Accidentalité, comportements sur la route et différences liées au sexe et à l’âge

Accidentalité, comportements sur la route et différences liées au sexe et à l’âge

Accidentalité routière et différences liées au sexe et à l’âge

Au niveau mondial les accidents de la route représentent la neuvième cause de mortalité avec environs 1.25 millions de décès (2.2 % de la mortalité mondiale) et 20 à 50 millions de blessés chaque année (OMS, 2015). C’est également la principale cause de mortalité parmi les 15-29 ans. Le coût annuel global des accidents de la route est évalué à 518 milliards de dollars US, et représente en moyenne 1 à 2% du PIB par pays (OMS, 2004). Les occupants de voitures représentent 31% des morts sur la route (OMS, 2015). Les hommes ont environ 3 fois plus de risque d’être impliqués dans un accident mortel que les femmes sur l’ensemble des tranches d’âge, ce qui représente la plus forte différence entre hommes et femmes dans les taux de mortalité attribuables à des blessures non-intentionnelles (OMS, 2002). Cette différence de sexe se retrouve dans la plupart des pays, y compris occidentaux, la proportion d’homme représentant les décès sur la route variant de 66% à 95% en Europe (Commission Européenne, 2015). De manière similaire, en France et sur l’année 2017, les hommes avaient plus de risques de mourir sur la route (2670 hommes pour 778 femmes décédés) et d’être blessés grièvement (21 650 hommes pour 7 255 femmes blessées M.AIS 3+) . Bien que la mortalité des 18 24 ans en 2017 soit en nette régression (-5.9% par rapport à 2016 et -32% par rapport à 2010), elle demeure la plus élevée parmi les différentes tranches d’âge, et reste majoritairement représentée par des hommes (ONISR, 2018). En 2015, un tiers des conducteurs décédés sur la route avaient entre 18 et 24 ans et 86% d’entre eux étaient des hommes (ONISR, 2016). Ces différences entre hommes et femmes ne concernent pas seulement les automobilistes et se retrouve, par exemple, également chez les piétons (64% des piétons décédés en France en 2016 étaient des hommes ; ONISR, 2016) bien que les hommes marchent moins que les femmes en distance parcourue et en temps passé (Papon & Solère, 2010). L’exposition aux risques d’accidents a plusieurs fois été avancée comme facteur susceptible d’expliquer les différences entre hommes et femmes dans l’accidentalité routière (e.g.,Laapotti, Keskinen, & Rajalin, 2003). La prise en compte de l’exposition consiste à estimer le taux d’accidents en le rapportant à la quantité d’opportunités d’accidents, par exemple le kilométrage parcouru dans une période donnée, par mode de déplacement et par type de trajet. En France, les hommes ont un kilométrage annuel moyen supérieur à celui des femmes, dans la population active comme dans la population générale (Demoli, 2014). Des études plus anciennes en France montraient que les femmes déclaraient réaliser des trajets plus nombreux mais plus courts que les hommes (Coutras, 1998), plus fréquemment pour des motifs d’accompagnement, en milieu urbain et à des vitesses moindres (Dupont Kerlan & Fontaine, 2004), tandis que les hommes circulaient plus fréquemment en milieu rural et sur autoroute. Si les accidents en ville sont plus fréquents, ils sont toutefois moins dangereux et moins mortels que les accidents en zone rurale  et sur autoroute (ONISR, 2013). Notons d’autre part que les hommes ont plus fréquemment recours aux deux-roues motorisés, qui sont plus à risques (Coquelet, 2018 ; ONISR, 2015). Toutefois, certains travaux montrent que le risque de décès et de blessure reste plus important chez les hommes même lorsque des facteurs d’exposition au risque, tels que la mobilité et le temps passé sur la route, sont pris en compte (Martin, Lafont, Chiron, Gadegbeku, & Laumon, 2004; Maycock, Lockwood, & Lester, 1991 ; voir aussi OCDE, 2006), notamment chez les jeunes conducteurs (Doherty, Andrey, & MacGregor, 1998; Williams, 2003; Wylie, 1995). A kilométrage égal, en France, les hommes avaient 4 fois plus de risque d’être tués et 2 fois plus de risques d’être blessés que les femmes en 2007 (ONISR, 2008). De plus, après exclusion des deux-roues motorisés, les hommes représentaient encore 71% de la mortalité routière sur l’année 2011 (ONISR, 2012). Par conséquent, l’exposition aux risques ne représente qu’une explication partielle des différences de sexe dans l’accidentologie (Waylen & McKenna, 2002). Ce constat incite donc à rechercher des explications en termes de différences dans les comportements à risques sur la route selon le sexe mais également selon l’âge des conducteurs (pour une revue de questions, voir Granié, Degraeve, & Varet, 2019 ; voir aussi Granié & Varet, 2017).

