AC et interactions en classe de langue

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La « machinerie » des tours de parole

Le cœur des travaux en AC sera la description de la « machinerie » des interactions sociales, surtout de l’organisation des tours de parole et de l’organisation séquentielle. À ce propos, Sacks et al. (1974) se sont concentrés sur l’organisation de la distribution des tours et sur la transition d’un tour à l’autre. Les auteurs vont décrire deux composants organisationnels de Analyse Conversationnelle 21 cette « machinerie » : le premier porte sur la construction des tours de parole, turnconstructional component ; le second porte sur la transition d’un tour à l’autre et d’un locuteur à l’autre, turn-allocation component. Un tour de parole est composé par des unités interactionnelles minimales, turn construction units (TCU). Ces unités sont reconnaissables par les interlocuteurs en tant qu’une action complète au niveau grammatical et prosodique. Elles sont également extrêmement sensibles au contexte (Fasel, 2009). La grammaire est une ressource organisationnelle essentielle dans l’élaboration et la reconnaissance des unités de construction de tours. Les TCU sont, généralement, des phrases et des éléments lexicaux. La deuxième ressource organisationnelle que façonne une TCU est fondée sur la réalisation phonétique, c’est-à-dire l’intonation de la parole. La troisième caractéristique est qu’une TCU constitue une action reconnaissable dans son contexte. Dès lors, quand un interlocuteur initie un tour de parole, il a le droit et l’obligation de produire une TCU qui peut effecteur une ou plusieurs actions (Schegloff, 2006). À mesure qu’un locuteur se rapproche de l’achèvement d’une TCU dans un tour de parole, le passage au prochain interlocuteur commence à devenir pertinent. Dans ce cas, « le passage s’est effectué peu de temps après la conclusion éventuelle de la TCU en cours » (ibid. : 04). Schegloff affirme que la période commencée par l’imminence d’une conclusion possible est comprise comme le point potentiel de transition. À ce propos, Liddicoat (2004) affirme : Thus, for a segment of talk to count as a turn constructional unit (TCU) it must be recognizable as possibly complete within a given sequential context of talk-in-progress and that listeners must be able to predict both the type of action underway and the possible completion of that action. (Liddicoat 2004: 05) Les tours de parole sont projetables, c’est-à-dire qu’un interlocuteur peut anticiper qu’une TCU sera éventuellement complète et choisir un point potentiel de transition de tour. Cette alternance est possible au moyen d’une coordination fine entre les interlocuteurs qui peuvent prendre la parole aux points potentiels de transition projetés par ces unités de construction du tour. Des interlocuteurs cependant produisent souvent des tours de parole composés de plus d’une TCU, ce qui peut se faire de différentes manières (Schegloff, 2006). Par exemple, quand un locuteur dépasse une possible complétion de la première TCU dans un tour, soit en prolongeant cette TCU au-delà de son achèvement possible, soit en des conversations qui se 22 chevauchent. Ainsi, dans la prochaine apparition d’un éventuel achèvement de la TCU, le passage au prochain interlocuteur redevient pertinent. Liddicoat (2004 : 06) discute d’un extrait présenté par Sacks et al. (1974) : (1) 1 Penny : An’ the fact is I- is- I jus’ thought it was so 2 kind of stupid [I didn’ even say anything [when= 3 Janet : [Y- [Eh4 Penny : =I came ho:me. 5 (0.3) 6 Janet : Well Estelle jus’ called ‘n … Dans l’exemple (1), Janet commence à parler durant le tour de parole en cours de Penny, bien qu’elle ne devienne en réalité la locutrice suivante à aucun de ces moments. Les tours de Penny sont complets sur le plan syntaxique et pragmatique « bien qu’ils ne soient pas complets du point de vue de l’intonation » (ibid. : 06). La parole de Penny est comprise comme peut-être complète à chacune des tentatives de Janet de devenir la prochaine locutrice. Penny dit : « le fait est que j’ai pensé que c’était si stupide », ce qui projette la première tentative de Janet en vue de la conclusion d’une évaluation. Cependant, Penny continue « je n’ai même rien dit » qui est aussi une TCU et Janet essaye à nouveau de devenir la locutrice suivante. Penny continue encore « quand je suis venu chez: moi ». Cela montre que Janet s’oriente vers des points où le tour de Penny est peut-être complet au lieu d’attendre de voir s’il est vraiment complet. À chaque point, Janet projette où le tour de Penny pourrait aller et réagit à des lieux où la trajectoire du tour jusqu’ici pourrait prédire un achèvement possible. Les interactants s’orientent vers les points pertinents de transition, projetés par les TCUs, pour prendre la parole. Généralement, ils n’attendent pas des silences pour décider qui sera le prochain locuteur et des brefs chevauchements peuvent se produire quand un interlocuteur anticipe un point potentiel de transition (Sacks et al., 1974). En ce qui concerne l’attribution des tours de parole, c’est-à-dire turn-allocation component, Sacks et al. (1974) dégagent deux types de techniques quant à l’allocation du prochain participant. Premièrement, des techniques d’auto-sélection où un interlocuteur s’attribue le droit de prendre le tour de parole. Et deuxièmement, des techniques d’hétéro-sélection où un interlocuteur attribue à un autre participant le droit ou l’obligation de prendre la parole. Cette sélection d’interlocuteurs s’organise en fonction d’un ordre de préférence inscrit dans une logique séquentielle. Analyse Conversationnelle 23 Globalement, cette logique suit trois principes fondamentaux : 1) le prochain locuteur est sélectionné par le locuteur actuel immédiatement à la fin du tour de parole de ce dernier ; 2) un participant peut s’auto-sélectionner si aucun interlocuteur n’a été sélectionné par le locuteur en cours et 3) si les deux possibilités susmentionnées n’ont pas été respectées, l’interlocuteur en cours garde son tour de parole en le transférant à la prochaine opportunité, alors, les options précédentes doivent être appliquées. Les auteurs présentent l’extrait suivant pour en illustrer

