Aborder la poésie par son rapport à la musique et par la production d’écrit

Peut-on définir la poésie ?

Qu’est-ce que la poésie ? Il est bien difficile de poser une définition unique de la poésie tant ses formes sont multiples et en perpétuelle évolution (J-M. Gleize, A noir. Poésie et littéralité; cité par H. Marchal, 2007, p.42 ; J-P. Siméon, 2014). Revenons tout d’abord à l’étymologie de ce mot. Poésieest issue du grec poeien, qui signifie « faire », « créer ». Ainsi, pour J-P. Siméon (2012), un poète est un compositeur qui crée à partir de la langue. Il ajoute que la poésie a deux enjeux principaux : bouleverser la langue et questionner notre rapport au monde.
Dans La poésie, livre de H. Marchal où il tente de définir celle-ci, on trouve une citation de T.S. Eliot confirmant ce premier enjeu : « Le poète […] ; c’est au langageque va son premier devoir, d’abord pour le préserver, puis pour l’étendre et l’améliorer. » (T.S. Eliot, 1957, On Poetry and Poets ; cité par H. Marchal, 2007, p.18.) Ainsi la poésie a un rôle mnémotechnique, mais aussi une dimension novatrice avec cet écart à la norme du langage (H. Marchal, 2007). En effet, un texte poétique est la rencontre d’un jeu sonore et d’un jeu sémantique. H. Marchal précise que« cette tension entre forme et message a pu conduire à associer la poésie à un “primat du signifiant” » (2007, p.33). Il ajoute que cela entraine parfois une résistance à la compréhension qui induit une réception sensorielle et non plus interprétative. J-P. Siméon le pense aussi : « ce qui est poésie dans un poème, c’est ce qui n’est pas immédiatement compréhensible. » (2012, p.67.) C’est cette attention au signifiant qui transforme le langage, le bouleverse.
Le second enjeu développé par J-P. Siméon (2012 ; 2014) est que la poésie est là pour interroger, faire écho à la complexité du monde. Il explique que les poèmes abordent des questions fondatrices, universelles et insolubles de la vie. Dans La vitamine P. La poésie, pourquoi, pour qui, comment ?, il résume cette idée ainsi : « Tous les poèmes du monde entier […] parlent de la même chose : de notre humanité mise à nue. » (2012, p.39.) G. Jean le rejoint sur ce point en énonçant que « la langue procède à sa propre découverte de l’être et de l’univers par [d]es jeux de mots » (1978, 3min56) », ces jeux étant le fondement de la poésie. J- P. Siméon précise également que ce questionnement concerne tout le monde et que ce serait une erreur que de penser que la complexité ne fait pas partie de la vie d’un enfant, qu’il ne se pose pas de questions complexes (2014). « L’enfant sait bien où est son grand questionnement et la poésie l’accompagne dans ce parcours. » (J-P. Siméon, 2012, p.52.)
Lorsque que l’on nous demande de définir la poésie, nous pensons assez rapidement à la caractéristique de la rime. D’après R. Jakobson, celle-ci « repose par définition sur la récurrence régulière de phonèmes » (2003, p.233). Mais si l’on prend uniquement le point de vue du son, ce serait une simplification qui oublie les relations sémantiques. En effet, la rime regroupe nécessairement le son et le sens. C’est d’ailleurs ce qui peut différencier la poésie du langage référentiel, porté lui davantage sur le contexte que sur le message. R. Jakobson explique que « dans le langage référentiel, le lien entre le signifiant et le signifié est […] un lien de contigüité codifiée » (2003, p.240). Il précise que pour communiquer, nous sélectionnons des mots, sur la base de l’équivalence sémantique puis nous les combinons, c’est-à-dire que nous construisons la séquence (par exemple une phrase) en se servant de la contigüité. La fonction poétique, elle, utilise l’équivalence sonore des mots pour faire la combinaison. P. Valéry le résume ainsi : « Le poème, hésitation prolongée entre le son et le sens. » (P. Valéry, Tel quel II Rhumbs ; cité par R. Jakobson, 2003, p.233.) Un texte poétique travaille donc sur la matérialité sonore. Il est à noter que la poésie est souvent rapprochée « de la musique, en tant qu’art des sons » (H. Marchal, 2007, p.32). Par son rapport à l’oralité, elle est donc comparée à la chanson (Éduscol, 2010 ; R. Jakobson, 2003 ; J-P. Siméon, 2012).
Finalement, nombreux sont ceux qui s’accordent à dire que la poésie est une nouvelle manière de s’exprimer mais qui utilise le langage commun (A. Borer ; cité par Éduscol, 2010, p.1 ; R. Jakobson, 2003, H. Marchal, 2007 ; J-P. Siméon, 2012 ; 2014). Selon la formule deJ- P. Siméon, « l’utopie de la langue, c’est la poésie » (2014, 3min16), où utopie désigne unlieu qui n’existe pas. Il explique que les poètes amènent la langue là où elle n’est pas d’habitude. Je citerai pour conclure J-P. Siméon : « la poésie ne se laisse pas enfermer dans une définition et c’est là toute sa richesse. » (2012, p.149.) Elle a des enjeux forts comme transformer la langue et interroger le monde ; elle se présente sous différentes formes et joue souvent sur les sons et les sens. Comment cette richesse est-elle abordée à l’école ? C’est ce à quoi nous nous intéressons dans la suite de ce travail.