Des accidents de la route vers les comportements au volant

L’analyse des différents types de facteurs susceptibles de jouer un rôle dans la survenue et la gravité des accidents de la route propose classiquement de distinguer les facteurs dits  »humains » et les facteur dits  »non-humains ». Les facteurs non-humains peuvent concerner des éléments tels que l’état du véhicule (e.g., défaillance du système de freinage), l’état de la route (e.g., chaussée glissante, défaut de signalisation) ainsi que d’autres éléments de l’environnement plus largement (e.g., météo défavorable, présence dangereuse d’animaux). Les facteurs humains se rapportent aux comportements des usagers de la route, susceptibles d’intervenir dans la survenue et le déroulement d’un accident. Si différentes typologies des comportements pouvant représenter un danger sur la route existent, la plus mobilisée dans les recherches en psychologie et portant sur les automobilistes semble être celle qui a été proposée par Reason et ses collaborateurs, via le Driver Behaviour Questionnaire (DBQ ; Reason, Manstead, Stradling, Baxter, & Campbell, 1990 ; pour une validation française voir Guého, Granié, & Abric, 2014). Cette typologie a ensuite donné lieu à différents développements et déclinaisons (e.g., Lawton, Parker, Manstead, & Stradling, 1997; Özkan & Lajunen, 2005), dont la structure peut varier légèrement selon les cultures (e.g., Mehdizadeh, Shariat Mohaymany, & Nordfjaern, 2018; Stanojević, Lajunen, Jovanović, Sârbescu, & Kostadinov, 2018; Stephens & Fitzharris, 2016). Les différents travaux utilisant le DBQ mettent en avant l’existence de deux principales dimensions permettant de différencier les comportements potentiellement dangereux sur la route : les transgressions d’une part, les erreurs et les défaillances d’autre part.

Les transgressions sont définies comme des déviations par rapport aux règles routières légales réalisées de manière intentionnelle, reposant sur une composante motivationnelle, et souvent considérées comme étant particulièrement déterminées par les attitudes préexistantes et susceptible de varier selon le contexte culturel et social (Parker, Reason, Manstead, & Stradling, 1995; Reason et al., 1990). Les transgressions peuvent être appréhendées au travers de deux sous-dimensions qui sont d’une part les transgressions agressives, impliquant la manifestation d’un comportement hostile dirigé envers autrui (e.g. s’énerver contre un certain type de conducteur et lui exprimer sa colère par tous les moyens possibles) et d’autre part les transgressions ordinaires, n’impliquant pas un tel comportement (e.g., dépasser les limitations de vitesse) (Lawton et al., 1997; Parker, Lajunen, & Stradling, 1998).

