Absorption et utilisation des AA par les cellules de l’épithélium intestinal

ADAPTATION DES PROCESSUS DIGESTIFS ET SPLANCHNIQUES D’ASSIMILATION AUX VARIATIONS DE L’APPORT PROTEIQUE ALIMENTAIRE

Vidange gastrique & transit intestinal

Les protéines ingérées sont digérées et absorbées dans le tube digestif (Figure 3). La première étape se déroule au niveau gastrique où les protéines sont dénaturées et partiellement dégradées par la pepsine en présence d’HCl. Les produits de cette dégradation sortent progressivement de l’estomac via le pylore et sont libérés dans l’intestin grêle où ils sont hydrolysés par des enzymes pancréatiques et des enzymes de la membrane de bordure en brosse avant d’être finalement absorbés par la muqueuse. L’équipe de Peraino (1959) a travaillé sur les facteurs alimentaires affectant la digestion de la caséine chez le rat. Dans leurs travaux, les animaux étaient préalablement adaptés à ingérer leur consommation quotidienne de protéines en une période unique de 2 heures, la même tous les jours et à partir d’un régime à 15% de protéines. Le repas test était composé de 5 grammes de nourriture (exception faite lorsque la taille du repas était la variable testée) et était ingéré en une vingtaine de minutes. Les auteurs se sont intéressés à l’influence de la taille du repas, de sa teneur en protéines (0, 15, 30 ou 50%) et en lipides et de la nature des glucides ingérés en même temps que la caséine (dextrine ou saccharose) sur certains paramètres caractéristiques de la digestion. La figure 4 présente les résultats obtenus concernant la vidange gastrique en fonction de la teneur en protéines du repas, le glucide utilisé étant alors la dextrine.

Les résultats obtenus montraient que plus la teneur en protéines augmentait, plus la vitesse globale de la vidange gastrique du repas test était réduite. La figure 5 représente les quantités d’azote disparaissant du tractus digestif (estomac + intestin grêle) en fonction de la teneur en protéines du régime. Ces quantités étaient très nettement supérieures dans le cas de l’ingestion du régime à 50% de protéines. De plus, les auteurs démontraient aussi qu’un repas de petite taille était plus rapidement évacué par l’estomac qu’un repas plus important. Les auteurs ont avancé différentes explications aux résultats observés : (a) une modification des caractéristiques physiques du régime due à l’augmentation de la teneur en protéines ou (b) le fait qu’une teneur plus élevée en protéines dans l’estomac pourrait avoir un effet tampon plus marqué sur la sécrétion d’HCl par les cellules pariétales, entraînant une baisse de l’activité de la pepsine, le pH de l’environnement gastrique n’étant pas optimal. Les auteurs n’observaient pas d’accumulation d’azote dans la lumière intestinale quelle que soit la condition nutritionnelle, celui-ci étant rapidement absorbé. En fait, le tube digestif semblait capable de digérer et d’absorber des quantités très importantes d’azote alimentaire (par unité de temps après le repas) quand le régime contenait 50% de protéines. L’absorption des AA alimentaires ne semblait donc pas être une étape limitante. La conclusion de cette étude était que le passage des nutriments vers leurs voies d’utilisation corporelles était à la fois fonction du type et de la quantité de nourriture ingérée. Le contrôle de la vidange gastrique est en fait assuré par la teneur du repas en énergie (Hunt & Stubbs, 1975 ; Jian et al., 1986) et la nature des nutriments absorbés, c’està-dire lipidique, glucidique ou protéique (Burn-Murdoch et al., 1978). Hara et al. (1992) ont aussi démontré un effet de la nature même de la protéine (caséine vs soja). Boirie et al. (1997) ont introduit le concept de “protéines lentes” / “protéines rapides” (comme par exemple caséine vs protéines du lactosérum) en montrant que le ralentissement de la vidange gastrique dans les cas des protéines lentes avait des conséquences sur leur utilisation métabolique ultérieure. Des protéines dites “rapides” seront rapidement évacuées dans l’intestin, et absorbées. D’où une hyperaminoacidémie rapide et importante, mais de courte durée entraînant une augmentation de la synthèse protéique et de l’oxydation des AA alimentaires sans modification de la dégradation. Au contraire des protéines dites “lentes” seront absorbées beaucoup plus lentement, les concentrations plasmatiques en AA s’élèveront plus lentement mais pour une durée plus importante d’où une faible augmentation de la synthèse protéique, une stimulation modérée de l’oxydation et une nette inhibition de la dégradation protéique. Une protéine digérée plus lentement va être mieux utilisée en phase postprandiale et sera considérée comme de meilleure qualité (Dangin et al., 2001). De même, il a été démontré que la vidange gastrique d’une protéine entière était plus lente que celle d’un mélange d’AA de composition équivalente (Daenzer et al., 2001), ceci pouvant très certainement s’expliquer par la précipitation de la protéine entière dans l’estomac. Shi et al. (1997) ont eux travaillé sur les effets d’une adaptation à un certain niveau d’apport sur la vidange gastrique d’un repas test liquide composé de peptones à 40%. Trois niveaux d’apport ont été évalués : hyperprotéique (55,9 g de protéines pour 100 g de nourriture), normoprotéique (17,0 g de protéines pour 100 g de nourriture) et hypoprotéique (9,2 g de protéines pour 100 g de nouriture). Les auteurs ont démontré, contrairement à Peraino et al., qu’une adaptation à un régime hyperprotéique entraînait une accélération de la vidange du repas test, alors qu’une adaptation à un régime hypoprotéique entraînait au contraire un ralentissement de celle-ci. Enfin, il était montré que 2 semaines au moins étaient nécessaires à la mise en place de ces phénomènes (Figures 6 et 7). Ce résultat n’était observé que sur un repas test composé d’un mélange peptidique, et non sur un repas contenant uniquement du glucose ou de la méthylcellulose.