Quelle est sa place à l’école ?

La pratique artistique de manière générale, et plus particulièrement la poésie, ne se justifie à l’école que par la conviction « qu’elle a un effet profond et durable sur l’individu » (J-P. Siméon, 2012, p.117). En essayant de la définir, nous avons aperçu la richesse de la poésie. « [Elle] est un instrument de savoir » (J-P. Siméon, 2013, p.7) et participe donc à l’acquisition de nombreuses compétences. À ce propos, dans la revue Chantiers Formations & Pratiques, il est développé les possibilités qu’offrent la lecture et l’écriture de poésie pour l’épanouissement des enfants. Cela aide par exemple à comprendre le monde ou à trouver un sens à la vie (D. Mabon, 2003). La poésie participe également à l’enseignement du français. Elle permet d’aborder le langage autrement que dans une dimension utilitaire (Éduscol, 2010). « Dire/lire/écrire ne suffit pas ; il faut dire/lire/écrire quelque chose ! » (P. Sève, 2013, p.27.) Enfin, elle est intéressante pour elle-même, en tant qu’objet de l’éducation artistique. En effet, l’art et la poésie permettent une ouverture au monde et luttent contre les pensées toutes faites.
Ils participent à l’enrichissement d’une culture commune et à la formation du citoyen (Éduscol, 2010 ; M. Perraudeau, 1994). J. Charpentreau déclare, dans la préface de Poèmes pour les jeunes du temps présent, que « [la poésie] renouvelle sans cesse l’alliance du monde et de la jeunesse » (1975, p.8).
Ainsi, consciente des apports de la poésie pour les élèves, l’Éducation Nationale lui accorde sa place dans les programmes. Depuis 2002, « [la poésie] fait […] partie intégrante de la littérature » (F. Dachet, 2005, p.1). Les instructions préconisent d’approcher la langue poétique de manière transversale aux autres enseignements ; elle apparait dans différentes matières, comme la maitrise de la langue, les activités graphiques et l’éducation artistique. En 2008, la pratique de la récitation est présentée comme utile pour le langage oral, écrit et la formation d’une culture et d’une sensibilité littéraire (MEN, 2008). Dans les programmes de 2016, les « poèmes et jeux poétiques » sont mentionnés en exemple pour travailler la compétence « mise en œuvre (guidée puis autonome) d’une démarche de production de texte » (MEN, 2016). L’enseignement de la poésie participe également à l’acquisition du domaine 1, « les langages pour penser et communiquer », du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, en développant les compétences « comprendre, s’exprimer en utilisant la langue française à l’oral et à l’écrit » et « comprendre, s’exprimer en utilisant les langages des arts et du corps. » Les domaines 3, « la formation de la personne et du citoyen », et 5, « les représentations du monde et de l’activité humaine », sont eux aussi travaillés (MEN, 2016). « Si la mission de l’école est de former des adultes accomplis et des citoyens responsables, leurs savoirs sur la langue et leurs habiletés langagières doivent être au service de leur parole. » (P. Sève, 2013, p.27.) La parole, par exemple au travers de la poésie, ne peut être libérée que si des savoirs sur la langue sont acquis. On voit ainsi l’importance des liens entre l’enseignement du lire/écrire et celui de la poésie.