Les erreurs et les défaillances sont considérées comme des comportements non-intentionnels, relevant plutôt des capacités et ressources cognitives et du traitement de l’information opéré par l’individu. Selon les versions du DBQ utilisées, il est possible de distinguer différents types d’erreurs. Aberg et Rimmo (1998) proposent de différencier les erreurs dangereuses (correspondant aux  »erreurs » de Reason et al., 1990), les erreurs d’inattention et les erreurs d’inexpérience (correspondant toutes deux aux  »défaillances » de Reason et al., 1990). Les erreurs dangereuses correspondent à une prise de décision mettant involontairement le conducteur en danger, sans pour autant impliquer une transgression délibérée d’une règle et résultant le plus souvent d’une mauvaise interprétation de la situation (e.g., en tournant à gauche, le conducteur estime mal la distance le séparant d’un véhicule qui arrive en sens inverse, l’obligeant à freiner). Les erreurs d’inattention correspondent à un comportement inadapté en raison d’un manque de concentration sur la tâche de conduite (e.g., le conducteur se perd en raison d’un défaut d’attention envers la signalisation). Les erreurs d’inexpérience correspondent à un comportement inadapté en raison d’un manque d’expérience de conduite (e.g., le conducteur oublie en quel rapport de vitesse il roule et doit donc le vérifier). Ces deux derniers types d’erreurs seraient également une source de danger moins importante que les erreurs dangereuses. A l’opposé des différents facteurs potentiellement dangereux, Özkan et Lajunen (2005) proposent également de considérer les comportements positifs, correspondant à des comportements pro-sociaux visant à faciliter et apaiser les interactions entre usagers (e.g., le conducteur ajuste sa vitesse pour faciliter la tâche d’un autre conducteur qui le double).

Un point de discussion important au sujet du DBQ et des autres mesures de comportements auto-déclarés sur la route concerne sur leur capacité à pouvoir expliquer les comportements effectifs et l’implication dans des accidents. La plupart des études trouvent une corrélation positive entre la fréquence déclarée des transgressions et le nombre d’accidents impliquant le sujet (e.g., Gras et al., 2006; Kontogiannis, Kossiavelou, & Marmaras, 2002; Özkan & Lajunen, 2005; Özkan, Lajunen, Chliaoutakis, Parker, & Summala, 2006; Parker, Reason, et al., 1995; Parker, West, Stradling, & Manstead, 1995; Rimmö & Åberg, 1999; Stanojević, Lajunen, Jovanović, Sârbescu, & Kostadinov, 2018b). En revanche, les résultats semblent plus contrastés à propos des erreurs et des défaillances, certaines études ne trouvant pas de corrélations entre erreurs et accidents (e.g., Gras et al., 2006; Kontogiannis et al., 2002; Parker, Reason, et al., 1995), alors que d’autres rapportent une corrélation positive (e.g., Bener, Özkan, & Lajunen, 2008; Guého et al., 2014; Rimmö & Åberg, 1999; Stanojević et al., 2018b). Dans leur métaanalyse, Winter et Dodou (2010) trouvent que les erreurs et les transgressions sont toutes deux significativement associées aux accidents rapportés, de manière relativement comparable, malgré des tailles d’effet qui restent relativement faible (r transgressions = .13, 95% CI [.12, .14] ; r erreurs = .10, 95% CI [.09, .11]). En revanche, une autre méta-analyse de af Wåhlberg, Dorn et Kline (2011) trouve que les transgressions et erreurs du DBQ corrèlent significativement avec les accidents lorsqu’ils proviennent d’enregistrement auprès de compagnies mais pas lorsqu’ils sont auto-déclarés. En s’appuyant sur ces résultats et sur la variabilité de la structure du DBQ selon les études, les auteurs remettent en cause la validité externe de l’outil et proposent que les corrélations trouvées avec les accidents auto-déclarés puissent s’expliquer principalement par des biais déclaratifs et de variance partagée par la méthode. Toutefois, une méta-analyse plus récente de Barraclough, af Wåhlberg, Freeman, Watson et Watson (2016) confirme l’existence d’une corrélation significative entre infractions routières et les accidents sur des données d’archives mais également sur des données déclarées, bien qu’ils soulignent la relative faiblesse de la corrélation globale (r = .18, 95% CI [.17, .20] p < .001).

