Absorption et toxicocinétique du plomb viii

Absorption et toxicocinétique du plomb viii

Le plomb

Le plomb est un élément chimique appartenant à la famille des métaux lourds. Il est présent à l’état naturel dans la croûte terrestre. Malgré son aspect grisâtre, il est difficilement identifiable par nos organes de sens, étant donné qu’il existe à l’état de particules et qu’il est inodore et sans saveur. Il est par ailleurs dépourvu de valeur nutritive. Le plomb était déjà utilisé 3000 ans avant notre ère, pour la fabrication des outils de construction, des câbles, des armes, des bijoux, des objets décoratifs et des canalisations. L’attrait des hommes d’antan pour le plomb tenait du fait que le plomb était connu comme un métal non-altérable, et peu coûteux. Des niveaux élevés de plomb ont été rapportés dans les ossements des Romains de l’antiquité (Hernberg 2000), lesquels préservaient du vin dans des outres contenant du plomb et cuisinaient avec des ustensiles en plomb. Le plomb peut exister sous deux formes : la forme inorganique (qui est la plus présente dans l’environnement), et la forme organique. Cette dernière n’est pas couverte dans le cadre de cette thèse. Cependant, nous notons qu’il existe plusieurs formes organiques de plomb. Les formes qui ont été les plus utilisées et les plus rapportées dans l’histoire de l’exposition au plomb sont le tétramethyle de plomb (Pb(CH3)4) et tétraéthyle de plomb (Pb(C2H5)4), qui étaient utilisés comme additif dans l’essence. La forme organique pourrait être plus toxique que la forme inorganique, car elle est absorbée plus rapidement par l’organisme (ATSDR 2007).

Effets délétères chez les enfants de 1 à 5 ans Les enfants en bas âge représentent la population la plus vulnérable au plomb, tant en terme d’exposition qu’en terme d’effets.

Vulnérabilité d’exposition: La probabilité de développer une PbS élevée est beaucoup plus grande chez les jeunes enfants (ATSDR 2007). Plusieurs auteurs ont suggéré que le type d’activités quotidiennes, et la grande fréquence des activités faites à l’extérieur expliqueraient cette vulnérabilité. En effet, les jeunes enfants sont en général plus en contact avec le sol, et les habitudes pica sont plus prévalentes chez eux, surtout chez ceux âgés de moins de 3 ans (ATSDR 2007; Bernard and McGeehin 2003; Jones et al. 2009). Ces habitudes favorisent l’ingestion de plomb par les sols, les poussières et les écailles de peintures. Ko et al. (2007) ont rapporté une forte corrélation entre la fréquence avec laquelle l’enfant porte la main à la bouche et la PbS (Ko et al. 2007). Quoique la quantité d’eau absorbée par jour soit plus faible – en valeur absolue – chez les jeunes enfants, comparés aux adultes, ils absorbent beaucoup plus d’eau que les adultes par unité de poids corporel (Barraj et al. 2009).

En cas de contamination de l’eau par le plomb, ils sont donc plus exposés que les adultes. Dans une étude représentative conduite aux États-Unis (USA), 89% des femmes recrutées affirmaient utiliser le biberon pour nourrir leurs enfants, et plus de 33% d’entre elles utilisaient l’eau de robinet (Beck Fein and Falci 1999). Une étude plus récente rapporte des habitudes assez similaires chez les femmes au Québec (Levallois et al. 2008). Environ 48% d’entre elles nourriraient leurs enfants au biberon, et près de 60% utiliseraient l’eau de robinet pour le biberon. Certains facteurs physiologiques pourraient aussi expliquer la grande probabilité de développer une PbS élevée chez les jeunes enfants. En effets, le rythme respiratoire chez ces derniers est plus élevé que celui observé chez les adultes, ce qui favorise l’absorption par inhalation du plomb présent dans l’air et dans les particules fines de poussières. Il a aussi été rapporté que le taux d’absorption gastro-intestinale est plus élevé chez les enfants, comparés aux adultes (ATSDR 2007).

À notre connaissance, aucune valeur spécifique n’a été rapportée pour les enfants de moins de 6 ans. L’étude d’Alexander (1974), incluant 8 sujets de 3 mois à 8,5 ans, suggère une valeur de 53%. Ziegler et al. (1978) ont rapporté la valeur de 41,5% chez les enfants de 6 mois à 2 ans. Ainsi, il est généralement admis que le taux d’absorption chez le jeune enfant serait d’au moins 50% (O’Flaherty 1993), ce qui est supérieur à la valeur d’environ 10% rapportée chez les adultes (Kehoe 1961a). La fraction de plomb ingérée (par les aliments, l’eau, les sols, les poussières et les peintures) qui passe dans le système sanguin serait donc bien plus grande chez les enfants.