Officiellement, la place de la poésie est reconnue, au travers notamment de ressources mises à disposition des enseignants (par exemple le dossier, La poésie à l’école, disponible sur Éduscol). Mais qu’en est-il dans la réalité ? J-P. Siméon se préoccupe de la pédagogie actuelle de la poésie (2012). D’une part, il trouve qu’elle se restreint aux exercices de récitation à l’école primaire, puis d’explication de texte dans le secondaire. En 1978, G. Jean s’inquiétait lui aussi. Dans l’émission, Les 24 jeudis. Débat sur les jeux poétiques, il explique que les théoriciens de la poésie se sont battus afin que la poésie ne se restreigne pas à la récitation. Cette activité de la récitation, très présente encore dans les classes, ne permet pas aux élèves de découvrir la poésie dans sa totalité (Éduscol 2010 ; J-P. Siméon, 2012). De plus, elle a de nombreux inconvénients qui risquent d’autant plus de détourner les élèves de cet art.
En effet, dans le chapitre 2, partie 3, de son livre La vitamine P. La poésie, pourquoi, pour qui, comment ?(2012), J-P. Siméon énonce et développe les contraintes liées à cet exercice : affronter un public, maitriser la respiration, utiliser la gestuelle et la voix, mémoriser le texte, utiliser les ressources de son corps pour l’articulation ou l’intonation. Ce sont néanmoins des compétences à travailler qui font de la récitation un exercice intéressant. Ainsi, « la récitation, sans qu’on en exclue la pratique, ne peut constituer une approche privilégiée et, encore moins, exclusive de la poésie » (Éduscol, 2010, p.9). D’autre part, en plus de ces approches restrictives, J-P. Siméon déplore un corpus proposé aux élèves souvent limité. Pourtant, « la diversité de l’offre présente cet avantage qu’elle est susceptible de rencontrer la diversité des enfants, de leurs sensibilités, de leurs aspirations et de leurs besoin » (Éduscol, 2010, p.4). Il faut donc s’ouvrir à la poésie sous toutes ses formes et tous ses thèmes, s’en se restreindre à l’enfantin, à ce qu’on considère comme acceptable pour des enfants (J. Jolibert, C. Sraiki, L. Herbeaux,1992 ; J-P. Siméon, 2012).
Parallèlement, l’enseignement de la poésie semble poser problème aux enseignants qui ne s’y sentent pas à l’aise et la laisse ainsi souvent de côté. Sachant que « 1 % du lectorat lit régulièrement de la poésie » (Le printemps des poètes, 2016, p.4), rares sont les enseignants qui pratiquent la poésie pour eux-mêmes. En outre, G. Jean disait « qu’on enseigne beaucoup plus ce que l’on est que ce que l’on sait. Or la pratique de la poésie et du jeu poétique, ça passe par le faire et quand on n’a pas senti la résistance du matériau on [ne] peut absolument pas essayer de le transmettre » (1978, 10min38). Il est alors compréhensible que les enseignants qui ont eu une expérience réduite de la poésie dans leur scolarité, et dans leur vie en général, soient en difficulté face à cet enseignement.

