Acides nucléiques circulants (ADNcf)

Acides nucléiques circulants (ADNcf)

Depuis les travaux de P. Mandel et P. Métais en 1948, il est clairement établi que le sang véhicule une petite quantité d’ADN libre circulant provenant de la libération de matériel génétique par les tissus. Cet ADN libre circulant sans cellule (ADNcf) est sous la forme d’ADN double-brin d’une taille moyenne de 150-180pb correspondant à l’enroulement de l’ADN autour du nucléosome (Figure 1). Sa durée de vie est de moins de deux heures, avant qu’il ne soit filtré et éliminé de la circulation sanguine par la rate, le foie et les reins. Son origine n’est pas encore parfaitement élucidée mais serait liés à 3 phénomènes : l’apoptose, la nécrose et dans une moindre mesure la sécrétion active. Chez les individus sains, l’ADNcf provient essentiellement des cellules en apoptose (1). Les longueurs des fragments d’ADN sont dans ce cas généralement comprises entre 185-200 pb (2). En revanche, dans les tissus cancéreux, la taille de l’ADN circulant varie beaucoup, car outre l’apoptose, la nécrose et l’autophagie sont responsables de la mort des cellules cancéreuses, les fragments peuvent atteindre jusqu’à des tailles telles que 450-500 pb (3, 4 et 5).

Toutes les études s’accordent en une détection faible d’ADNcf chez les individus sains et en son augmentation dans différentes situations cliniques telles que les accidents vasculaires cérébraux et infarctus du myocarde, les exercices musculaires intensifs, l’insuffisance rénale aigue, la cytolyse hépatique, les traumatismes, la chirurgie et le cancer. S. Jahr et al. (6) ont rapporté des concentrations comprises entre 10 -1 200 ng/ml pour les patients atteints de cancer, avec une moyenne de 219 ng/ml. En comparaison, le sang des individus sains inclus dans cette étude contenait en moyenne 3,7 ng/ml d’ADNcf. On retrouve également de l’ADN circulant fœtal circulant chez les femmes enceintes.

Actuellement, la quantification de l’ADNcf est réalisée par des techniques spectrophotométriques et/ou fluorométriques, par PCR quantitative (7), ou par des techniques plus récentes et innovantes comme le séquençage de nouvelle génération (NGS) ou la PCR digitale (ddPCR). Au laboratoire HLA de l’EFS PACA, la technologie de PCR digitale a été retenue car plus sensible (sensibilité : 1 à 10% pour la NGS versus 2 % pour la ddPCR (8)) et plus rapide (temps d’analyse : 24-36h pour la NGS versus 1h pour la ddPCR). Le principe de la ddPCR repose sur une dilution limite de l’échantillon d’ADN dans des millions de microgouttelettes. L’échantillon est partitionné pour que chaque goutte contienne tout au plus une molécule d’ADN et le mélange réactionnel nécessaire à la réaction de PCR. Chaque microgouttelette est analysée individuellement.

L’analyse des tailles de l’ADNcf se fait par des techniques électrophorétiques. Parmi les plus communément répandus, l’Experion (BIORAD), le Bioanalyzer et le Tapestation (Agilent), le QIAxcel (Qiagen), le LabChip® GX Touch™ (PerkinElmer) peuvent être cités. Les dispositifs les plus sensibles détectent des concentrations inférieures au ng/µL (9, 10, 11). Dans notre laboratoire nous utilisons un système innovant d’électrophorèse capillaire, nommée BIABooster. Ce système basé sur la technologie µLAS, permet de réaliser simultanément des opérations de concentration et de séparation de l’ADN. Avec ce système, la limite de détection est de 10 fg/uL (12).

Photochimiothérapie extracorporelle

La PCE s’est développée au début des années 1980 suite aux travaux de recherche d’Edelson, un dermatologue américain, sur le traitement du lymphome cutané à cellules T (LCTC) (13). Il s’agit de la première immunothérapie ciblée contre un cancer autorisée par la Food and Drug Administration (FDA). La première indication était donc le LCTC érythrodermique à un stade avancé présentant des cellules malignes circulantes (14). Depuis, il y a eu extensions à plusieurs autres pathologies (maladies auto-immune (MAI), maladie du greffon contre l’hôte (GvH), rejet de greffe d’organe solide etc. (15).

La photophorèse se déroule en plusieurs étapes successives (Figure 2). Après le prélèvement par aphérèse des cellules mononucléées, ces dernières sont mises en présence d’un agent photosensibilisant, le 8-Methoxypsoraléne (8-MOP), et irradiées ex vivo par rayonnement UV-A (320-400nm) (2J/cm2) avant leur réinjection par voie intraveineuse au patient (14). Le tout peut être réalisé en système fermé ou en système ouvert. Dans un système fermé, toutes les étapes sont réalisées en ligne, en une seule opération et au sein d’un même dispositif. Dans un système ouvert, l’aphérèse cellulaire et l’irradiation sont réalisées par deux appareils distincts.

Encore à ce jour, les mécanismes d’action de la PCE ne sont pas complétement élucidés. Il semblerait, que la PCE induit un effet anti-mitotique et pro-apoptotique sur les lymphocytes traités. Après ré-infusion, les lymphocytes traités subissent une apoptose dans les 48 à 72h (16, 17, 18 et 19). Les lymphocytes T apoptotiques, seraient pris en charge par les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) non traitées du patient. Ceci serait l’élément initial, car induisant une immunomodulation spécifique (20, 21 et 22).

Contexte

Aujourd’hui, il n’existe pas d’étude clinique prospective, contre placébo et randomisée permettant d’évaluer l’impact de la PCE dans le traitement du LCTC (23). Etant une maladie orpheline, la mise en place d’études cliniques de haut niveau de preuve est difficile. Les études menées suggèrent cependant que la PCE, seule ou en combinaison avec d’autres immunomodulateurs, est le traitement le plus efficace contre le LCTC et les formes érythrodermique du mycosis fongoïde avec 25 à 88 % de réponse globale dont 10 à 20% sont des réponses complètes (24). Le rapport de la HAS en 2010 a conclu que la PCE améliore la rémission clinique et hématologique ainsi que la qualité de vie des patients. Le choix du nombre et de la fréquence des séances dépend de l’évolutivité, de la masse tumorale et de la réponse du patient au traitement. Actuellement, selon les centres, le nombre de séances varie de 2 à 10 séances par mois (HAS, 2010). Les critères d’évaluation de la réponse à la PCE dans le LCTC sont cliniques (régression des atteintes cutanées et ganglionnaire) et biologique (diminution du clone T) (25, 26). La réponse à la PCE doit être évaluée tous les trois mois en vue du maintien ou de la modification du traitement (15, 23). Un délai de six mois est nécessaire avant que l’on puisse se prononcer sur l’absence d’efficacité de la PCE (23). En effet le délai moyen de réponse observé est de 5 à 6 mois et certains patients ne montrent une réponse clinique qu’après 10 mois de traitement (24, INESS 2016).

L’efficacité de la PCE lors de la GVH aigu varie selon le type d’organe atteint. Dans leur revue systématique, Abu-Dalle et coll. [2014] (portant sur 9 études prospectives regroupant 323 patients ) et Zhang et coll. [2015] (portant sur 7 études prospectives regroupant 121 patients) rapportent un taux de réponse globale de 69% (IC 95 % 34-95) et 71% [IC à 95 % : 54-89] et un taux de réponse complète de 53 % [IC à 95 % : 31-74] et 71 % (IC 95 % 58-84), respectivement (27, 28). Lors d’une GVH chronique, le taux de réponse à la PCE varie également selon le type d’atteinte. En effet, le taux de réponse est d’environ 70 % concernant la peau et les muqueuses et d’environ 50% concernant les autres types d’atteinte, excepté le poumon (15 à 48%). Les critères d’évaluation de la réponse thérapeutique de la GvH à la PCE sont appréciés en termes de diminution du traitement immunosuppresseur et de la régression des atteintes organiques (25). En ce qui concerne les transplantations d’organe, la PCE est indiquée pour le traitement et la prévention du rejet aigu récidivant et réfractaire, l’épargne des immunosuppresseurs chez les patients infectés et chez les patients présentant une lymphoprolifération post transplantation comme traitement complémentaire de l’immunosuppression standard [HAS, 2010]. L’efficacité de la PCE est évaluée en termes de diminution des immunosuppresseurs, de l’amélioration ou de la régression du stade de rejet (29, HAS 2010, INESS 2016). Ainsi, l’efficacité de la PCE est très variable ; elle est en fonction de la pathologie, du type d’atteinte, des patients… Les critères d’évaluation sont archaïques et relèvent essentiellement de l’appréciation de l’évolution clinique du patient. De plus, plusieurs semaines, voire plusieurs mois, sont nécessaire afin d’en évaluer l’efficacité, or il s’agit d’une thérapeutique coûteuse (environ 1200 Euros/séance (coût AP-HM)) et lourde nécessitant un milieu hospitalier.

Lorsque la PCE est réalisée en système ouvert, des contrôles qualité biologiques sont en sus menés sur la poche d’aphérèse cellulaire. De nombreuses études ont donc tentées d’identifier des facteurs prédictifs de la réponse à la PCE. Dans le LCTC, le taux de cellules de Sézary circulantes des patients constitue un critère important avant traitement par PCE, car leur taux est corrélé à la réponse thérapeutique (30). Des auteurs rapportent que le meilleur indice prédictif de la réponse à la PCE est le stade de GvH aiguë (31, 32). Il est considéré que les patients souffrant d’une réaction de GvH aiguë à un stade III ou IV, ou ayant un plus grand nombre d’organes atteints, ou des doses plus élevées de corticostéroïdes administrées en première intention ou n’étant pas en rémission complète après 3 mois de PCE sont généralement non répondeurs à la PCE (33). Dans le traitement de la réaction GVH chronique, une atteinte généralisée, une atteinte pulmonaire et des antécédents de réaction GvH aiguë ou de thrombopénie sont des facteurs prédictifs d’une moins bonne réponse à la PCE (31, 33). Dans le traitement du rejet chronique de transplantation pulmonaire, les patients atteints d’une Bronchiolite oblitérante de moins de 3 ans après la transplantation semblent mieux répondre à la PCE (29).

Ces facteurs prédictifs clinico-biologiques sont approximatifs et tardifs. D’autres auteurs ont tenté d’identifier un marqueur biologique pertinent de suivi et/ou d’évaluation de l’efficacité de la PCE. Rao et al [2006], avaient cherché à déterminer si des marqueurs, tels que la lactate déshydrogenase (LDH), le récepteur à l’interleukine 2, la néoptérine, la β2 microglobuline et le granzyme B pourraient être prédictifs de la réponse à la PCE. Mais aucune corrélation positive ou négative n’a pu être établie (34). Suite à son étude publiée en 2013, M.-T. Dieterlen et al recommande un monitoring immunologique incluant la quantification et l’analyse des lymphocytes T régulateurs (Treg), des cellules dendritiques plasmocytoïdes et d’établir un profil d’expression cytokinique (IL-2, INF ɣ, IL-4, IL-10 et IL-17) avant et jusqu’à 12 mois après le début de la PCE. Cette étude menée sur 25 patients suggère que le monitoring cytokinique pourrait fournir des informations sur l’efficacité de la PCE et permettre d’adapté la thérapie à chaque patient (délai de début de la PCE par rapport à la transplantation, détermination de la fréquence et du nombre de séance nécessaire etc.) (35). Mais cette étude nécessite d’être complétée et approfondi par un essai clinique plus large afin d’identifier les éventuels marqueurs prédictifs de l’efficacité de la PCE. De plus, l’augmentation des Tregs circulant n’a pas été retrouvée corrélée à la réponse clinique à la PCE (36).

Ainsi, à ce jour, il n’a pas été identifié de marqueur biologique permettant d’évaluer l’efficacité de la PCE. Notre postulat est que l’apoptose est au centre du mécanisme d’action de la PCE et que cette dernière signe l’efficacité de la PCE. Notre stratégie est donc d’apprécier l’efficacité de la PCE par la quantification et la qualification de l’ADNcf, marqueur indirect de l’induction de l’apoptose cellulaire. De plus, l’ADNcf pourrait au cours des séances de photophorèse identifier les patients répondeurs des non répondeurs. Il pourrait être ainsi un marqueur biologique unique, peu coûteux et facilement réalisable dans tous les laboratoires.