Vulnérabilité d’effets: Les plus jeunes enfants sont également plus sensibles aux effets du plomb que ne le sont les adultes. D’après certains auteurs, un cerveau en développement est beaucoup plus sensible aux effets du plomb (Lidsky and Schneider 2003).

Effets sur les différents systèmes physiologiques

Les effets délétères attribués à l’exposition au plomb inorganique sont largement rapportés dans la littérature. Malgré de nombreuses publications sur le sujet, le lien de causalité reste discutable dans de nombreux cas, et plusieurs des études rapportant une association entre l’exposition au plomb et les effets sur la santé souffrent d’une faible taille d’échantillon et/ou d’un devis inadéquat. Quoiqu’on puisse parler d’une forte absence de preuves dans de nombreuses études, elle ne devrait pas s’apparenter à une évidence d’absence, car plusieurs autres études robustes ne laissent aucun doute concernant les effets délétères observés chez les enfants de moins de 6 ans exposés au plomb. Le tableau 1.1 reprend les principales études qui ont été faites au sujet de l’exposition au plomb chez les enfants. La diminution graduelle du seuil d’intoxication au plomb au cours des années fait suite aux publications subséquentes indiquant un effet délétère du plomb à une concentration plus basse que le seuil précédemment fixé.

Ainsi, depuis les derniers 50 ans, le niveau acceptable de PbS a été abaissé en fonction de l’évolution des connaissances sur ses effets délétères. En 1960, le Centers for Disease Control and Prevention (U.S. CDC) fixait pour la première fois le seuil d’intoxication au plomb à 60 μg/dL (U.S. CDC 2005). Il s’agissait de la concentration pour laquelle une intervention était requise chez l’individu. Ce seuil a été progressivement diminué, passant à 40 μg/dL en 1970, puis à 25 μg/dL en 1985, et à 10 μg/dL en 1991. Au courant de l’année 2012, l’U.S. CDC s’est basé sur la distribution de la plombémie chez les enfants de 1 à 5 ans résidant aux États-Unis d’Amérique (USA), pour ramener ce seuil de 10 μg/dL à 5 μg/dL (U.S. CDC 2012c). Notons que 97,5% d’entre eux présentant une PbS < 5 μg/dL.

Effets sur le système nerveux central Les effets neurotoxiques du plomb résultant d’une forte exposition sont connus depuis le début du 20ème siècle (Gibson 1904). Plusieurs études récemment publiées ont aussi rapporté que des faibles niveaux d’exposition (< 10 μg/dL) étaient associés aux effets néfastes sur le système nerveux central, qui se manifestent par des troubles cognitifs, des troubles de mémoire et d’apprentissage, ainsi que des troubles fonctionnels et comportementaux (Chandramouli et al. 2009; Chiodo et al. 2004b). Concernant spécifiquement l’effet sur le système nerveux central, plusieurs études ont rapporté qu’il n’existe pas de seuil de toxicité pour le plomb (Bellinger and Dietrich 1994; Fulton et al. 1987; Lanphear et al. 2000b).

En 2005, une méta-analyse incluant huit études de cohorte ayant suivi des sujets de la naissance/de l’état de nourrisson à l’âge de 5 à 10 ans, a rapporté qu’une augmentation post-natale de la PbS de 2,4 à 10 μg/dL était associée à une diminution du quotient intellectuel (QI) de 3,9 points (Lanphear et al. 2005a). Cette relation a été décrite comme curviligne, avec un effet plus modéré sur le QI pour une augmentation de PbS de 10 à 20 μg/dL (diminution du QI de 1,9 points) et de 20 à 30 μg/dL (diminution du QI de 1,1 points). Des résultats similaires ont été rapportés en 2008 au sein d’une cohorte de 196 enfants suivis de 6 mois à 6 ans (Jusko et al. 2008). Selon cette étude, la fonction intellectuelle à 6 ans serait inversement associée à la PbS moyenne entre 6 mois et 6 ans. Comparés aux enfants ayant une PbS moyenne < 5 μg/dL, ceux ayant une valeur comprise entre 5 et 9,9 μg/dL avaient une diminution de QI de 4,9 points. En 2009, une étude prospective conduite au Royaume-Uni et portant sur 582 enfants exposés à de faibles quantités de plomb à la naissance (94% ayant une PbS < 10 μg/dL), a rapporté une association inverse entre l’exposition postnatale précoce au plomb et la performance académique à l’âge de 7-8 ans (Chandramouli et al. 2009). Crump et ses collègues ont rapporté que, la diminution du QI associée à une augmentation donnée de la PbS serait plus grande à des plus faibles concentrations en PbS (Crump et al. 2013). L’association inverse entre la PbS et le QI resterait cependant linéaire en dessous d’une PbS de 10 μg/dL.