Aborder la poésie par son rapport à la musique et par la production d’écrit – problématique

Pour résumer cette analyse, si la poésie a toujours fait partie du langage, elle semble aujourd’hui réservée à une élite et inaccessible. Peu de personnes en lisent, la considérant comme incompréhensible ou inutile ; les enseignants ne s’y sentent pas à l’aise et limitent souvent les activités en classe à la récitation dans le premier degré.
La poésie est certes difficile à définir mais cela ne limite en rien sa richesse. Parmi toutes ses caractéristiques, un de ses aspects est de jouer avec les mots et leur sonorité. En tant qu’art du son, elle se rapproche ainsi de la musique. En se focalisant sur le signifiant et non plus le signifié, sur le message en tant que tel, elle tient une place bien particulière dans le langage. De plus, la rencontre avec celle-ci semble une nécessité pour découvrir notre monde et s’y ouvrir. Elle présente de cette manière de nombreux avantages.
L’importance de sa place à l’école est donc maintenant affirmée par des poètes et par l’Éducation Nationale, et de nombreuses activités pour mettre en place son enseignement sont proposées. L’écriture est une approche parmi d’autres. Mais des élèves en cycle 2, qui découvrent l’écriture en tant que geste graphique d’abord puis en tant qu’expression, sont souvent en difficultés face à de tels exercices. Cette résistance est d’abord due à l’exigence de la maitrise du code mais aussi à un blocage de l’imagination. Comment surmonter cet obstacle à la création ? Les ateliers d’écriture semblent permettre un accès privilégié à l’écrit. Ils se développent sous différentes formes et s’avèrent propices à la création et à la production d’écrits.
Faire découvrir à des élèves la poésie dans toute sa richesse semble compliqué sur un temps court. Sur quel aspect se focaliser et comment le faire ? D’une part, le côté musical est souvent motivant pour des élèves. En lien avec la sonorité des mots, nous pouvons donc nous diriger vers un travail sur les rimes. De plus, la qualité d’un poème étant quelque chose de très subjectif, je me suis demandé comment l’évaluer. La notion de rime a l’avantage d’être un critère objectif, malgré les limites que cela induit quant à la définition de la poésie. D’autre part, l’écriture est importante pour de jeunes élèves mais elle pose bien souvent des difficultés. Les ateliers d’écriture peuvent donc être une approche cadrée qui permet la création. J’ai choisi d’en mener un quipermettra aux élèves de découvrir le principe de la rime puis de se l’approprier à travers des activités vocales notamment, pour enfin écrire un poème avec des phrases qui riment. Finalement, je me suis posé la question du réinvestissement. Dans quelle mesure un atelier d’écriture lié à la musicalité des rimes peut-il susciter des productions de poèmes spontanées d’élèves de CE1, du point de vue quantitatif et qualitatif ?
Je fais l’hypothèse que vivre un atelier d’écriture de poèmes sur les rimes, incluant une approche musicale des mots, est en corrélation avec l’augmentation chez les élèves de l’envie de produire des poèmes et avec le fait que ces productions intègrent davantage d’éléments sonores caractéristiques, comme des rimes ou des répétitions de sons

Méthode

J’ai choisi d’effectuer une recherche corrélationnelle, c’est à dire de tenter de découvrir des covariations ou des associations de phénomènes. Mon but était donc d’établir comment un phénomène est lié à un autre ; vivre un atelier d’écriture et produire spontanément des poèmes.
Je n’ai pas souhaité réaliser une recherche expérimentale, qui montre comment un phénomène en cause un autre, car il aurait fallu pour cela définir un groupe de comparaison. Or, étant convaincue des apports potentiels de mon activité, je ne souhaitais pas en priver une partie de mes élèves.

Qui sont les participants ?

Mon école se trouve dans la commune de Villard-de-Lans, zone la plus développée économiquement et démographiquement du massif du Vercors. Ma classe fait partie d’un groupe scolaire réunissant école maternelle et élémentaire. Il représente un ensemble de 17 classes (dont 12 en élémentaire) pour environ 430 enfants (dont 296 en élémentaire).
Cette étude a porté sur une classe de 28 élèves de CE1. Ils ont donc tous entre sept et huit ans. L’effectif est réparti en 10 filles et 18 garçons. Par ailleurs, un élève de la classe bénéficie de 9 heures par semaine avec un AESH (Accompagnant des En Situation de Handicap).
Il y a deux enseignantes à mi-temps sur cette classe ; j’assure les jeudis et vendredis ainsi qu’un mercredi sur deux. Sur le temps de l’expérimentation, l’autre enseignante a été remplacée toute la durée de la période 4, c’est-à-dire les semaines 10 à 15. L’enseignante qui partage habituellement la classe avec moi était au courant de mes actions autour de la poésie et des dispositifs mis en place, alors que sa remplaçante non.