La parole-en-interaction dans des contextes institutionnels

En se référant au travail des analystes de conversation et des sociolinguistes de l’interaction, Schegloff (1987) affirme que les autres systèmes d’échange de paroles et leurs organisations de prise de parole sont des produits des modifications du système de la conversation quotidienne, qui est l’organisation primordiale de la parole-en-interaction. Drew & Heritage (1992) résument que l’interaction institutionnelle est principalement due au fait que l’identité institutionnelle ou professionnelle des participants est en quelque sorte pertinente pour les activités professionnelles dans lesquelles ils sont engagés. Le fait qu’une interaction se déroule dans un cadre institutionnel au niveau spatial peut ne pas être pertinent. 38 En d’autres termes, ce qui caractérise une interaction en tant qu’institutionnelle n’est pas l’environnement dans lequel elle se déroule, mais les objectifs qu’elle vise à atteindre et qui rendent cette interaction organisée et co-construite. Par exemple, deux médecins peuvent coconstruire leurs identités dans ces termes et ainsi produire un discours institutionnel alors qu’ils ne sont pas à l’intérieur de l’institution. Ils peuvent également s’engager dans une conversation informelle à la clinique ou à l’hôpital. Les auteurs (1992) définissent la parole-en-interaction en contexte institutionnel dans les termes suivants : 1) une interaction institutionnelle implique une orientation d’au moins un des interlocuteurs vers un objectif, une tâche ou une identité conventionnellement associée à l’institution en question. Brièvement, la conversation institutionnelle est généralement guidée par des objectifs à caractère conventionnel relativement restreint ; 2) les interactions institutionnelles peuvent souvent comporter des limites particulières et spéciales par rapport à ce que l’un ou les deux participants considéreront comme des contributions admissibles à l’ordre du jour et 3) une interaction institutionnelle peut être associée à des cadres et des procédures inférentiels propres à des contextes institutionnels spécifiques. L’une des caractéristiques permettant de distinguer la parole-en-interaction quotidienne de la conversation en contexte institutionnel est la structure de la prise de la parole. Dans ces contextes, la parole des participants est organisée afin de réaliser le mandat institutionnel que l’événement propose. Ainsi, la parole-en-interaction qui se produit dans un cadre institutionnel a généralement des structures d’échange des tours de parole plus rigides en comparaison avec la conversation en contexte naturel. Dans le cadre de certaines activités institutionnelles, les interactants adoptent un rôle qui, fréquemment, établit une relation asymétrique entre eux. En considérant que l’école est un lieu d’interaction institutionnelle, les principes proposés par Drew & Heritage (1992) s’appliquent aux enjeux de la conversation en classe. À l’école, chaque participant a des objectifs qui visent à une action commune dans l’interaction, c’està-dire l’objectif de l’interaction en classe est le processus d’enseignement et d’apprentissage, la parole comporte des restrictions telles que l’attribution de tours, et l’interaction en classe est associée à des cadres et des procédures propres au contexte. Dans ce qui suit, nous allons décrire les caractéristiques de la conversation en classe, notamment le mécanisme de gestion d’allocation des tours et de prise de la parole. AC et interactions en classe de langue 39 3.2 Caractéristiques des interactions en classe L’école est un des espaces d’interactions sociales des plus fondamental au sein de la société. Tant l’espace physique de la classe (chaises, tableau noir, étagères, etc.) que son discours reposent sur une architecture particulière d’interaction sociale inscrite dans le cadre plus large des interactions institutionnelles. La caractéristique essentielle de ce type d’interaction qui la diffère des conversations ordinaires est que les interactions institutionnelles sont orientées vers un but spécifique. Par conséquent, les participants vont mettre en œuvre des méthodes également particulières de ce type interaction sociale. De manière générale, ces méthodes font référence : à l’organisation des tours de parole, aux modalités de prise de parole et aux rôles des participants impliqués dans la conversation (Heritage, 2004). Les interactions en classe sont orientées vers l’apprentissage qui est le but de ces interactions. Les enseignants et les élèves font progresser mutuellement le programme éducatif principalement par le biais d’interactions verbales. Ces interactions mettent donc en action l’enseignement et l’apprentissage. Les interactions en classe sont délimitées sur le plan temporel qui établit un temps pour le déroulement du cours. Par conséquent, les interlocuteurs font émerger toutes sortes de comportements ritualisés qui caractérisent ce type d’interaction sociale. Afin d’illustrer ces comportements, Fasel (2016) souligne la routine relative à l’ouverture d’un cours : salutations, bavardages entre voisins de table, excuses en cas d’arrivée tardive, etc. Le nombre élevé des participants est une autre caractéristique des interactions en classe qui met en évidence les routines typiques de ce genre d’interaction. Ces routines peuvent être relatives à la distribution des tours de parole, à leur contenu ou à leur forme, par exemple. L’enseignant assure, typiquement, une position d’organisateur des interactions et met en place des routines propres à la classe. Il se charge de faire la distribution des tours de parole aux élèves soit à partir d’hétéro-sélection du prochain locuteur soit à travers l’encouragement d’un élève qui s’auto-sélectionne. L’enseignant cumule également d’autres fonctions comme transmetteur de connaissances, organisateur des activités et responsable pour la gestion de topiques, évaluateur et participant interactionnel responsable de la gestion de l’attention des autres participants imbriqués dans l’activité en cours. Cette structure organisationnelle pointe l’existence d’une relation asymétrique entre les participants de l’interaction. 40 Quant à la description de la structure de l’organisation de l’interaction en classe, l’échange tripartie IRE est le concept le plus mobilisé par les chercheurs (Fasel, 2016). Cette notion vise à décrire le système d’échange verbal fondé sur l’initiation d’une demande de l’enseignant qui déclenche une réponse d’un élève et est suivie d’une évaluation de la part de l’enseignement. L’acronyme IRE correspond à la structure : initiation (I), réponse (R) et évaluation (E). L’initiation est comprise en tant qu’outil très puissant des enseignants pour faire parler les élèves. Dans des situations dans lesquelles le modèle IRE est mobilisé, les étudiants orientent leurs actions en fonction de ce qu’ils jugent être attendu par l’enseignant. Il convient de noter que les interactions en classe ne se limitent pas uniquement aux échanges décrits par IRE. Il ne suffit pas pour expliquer la complexité de l’organisation interactionnelle en classe (Sert, 2011).