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Table des matières

I- Introduction
1- Acides nucléiques circulants (ADNcf)
2- Photochimiothérapie extracorporelle
3- Contexte
4- Objectifs
II- Matériels et Méthodes
1- Sujets
2- Réalisation des prélèvements
3- Extraction de l’ADNcf à partir du plasma
4- Évaluation de la quantité d’ADNcf extrait
4.1- Quantification de l’ADNcf par ddPCR
4.2-Quantification de l’ADNcf par Qubit
5-Quantification et Évaluation du profil de taille des ADNcf
6-Analyses statistiques
III- Résultats
1- Sujets
1.1- Évaluation de l’impact de l’extracteur utilisé
1.1.1- Impact de l’extracteur sur la quantification de l’ADNcf
1.1.2- Impact de l’extracteur sur la qualification de l’ADNcf
1.1.3- Corrélation des taux d’ADNcf mesuré par les différenteméthodes de quantification
1.1.3.1- Corrélation entre le taux d’ADNcf mesuré par Qubit et par ddPCR
1.1.3.2- Corrélation entre le taux d’ADNcf mesuré par et par le BiaBooster
1.1.3.2.1- Corrélation technique entre concentration totale en ADNcf mesuré par ddPCR et par le BiaBooster
1.1.3.2.2- Corrélation technique entre le taux d’ADNcf mesuré par ddPCR et les différentesfractions de tailles d’ADNcf mesurés par BiaBooster
1.1.3.3- Corrélation technique entre la concentration totale en ADNcf mesuré par Qubit et par le BiaBooster
1.1.3.3.1- Corrélation technique entre la concentration totale en ADNcf mesuré par Qubit et par le BiaBooster
1.1.3.3.2- Corrélation technique entre le taux d’ADNcf mesuré par Qubit et les différentes fractions de tailles d’ADNcf mesurés par BiaBooster
1.2- Détermination des valeurs normales de quantification de l’ADNcf
1.2.1- Valeurs normales de l’ADNcf mesuré par ddPCR
1.2.2- Valeurs normales de l’ADNcf mesuré par RPP30
1.2.3- Valeurs normales de l’ADNcf mesuré par BiaBooster
1.2.4- Valeurs normales de l’ADNcf mesuré par Qubit
1.3- Corrélation de la concentration d’ADNcf entre les différentes méthodes de mesures
1.3.1 – Évaluation du profil normal de taille d’ADNcf obtenu par le Biabooster
1.3.1.1 – Corrélation entre la taille des pics 1 et 2 et la concentration d’ADNcf mesurée par BiaBooster
1.3.1.2- Corrélation entre la taille des pics 1 et 2 et les différentes proportions de tailles d’ADNcf
1.3.2- Corrélation entre le taux d’ADNcf mesuré par ddPCR et par RPP30
1.3.3- Corrélation entre le taux d’ADNcf mesuré par ddPCR et par BiaBooster
1.3.4- Corrélation entre le taux d’ADNcf mesuré par ddPCR et par Qubit
1.3.5- Corrélation entre le taux d’ADNcf mesuré par Qubit et par BiaBooster
1.3.6- Corrélation entre le taux d’ADNcf mesuré par Qubit et par RPP30
1.3.7- Corrélation technique entre le taux d’ADNcf mesuré par BiaBooster et par RPP30
2- Cohorte
2.1- Inclusions et caractéristiques clinico-biologiques
2.2- Effet de la procédure de PCE
2.2.1- Variation de l’expression de l’ADNcf à une heure après la PCE
2.2.2- Variation du profil de taille de l’ADNcf à une heure après séance de PCE
2.3- Cinétique
2.3.1- Cinétique d’expression de l’ADNcf
2.3.2- Cinétique de qualification de l’ADNcf
2.4- Evolution de l’expression et de la qualification de l’ADNcf au long de la thérapie par PCE
2.4.1- Patients Lichen/LcTc
2.4.2- Patients en rejet de transplant cardiaque
IV- Discussion
V- Conclusion

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