Que leur faisons-nous faire ? – procédure et matériel

Depuis septembre, j’ai abordé la poésie dans ma classe de manière très succincte, à travers l’apprentissage et la récitation de trois poèmes, un pour chaque saison. En période 4, j’ai également fait découvrir un virelangue par semaine aux élèves. Ces phrases qui jouent avec les sonorités des mots leur plaisent beaucoup. Après plusieurs écoutes, ils devaient essayer d’en comprendre le sens puis de le répéter sans erreur. Plus tard, ils recopiaient cette phrase dans leur cahier du jour. Les virelangues découverts sont présentés dans l’annexe 1. Mon étude a débuté le mercredi 8 février, en semaine 6, avec la lecture de quelques pensées d’un écrivain, que la classe sera par ailleurs amenée à rencontrer. Cette lecture a eu lieu au cours d’une activité régulière du mercredi matin : lecture offerte par l’enseignante. Les textes ont été tirés au hasard dans le recueil Pensées sauvages pour enfants cultivés, de Franck Prévot, 2011, éditions l’Édune. Ils sont en annexe 1.
Le même jour, j’ai mis en place une boite à poèmes. Il s’agit d’une boite de céréales recouverte de papier blanc, du mot « Poème » et d’images de plume et d’encrier. J’ai donné une consigne très ouverte aux élèves, leur proposant une boite dans laquelle ils pourraient mettre des poèmes inventés. J’ai indiqué les temps où les élèves pourraient faire ces écrits : temps libre (lorsqu’ils terminent une activité avant les autres par exemple), temps de la lecture offerte, à la maison (à condition de le faire seul). J’ai également expliqué qu’on lirait à la classe les poèmes de ceux qui le souhaitaient ; pour cela, ils devraient indiquer « à lire » ou « à ne pas lire » sur leurs productions, ainsi que leur prénom. Des questions ont émergé et j’ai autorisé le mélange entre des choses existantes et d’autres inventées. Cette boite a été accrochée à un mur de la classe (à l’aide de pastilles adhésives), en face et à hauteur des enfants. J’ai également fixé une pochette transparente contenant des feuilles blanches en format A5 ainsi que deux papiers avec le modèle d’écriture pour « à lire » et « à ne pas lire ». Il a fallu veiller à réapprovisionner la réserve en feuilles blanches.
Chaque semaine, j’ai recueilli les poèmes spontanés des élèves dans la boite. Un temps était réservé dans l’emploi du temps pour lire les poèmes des élèves qui le souhaitaient, lecture effectuée par eux-mêmes ou l’enseignante (selon leur envie et/ou le temps disponible). La lecture des poèmes n’a pas toujours été faite de manière régulière en raison des contraintes et imprévus de la vie de classe. Ainsi, la première lecture de leurs productions a eu lieu en semaine 10, les vacances de février ajoutant à cet écart. Pour les semaines 11 et 12, la lecture a eu lieu le vendredi soir, mais celle prévue en semaine 13 a été reportée en fin de semaine 14, avec les poèmes de cette semaine-là. Les poèmes de la semaine 15 ont été lus avant le départ en vacances, mais par l’enseignante par manque de temps.
Le mercredi 5 mars (semaine 14), j’ai fait vivre à mes élèves un atelier d’écriture. Le lendemain, un temps a été consacré pour expliquer le travail de la veille aux absents et leur permettre de rattraper un peu l’activité, ainsi qu’à quelques élèves qui avaient eu des difficultés. Plus tard, la suite de l’atelier a ainsi pu être suivie par toute la classe. La fiche de préparation est en annexe 2.
Cet atelier a pour objectif que chaque participant écrive un poème. Il permet également de découvrir une caractéristique de nombreuses poésies : la rime. Il se déroule en trois grandes parties.
La première débute par une réflexion autour du poème et de sa définition. Ma classe a formulé ainsi ce qu’est un poème : « C’est une petite poésie, avec des phrases qui riment et qui nous font plaisir ». Les élèves cherchent ensuite des mots qui riment avec leur prénom et les inscrivent sur leur ardoise. Puis, à partir d’un corpus créé avec les poèmes et chants appris depuis le début de l’année (présenté en annexe 1), la classe réalise une banque de mots, regroupés en fonction de leur rime. Celle faite avec mes élèves est en annexe 3.
La deuxième partie commence par une appropriation de ces mots, en jouant avec leur sonorité. Les élèves prononcent tous les mots d’une liste en y mettant un caractère (ex. : joie, colère). En amont, l’enseignante aura montré comment varier les paramètres du son (hauteur, intensité, durée) et fait quelques exemples. La fin de cette partie clôture également la première. Les élèves reprennent leur ardoise où sont inscrits leur prénom et trois mots rimant avec. Ils doivent alors écrire sur un papier ½ A5 distribué deux phrases avec ces mots à la fin, de sorte que les phrases riment.
La troisième partie débute elle aussi par l’appropriation de la banque de mots. Sous forme de jeu, pour chaque groupe de mots qui riment, les élèves proposent un chant (étudié dans l’année) à l’enseignante. Celle-ci chante alors la liste de mots sur la mélodie imposée. S’en suit un travail de répétitions par les élèves, comme pour l’apprentissage d’un nouveau chant.
Ensuite, chaque élève choisi un son, qui représente le groupe de mots se terminant par ce son.
Il doit écrire (sur une feuille ½ A5 distribuée) deux phrases qui se terminent par un mot de ce groupe. Finalement, chaque élève a rédigé quatre phrases. Ils doivent les numéroter de 1 à 4 dans l’ordre qu’ils souhaitent pour avoir leur poème final. En annexe 4, les poèmes produits lors de l’atelier par les élèves n°1, 2, 8 et 11 sont présentés.