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Table des matières

1. Introduction
2. Analyse conversationnelle
2.1 Cadre théorique
2.2 La « machinerie » des tours de parole
2.3 Le chevauchement : qui parle maintenant
2.4 L’interruption : les chevauchements sont-ils des interruptions
3. AC et interactions en classe de langue
3.1 La parole-en-interaction dans des contextes institutionnels
3.2 Caractéristiques des interactions en classe
3.3 L’organisation de la prise de parole en classe de langue
3.3.1 Comment l’élève affiche sa disposition pour prendre la parole
3.3.2 Comment l’enseignant sélectionne le prochain locuteur
4. Les identités de genre dans les interactions en classe
4.1 Sexe et genre : une perspective discursive de la construction de l’identité sociale
4.3 Les identités de genre dans les interactions en classe
4.4 Genre et discours : une approche d’AC
5. Cadre méthodologique
5.1 Principes méthodologiques en AC
5.2 Délimitation du phénomène et objectifs d’analyse
5.3 Présentation du corpus
6. L’analyse des données
6.1 Leçon 1 : discussion d’un thème de société dans un contexte mixte
6.2 Leçon 2 : discussion de la lecture des ouvrages faite par les élèves dans un contexte mixte…..
6.3 Leçon 3 : discussion d’un thème de société dans un contexte non mixte
6.4 L’analyse quantitative des données
7. Discussion des résultats
7.1 Discussion de l’analyse qualitative du phénomène l’interruption intrusive
7.2 Discussion de l’analyse quantitative du phénomène l’interruption intrusive
7.3 Implications pratiques
8. Conclusion
Bibliographie
Annexes.

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