Accidents de plongée à manifestation respiratoire en milieu militaire

La plongée sous-marine est une activité à risques qui expose l’organisme à des contraintes physiologiques importantes. Celles-ci sont la conséquence de l’environnement (variation de pression hydrostatique ambiante et conséquences de l’immersion) dans lequel évolue le plongeur. Ces contraintes sont davantage marquées en plongée professionnelle ou militaire en raison du travail à réaliser sur le fond (caractère opérationnel de la mission pour le plongeur militaire), de l’utilisation d’appareils de plongée spécifiques et de mélanges gazeux particuliers imposant un soutien médical et une prise en charge spécifique [1, 2]. La plongée militaire est une plongée professionnelle qui compte environ 3500 plongeurs répartis en deux catégories. La catégorie une est composée des plongeurs de bord et la catégorie deux est composée essentiellement des plongeurs démineurs et des nageurs de combat. En plongée, l’atteinte pulmonaire met rapidement en jeu le pronostic vital. La rapidité de prise en charge d’une détresse respiratoire dès la sortie de l’eau du plongeur accidenté est essentielle. Cependant les étiologies et les traitements mis en place diffèrent en fonction de la pathologie suspectée [3]. Il est donc nécessaire de pouvoir discriminer ces différentes entités cliniques afin de les prendre en charge de façon adaptée et de prévenir les récidives.

Depuis sa première mise en évidence en 1989 [4], l’œdème pulmonaire d’immersion est de plus en plus décrit en médecine de plongée avec une survenue pouvant atteindre 16 à 26 % dans des populations militaires [5,6]. De gravité variable, il se présente sous forme d’un tableau clinique respiratoire le plus souvent résolutif en 48 heures [7]. Cependant plusieurs cas de décès chez des plongeurs sans facteur de risque cardiovasculaire ont été mis en évidence [8,9]. Diagnostic différentiel de la noyade [10], il se traduit sur le plan clinique par une dyspnée, une toux et des crachats hémoptoïques [11]. De physiopathologie mal déterminée, il serait issu des diverses contraintes en lien avec la plongée. L’immersion est à l’origine d’une redistribution de la masse sanguine de la périphérie vers le thorax entraînant une augmentation de la pression artérielle pulmonaire [12]. Le port d’une combinaison et la plongée en eau froide provoquent une vasoconstriction périphérique qui majore le phénomène précédent. De plus, la respiration en ambiance hyperbare au moyen d’un appareil de plongée modifie le travail respiratoire [13, 14]. La perméabilité de la membrane alvéolo capillaire pourrait être augmentée par la sécrétion endogène de peptide natriurétique atrial [15], par l’augmentation de la pression partielle en oxygène [16,17] et par la prise préalable d’anti inflammatoires non stéroïdiens. La liste de ces contraintes n’est pas exhaustive ; elles conditionnent dans tous les cas la survenue de cette pathologie spécifique. Différents facteurs de risque ont été mis en évidence tels que l’effort, le froid, le sexe féminin et les pathologies cardiovasculaires préexistantes [18 – 20]. Sa prise en charge est celle d’une détresse respiratoire avec l’administration d’oxygène et la mise en place de ventilation à pression positive continue [21, 22]. En dehors de cette pathologie les autres accidents de plongée à manifestation respiratoire sont principalement la noyade et le barotraumatisme pulmonaire [3]. Par ailleurs il existe d’autres accidents respiratoires plus rares tels que les accidents de désaturation cardio-pulmonaire (chokes) ou des accidents biochimiques sévères.

Méthodes

La population étudiée est celle des plongeurs de l’armée française.

Notre étude rétrospective a concerné tous les accidents de plongée de l’armée française de janvier 1989 à décembre 2018 ayant été déclarés à la Cellule Plongée Humaine et Intervention Sous la Mer (CEPHISMER). Cette déclaration systématique est faite via une fiche d’alerte remplie par le premier intervenant prenant en charge l’accidenté. Cette fiche standardisée est composée de trois parties relatives en premier lieu à l’alerte, puis aux paramètres de plongée et enfin au bilan des symptômes et des premiers gestes réalisés. Ce dossier est ensuite complété par le compte rendu médical d’accident de plongée établi par le médecin prenant en charge le patient. Celui-ci fait notamment état des différents examens cliniques et paracliniques réalisés ainsi que le diagnostic retenu [23].