Résultats

L’hypothèse de mon travail est donc que suite à un atelier d’écriture de poèmes sur les rimes, incluant une approche musicale des mots, les productions spontanées des élèves se retrouvent influencées quantitativement et qualitativement. Plus précisément, je pense que la quantité de poèmes produits par chaque élève sera plus importante suite à l’atelier d’écriture. De plus, je suppose que les productions post-atelier comporteront davantage de rimes et/ou de répétitions de sons.

La quantité

Pour le critère de quantité, j’ai relevé les poèmes de la boite chaque semaine. J’ai compté le nombre total de poèmes par semaine, pour la classe et par élève. Cependant, le nombre de jours de présence à l’école a pu varier selon les semaines. En effet, l’action a débuté un mercredi donc la première semaine ne comportait que trois jours. Puis suite à diverses activités (ski et cinéma) et absences d’enseignants (problème d’organisation des remplacements), d’autres semaines ont été raccourcies. En ramenant le nombre de poèmes par semaine, comme si elles comportaient toutes cinq jours, on obtient la figure 1.
On y voit un très grand nombre de poèmes produits lors de la semaine de lancement. Les élèves en ont écrit 24 en trois jours, ce qui ferait 40 s’il y avait eu cinq jours de présence à l’école (24/3*5=40). Pendant la deuxième semaine, il y a 12 poèmes produits en cinq jours. Il y a ensuite deux semaines qui n’apparaissent pas sur l’axe des x de la figure 1 car il s’agit des vacances scolaires. A la rentrée, en semaine 10, un seul poème est déposé dans la boite sur les quatre jours passés à l’école (1,25 poème si la semaine est rapportée à cinq jours). Les semaines 11, 12 et 13 sont assez analogues car, si on considère qu’elles se composent de cinq jours d’école chacune, on a 5 à 7 productions pour la classe. En semaine 14, l’atelier d’écriture a eu lieu les mercredi et jeudi. Chaque élève a donc écrit un poème à cette occasion. De plus, il y a eu 9 productions spontanées dans la boite. En semaine 15, c’est 11 poèmes qui ont été écrits par les élèves.
Ainsi, si nous comparons le nombre total de poèmes produits avant ou après l’atelier, en prenant en compte le nombre de jours de présence à l’école, on obtient une moyenne de 1,86 poème par jour avant l’atelier pour 2,5 poèmes par jour après l’atelier. En effet, sur les vingt-huit jours précédant l’atelier, il y a eu 52 productions dans la classe, tandis qu’après, 20 poèmes ont été écrits en huit jours (trois jours en semaine 14 et cinq en semaine 15). Par ailleurs, nous pouvons observer que les données obtenues au début du lancement de l’action sont très disproportionnées du reste des résultats. Il y a une différence de plus de 28 productions entre la semaine 6 et toutes les autres (si on considère qu’elles sont toutes constituées de cinq jours). Pour pallier l’effet de cet écart, j’ai refait les calculs sans prendre en compte la semaine de lancement (numéro 6). On trouve une moyenne de 1,12 poème par jour avant l’atelier pour toujours 2,5 poèmes par jour après l’atelier.
Cependant, ces données concernent la classe dans son ensemble et ne donnent pas d’informations sur la production de chaque élève. La figure 2 rend compte du nombre de poèmes produits en moyenne en une semaine par chaque élève, avant et après l’atelier d’écriture. Les élèves sont représentés par un numéro (la place de leur prénom dans l’ordre alphabétique) le long de l’axe des x.