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Table des matières

Résumé
Abstract
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Remerciements
Avant-Propos
Introduction
Chapitre 1 : Problématique
1.1. Le plomb
1.2. Effets délétères chez les enfants de 1 à 5 ans
1.2.1.Vulnérabilité des enfants de 1 à 5 ans
1.2.2.Effets sur les différents systèmes physiologiques
1.2.2.1.Effets sur le système nerveux central
1.2.2.1.1.Troubles cognitifs, de mémoire et d’apprentissage
1.2.2.1.2.Troubles fonctionnels et comportementaux
1.2.2.2.Effets sur le système oto-rhino-laryngologique
1.2.2.3.Effets hématologiques
1.2.2.4.Effets sur les systèmes cardiovasculaire, rénal et digestif
1.2.2.5.Effets carcinogènes
1.2.2.6.Autres effets
1.3. Sources d’exposition chez les enfants de 1 à 5 ans
1.3.1.L’eau de robinet
1.3.2.Autres sources d’exposition
1.4. Plombémie chez les enfants au Canada
1.5. Absorption et toxicocinétique du plomb viii
1.5.1.Transfert du plomb de l’environnement à l’organisme
1.5.2.Toxicocinétique du plomb
1.6. Estimation prédictive de la plombémie par les modèles cinétiques
1.6.1. Mode normal du modèle IEUBK
1.6.2. Mode batchrun du modèle IEUBK
1.7. Association entre les concentrations de plomb dans l’eau et la plombémie des enfants de 1 à 5 ans
1.7.1. Études transversales
1.7.2. Études de cohorte
1.8. Influence des facteurs sociodémographiques et nutritionnels sur l’association entre l’exposition au plomb via l’eau et la plombémie des enfants de 1 à 5 ans
1.8.1. Facteurs sociodémographiques
1.8.1.1. Le groupe ethnique
1.8.1.2. L’âge
1.8.1.3. Le sexe
1.8.2.Facteurs nutritionnels
1.8.2.1. Études expérimentales
1.8.2.2. Études épidémiologiques à devis transversal
1.8.2.3. Études épidémiologiques à devis longitudinal
1.9. Résumé sur la pertinence de la thèse
Références
Chapitre 2 : Objectifs et méthodologie
2.1. Objectifs de la thèse
2.1.1. Objectifs de la thèse
2.1.2. Méthodologie générale
2.2. Méthodologie pour la revue systématique
2.2.1. Critères de sélection des études
2.2.2. Stratégies de recherche
2.2.3. Extraction des données
2.2.4. Critères de qualité des études
2.2.5. Analyses et synthèse des données collectées
2.3. Méthodologie pour l’étude faite à Montréal
2.3.1. Type d’étude, populaton cible et choix du lieu de l’étude
2.3.2. Critères de sélection et recrutement des participants
2.3.2.1. Critères de sélection
2.3.2.2. Recrutement des participants
2.3.3. Collecte des données
2.3.3.1. Données sociodémographiques
2.3.3.2. Collecte des échantillons de sang
2.3.3.3. Échantillonnage de l’eau de robinet
2.3.3.4. Échantillonnage des poussières résidentielles
2.3.3.5. Échantillonnage des peintures
2.3.4. Analyses de laboratoire
2.3.4.1. Détermination quantitative du plomb sanguin
2.3.4.2. Détermination quantitative du plomb de l’eau
2.3.4.3. Détermination quantitative du plomb des poussières
2.3.4.4. Détermination quantitative du plomb des peintures
2.3.5. Estimation quantitative des nutriments ingérés
2.3.6. Variables disponibles pour l’étude faite à Montréal
2.3.6.1. Variables sous étude pour l’objectif #2
2.3.6.2. Variables sous étude pour les objectifs #3 et #4
2.3.7. Analyses statistiques
2.3.7.1. Analyses spécifiques à l’objectif #2
2.3.7.2. Analyses spécifiques à l’objectif #3
2.3.7.3. Analyses spécifiques à l’objectif #4
2.3.7.4. Choix des covariables pour les objectifs #3 et #4 Références
Chapitre 3 : Colder-to-Warmer changes in children’s blood lead concentrations are related to previous blood lead status : results from a systematic review of prospective studies
Résumé
Abstract x
Introduction
Materials and methodology
Selection criteria
Search strategy
Data extraction
Study quality
Analysis and synthesis of collected data
Results
Description of studies