Les patients inclus devaient avoir une symptomatologie initiale comprenant au moins « dyspnée », « toux », « crachat hémoptoïque », « crachat non hémoptoïque », «douleur thoracique » ou « cyanose ». Ils devaient également avoir un diagnostic final renseigné dans le dossier médical. Enfin il était imposé que les patients soient militaires au moment de l’accident et que ce dernier survienne dans le cadre professionnel.

Etaient exclus les patients dont le diagnostic final n’était pas renseigné dans le dossier médical ou dont le diagnostic final retenu était un barotraumatisme ORL ou un accident de désaturation (ADD) autre qu’un ADD cardio-pulmonaire. Ces documents font l’objet d’une double déclaration, au Médecin Chef (MC) du Service de Médecine Hyperbare et Expertise Plongée appartenant au Service de Santé des Armées ainsi qu’au MC de la CEPHISMER appartenant à la Marine Nationale.

Les données suivantes étaient collectées à partir des dossiers médicaux : année de survenue de l’accident, caractéristiques du patient (âge, armée d’appartenance, catégorie de plongeur), caractéristiques de la plongée (type de plongée, type d’appareil utilisé, profondeur maximale, durée totale, réalisation ou non de paliers de décompression, de ludions ou d’effort), la symptomatologie à la prise en charge initiale ainsi que la notion de perte de connaissance (PC) en plus des critères d’inclusion, le délai d’apparition des symptômes et le diagnostic final. Le type de plongée se compose de trois catégories : « instruction », « entraînement » et « opérationnelle ». Ce dernier groupe prend en compte les plongées effectuées dans le cadre de la recherche, en caisson immergé utilisant des recycleurs à circuit semi fermé à port dorsal. Les types d’appareils utilisés ont été regroupés en différentes catégories en fonction de leurs caractéristiques : « Palme masque tuba » regroupe l’ensemble des accidents survenus lors d’un palmage en utilisant un tuba, « Circuit ouvert » ceux utilisant un appareil de plongée à circuit ouvert dont le gaz pouvait être de l’air ou un mélange, « Recycleur à circuit fermé » ceux utilisant un appareil de type Full Range Oxygen Gas System (FROGS® ; Aqualung®) et compact oxygene diving equipment (CODE® ; Aqualung®) et « recycleur à circuit semi fermé à port dorsal » ceux utilisant un appareil de type Complete Range Autonomous Breathing Equipment (CRABE® ; Aqualung®) ou DC55® (Spirotechnique®).

Le délai d’apparition des symptômes renseigne sur le moment de la survenue de l’accident (descente, au fond, remontée). Après la sortie de l’eau cette variable est continue et a été classée en deux catégories : « survenue pendant les 15 premières minutes suivant la sortie de l’eau » et « survenue après les 15 premières minutes suivant la sortie de l’eau ». Pour l’analyse descriptive, les variables quantitatives ont été formulées sous forme de moyenne et d’écart type, et les variables qualitatives sous forme d’effectif et de pourcentage. Le test de Fisher a été utilisé pour comparer les variables qualitatives et le test de Mann-Whitney pour comparer les variables quantitatives. Toutes les variables ont été analysées en dehors de la variable « année de survenue de l’accident ». Une analyse des correspondances multiples (ACM) a été réalisée à partir des variables catégorielles suivantes : dyspnée, crachat hémoptoïque, toux, crachat non hémoptoïque, douleur thoracique, cyanose, perte de connaissance. Une classification ascendante hiérarchique (CAH) a été effectuée en utilisant les composantes principales issues de l’ACM afin d’obtenir des groupes d’individus caractérisés par les différents symptômes. Le procédé d’agrégation utilisé pour la CAH est la méthode de Ward. Afin d’identifier les facteurs associés à l’OPI, un modèle de régression logistique multivariée a été réalisé en considérant les variables avec une P valeur inférieure à 0,30 comme éligibles au modèle. Ces résultats ont été exprimés sous forme de rapport de cote (odds ratio) et de leurs intervalles de confiance à 95 %. Les tests statistiques ont été réalisés avec un seuil de significativité de 5 %. Toutes les analyses ont été effectuées en utilisant le logiciel R version 3.3.2.