Le transit intestinal est aussi sensible à la composition en protéines du repas absorbé. Hara et al. (1992) ont ainsi démontré que le transit intestinal était plus rapide après l’ingestion d’un repas à base de protéines de soja qu’après un repas à base de caséine. La quantité de protéines ingérées est aussi un facteur intervenant dans le contrôle du transit : Zhao et al. (1996 & 1997) ont ainsi démontré, chez le chien équipé de fistules duodénale et mid-intestinale, que plus la dose ingérée était importante, plus le transit intestinal était réduit (Figure 8). Enfin, plusieurs équipes ont démontré qu’un rétrocontrôle du transit intestinal pouvait être induit par des nutriments au niveau de l’iléon, c’est le “frein iléal” proposé par Read et al. (1984) qui postule que la présence d’aliments dans la lumière de l’iléon terminal pourrait stimuler l’absorption des nutriments en retardant le passage de la nourriture dans l’intestin grêle et en permettant donc un allongement du temps d’absorption (Siegle et al., 1990 ; Spiller et al. 1984).

Enzymes impliquées dans la digestion

Les enzymes digestives (pepsine, trypsine, chymotrypsine …) sont elles aussi sensibles aux caractéristiques du repas ingéré et du régime alimentaire habituel. Ainsi, un régime riche en protéines induit une croissance du pancréas et une stimulation de la sécrétion pancréatique de peptidases. Nishi et al. (1998) ont par exemple démontré que la fonction sécrétrice exocrine du pancréas était très fortement stimulée par une perfusion duodénale d’un hydrolysat peptidique de caséine chez des rats ayant subi une déviation du canal pancréatique. L’activité des enzymes digestives pancréatiques est stimulée après 3 jours de régime hyperprotéique (Figure 9). Chez le rat, les teneurs pancréatiques en trypsinogène et chymotrypsinogène sont plus élevées lorsque l’animal consomme un régime riche en AA (7,5 g d’azote.kg-1) par rapport à un régime normal (2,5 g d’azote.kg-1) (Hara et al., 1995). La cholécystokinine (CCK) produite par les cellules intestinales pourrait être impliquée dans la médiation de ces phénomènes (Hara et al., 2000), sa participation dans une boucle de rétrocontrôle initiée par les protéines alimentaires au niveau des cellules épithéliales semblant établie (Brannon, 1990).