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Accidentalité, comportements sur la route et différences liées au sexe et à l’âge
1. Accidentalité routière et différences liées au sexe et à l’âge
2. Des accidents de la route vers les comportements au volant
3. Comportements au volant et différences liées au sexe
4. Comportements au volant et différences liées à l’âge
5. Les comportements infractionnistes comme explication des différences liées au sexe et à l’âge dans l’accidentalité routière
6. Comportements à risques, infractions et règles routières : relations et éléments de définition
Chapitre 2 : Approches explicatives des différences liées au sexe et à l’âge dans les comportements à risques et infractionnistes au volant
1. Différences de sexe et d’âge dans les comportements à risques et infractionnistes: des tendances nonspécifiques à la conduite ?
2. Approches explicatives des différences liées au sexe dans les comportements à risques et infractionnistes
2.1. Approche biologique et neurobiologique
2.2. Approche évolutionnaire
2.3. Approche psychosociale
2.3.1. Identité sexuée, stéréotypes de sexe, masculinité-féminité
2.3.2. Le rôle des motivations dans l’explication des différences de sexe et de genre associées à la conduite
3. Approches explicatives des différences liées à l’âge dans les comportements à risques et infractionnistes
3.1. Approches neuroscientifique et neurodéveloppementale
3.2. Approche psychosociale
3.2.1. L’influence des pairs sur les comportements à risques et infractionnistes chez les jeunes conducteurs
3.2.2. Le rôle des motivations et de l’estime de soi dans les comportements à risques et infractionnistes au volant
3.2.3. Les effets de l’âge sur la masculinité et la féminité
4. Des différences intergroupes en termes de sexe et d’âge vers des différences intragroupes et interindividuelles en termes de valeurs et de normes sociales
Chapitre 3 : Le rôle des normes sociales et des valeurs dans les comportements à risques et infractionnistes au volant
1. Le rôle des normes sociales dans les comportements à risques et infractionnistes au volant
1.1. Définitions et taxonomie des normes sociales
1.2. Normes sociales et comportements à risques et infractionnistes au volant
1.3. L’approche sociocognitive des normes sociales
1.3.1. Présentation de l’approche sociocognitive des normes
1.3.2. Le paradigme de l’auto-présentation et le paradigme des juges
1.4. De la valeur sociale vers les valeurs personnelles
2. Le rôle des valeurs dans les comportements à risques et infractionnistes au volant
2.1. Définitions générales et présentation des principales approches
2.2. Individualisme-collectivisme : éléments théoriques et effets sur les comportements routiers
2.2.1. Individualisme-collectivisme : définitions générales et modèle horizontal-vertical
2.2.2. Individualisme-collectivisme : effets sur les comportements routiers
2.3. Valeurs de Schwartz : modèles et liens avec les comportements au volant
2.3.1. Le modèle des valeurs culturelles de Schwartz
2.3.2. Le modèle des valeurs personnelles de Schwartz
2.4. Les valeurs culturelles d’Hofstede : relations empiriques avec l’accidentalité
2.6. Relation entre individualisme-collectivisme horizontal-vertical et valeurs personnelles de Schwartz
2.5. Valeurs et comportements au volant : synthèse des études présentées
2.7. Relations entre sexe et valeurs
2.8. Relation entre âge et valeurs
Chapitre 4 : Problématique
1. Niveaux d’analyse et d’explication mobilisées
2. Relations entre les modèles et variables mobilisées
2.1. Relations entre sexe, conformité aux stéréotypes de sexe et âge sur les comportements à risques et infractionnistes
2.2. Relations entre sexe, âge, valeurs et comportements à risques et infractionnistes
2.3. Relations entre sexe, âge, normes sociales et comportements à risques et infractionnistes
2.4. Effets des variables selon le type de comportements à risques et infractionnistes considérés
2.5. Aspects contextuels des relations attendues
3. Synthèse de la problématique et des hypothèses
4. Organisation de la partie empirique
Conclusion

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