Changes in blood lead levels from colder to warmer months
Results from meta-analysis
Assessing the influence of the quality of study
Discussion and Conclusion
General discussion
Public health implication
Strengths and limitations of this review
Acknowledgements
References
Chapitre 4 : Exposure of young children to household water lead in the Montreal area (Canada) : The potential influence of winter-to-summer changes in water lead levels on Children’s blood lead concentration (Article #2).
Résumé
Abstract
Introduction
Materials and methods
General methodology
Water sampling and system information
Lead analyses
Variable under study
Statistical analysis
IEUBK modelling
Results and discussion
Characteristics of homes sampled
Water lead concentrations
Influence of seasonality on household water lead levels 5
Results from cross-sectional data
Repeated sampling results
Water temperature and lead concentration in flushed sample
Impact of seasonal changes in water lead levels on blood lead levels of young children : Results from IEUBK model
Conclusion
Acknowledgements
References
Chapitre 5 : Use of a Cumulative Exposure Index to Estimate the Impact of Tap-Water Lead Concentration on Blood Lead Levels in 1-5 Year-Old Children (Montreal, Canada) (Article #3)
Résumé
Abstract
Introduction
Methods
Population study
Data collection
Water sampling
Dust and paint sampling
Blood collection
Laboratory analyses
Estimation of cumulative water lead exposure index
Statistical analyses
Main analyses
Sensitivity analyses
Results
Sensitivity analyses
Discussion
Conclusion
References
Chapitre 6 : Joint association between the cumulative exposure to household water lead and sociodemographic characteristics and dietary micronutrients, in relation to children’s blood lead concentrations (Article #4)
Résumé
Abstract
Introduction
Materials and methods
Study participants
Data collection
Data on water lead concentrations
Data on dust and paint lead concentrations
Data on sociodemographic characteristics
Data on dietary intake
Blood collection
Definition of exposure of interest
Variables under study
Statistical analysis
Results
Discussion and conclusion
References
Chapitre 7 : Discussion
7.1. Principaux résultats
7.1.1. Revue systématique : Variations saisonnières de la plombémie chez les enfants
7.1.2. Variations saisonnières des concentrations de plomb dans l’eau
7.1.3. Association entre le plomb de l’eau et la plombémie du jeune enfant
7.1.3.1. Association prédite par le modèle toxicocinétique – IEUBK
7.1.3.2. Association observée dans notre échantillon d’enfants
7.1.4. Influence des facteurs sociodémographiques et nutritionnels
7.2. Discussion
7.2.1. Forces de l’étude
7.2.1.1. Revue systématique
7.2.1.2. Étude effectuée à Montréal
7.2.2. Limites de l’étude
7.2.2.1. Revue systématique
7.2.2.2. Étude effectuée à Montréal
7.2.3. Comparaison des résultats de l’étude à ceux de la littérature
7.2.3.1. Variations saisonnières des concentrations de plomb dans l’eau
7.2.3.2. Association entre le plomb de l’eau et la plombémie
7.2.3.3. Influence des facteurs sociodémographiques et nutritionnels
7.2.4. Interprétation des résultats
7.2.4.1. Revue systématique : Variation saisonnières de la plombémie
7.2.4.2. Variations saisonnières des concentrations de plomb dans l’eau et influence sur la plombémie des enfants
7.2.4.3. Influence des facteurs sociodémographiques et nutritionnels
7.3. Perspectives pour la recherche
Conclusions
Références
Annexes et matériels supplémentaires
Annexe 1 : Questionnaire environnemental
Annexe 2 : Questionnaire santé
Matériels supplémantaires pour l’article #1
Matériels supplémantaires pour l’article #2
Matériels supplémantaires pour l’article #3

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