La source protéique alimentaire a aussi un rôle sur la stimulation des enzymes de la digestion. Ainsi, Makkink et al. (1994) ont démontré, chez le jeune porc, que le rapport entre l’activité de la trypsine et celle de la chymotrypsine dans le chyme jéjunal était plus élevé chez les animaux ingérant des protéines de soja que chez ceux ingérant des protéines de lait. Une diminution de l’activité de la plupart des enzymes digestives lors de l’ingestion d’un régime à base de protéines de soja a aussi été démontrée chez le veau (Montagne et al., 1999). La quantification de l’azote endogène contenu dans les sécrétions intestinales permet aussi d’évaluer l’effet du repas ingéré sur les enzymes digestives. En effet, celles-ci représentent la majeure partie des protéines endogènes présentes dans la lumière intestinale en période postprandiale. Gaudichon et al. (1996) ont ainsi démontré la présence d’enzymes rapidement synthétisées (taux de synthèse moyen égal à 25%.h-1), d’origine pancréatique. De plus, il a aussi été montré que le flux d’azote endogène était stimulé lors de l’ingestion d’un repas (Gaudichon et al., 1995), Les enzymes de la bordure en brosse de l’intestin grêle sont, elles aussi, sensibles au niveau d’apport protéique. Jean et al. (2001) ont par exemple démontré, chez le rat, qu’une adaptation à un régime riche en protéines (50% MS) entraînait une augmentation significative de l’activité des enzymes de la bordure en brosse tout le long de l’intestin : ainsi, l’activité de l’aminopeptidase neutre était augmentée de 19%, et celle de la γ glutamyltransférase de 35%. Des résultats similaires ont été obtenus par Saito & Suda (1975) pour la leucine aminopeptidase dans le cas d’un régime riche en protéines, par Suzuki et al. (1993) pour l’ACE (Angiotensin converting enzyme) et la DPP IV (Dipeptidyl peptidase IV) dans le cas d’un régime riche en proline et par McCarthy et al. (1980) pour la peptide hydrolase et les phosphatases alcalines, surtout au niveau iléal dans le cas d’un régime riche en protéines chez le rat.

La modulation des cinétiques digestives constitue donc chronologiquement la première étape permettant de répondre à une variation de l’apport protéique alimentaire. La zone splanchnique est ensuite impliquée et joue un rôle majeur, celui de « zone tampon » dans la régulation des effets d’une modification de l’apport protéique alimentaire.

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Table des matières

A INTRODUCTION GENERALE
B DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES
B.1 ADAPTATION DES PROCESSUS DIGESTIFS ET SPLANCHNIQUES D’ASSIMILATION AUX VARIATIONS DE L’APPORT PROTEIQUE ALIMENTAIRE
B.1.1 Vidange gastrique & transit intestinal
B.1.2 Enzymes impliquées dans la digestion
B.1.3 Absorption et utilisation des AA par les cellules de l’épithélium intestinal
B.1.4 Métabolisme hépatique
B.1.4.1 Transport & flux hépatiques d’acides aminés.
B.1.4.2 Transaminations, désaminations et cycle de l’urée
B.1.4.3 Cétogénèse et néoglucogénèse.
B.1.4.4 Synthèses protéiques hépatiques
B.2 ADAPTATION DU METABOLISME INTERMEDIAIRE ET DES ZONES PERIPHERIQUES CORPORELLES A DES VARIATIONS QUALITATIVES & QUANTITATIVES DE L’APPORT PROTEIQUE ALIMENTAIRE
B.2.1 Acides aminés plasmatiques
B.2.2 Métabolisme des acides aminés dans le muscle squelettique
B.2.2.1 Effet d’un apport exogène d’acides aminés ou de protéines
B.2.2.2 Mécanisme de contrôle de la synthèse protéique musculaire.
B.2.2.2.1 Par les acides aminés à chaîne latérale ramifiée et par la leucine tout particulièrement?
B.2.2.2.2 Par l’insuline?
B.2.2.3 Y-a-t-il un effet du niveau d’apport protéique alimentaire sur la synthèse protéique musculaire?
B.2.2.4 Autres utilisations métaboliques des acides aminés au niveau musculaire
B.2.3 Métabolisme des acides aminés dans le rein
B.2.3.1 Synthèse et dégradation protéiques rénales.
B.2.3.2 Fonction majeure du rein : l’excrétion des déchets du métabolisme azoté.
B.2.4 Autres organes périphériques
B.2.4.1 Peau
B.2.4.2 Cerveau.
B.2.4.3 Poumons
B.2.5 Flux inter-organes d’acides aminés. Synthèse & dégradation protéique au niveau du corps entier
B.2.5.1 Résumé des flux inter-organes importants d’acides aminés.
B.2.5.2 Effet d’un apport protéique alimentaire sur la synthèse et la dégradation des protéines corporelles.
B.3 CONTROLE DE L’INGESTION PROTEIQUE
B.3.1 Système central impliqué dans le contrôle de la prise alimentaire
B.3.1.1 Zones cérébrales impliquées dans le contrôle de la prise alimentaire
B.3.1.2 Monoamines cérébrales impliquées dans le contrôle de la prise alimentaire
B.3.1.3 Autres neurotransmetteurs centraux : neuropeptides impliquées dans la transmission
cérébrale des signaux périphériques (leptine et insuline).
B.3.2 Réduction de la prise alimentaire observée lors de la première ingestion d’un régime hyperprotéique
B.3.3 Hypothèses avancées pour expliquer le contrôle de l’ingestion protéique
B.3.3.1 Phénomènes pré-absorptifs (digestifs).
B.3.3.2 Phénomènes post-absorptifs
C TRAVAUX PERSONNELS
D MATERIELS & METHODES
D.1 PRINCIPE DES EXPERIMENTATIONS.
D.1.1 Principes de l’utilisation des isotopes stables.
D.1.2 Marquage de l’azote exogène.
D.2 PROTOCOLES EXPERIMENTAUX
D.2.1 ETUDE 1 : Effet de la source protéique alimentaire (Lait ou Soja) sur le métabolisme digestif de l’azote et des acides aminés alimentaires
D.2.1.1 Mesure de la digestibilité cæcale des protéines de lait et de soja chez le rat
D.2.1.2 Mesure de la digestibilité iléale des acides aminés des protéines de lait et de soja chez l’homme
D.2.2 ETUDE 2 : Effets d’une variation aiguë de ou chronique du niveau d’apport protéique alimentaire sur le métabolisme protéique postprandial chez le rat
D.2.2.1 Suivi postprandial de l’azote exogène après un repas hyperprotéique chez le rat adapté ou non à un niveau d’apport élevé en protéines
D.2.2.1.1 Conditionnement des animaux
D.2.2.1.2 Protocole expérimental
D.2.2.2 Effet d’une augmentation aiguë de l’apport protéique alimentaire sur la thermogénèse postprandiale
D.2.2.2.1 Conditionnement des animaux
D.2.2.2.2 Implantation d’un cathéter jugulaire pour le prélèvement chronique de sang
D.2.2.2.3 Calorimétrie
D.2.2.3 Variations des concentrations en neurotransmetteurs dans 3 zones cérébrales en relation avec les modifications de la prise alimentaire induites par un régime hyperprotéique chez le rat
D.2.2.3.1 Conditionnement des animaux
D.2.2.3.2 Protocole expérimental
D.2.3 ETUDE 3 : Influence d’une adaptation à un régime hyperprotéique sur l’utilisation postprandiale des protéines alimentaires chez l’homme. Effet de la source protéique (lait ou soja)
D.2.3.1 Volontaires
D.2.3.2 Régimes d’adaptation
D.2.3.3 Repas expérimentaux
D.2.3.4 Protocole expérimental
E CONCLUSION

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