Discussion

Mon étude cherche à définir dans quelle mesure un atelier d’écriture lié à la musicalité des rimes peut susciter des productions de poèmes spontanées d’élèves de CE1, du point de vue quantitatif et qualitatif. J’ai pour cela mis en place dans ma classe un dispositif pour que les élèves puissent écrire spontanément : la boite à poèmes. De plus, j’ai fait vivre à mes élèves un atelier d’écriture où ils ont découvert la notion de rimes, où ils ont joué avec la sonorité des mots et où ils ont tous produit un poème. L’hypothèse avancée était que le fait de vivre un tel atelier d’écriture est en corrélation avec l’augmentation chez les élèves de l’envie de produire des poèmes et avec le fait que ces productions intègrent davantage d’éléments sonores caractéristiques, comme des rimes ou des répétitions de sons. En analysant les résultats, j’ai pu remarquer quela quantité de poèmes produits spontanément par les élèves augmente dans les semaines qui suivent l’atelier pour la majorité des élèves. Cependant, la qualité des productions post-atelier ne semble pas meilleure, du point de vue des rimes et des répétitions de sons.
Nous allons essayer de comprendre ces résultats au vu des données de la littérature, d’établir les limites du dispositif mis en place et de proposer des modifications ou prolongements afin d’enrichir ce travail.

Des leviers et obstacles à la progression des élèves – interprétation

Du point de vue de la quantité de poèmes produits spontanément par les élèves, dans la partie résultat on note qu’elle a augmenté dans les semaines suivant l’atelier. Cependant, elle n’a jamais été aussi importante lors de la semaine de lancement. Cette différence vient probablement de l’effet d’enthousiasme dû à la nouveauté. Pendant la semaine suivante (la numéro 7), il y a eu moins de poèmes dans la boite mais tout de même un nombre au-dessus de la moyenne. L’enthousiasme était certainement moins présent ; la lecture des productions n’ayant de plus pas eu lieu comme prévu, elle n’a pas permis une émulation. On constate également qu’en semaine 10, après les vacances scolaires, il n’y a qu’un seul poème déposé.
On peut supposer que les élèves avaient besoin de se remettre dans le rythme scolaire et de se souvenir de l’existence de cette boite. Ils devaient également prendre leurs marques avec la remplaçante en début de semaine.
Du point de vue de la qualité cette fois, les résultats montrent que certains élèves ont commencé à s’approprier des éléments de l’atelier pour les réutiliser dans leur productions personnelles. Ils jouent davantage avec les sonorités des mots. Cela vient peut-être également de la rencontre hebdomadaire avec un virelangue. Cependant, les élèves pour qui on peut noter un changement significatif entre leurs productions faites avant l’atelier et celles réalisées après sont peu nombreux. Nous pouvons présumer le fait que vivre un seul atelier d’écriture n’est pas suffisant pour qu’ils réinvestissent les éléments travaillés. Je pense que les élèves ont pu progresser dans leur rapport à la poésie grâce à divers facteurs. En premier lieu, la boite à poème ne les obligeait à rien. C’était simplement par plaisir qu’ils pouvaient participer, sans bonne réponse ou résultat attendu. Parallèlement, ce moment informel devait cohabiter avec des activités plus structurées, comme nous l’avons vu en première partie (J. Jolibert et al., 1992). Ainsi, en deuxième lieu, les jeux poétiques contraignants pratiqués lors de l’atelier ont certainement aidé à changer le rapport des élèves aux mots. Les différents auteurs de la première partie, comme G. Jean et J-P. Siméon, insistaient effectivement sur l’importance de pratiquer de tels jeux. Nous avons vu qu’un atelier d’écriture peut permettre de rendre l’écriture plus accessible. Comme l’expliquait M. Perraudeau, la motivation est renouvelée et l’imagination est débloquée. En troisième lieu, le fait d’aborderla poésie à travers un autre art, la musique, a pu donner la possibilité aux élèves de considérer les mots pour leur sonorité et non plus leur sens. La découverte de virelangues a elle-aussi probablement participé à ce changement.
Ainsi, ces différentes approches ont permis aux élèves de produire davantage de poèmes et parfois d’y intégrer des éléments sonores caractéristiques. Malgré ces améliorations non négligeables, des éléments ont pu empêcher les élèves de progresser. Dans un premier temps, J-P. Siméon recommandait de pratiquer des activités variées et nombreuses, autour de la lecture et de l’écriture de poèmes. Ainsi, un seul atelier d’écriture n’a sûrement pas suffit pour que les élèves se familiarisent avec la poésie. De la même manière, les temps dédiés à l’écriture de poèmes étaient assez courts et ne permettaient pas aux élèves de s’appliquer ; l’écriture d’un poème se faisant habituellement sur un temps plus long qu’entre deux activités. Dans un second temps, nous avons vu qu’écrire était un nouvel apprentissage pour des élèves de CE1. M. Perreaudau et le groupe de recherche d’Écouen (J. Jolibert et al., 1992) rappelaient qu’écrire est un acte de communication où il est nécessaire de considérer le destinataire. Un apprentissage est donc indispensable. De plus, les élèves acquièrent de nouvelles connaissances langagières tout au long de l’année. Il est arrivé qu’ils soient tellement absorbés par l’acte graphique par exemple, qu’ils ne réussissaient plus à se concentrer sur autre chose. Ainsi, il leur est sûrement difficile de s’approprier la langue pour composer avec, comme le fait un poète (J-P. Siméon, 2012). Dans le dispositif mis en place, le manque de temps dédié à l’écriture et aux jeux poétiques ainsi que les apprentissages en construction au niveau de l’écriture chez les élèves ne leur ont pas permis de progresser dans leur rapport à la poésie autant qu’ils auraient pu. Nous allons maintenant voir les changements et prolongations qui auraient pu s’avérer efficaces.

Vers une découverte de la poésie sur la durée et par la diversité -prolongements

Afin d’améliorer mon action, différents axes auraient pu être développés au sein de ce que j’ai proposé.
Tout d’abord, le temps imparti pour l’écriture spontanée devrait être plus important pour permettre aux élèves de revenir sur leur poèmes. De la même manière, un travail sur l’orthographe pourrait être mené avec eux pour les aider à améliorer leurs productions, dans la perspective de les partager. Il y a tout un travail d’apprentissage de l’écrit à renforcer, avec également des réflexions sur ses liens avec l’oral. En effet, le langage est aussi bien oral qu’écrit et mon atelier d’écriture joue sur les deux, sans en expliciter les différences et points communs, le passage de l’un à l’autre.
Un deuxième axe serait de travailler sur la continuité. Il serait avantageux de mener plusieurs ateliers afin que les élèves s’approprient les différents jeux et stratégies d’écriture, et observer ainsi l’évolution de leur productions. Quant au contenu des ateliers, il faut qu’il soit diversifié.
En gardant le lien avec la musique, il serait intéressant de travailler la poésie au sens du rythme des phrases et des mots par exemple.
Le dernier axe qui pourrait être développé est celui des émotions. Je n’ai pas pu relever les réactions des élèves lors des lectures des poèmes de la boite. Elles étaient cependant nombreuses (rire, surprise, intervention,…) et auraient pu être utiles à analyser. Ainsi, un dernier critère aurait pu ressortir : la confiance en eux des élèves. Elle est difficile à mesurer mais la mention « à lire » ou « à ne pas lire » inscrite sur les poèmes spontanés peut en donner un aperçu. En effet, le fait qu’un élève ne souhaite pas que son poème soit lu devant la classe montre qu’il appréhende le regard des autres. Nous aurions peut-être pu identifier des corrélations entre l’envie d’écrire d’un élève, la mention « à lire » ou « à ne pas lire » inscrite sur ses poèmes et les réactions de ses camarades.
Ces points seraient donc à développer dans le cadre de ce que j’ai mis en place. En outre, de nombreuses activités pourraient avoir lieu en parallèle.

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Table des matières
1. Introduction
2. Partie théorique
2.1. Mais qu’est-ce que la poésie ? – état de l’art
2.1.1. Qu’est-ce que le langage ?
2.1.2. Peut-on définir la poésie ?
2.1.3. Quelle est sa place à l’école ?
2.1.4. Quelles propositions d’enseignement ?
2.2. Aborder la poésie par son rapport à la musique et par la production d’écrit – problématique
3. Méthode
3.1. Qui sont les participants ?
3.2. Que leur faisons-nous faire ? – procédure et matériel
3.3. Comment en mesurer les effets ? – choix des critères d’analyse
4. Résultats
4.1. La quantité
4.2. La qualité
5. Discussion
5.1. Des leviers et obstacles à la progression des élèves – interprétation
5.2. Vers une découverte de la poésie sur la durée et par la diversité – prolongements
5.3. La poésie pour mes élèves et moi-même – conclusion
6. Bibliographie
7. Annexes

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