter au marché du travail : en effet, « le progrès scientifique et technologique et la transformation des processus de production due à la recherche d’une plus grande compétitivité, conduisent, pour l’individu, à une obsolescence rapide des savoirs et savoir-faire acquis lors de la formation initiale et requièrent un développement de la formation professionnelle permanente. 89 » Cette « formation professionnelle permanente », c’est « la formation tout au long de la vie. » « L’apprentissage tout au long de la vie repose sur l’idée que la préparation à la vie active ne peut plus être envisagée comme définitive et que les travailleurs doivent suivre une formation continue pendant leur vie professionnelle pour pouvoir rester productifs et employables. 90 » Le 29 avril 1998, le ministre de l’éducation nationale Claude Allègre déclarait lors du discours de clôture du colloque « Lycée » à Lyon : « Nous devons nous rappeler que désormais on n’apprendra plus tout à l’école, qu’il faudra y revenir, que la formation continue ou continuée devra être une partie intégrante de l’enseignement. 91 »

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

1 Introduction 
2 La compétence 
2.1 Définitions
2.1.1 Un concept flou
2.1.2 Etymologie
2.1.3 Domaines de l’éducation et de la pédagogie
2.1.4 Définitions usuelles issues de la langue française
2.1.5 Selon le ministère de l’Education nationale
2.1.6 Situation-problème
2.1.7 Conclusion
2.2 Analyse
2.2.1 Les savoirs ?
2.2.2 Le rapport enseignant / apprenant
2.2.3 Evaluation
2.2.4 Exigence et bénéfices
2.2.5 Modèle d’action
3 Une évolution historique de l’école 
3.1 L’apparition de l’école Ferry
3.2 L’industrialisation
3.3 Les trente glorieuses
3.3.1 Massification sans démocratisation
3.4 Crises économiques
3.4.1 Causes internationales
3.4.2 Conséquences pour l’enseignement
3.5 Adapter l’enseignement à une économie en crise
3.6 Nécessités pédagogique et sociale
3.6.1 Lutte contre le chômage
3.6.2 L’abandon des connaissances
3.6.3 Les compétences
3.6.4 La formation tout au long de la vie
3.6.5 Le savoir-être
3.6.6 Interdisciplinarité et transversalité
3.6.7 « L’école inversée »
3.7 Mise en place politique
3.7.1 Présentation de la « loi Fillon »
3.7.2 Remarques
3.7.3 Le rapport Thélot
3.8 Conclusion
4 Les compétences sur le terrain 
4.1 Analyse des programmes
4.1.1 Le sens
4.1.2 Les savoir-être
4.1.3 Evolution des programmes
4.2 L’idée des « compétences collectives »
4.2.1 Introduction
4.2.2 Présentation
4.2.3 Définition
4.2.4 Au sein de l’enseignement : réflexions
4.3 Les compétences en éducation musicale
4.3.1 Rappels sur la « compétence »
4.3.2 Mécanique de l’enseignement musical
4.3.3 Conclusion
5 Remerciement

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *