Activation transcriptionnelle des cellules cancéreuses mammaires

La glande mammaire

   Sur l’échelle du temps de l’apparition des organes, la glande mammaire est une acquisition récente. Cet organe est apparu il y a 200 millions d’années avec le besoin pour les mammifères de nourrir leur progéniture. Le tissu épithélial de la glande mammaire est un organe qui est composé de deux types cellulaires. Les premières sont les cellules épithéliales luminales qui délimitent la lumière des alvéoles sécrétrices et produisent les protéines contenues dans le lait maternel. Les secondes sont les cellules myoépithéliales qui sont des cellules musculaires autonomes capables de se contracter en réponses aux sollicitations hormonales. Contrairement aux autres organes, qui sont formés durant l’embryogenèse et qui conservent ensuite leur architecture tout le long de la vie adulte, la glande mammaire est soumise à des changements majeurs de sa morphologie à plusieurs stades de la vie adulte (Hennighausen and Robinson, 2005). Chez les humains, l’épithélium mammaire est formé d’un réseau de canaux interconnectés situés dans le tissu mammaire graisseux (Howard and Gusterson, 2000). Durant la puberté la croissance canalaire augmente rapidement grâce à une stimulation hormonale pour former un réseau mature (Howard and Gusterson, 2000). Le stade final de différenciation se fait pendant la grossesse et l’allaitement par la formation de structures en acini, qui contiennent les alvéoles sécrétrices de lait, grâce à une forte prolifération cellulaire suivie d’une étape de différenciation terminale (cf. figure 1 pour une vision schématique de la structure de la glande mammaire). Après le sevrage, la fin de la lactation est accompagnée d’une apoptose massive et d’un remodelage des tissus afin que la glande mammaire puisse reprendre sa structure originelle (Strange et al., 2001). Le tissu épithélial mammaire est donc composé de cellules qui ont un très fort pouvoir prolifératif ainsi que d’un potentiel de différenciation important. Ce fort pouvoir prolifératif est soumis à un contrôle strict mais est exploité à de nombreuses reprises dans la vie d’une femme afin de répondre à ses besoins physiologiques. Malheureusement il arrive que les cellules épithéliales mammaires échappent aux mécanismes de contrôle de la prolifération et forment des tumeurs. Le cancer du sein est la principale cause de mortalité par cancer chez la femme européenne. C’est un grave problème de santé publique puisqu’il touche 1 femme sur 10 et provoque 20 % des décès par cancer. Il s’agit d’une affection maligne multifactorielle dont les mécanismes sont, dans l’ensemble, encore mal compris. Cette incompréhension peut expliquer en partie que la mortalité n’ait pratiquement pas diminué depuis plus de 25 ans. Les hormones stéroïdes, notamment les oestrogènes, jouent un rôle fondamental dans la genèse et la progression du cancer du sein humain. Des observations de Beatson, en 1896, avaient déjà établi l’importance de la régulation endocrine ovarienne sur le contrôle de la croissance métastatique du cancer du sein (Beatson, 1896). Soixante ans plus tard Elwood Jensen et ses collaborateurs ont montré que l’oestradiol était spécifiquement retenu dans les tissus cible de cette hormone. Cela amena à la découverte que l’action intracellulaire de l’oestradiol était assurée par un récepteur liant avec une haute affinité cette hormone (Jensen, 1962). Ce récepteur, initiant les effets des oestrogènes dans les tissus cibles des stéroïdes (Toft and Gorski, 1966) et présent dans les tumeurs mammaires (Jensen et al., 1969) a été identifié et nommé le récepteur des oestrogènes (RE). Le développement des ligands radio marqués a montré la présence des oestrogènes dans les noyaux des cellules, suggérant un rôle des oestrogènes dans le contrôle de la transcription (Jensen, 1966). Aujourd’hui, le RE est utilisé comme marqueur de pronostic dans les cancers mammaires. Son expression détermine si une thérapie anti-hormonale peut être associée aux thérapies classiques. Les anti-oestrogènes, antagonistes des oestrogènes, sont un outil clinique de choix pour la prévention et le traitement du cancer du sein hormono-dépendant pour sa croissance. Le Tamoxifène étant le plus couramment utilisé. Des études cliniques ont montré que chez les patientes atteintes de cancer du sein, le taux de mortalité après 5 à 10 ans est réduit de 20 à 25 % par ce traitement. Malheureusement chez les patients métastatiques, pour des raisons encore inexpliquées, il apparaît systématiquement une résistance à cette thérapie anti-hormonale au bout d’environ 3 ans de traitement. Toutefois dans la majorité des cas l’expression du REα est maintenue dans ce type de tumeurs et son activité continue à réguler la croissance tumorale. Au niveau moléculaire les mécanismes potentiellement responsables de l’apparition de résistance au anti oestrogènes sont multiples :
– des mutations du REα entraînant une hyper sensibilité à l’oestradiol ou une interaction accrue avec ses co-activateurs et résultant en une activité plus importante du REα
– une augmentation ou une baisse, respectivement, du taux de co activateur/corépresseur du REα, qui entraînent une altération de la réponse au Tamoxifène
– des modifications post-traductionnelles, essentiellement des phosphorylations, du REα ou bien de ses co-facteurs qui entraînent une activation ligand indépendante du REα. Les facteurs de croissance qui activent de nombreuses voies de transduction du signal dans la cellule sont, pour la plus grande partie, responsables de ces modifications.
Les facteurs de croissance paraissent jouer un rôle important dans ces phénomènes de résistance. La plus grande partie de mes travaux de thèse ont consisté a mieux comprendre le dialogue qui existe entre oestrogènes et facteurs de croissance au niveau des mécanismes moléculaires d’action du REα. Nous avons choisi le facteur de croissance IGF-I car c’est un facteur impliqué dans le développement normal de la glande mammaire (Ruan and Kleinberg, 1999) et sa dérégulation peut être la cause du développement de tumeurs mammaires (Lee and Yee, 1995) ou d’apparition de résistance aux anti oestrogènes (Nicholson and Gee, 2000). De nombreuses stratégies ont été développées pour bloquer différentes étapes du système IGF-I (pour des revues récentes : (Larsson et al., 2005; Yee, 2006)). Beaucoup de ces stratégies ont donné des résultats encourageants, pourtant certains problèmes demeurent, notamment sur l’efficacité à long terme de ces thérapies et de leur toxicité. Ainsi dans la pathologie du cancer du sein une étude plus approfondie du système IGF-I et de ses interactions avec le REα reste nécessaire.

Les oestrogènes

    Le ligand naturel du récepteur des œstrogènes est l’œstradiol (voir figure 5). C’est une hormone stéroïde synthétisée principalement dans l’ovaire qui agit sur de nombreux organes cibles, en particulier ceux du système reproductif femelle (glande mammaire, ovaire, utérus et vagin). Mais les œstrogènes jouent aussi un rôle important dans le maintien de la minéralisation osseuse et dans le système cardio-vasculaire où ils ont un effet « protecteur ». Les œstrogènes sont des dérivés du cholestérol et sont lipophiles. Ils diffusent librement à travers la bicouche lipidique de la membrane cellulaire et sont retenus avec une haute affinité et une grande spécificité dans les cellules cibles par le récepteur des œstrogènes.

Rôle dans l’os

   Les oestrogènes jouent un rôle dans la croissance de l’os (ostéoblastes et ostéoclastes) lors de la puberté et dans son renouvellement à l’âge adulte. Chez les hommes comme chez les femmes, une déficience en œstrogènes est associée à une hausse du remodelage de la structure osseuse pouvant conduire à une ostéoporose (Manolagas, 2000; Manolagas et al., 2002; Riggs et al., 1998, 2002). REα et REβ sont exprimés dans les mêmes proportions dans les ostéoblastes mais aussi, dans des quantités plus faibles, dans les ostéoclastes. L’effet des oestrogènes sur le tissus osseux se traduit par une fonction pro apoptotique dans les ostéoclastes et une fonction anti apoptotique dans les ostéoblastes (Manolagas et al., 2002).

Identification des cofacteurs interagissant avec le domaine AF2 du REα

    Les premiers partenaires du REα ont été identifiés par Halachimi et ses collaborateurs qui ont utilisés le domaine LBD du REα, lié à l’oestradiol, pour purifier une protéines de 160 kilodaltons appelée ERα Associatied Protein (ERAP 160) (Halachmi et al., 1994) dont l’interaction avec REα requiert un domaine AF2 intact. De plus, bien que la protéine ERAP 160 puisse interagir avec les autres récepteurs nucléaires, elle n’interagit pas avec les autres facteurs de transcription, ce qui indique qu’il existe un certain degré de spécificité. Ensuite des études ultérieures ont mis en évidence d’autres facteurs interagissant avec le REα et les autres récepteurs nucléaires dont on peut citer TIF1 (Transcription Intermediary Factor 1), RIP 140 et RIP 160 (Receptor Interacting Proteins 140 et 160), hRPF1 (human Receptor Potentiating Factor 1) etc.(pour une revue complète sur ces partenaires du REα (McKenna et al., 1999)et cf. table 2). Mais ce n’est qu’avec le clonage et la caractérisation de SRC1 (Streoid Receptor Coactivator 1) qu’un rôle spécifique de cette classe de protéines sur l’action du REα a été établi. SRC1 a été identifié par double hybride en utilisant le domaine LBD du récepteur de la progestérone comme appât. Il a ensuite été montré que SRC1 interagissait avec le REα et qu’il potentialisait son activité transcriptionnelle de manière ligand dépendante (Onate et al., 1995). De plus la surexpression de SRC1 est capable d’annuler l’effet de squelching causé par la surexpression de REα sur l’activité transcriptionnelle du récepteur de la progestérone (PR). Cela suggère que SRC1 fait partie de ces facteurs, présents en quantité limitante, qui modulent l’activité des récepteurs nucléaires (RN) (Onate et al., 1995). Le clonage de SRC1 a ensuite permit de découvrir une famille de co-activateurs ayant des homologies structurelles et fonctionnelles avec SRC1. Cette famille a été appelée famille des p160 et est composée de trois membres : SRC1 (ou NCoA1), SRC2 (ou GRIP1, TIF2, NCoA2) et SRC3 (ou AIB1, ACTR, p/CIP, RAC3, TRAM1, NCoA3) (Anzick et al., 1997; Chen et al., 1997; Hong et al., 1997; Kamei et al., 1996; Li et al., 1997; Onate et al., 1995; Torchia et al., 1997; Voegel et al., 1996). Ces co-activateurs ont une activité histone acétyltransférase (HAT) qui permet un remodelage plus aisé de la chromatine des gènes cibles (McDonnell and Norris, 2002).

L’IGF-I dans le développement normal de la glande mammaire

   Le développement de la glande mammaire peut se diviser en sept étapes (pour une revue (Laban et al., 2003)). Les hormones de croissance ainsi que l’IGF-I sont essentiels pour chacune de ces étapes. De plus l’IGF-I est essentiel pour la morphogenèse des canaux mammaires, en son absence la glande mammaire ne se développe pas, même en présence d’oestrogènes (Ruan and Kleinberg, 1999). L’IGF-I joue aussi un rôle dans la physiologie de la glande mammaire adulte pendant la lactation. Des souris transgéniques allaitant qui sur expriment le produit du gène Igf1 (codant le peptide IGF-I) souffrent d’hypertrophie des canaux mammaires (Hadsell et al., 1996).

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Table des matières

INTRODUCTION
A/ La glande mammaire
B/ Le REα : structure, fonction et rôle physiologique
1/ Synthèse, structure et pharmacologie du RE
a/ Découverte du RE
b/ Structure du RE
c/ Les gènes codant REα et REβ
d/ Les ligands du RE
Les oestrogènes
Les anti-oestrogènes
Les phyto-oestrogènes
e/ Modèle d’étude : le gène oestrogéno-régulé pS2/TFF1
2/ Rôle biologique des REs
a/ Expression tissulaire
b/ Rôle dans l’appareil reproducteur
c/ Rôle dans l’os
d/ Rôle dans le système cardio-vasculaire
e/ Rôle dans le cerveau
C/ Mécanismes moléculaires d’action du REα et leurs régulations
1/ Activation du REα : du ligand a la liaison à l’ADN
a/ HSP90
b/ Liaison du ligand
c/ Changement de conformation
d/ Dimérisation
e/ Liaison du RE à l’ADN
Fixation directe à l’ADN : les EREs
Le « docking » : interaction du RE avec un facteur liant l’ADN
2/ Les partenaires du REα dans l’activation de la transcription
a/ Mise en évidence des facteurs modulant l’activité du REα
b/ Identification des cofacteurs interagissant avec le domaine AF2 du REα
c/ Interaction entre REα et p160
d/ Les co-activateurs spécifiques du domaine AF1
e/ Les co-activateurs indirects du REα
f/ Les co-répresseurs du REα
Les co-répresseurs physiologiques
Les co-répresseurs du REα complexé aux anti-oestrogènes
3/ Impact des voies de signalisation sur l’activité transcriptionnelle du REα
a/ Les Sites de phosphorylation du REα
b/ Impact de la phosphorylation du REα sur son activité transcriptionnelle
c/ Impact des voies de signalisations sur les co-régulateurs du REα
d/ Les autres modifications post traductionnelles du REα
D/ La voie de signalisation IGF-I
1/ Rôle physiologique et physiopathologique de l’IGF-I
a/ L’IGF-I dans le développement normal de la glande mammaire
b/ Effets de l’IGF-I sur le reste de l’organisme
c/ IGF-I et cancer du sein
2/ La cascade de signalisation IGF-I : du facteur de croissance au noyau
a/ Du peptide a la membrane cytoplasmique
Les ligands IGF
Expression de IGF-I et IGF-II
Les récepteurs IGF
Les IGFBPs
Structure et Activation du IGF-RI
b/ De la membrane cytoplasmique au cytoplasme
La voie PI3 kinase/AKT
Survie cellulaire
Prolifération
Croissance cellulaire
La voie Ras
c/ Effets nucléaires de l’IGF-I
NF-κB
CREB
ETS
c-Myc
3/ Régulation de la voie IGF-I et connections avec les autres voies de signalisation
a/ Les protéines tyrosines phosphatases
b/ Dialogue entre oestradiol et IGF-I
c/ Connexions entre la voie IGF-I et d’autres voies de transduction de signal
E/ Le complexe AP1
1/Présentation générale du complexe
a/ La famille des protéines AP1
b/ Rôle du complexe AP1 dans le développement du cancer
c/ Antagonisme entre les différents composants du complexe AP1
2/ Les fonctions spécifiques du complexe AP1
a/ Dans la prolifération cellulaire
b/ Dans la survie cellulaire
c/ Dans l’angiogénèse
3/ La régulation de l’activité du complexe AP1
a/ La composition des dimères
b/ Les régulations transcriptionnelles et les modifications posttraductionnelles
c/ Les partenaires du complexe AP1 pour l’activation transcriptionnelle
d/ Le REα et complexe AP1
F/ Objectif des travaux
RESULTATS
Partie I : Dialogue entre le récepteur des oestrogènes α et le facteur de croissance IGF-I dans l’activation transcriptionnelle des cellules cancéreuses mammaires
Publication: “Estrogen receptor and the AP1 complex cooperate during IGF-I- induced transcriptional activation of the pS2TFF1 gene”
Partie II : Purification de complexes protéiques associés au REα
Résultats
1/ Construction et validation du vecteur HTF-RE
a – Construction du vecteur HTF-RE
b – Test de fonctionnalité de la protéine de fusion HTF-RE
c – Etude des conditions d’expression de la protéine de fusion HTF-RE
d – Reconnaissance des épitopes HA et FLAG en milieu non dénaturant
e – Etude cinétique du clivage de la protéine de fusion HTF-RE par la TEV
2/ Développement et caractérisation des lignées stables
a – Construction des lignées stables exprimant le HTF-RE
b – Caractérisation des lignées cellulaires exprimant HTF-RE
DISCUSSION
Le dialogue entre IGF-I et REα
Purification de complexes protéiques associés au REα : perspectives
1/ Bases moléculaires du fonctionnement des ligands du REα
2/Mécanismes moléculaires d’action du REα stimulé par le facteur de croissance IGF-I
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES

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