Résultats

Description générale 

112 accidents répondant aux critères d’inclusion ont été recensés de 1998 à 2018 sur les 723 accidents déclarés à la CEPHISMER soit environ 15,5 % des accidents sont des accidents respiratoires (figure 1). Sur l’ensemble de ces accidents respiratoires on observe 68 cas (60,7 %) d’œdème pulmonaire d’immersion, soit 9,4% de l’ensemble des accidents de plongée militaire.

Concernant la population des plongeurs accidentés, celle-ci est âgée de 27 ans en moyenne [25- 31], et appartenant essentiellement à la Marine Nationale dans 84,8 % des cas (n = 95). 54 patients (48 %) sont des plongeurs de catégorie une, le reste appartient à la catégorie deux (Tableau 1). Concernant le type de plongée effectuée, 79 (70,5 %) sont des plongées d’instruction, 22 (19,6 %) des plongées opérationnelles et 11 (9,8 %) des plongées d’entraînement. Des appareils de plongée à circuit ouvert sont utilisés dans 49 cas (43,8 %), des recycleurs à circuit semi-fermé à port dorsal dans 33 cas (29,5 %), des tubas utilisés lors de palmage en surface dans 18 cas (16,1 %) et des recycleurs à circuit fermé dans 12 cas (10,7 %). Concernant les paramètres de plongée, la profondeur moyenne était de 15 mètres [7-29] pour une durée moyenne de 20 minutes [11-35]. Des paliers de décompression ont été réalisés dans 10 plongées (8,9 %) et la notion d’effort durant celles-ci était retrouvée dans 87 cas (79,1 %). Concernant les signes cliniques observés à la phase initiale de la prise en charge, le plus fréquent est le crachat hémoptoïque qui était présent dans 66,1 % des cas (n = 74). Viennent ensuite la dyspnée dans 62,5 % des cas (n = 70), la toux dans 58 % des cas (n = 65), la douleur thoracique dans 17,9 % des cas (n = 20), la perte de connaissance dans 8,9% des cas (n = 10), le crachat non hémoptoïque dans 8 % des cas (n = 9) et la cyanose dans 4,5 % des cas (n = 5). Ces signes cliniques apparaissent dans les quinze premières minutes après la sortie de l’eau dans 42 % des cas (n = 47). Ils surviennent pendant le travail au fond dans 35,7 % des cas (n = 40) ou pendant la remontée dans 17,9 % des cas (n = 20). Pour 5 patients (4,5 %) les signes se déclarent plus de quinze minutes après la sortie de l’eau.

Analyse en composante multiple 

Pour l’analyse des correspondances multiples (ACM), sept composantes ont été retenues : dyspnée, crachat hémoptoïque, toux, crachat non hémoptoïque, douleur thoracique, cyanose, perte de connaissance. Le plan factoriel fournit la représentation des différentes variables intégrées à l’ACM. Les symptômes contribuant le plus à l’axe un sont « crachat hémoptoïque », « toux » et « crachat » et « perte de connaissance », l’axe deux discrimine plus les symptômes « douleurs thoraciques », « dyspnée » et « crachat » et enfin les symptômes « cyanose », « perte de connaissance » et « douleurs thoraciques » contribuent en majorité à l’axe trois (figure 2 et 3). Une classification ascendante hiérarchique (CAH) a été effectuée en utilisant les trois premières composantes principales permettant d’atteindre 63 % de l’inertie totale en différenciant quatre groupes d’individus (figure 4).

Le groupe numéro un est le plus important, représentant 50 % des patients (n=57) et se composant essentiellement de cas associant sur le plan clinique une dyspnée, une toux et des crachats hémoptoïques. Après analyse de la littérature, ce groupe est choisi comme référence pour l’analyse multivariée du fait de son association avec l’OPI (tableau 2) (3 ; 4 ; 5). Le groupe numéro deux englobe 20 % des patients (n=22), présentant surtout des crachats hémoptoïques et une douleur thoracique. Le groupe numéro troisreprésente 10 % des cas (n=11), présentant majoritairement des crachats hémoptoïques, une perte de connaissance et une cyanose. Le groupe numéro quatre contient 20 % des plongeurs (n=22), présentant en majorité une dyspnée et des crachats non hémoptoïques.

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Table des matières

I)INTRODUCTION
II) GENERALITES
III) METHODOLOGIE
IV) RESULTATS
V) COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VI) CONCLUSION  
VII) REFERENCES
ANNEXES
RESUME

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